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Une compagnie d’assurances de l’Ontario utilise des renseignements sur la solvabilité pour évaluer les risques et calculer les primes

Rapport des conclusions en vertu de la LPRPDE no 2012-005


Les plaignants ont vu leur prime d’assurance habitation augmenter considérablement par rapport à l’année précédente. Ils soutiennent que la politique de leur assureur qui consiste à fonder le calcul des primes sur les renseignements de solvabilité des clients obtenus auprès d’une agence d’évaluation du crédit n’est pas justifiée. Ils affirment également que leur assureur a agi de cette façon à leur insu et sans leur consentement. Ils craignent également que l’assureur utilise ces renseignements à d’autres fins.

Nous avons constaté que la Loi sur les renseignements concernant le consommateur de l’Ontario confirme que des renseignements de solvabilité peuvent être communiqués aux fins de la souscription à des assurances.

Nous avons conclu qu'une personne raisonnable jugerait la collecte et l'utilisation de renseignements sur la solvabilité, dans cette circonstance particulière, comme étant appropriée.

Cet aspect de la plainte a été jugé non fondé.

Le Commissariat a néanmoins certaines préoccupations générales liées aux renseignements – communiqués aux agences d’évaluation du crédit à une fin précise – qui sont recueillis et possiblement utilisés dans un contexte différent.

Les répercussions à long terme des politiques publiques découlant de l’utilisation des renseignements sur la solvabilité aux fins de l’évaluation du risque en matière d’assurance sont inconnues pour l’instant. Par conséquent, le Commissariat continuera d’effectuer des recherches et de surveiller l’évolution de cette tendance, et il se pourrait que sa position change ultérieurement.

Cependant, nous avons également constaté qu’un consentement valable n’a pas été obtenu pour la collecte des renseignements personnels des plaignants à cette fin.

En ce qui concerne la transparence, nous avons conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de renseignements disponibles concernant l’utilisation que la compagnie fait de l’information sur les pointages statistiques et les cotes de crédit. Nous avons donc recommandé que la compagnie d’assurances modifie la disposition sur le consentement contenue dans son formulaire de demande de façon à inclure le consentement à la collecte et à l’utilisation de ce type d’information, et d’aviser les titulaires de police actuels de cette pratique et de ses fins. Le Commissariat a également recommandé à la compagnie de rendre l’information sur ses politiques et pratiques concernant l’utilisation de cette information facilement accessible aux personnes qui souhaiteraient l’obtenir.

En réponse à ces recommandations, l’organisation s’est engagée à modifier son formulaire de demande, à informer les titulaires de police, lors de leur prochain renouvellement, concernant l’utilisation des renseignements sur la solvabilité et de modifier son site Web afin d’expliquer l’utilisation qu’elle fait des renseignements sur la solvabilité.

Ces aspects de la plainte ont été jugés fondés et conditionnellement résolus.

Leçons apprises

  • Afin d’obtenir un consentement valable relativement à l’utilisation de renseignements personnels, les organisations doivent s’assurer d’informer les personnes de toutes les fins auxquelles serviront leurs renseignements personnels.
  • Les organisations doivent faire preuve de transparence au sujet de leurs politiques et pratiques concernant la gestion des renseignements personnels et faire en sorte que ces renseignements soient facilement accessibles à toute personne.

Rapport de conclusions

Plaintes déposées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la « Loi »)

1. Les plaignants allèguent qu’une compagnie d’assurances (« la compagnie ») a utilisé leurs renseignements personnels sans leur consentement – plus précisément l’information sur leur cote de solvabilité fournie par une agence d’évaluation du crédit – pour calculer leur prime d’assurance. Ils jugent cette pratique déraisonnable.

Résumé de l’enquête

2. Les plaignants sont mari et femme et ont contracté conjointement une police d’assurance habitation en Ontario auprès de la compagnie.

