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Une agence de crédit est autorisée à se prévaloir de l’exemption au consentement pour communiquer des renseignements sur le crédit à Statistique Canada

Conclusions en vertu de la LPRPDE no 2019-007

Le 9 décembre 2019

Plainte

  1. Le plaignant allègue que Trans Union of Canada, Inc. (TransUnion) aurait communiqué des renseignements sur son dossier de crédit à Statistique Canada sans avoir obtenu le consentement requis. De plus, il allègue que Statistique Canada aurait par la suite communiqué des renseignements sur son dossier de crédit à d’autres institutions gouvernementales et que ces renseignements auraient été utilisés pour entamer des procédures de recouvrement de dettes contre lui.

Résumé de l’enquête

Contexte

  1. Le plaignant est un consommateur dont les renseignements personnels et les antécédents en matière de crédit sont détenus par TransUnion, une agence d’évaluation du crédit à la consommation. Le plaignant a obtenu son dossier de crédit auprès de l’intimée et a découvert que Statistique Canada a demandé des renseignements sur son dossier le 1er janvier 2018 et le 24 septembre 2018.
  2. Environ deux mois après la première demande de renseignements, le plaignant a commencé à recevoir des appels d’une agence de recouvrement pour recouvrer une dette au titre d’un prêt étudiant impayé qu’il avait contracté auprès du gouvernement du Canada 24 ans auparavant. Il allègue que l’agence aurait également communiqué avec ses parents pour faire pression sur lui afin qu’il règle sa dette. Il mentionne que le numéro de téléphone de ses parents figure dans son dossier de crédit chez TransUnion. Le plaignant croit que Statistique Canada a communiqué des renseignements sur son dossier de crédit à d’autres institutions gouvernementales et que ces renseignements ont ensuite été utilisés pour entamer les procédures de recouvrement de dettes.
  3. Le plaignant a communiqué avec l’intimée et s’est dit préoccupé par la communication de ses renseignements personnels à Statistique Canada. Il a affirmé qu’il déposerait une plainte auprès du Commissariat. En réponse, l’intimée a indiqué avoir fourni à Statistique Canada des données administratives sur les consommateurs, au titre de la Loi sur la statistiqueNote de bas de page 1:

    Pour réduire les coûts et éviter de recueillir des renseignements déjà disponibles, Statistique Canada utilise des données administratives dans le but d’améliorer les statistiques sociales et économiques.

    À cette fin, TransUnion fournit à Statistique Canada des données administratives sur les consommateurs, au titre de la Loi sur la statistique. Les données administratives obtenues de TransUnion ne seront jamais utilisées à aucune autre fin que de produire des statistiques consolidées. Statistique Canada ne passe pas en revue les antécédents de crédit des Canadiens ni n’effectue de vérification de leur solvabilité. L’utilisation que fait Statistique Canada des renseignements de TransUnion n’aura aucune incidence sur la cote de solvabilité d’aucun Canadien.

    Tout renseignement recueilli, stocké ou utilisé par Statistique Canada est protégé par les dispositions en matière de confidentialité prévues par la Loi sur la statistique et la Loi sur la protection des renseignements personnels.

    [traduction]

  4. Le plaignant n’était pas satisfait et a déposé une plainte auprès du Commissariat dans laquelle il allègue que l’intimée aurait communiqué ses renseignements personnels à Statistique Canada sans avoir obtenu le consentement requis et que ces renseignements auraient par la suite été utilisés pour recouvrer une dette qu’il avait contractée.

Observations fournies par l’intimée au Commissariat

  1. L’intimée a fourni au Commissariat une lettre de Statistique Canada datée du 28 mars 2017, qui lui demandait de fournir des renseignements sur la solvabilité de consommateurs. La demande a été faite dans le cadre du projet de renseignements sur le crédit de Statistique Canada, qui avait pour but de générer des statistiques sur les niveaux d’endettement des ménages, entre autres sujets. Dans la lettre, Statistique Canada affirmait ce qui suit :

