Un propriétaire a recueilli des renseignements personnels sur son locataire dans le cadre d’une enquête sur la violation de la convention de location
Rapport de conclusions en vertu de la LPRPDE no 2014-006
Le 17 juin 2014
Un locataire a déposé une plainte alléguant que son ancien propriétaire avait recueilli des renseignements personnels le concernant sans son consentement en faisant prendre des photos de son domicile par un inspecteur chargé d'inspecter les lieux pour le compte du propriétaire. Le locataire a par ailleurs allégué que ses renseignements personnels avaient été communiqués sans son consentement lorsque les photos avaient été montrées au service de police local.
Au cours de l'enquête, le Commissariat a appris qu'au moment où les parties avaient conclu une entente verbale concernant la location, le plaignant avait prévenu le mis en cause qu'il possédait une licence émise par Santé Canada pour produire de la marihuana à des fins médicales. Le mis en cause avait alors accepté d'autoriser le plaignant « … à produire de la marihuana dans son logement en accord avec le Règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales », mais en stipulant que la production devait se limiter à quatre plants à l'intérieur.
Au cours de la période de location, le mis en cause a contacté le plaignant pour prendre rendez vous afin qu'un plombier vienne régler un problème de plomberie signalé par un autre locataire. Le plaignant a refusé l'accès des lieux au mis en cause et au plombier. D'après le mis en cause, le plaignant s'est opposé à la visite du plombier dans son logement en raison de ses préoccupations concernant ses « chambres de culture ».
Le mis en cause a alors fait remettre au plaignant un avis officiel indiquant qu'un inspecteur se rendrait dans son logement et prendrait des photos. Bien que le plaignant ait refusé au départ de donner accès, il a fini par laisser l'inspecteur pénétrer dans son logement. L'inspecteur a pris des photos du logement au cours de l'inspection. Le plaignant a accompagné l'inspecteur, qui lui a montré immédiatement toutes les photos prises à l'intérieur.
Selon le rapport de l'inspecteur, deux pièces fermées à clé dans le sous sol non fini du logement du plaignant renfermaient un total de 60 plants de cannabis et des installations électriques et de plomberie avaient été ajoutées pour faciliter la production de plants de cannabis. Le rapport précise par ailleurs que le plaignant n'a pas autorisé l'inspecteur à photographier ses plants et qu'il a déclaré que le nombre de plants qu'il faisait pousser ne regardait personne.
De façon générale, selon le principe 4.3 de la LPRPDE, il faut informer la personne au sujet de laquelle on recueille des renseignements et obtenir son consentement. Toutefois, du point de vue du Commissariat, le refus du plaignant de donner accès à son logement en faisant valoir ses préoccupations concernant ses installations de production de marihuana a soulevé un doute raisonnable quant à la conformité du plaignant à la convention de location. Par conséquent, conformément à l'exemption prévue à l'alinéa 7(1)b), qui autorise la collecte sans le consentement si cette collecte est raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d'un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial, nous estimons que le mis en cause avait le droit de recueillir des renseignements personnels sur le plaignant à son insu et sans son consentement.
En ce qui concerne la communication des renseignements, le Commissariat n'a reçu aucune preuve permettant d'étayer l'allégation du plaignant selon laquelle certaines photographies auraient été communiquées au service de police local.
C'est pourquoi le Commissariat estime que les plaintes pour collecte et communication à l'insu et sans le consentement de l'intéressé ne sont pas fondées.
Leçons apprises
- De façon générale, la collecte, l'utilisation ou la communication de renseignements personnels ne peuvent se faire à l'insu et sans le consentement de l'intéressé.
- Dans certains cas, toutefois, il n'est pas nécessaire que la personne concernée ait donné son consentement et ait connaissance de la collecte. Par exemple, en vertu de l'alinéa 7(1)b), l'organisation ne peut recueillir des renseignements personnels à l'insu de l'intéressé et sans son consentement que i) s'« il est raisonnable de s'attendre à ce que la collecte effectuée au su ou avec le consentement de l'intéressé puisse compromettre l'exactitude du renseignement ou l'accès à celui-ci, et ii) la collecte est raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d'un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial ».
- On notera que cette exception n'autorise pas les propriétaires à recueillir sans leur consentement des renseignements personnels sur d'autres personnes (par exemple en prenant des photos ou en exerçant une surveillance sur les locataires ou les locaux), s'ils le jugent approprié. Les circonstances précises propres à chaque cas doivent être analysées pour que l'on puisse déterminer si l'alinéa 7(1)b) est applicable. Certaines conditions doivent être réunies au préalable pour que soit supprimée l'obligation d'obtenir le consentement de l'intéressé.
Rapport des conclusions
Plainte déposée sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la « Loi » ou « LPRPDE »)
Aperçu
Un locataire a déposé une plainte alléguant que son ancien propriétaire avait recueilli des renseignements personnels le concernant sans son consentement en faisant prendre des photos de son domicile par un inspecteur chargé d'inspecter les lieux pour le compte du propriétaire. Le locataire a par ailleurs allégué que ses renseignements personnels avaient été communiqués sans son consentement lorsque les photos avaient été montrées au service de police local.