3. En 2009, ils ont été surpris de constater que leur prime de renouvellement d’assurance avait considérablement augmenté par rapport à l’année précédente. Ils faisaient affaire avec cette compagnie depuis six ans et n’avaient jamais présenté de réclamation. Après s’être informés, les plaignants ont appris que la compagnie avait obtenu l’accès aux renseignements sur leur solvabilité auprès d’une agence d’évaluation du crédit (« le bureau de crédit »). Ils estiment que la compagnie a agi ainsi sans justification, et à leur insu et sans leur consentement. Ils étaient également préoccupés des autres fins auxquelles leurs renseignements pouvaient servir.

4. Les plaignants ont fait part de leurs préoccupations à la compagnie, sur les conseils de l’Association des courtiers d’assurance de l’Ontario. N’étant pas satisfaits de la réponse de la compagnie, ils ont déposé une plainte auprès du Commissariat, laquelle a été reçue le 26 janvier 2010.

5. Dans ses observations au Commissariat, la compagnie a expliqué qu’elle avait obtenu le consentement valable de ses clients relativement à la collecte de renseignements sur la solvabilité au moment de la présentation de la demande d’assurance. Selon la compagnie, les plaignants avaient offert leur consentement au moment de la signature de leur demande originale.

6. Les deux parties ont soumis une copie de la demande de police d’assurance des plaignants en tant qu’élément de preuve. Il s’agit du formulaire de demande type du Centre d’étude de la pratique d’assurance (CSIO), qui comprend la disposition sur le consentement suivante :

Le proposant consent à ce que des rapports donnant des renseignements d’ordre personnel, notamment sur la solvabilité, les déclarations factuelles, le paiement des primes et l’historique des réclamations puissent être demandés relativement à la présente proposition ou aux renouvellements, prolongations, modifications ou annulation y afférents [traduction].

7. La compagnie a également affirmé que l’énoncé de confidentialité publié sur son site Web informait les personnes que l’organisation pouvait recueillir leurs renseignements personnels auprès d’une tierce partie dans le but, notamment, d’administrer les polices d’assurance.

8. Depuis 2003, la compagnie a envoyé à tous ses titulaires de police en Ontario (y compris les plaignants) un avis détaillé de deux pages au moment du premier renouvellement de leur police. Nous avons examiné une copie de cet avis, qui contient des détails sur la collecte et l’utilisation des renseignements personnels par la compagnie. Selon la compagnie, la deuxième page comporte de l’information détaillée et transparente sur la collecte et l’utilisation des renseignements sur la solvabilité. Plus précisément, il est indiqué que la compagnie peut utiliser les cotes et pointages parmi les nombreux autres facteurs de cotation pour déterminer l’admissibilité d’une personne à une assurance habitation personnelle et pour établir les primes.

9. La compagnie a ensuite donné des précisions sur le pointage mentionné dans l’avis. Elle a expliqué que cette donnée (« pointage statistique ») consistait en un numéro à trois chiffres dérivé d’une analyse statistique des renseignements contenus dans le rapport de solvabilité d’un client. Le bureau de crédit présente le pointage statistique accompagné d’un maximum de quatre codes de motif qui énumèrent les principaux facteurs du rapport de solvabilité d’un client ayant eu la plus grande incidence, positive ou négative, sur le pointage du client. Ces facteurs sont les suivants : la période de temps écoulée depuis la création des comptes, le nombre de comptes ouverts au cours des 12 derniers mois, le degré d’endettement par rapport à la limite de crédit des comptes bancaires nationaux ou d’autres comptes renouvelables et ouverts, le nombre de comptes acquittés comme convenu.

10. Selon le bureau de crédit, le pointage statistique est un outil de sélection des risques puissant et unique qui permet de classer les risques par ordre d’importance et de prédire les probabilités de défaillance sur une période de 12 mois. Élaboré conjointement par le bureau de crédit et une autre compagnie expressément aux fins d’évaluation des risques associés aux biens personnels, le pointage statistique se fonde sur les modèles d’autres compagnies et les attributs de données actuels du bureau de crédit pour prédire les taux de perte et la fréquence des réclamations. Le bureau de crédit affirme que le pointage statistique indique de façon cohérente et juste les risques potentiels de réclamations futures de la part de tout demandeur ou titulaire de police.