    La coopération continue des répondants de notre enquête et des fournisseurs de données, comme votre organisation, permet à Statistique Canada de remplir son mandat de recueillir, compiler, analyser, dépouiller et publier des renseignements statistiques sur les activités commerciales, industrielles, financières, sociales, économiques et générales de la population et sur l’état de celle-ci. Selon la Loi sur la statistique, Statistique Canada est chargé de favoriser et de mettre au point des statistiques sociales et économiques intégrées concernant l’ensemble du Canada et chacune des provinces et territoires, et de coordonner des projets pour l’intégration de telles statistiques…

    Statistique Canada cherche à utiliser davantage de données administratives dans l’intérêt des Canadiens. Dans ce contexte, je vous écris pour demander un accès aux données sur les dettes de consommateurs dans le but de les utiliser à des fins statistiques seulement puisque cette source de données particulière devrait nous permettre d’atteindre cet objectif.

    [traduction]

  2. Dans la lettre, Statistique Canada a indiqué qu’il avait le pouvoir de faire cette demande en vertu de l’article 13 de la Loi sur la statistique qui autorise le statisticien en chef ou ses délégués à obtenir tout document ou archive qui est conservé dans un ministère ou un bureau municipal ou auprès d’une personne morale, d’une entreprise ou d’une organisation et dont on pourrait tirer des renseignements recherchés pour les objets de la Loi sur la statistique.
  3. L’intimée a indiqué que, compte tenu de la demande de Statistique Canada susmentionnée, elle était autorisée, aux termes de l’alinéa 7(3)i) de la LPRPDE, à communiquer les renseignements personnels du plaignant à son insu ou sans son consentement puisque la communication est exigée par la loi.
  4. Afin de réglementer la communication de renseignements, l’intimée et Statistique Canada ont conclu une entente le 28 mars 2018. L’entente prévoyait la transmission prévue de certains renseignements sur le crédit pour la période de 2002 à décembre 2017, et la possibilité de transmissions futures de renseignements pour les années civiles 2018 et 2019. L’entente citait l’article 13 de la Loi sur la statistique comme fondement du pouvoir de Statistique Canada de recueillir les renseignements et justifiait le fait que Statistique Canada exigeait la communication des renseignements par l’intimée.
  5. L’entente renvoyait également au sous-alinéa 7(3)c.1)(iii) de la LPRPDE comme fondement du pouvoir de l’intimée à communiquer des renseignements personnels à l’insu de la personne visée et sans son consentement.
  6. En ce qui concerne l’allégation du plaignant visant les procédures entamées de recouvrement de dettes, l’intimée a affirmé qu’elle n’avait aucune preuve indiquant que Statistique Canada a transmis des renseignements sur le dossier de crédit du plaignant à d’autres institutions gouvernementales ou que ses renseignements ont par la suite été utilisés aux fins du recouvrement de la dette impayée au titre d’un prêt étudiant.
  7. L’intimée a fait valoir que l’article 17 de la Loi sur la statistique impose à Statistique Canada des obligations rigoureuses en matière de confidentialité. Selon le paragraphe 17(1), Statistique Canada ne peut communiquer des renseignements qu’il recueille qui pourraient identifier un particulier, une entreprise ou une organisation, à moins que la partie concernée y ait consenti ou qu’une autre disposition de la Loi sur la statistique le permette.
  8. En outre, l’intimée a indiqué que l’entente imposait à Statistique Canada des conditions et obligations rigoureuses en matière de confidentialité et de sécurité des données, dont :
    1. une interdiction qui empêche Statistique Canada d’utiliser les données recueillies auprès de l’intimée pour toute autre fin que celles expressément prévues dans l’entente;
    2. l’obligation pour Statistique Canada de retirer tout identificateur personnel associé aux données recueillies auprès de l’intimée après que celles-ci ont été utilisées aux fins prévues par l’entente;
    3. l’obligation pour Statistique Canada de ne pas communiquer de données recueillies auprès de l’intimée d’une manière permettant d’identifier directement ou indirectement une personne;
    4. des dispositions relatives à la surveillance et à la conformité avec ce qui précède, y compris l’obligation de tenir un registre de toutes les personnes dont l’accès aux données est approuvé, ainsi que l’exigence d’effectuer des vérifications annuelles sur l’utilisation, la communication et la sécurité des données.
  9. L’intimée a fait remarquer qu’en vertu de l’entente, Statistique Canada était aussi tenu de réaliser une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) à l’égard de la collecte et de l’utilisation prévues des renseignements. Statistique Canada a transmis au Commissariat une copie de l’évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. Celle-ci indiquait que Statistique Canada utiliserait les renseignements à des fins statistiques seulement, dans le but de réaliser son mandatNote de bas de page 2.
  10. L’intimée a ajouté qu’il n’existe aucune preuve qui suggère que Statistique Canada a enfreint des dispositions de l’entente. L’intimée croit plutôt que le plaignant a supposé, à tort, que Statistique Canada avait communiqué des renseignements sur son dossier de crédit à d’autres institutions gouvernementales en raison de la concordance entre le moment auquel il a commencé à recevoir des appels de l’agence de recouvrement et le moment où Statistique Canada a commencé à recueillir les renseignements personnels du plaignant.
  11. L’intimée a été en mesure de confirmer qu’une agence de recouvrement a obtenu une copie du dossier de crédit du plaignant le 7 février 2018. Elle a indiqué qu’il est probable que l’agence de recouvrement ait obtenu les numéros de téléphone figurant dans le dossier de crédit du plaignant et tenté de communiquer avec le plaignant en mars 2018.