Nous sommes convaincus que, compte tenu des circonstances, le propriétaire s'est conduit de façon raisonnable lorsqu'il a pressenti une infraction aux termes de la convention de location et qu'il a agi en conformité avec les exigences de l'alinéa 7(1)b) de la LPRPDE.
L'enquête a permis d'établir que le plaignant avait conclu une entente verbale concernant la location avec son propriétaire, laquelle limitait le nombre de plants de cannabis qu'il pouvait faire pousser à des fins médicales en même temps dans le logement. Lorsque le locataire a carrément refusé de laisser le propriétaire pénétrer dans son logement pour un problème d'entretien légitime en invoquant la perturbation de sa production de marihuana, le propriétaire a commencé à avoir des soupçons quant à l'envergure de la production de son locataire. C'est pourquoi il a fait effectuer, sur préavis, une inspection de l'appartement du plaignant en prenant des photos, sans son consentement, de façon à déterminer si la convention de location avait été violée.
Par conséquent, la plainte relative à la collecte de renseignements personnels n'est pas fondée.
Concernant l'allégation de communication des renseignements sans le consentement de l'intéressé, notre enquête n'a trouvé aucune preuve appuyant l'allégation du plaignant selon laquelle ses renseignements personnels, sous forme de photographies, auraient été communiqués au service de police local.
Par conséquent, la plainte pour communication de renseignements personnels à l'insu de l'intéressé n'est pas fondée.
Résumé de l’enquête
- Le mis en cause est le propriétaire du logement du plaignant.
- En novembre 2010, le plaignant et le mis en cause avaient conclu une entente verbale concernant la locationNote de bas de page 1 d'un logement à être habité par le plaignant, correspondant à la moitié d'une maison jumelée appartenant au mis en cause. Au début de la période de location, le plaignant a prévenu le mis en cause qu'il possédait une licence émise par Santé Canada pour produire de la marihuana à des fins médicales (« une licence de production à des fins personnelles »).
- Le mis en cause a alors signé un formulaire de consentement affirmant que, en tant que propriétaire des lieux, il autorisait son nouveau locataire [traduction] « … à produire de la marihuana dans son immeuble, en accord avec le Règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales »Note de bas de page 2.
- Le Commissariat a examiné une copie du formulaire de consentement dûment signé par le mis en cause de même que la licence du plaignant établie par Santé Canada. Nous avons observé que, sur la licence du plaignant, l'espace prévu pour indiquer le nombre maximum de plants autorisés pouvant être cultivés dans l'installation louée avait été caviardé.
- Le mis en cause a affirmé au représentant du Commissariat que la licence était déjà caviardée lorsqu'elle lui a été remise par son locataire. Toutefois, il a informé le Commissariat que le plaignant et lui-même avaient convenu oralement de limiter à quatre le nombre maximum de plants en production à l'intérieur du logement.
Entrée refusée
- Après une période de location de plus de deux ans, à la fin mars 2013, le mis en cause a contacté le plaignant pour prendre rendez vous afin qu'un plombier inspecte la plomberie dans le logement du plaignant. L'explication alors donnée au plaignant était que, en raison de la configuration inhabituelle de la plomberie, cette visite était nécessaire pour régler un problème de plomberie signalé par le locataire du logement voisin dont la baignoire ne se vidait plus.
- Le mis en cause a signalé à notre enquêteur que le plaignant avait refusé avec véhémence de lui donner accès à son logement, faisant état de préoccupations concernant les murs, l'éclairage et le câblage de ses « chambres de culture ». En conséquence, le plaignant a refusé l'accès à la fois au plombier et au mis en cause, malgré d'autres efforts et discussions par la suite.
- Le mois suivant, le mis en cause a retenu les services d'un technicien juridique agréé pour régler le problème avec son locataire.
Inspection des lieux
- Le 23 mai 2013, le plaignant a reçu à son domicile le document intitulé Avis d'intention de pénétrer émis par le technicien juridique agréé à la demande du mis en cause. Le but du document était de prévenir le plaignant d'une visite des lieux en vue d'une inspection, photos à l'appui, qui devait s'effectuer dans les 24 heures.
- La partie nommée pour inspecter était décrite comme un mandataire agréé agissant pour le mis en cause (« l'inspecteur »). L'inspecteur est arrivé à l'adresse indiquée le lendemain, le 24 mai 2013 et, bien que le plaignant ait au départ refusé l'accès à son domicile, il l'a finalement laissé entrer. D'après les preuves reçues par le Commissariat, l'inspecteur a ensuite pris des photos à l'intérieur et autour du logement, pendant que le plaignant l'accompagnait. Il lui a montré immédiatement chaque photo prise à l'intérieur.
- Un rapport d'inspection a été produit après la visite et le Commissariat l'a examiné.
- Selon le rapport d'inspection, deux pièces fermées à clé dans le sous sol non fini du logement du plaignant renfermaient au total 60 plants de cannabis et « du câblage et de la tuyauterie avaient été ajoutés pour faciliter la production de marihuana ». Le rapport indiquait par ailleurs que le plaignant n'avait pas autorisé l'inspecteur à photographier les plants et qu'il avait affirmé que le nombre de plants qu'il faisait pousser ne regardait personne.