11. Pour leur part, les plaignants soutiennent qu’avant l’augmentation de leur prime, ils ont conservé une excellente cote de crédit pendant 50 ans. Cette situation s’est dégradée lorsqu’ils ont cosigné un prêt et omis d’effectuer trois paiements. Toutefois, les plaignants ont affirmé qu’au bout du compte, l’emprunt avait été remboursé en entier en 2007 sans autre manquement à leurs obligations.

12. La compagnie a confirmé que la prime d’assurance des plaignants avait augmenté entre 2008 et 2009 et qu’un changement à leur pointage statistique avait eu un effet négatif sur le calcul de cette prime. La compagnie note toutefois qu’il ne s’agissait pas du seul facteur en cause : une hausse des tarifs d’assurance standards généraux et du coût de la valeur de remplacement du domicile des plaignants a également contribué à l’augmentation de la prime.

13. Le Bureau d’assurance du Canada (BAC), une association industrielle nationale qui représente les assureurs d’habitation, d’automobile et d’entreprise privés canadiens, a publié des directives concernant l’utilisation des renseignements sur la solvabilité par les assureurs. Le Code de conduite sur l’utilisation de l’information de crédit par les assureurs (le Code) offre aux assureurs qui utilisent les renseignements sur la solvabilité dans le cadre de leurs activités d’évaluation des risques et de tarification pour les assurances personnelles des directives d’application facultative afin d’établir des paramètres sur l’utilisation des renseignements sur la solvabilité.

14. Lors de notre enquête, en plus d’étudier le Code du BAC, nous avons examiné la police d’assurance des plaignants, la politique de la compagnie en matière de confidentialité, le point de vue de plusieurs gouvernements provinciaux, une étude de la Commission des services financiers de l’Ontario (CSFO) et diverses études et documents de recherche sur la question.

15. Les recherches du Commissariat en la matière ont révélé que si plusieurs études concluent que les renseignements sur le pointage fondés sur la solvabilité sont un indice valide de futures pertes, l’industrie n’appuie pas unanimement l’utilisation des renseignements sur la solvabilité de cette façon. Par exemple, une étude menée par la CSFO en 2009 démontre que les compagnies d’assurances au Canada n’utilisent pas toutes les cotes de solvabilité pour l’évaluation des risquesNote de bas de page 1.

16. De plus, un sondage commandé par l’Association des courtiers d’assurance de l’Ontario en novembre 2010 a révélé que trois consommateurs ontariens sur quatre n’étaient pas au courant que leurs cotes de solvabilité servaient à l’établissement de leur prime d’assurance habitationNote de bas de page 2.

17. Le 14 septembre 2011, le Commissariat a fait parvenir à la compagnie un rapport d’enquête préliminaire traitant des questions soulevées dans la plainte et demandant à la compagnie de répondre aux recommandations. Ce qui suit constitue le résultat de notre analyse des éléments de preuve présentés au Commissariat durant l’enquête.

Application

18. Dans l’analyse des faits, nous avons appliqué le paragraphe 5(3) de la partie 1 de l’annexe 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (« la LPRPDE » ou « la Loi »), ainsi que les principes 4.3, 4.3.2 et 4.8.1.

19. Le paragraphe 5(3) stipule qu’une organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

20. Le principe 4.3 énonce que toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire. Le principe 4.3.2 stipule qu’il faut informer la personne au sujet de laquelle on recueille des renseignements et obtenir son consentement. Les organisations doivent faire un effort raisonnable pour s’assurer que la personne est informée des fins auxquelles les renseignements seront utilisés. Pour que le consentement soit valable, les fins doivent être énoncées de façon que la personne puisse raisonnablement comprendre de quelle manière les renseignements seront utilisés ou communiqués.

21. Selon le principe 4.8.1, les organisations doivent faire preuve de transparence au sujet de leurs politiques et pratiques concernant la gestion des renseignements personnels. Une personne doit pouvoir obtenir, sans effort déraisonnable, de l’information au sujet des politiques et des pratiques d’une organisation. Ces renseignements doivent être fournis sous une forme généralement compréhensible.