Information fournie par Statistique Canada au Commissariat

  1. Le Commissariat a communiqué avec Statistique Canada et a demandé s’il avait communiqué les renseignements sur le plaignant qu’il avait obtenus auprès de l’intimée à toute autre institution gouvernementale ou organisation privée. Dans une lettre, Statistique Canada a confirmé que non.

Notre enquête sur Statistique Canada en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels

  1. Le Commissariat a reçu plusieurs plaintes connexes, dont une du plaignant, contre Statistique Canada en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Celles-ci comprennent des allégations de collecte illégale de renseignements auprès de l’intimée. Nous avons lancé une enquête sur ces plaintes.
  2. Dans le contexte de cette enquête, l’intimée a fourni de l’information à titre de tierce partie. Le Commissariat a demandé à l’intimée d’expliquer de quelle manière elle avait fourni les renseignements demandés à Statistique Canada. L’intimée a expliqué qu’elle tient un système dont elle se sert pour répondre aux demandes de renseignements dans le cadre de ses activités opérationnelles. Elle a précisé qu’elle n’a pas créé de processus technique pour répondre à la demande de Statistique Canada et qu’elle s’est servie du même système et des mêmes processus pour fournir les renseignements demandés par Statistique Canada, et elle a maintenu qu’elle n’a pas dû créer de nouveaux documents ou de nouvelles archives pour répondre à la demande de Statistique Canada.
  3. Dans le cadre de cette enquête, nous avons déterminé que Statistique Canada avait légalement obtenu l’accès aux documents ou aux archives conservés par l’intimée en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 13 de la Loi sur la statistique. Nous avons conclu que Statistique Canada avait recueilli des renseignements personnels qui avait un lien direct avec un programme ou une activité autorisés de Statistique Canada, conformément à ses obligations au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
  4. Nous étions néanmoins très préoccupés par le fait que, même si Statistique Canada disposait du pouvoir légal de recueillir les renseignements sur le crédit en question, il n’a pas respecté les principes de nécessité et de proportionnalité et n’a donc pas adéquatement protégé les renseignements personnels. Nous craignions par ailleurs que Statistique Canada n’ait pas pris de mesures suffisantes pour faire preuve de transparence à propos des projets et pour s’assurer que les personnes touchées sont avisées avant la collecte de leurs renseignements personnels. Nous notons à cet égard que Statistique Canada s’est engagé à mettre en œuvre les recommandations que nous avons formulées dans le cadre de cette enquête, y compris le remaniement de son projet de renseignements sur le crédit avant la poursuite de sa mise en œuvre.