- Le 22 juillet 2013, la Commission de la location immobilière a ratifié une entente entre les deux parties et le plaignant a quitté les lieux en août 2013.
- Au cours de l'enquête, le Commissariat a reçu un CD du mis en cause renfermant les photos qui avaient été prises. Le plaignant a allégué qu'un plus grand nombre de photos avaient été prises par l'inspecteur, mais il n'a pas étayé cette allégation. Sur ce point, le mis en cause a confirmé auprès du Commissariat que les seules photos prises par l'inspecteur ce jour là étaient les photos présentées en preuve au Commissariat.
Communication
- Bien que le plaignant ait allégué que certaines photographies prises au cours de la visite avaient été communiquées au service de police local, notre enquête n'a pas livré de preuve de nature à étayer cette allégation. Lorsqu'il a été interrogé, le mis en cause a nié avoir communiqué les photos au service de police local.
Application de la Loi
- Pour tirer nos conclusions, nous avons appliqué le paragraphe 2(1) et les alinéas 4(1)a) et 7(1)b) de la partie 1, de même que le principe 4.3 de l'annexe 1 de la Loi.
- En vertu du paragraphe 2(1), un « renseignement personnel » désigne tout renseignement concernant un individu identifiable, à l'exclusion du nom et du titre d'un employé d'une organisation et des adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail.
- L'alinéa 4(1)a) énonce que la partie 1 de la LPRPDE s'applique à toute organisation à l'égard des renseignements personnels que l'organisation recueille, utilise ou communique dans le cadre d'activités commerciales.
- Selon le principe 4.3, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels la concernant et y consentir, à moins qu'il ne soit pas approprié de l'informer.
- En vertu de l'alinéa 7(1)b), pour l'application de l'article 4.3 de l'annexe 1, et malgré la note afférente, l'organisation ne peut recueillir de renseignements personnels à l'insu de l'intéressé et sans son consentement que s'« il est raisonnable de s'attendre à ce que la collecte effectuée au su ou avec le consentement de l'intéressé puisse compromettre l'exactitude du renseignement ou l'accès à celui-ci, et la collecte est raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d'un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial ».
Constatations
Renseignements personnels
- Il y a lieu de déterminer, dans un premier temps, si les renseignements personnels du plaignant ont été recueillis.
- Dans un dossier précédent traité par le Commissariat et intitulé Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2006-349Note de bas de page 3 (Prise de photographies d'appartements de locataires sans leur consentement pour fins d'assurance), le Commissariat a déterminé que photographier l'appartement d'un locataire équivalait à recueillir des renseignements personnels.
- Dans l'affaire dont nous sommes saisis, après avoir examiné les photos prises par l'inspecteur qui montrent clairement les possessions du plaignant, nous sommes d'avis que des renseignements personnels ont été recueillis concernant le plaignant.
Collecte sans le consentement
- La seconde question consiste à déterminer si le consentement du plaignant était requis pour que le mis en cause puisse recueillir des renseignements personnels le concernant. En général, le principe 4.3 exige le consentement de l'intéressé pour la collecte de renseignements personnels à moins que l'une des exemptions prévues par la Loi ne s'applique.
- Nous estimons que, compte tenu des circonstances, l'exemption prévue à l'alinéa 7(1)b) s'applique à cette affaire et que, par conséquent, le consentement du plaignant n'était pas requis pour la collecte.
- La preuve que nous avons reçue établit que la limitation de la production de marihuana à quatre plants était une condition faisant partie intégrante de l'entente verbale conclue entre le plaignant et le mis en cause concernant la location.
- Nous avons reconnu la validité de l'entente verbale, puisque nous observons que les ententes verbales en matière de location sont acceptables en vertu de la Loi de 2006 sur la location à usage d'habitation de l'Ontario.
- Lorsque le plaignant a carrément opposé un refus à la demande d'accès à son logement du mis en cause (pour régler un problème d'entretien urgent en raison d'un problème de plomberie dans le bâtiment), et a invoqué une grave entorse à son entente de production de marihuana, à notre avis, le mis en cause avait alors des raisons de douter de la conformité du plaignant à un volet de la convention de location, en particulier concernant le nombre de plants en production.
- Par conséquent, compte tenu de ses doutes concernant l'exactitude de l'information, le mis en cause était en droit de faire enquête sur une violation possible de la convention de location. En accord avec la disposition sur l'exemption du consentement de l'alinéa 7(1)b), le mis en cause était en conséquence autorisé à recueillir des renseignements personnels concernant le plaignant à son insu et sans son consentement - qui aurait normalement été requis en vertu du principe 4.3.
Communication
- Notre enquête n'a mis au jour aucune preuve permettant d'étayer l'allégation du plaignant selon laquelle les renseignements personnels le concernant (sous forme de photos) auraient été communiqués au service de police local.
Conclusion
- En conséquence, nous concluons que les deux plaintes, pour collecte et communication de renseignements personnels, ne sont pas fondées.
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