Analyse

Communication à Statistique Canada

  1. En tenant compte des conclusions du Commissariat dans le cadre de l’enquête sur Statistique Canada en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des preuves fournies par l’intimée, nous sommes d’avis que l’intimée a communiqué les renseignements personnels du plaignant conformément au sous-alinéa 7(3)c.1)(iii) de la LPRPDE.
  2. Bien que l’intimée s’est fondée sur l’alinéa 7(3)i) de la LPRPDE dans ses observations, le Commissariat a analysé le dossier en appliquant le sous-alinéa 7(3)c.1)(iii). Il s’agissait de la disposition citée dans l’entente entre Statistique Canada et l’intimée.
  3. Le sous-alinéa 7(3)c.1)(iii) de la LPRPDE autorise une organisation à communiquer des renseignements personnels à l’insu de la personne concernée et sans son consentement à une institution gouvernementale qui a demandé à obtenir les renseignements en mentionnant la source de l’autorité légitime étayant son droit de l’obtenir et le fait que la communication est demandée pour l’application du droit canadien.
  4. Dans sa lettre à l’intimée datée du 28 mars 2017 et dans son entente avec l’intimée, Statistique Canada a indiqué que la communication de renseignements personnels était demandée pour l’application de la Loi sur la statistique et pour la réalisation de son mandat. Statistique Canada a également mentionné que la source de l’autorité légitime étayant son droit d’obtenir les renseignements relève de l’article 13 de la Loi sur la statistique.
  5. Comme nous l’avons mentionné précédemment, nous avons déterminé que, dans le cadre de notre enquête en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, Statistique Canada a agi conformément au pouvoir légal que lui confère l’article 13 de la Loi sur la statistique quand il a obtenu accès aux documents ou archives conservés par l’intimée, qui comprenaient les renseignements personnels du plaignant.
  6. Nous sommes également convaincus que l’objectif de la demande visait l’application de la Loi sur la statistique. Plus particulièrement, l’objectif de la demande de Statistique Canada était d’obtenir des renseignements pour son projet de renseignements sur le crédit, qui avait pour but de générer des statistiques sur les niveaux d’endettement des ménages, entre autres sujets. Selon la Loi sur la statistique, Statistique Canada a le mandat de « recueillir, compiler, analyser, dépouiller et publier des renseignements statistiques sur les activités commerciales, industrielles, financières, sociales, économiques et générales de la population et sur l’état de celle-ciNote de bas de page 3. » Il doit aussi « favoriser et mettre au point des statistiques sociales et économiques intégrées concernant l’ensemble du Canada et chacune des provinces, et coordonner des projets pour l’intégration de telles statistiquesNote de bas de page 4. » Le projet de renseignements sur le crédit cadre donc avec le mandat de Statistique Canada.
  7. À la lumière de ce qui précède, le Commissariat conclut que l’intimée a communiqué les renseignements personnels du plaignant à son insu et sans son consentement à Statistique Canada en application du sous-alinéa 7(3)c.1)(iii) de la LPRPDE.

Lancement de procédures de recouvrement de dette

  1. En ce qui concerne la deuxième allégation, le Commissariat n’a trouvé aucune preuve à l’appui de l’allégation du plaignant selon laquelle Statistique Canada aurait communiqué ses renseignements personnels à d’autres institutions gouvernementales, qui les auraient à leur tour utilisés aux fins du recouvrement d’une dette au titre d’un prêt étudiant impayé.
  2. Nous soulignons que cette question porte davantage sur les actions de Statistique Canada plutôt que celles de l’intimée. Néanmoins, l’intimée et Statistique Canada ont tous deux fourni de l’information à cet égard. Nous notons qu’il y avait en place des mesures légales et contractuelles prévoyant l’anonymisation et limitant l’utilisation et la possible communication par Statistique Canada des renseignements recueillis auprès de l’intimée. Tel qu’il est précisé à la fois dans l’entente et dans l’EFVP fournies par Statistique Canada au Commissariat, l’utilisation des renseignements par Statistique Canada est limitée à des fins statistiques seulement.
  3. En fin de compte, nous reconnaissons que les appels de l’agence de recouvrement ont été reçus après que Statistique Canada a accédé au dossier de crédit du plaignant pour la première fois. Toutefois, nous concluons que ce fait n’est pas, en soi, suffisant pour indiquer que les renseignements obtenus par Statistique Canada au sujet du plaignant ont été communiqués à une tierce partie. De plus, nous sommes satisfaits de la confirmation par Statistique Canada qu’il n’a pas communiqué les renseignements personnels du plaignant à une autre institution gouvernementale ou à une organisation privée.

Conclusion

  1. Par conséquent, le Commissariat conclut que la plainte est non fondée.
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