Constatations

Le 27 avril 2012

Les renseignements sont ils recueillis et utilisés à des fins appropriées?

22. La question consiste à déterminer si les fins pour lesquelles la compagnie d’assurances recueille et utilise les renseignements personnels sont appropriées compte tenu des circonstances.

23. Dans cette affaire, la question se rapporte à la collecte et à l’utilisation, par la compagnie d’assurances, de renseignements sur la solvabilité des plaignants afin de calculer le coût des primes de ces derniers. L’entreprise a indiqué que des outils de sélection des risques, dont un pointage statistique, sont utilisés aux fins de l’évaluation des risques et de l’établissement des primes.

24. L’article 8 de la Loi sur les renseignements concernant le consommateur de l’Ontario confirme que des renseignements de solvabilité peuvent être communiqués aux fins de la souscription à des assurances. Il prévoit ce qui suit :

  1. 8. (1) Aucune agence de renseignements sur le consommateur et aucun de ses directeurs ou employés ne doivent fournir sciemment des renseignements tirés des dossiers de l’agence de renseignements sur le consommateur, sauf : […]
    1. d) dans un rapport sur le consommateur fourni à une personne qui, selon ce qu’ils sont fondés à croire […]
      1. (iv) se propose d’en faire usage relativement à la souscription d’une police d’assurance à laquelle le consommateur est partie, […][Les italiques sont de nous.]

25. Nous reconnaissons donc que le gouvernement de l’Ontario a pris la décision d’intérêt public de permettre la communication de renseignements sur la solvabilité des personnes aux fins de l’évaluation du risque lié aux assurances, au moyen de la promulgation de la disposition apparaissant plus haut.

26. Nous remarquons aussi que l’évaluation du risque constitue un élément fondamental du modèle d’affaires des compagnies d’assurances. La compagnie affirme que la vente de polices d’assurance nécessite la réalisation d’une analyse du risque avant la fourniture du service. La compagnie d’assurances estime que les outils de sélection des risques sont nécessaires aux fins de l’analyse et de la prévision du risque, ainsi qu’en vue de fournir des produits d’assurance au prix approprié. Par ailleurs, la compagnie a indiqué que cette façon de faire profite à la fois à l’assureur (qui est en mesure de gérer son risque et de fixer un prix approprié pour les polices d’assurance qu’il offre) et au titulaire d’une police d’assurance (dont les renseignements sur le crédit ont une incidence positive sur la prime globale).

27. Compte tenu des circonstances, il nous semble difficile de conclure qu’une personne raisonnable ne considérerait pas comme étant approprié que la compagnie recueille et utilise des pointages statistiques à titre d’outil de sélection des risques pour les polices d’assurance et pour l’établissement des primes de ses clients de l’Ontario, surtout lorsque le gouvernement provincial l’a expressément autorisé.

28. Nous reconnaissons en outre que le pointage statistique est un nombre global, et que sa consultation peut sembler moins intrusive que la consultation de la totalité des renseignements contenus dans le rapport de solvabilité d’une personne. Nous reconnaissons de plus qu’il existe certains éléments indiquant que le pointage statistique permet bel et bien de prédire le risque. Par exemple, la Federal Trade Commission des États-Unis s’est penchée sur la question et a rendu public un rapport sur le sujet en juillet 2007. Le rapport affirmait la valeur prédictive des pointages fondés sur le crédit pour ce qui est des réclamations d’assurance et constatait que l’utilisation de tels pointages pouvait comporter des avantages pour les consommateursNote de bas de page 3.

29. Compte tenu des raisons susmentionnées, nous avons déterminé que les exigences prévues au paragraphe 5(3) avaient été satisfaites.

30. Le Commissariat a néanmoins certaines préoccupations générales liées aux renseignements – communiqués aux agences d’évaluation du crédit à une fin précise – qui sont recueillis et possiblement utilisés dans un contexte différent. À cet égard, nous notons qu’il n’existe aucun lien évident entre les renseignements sur la solvabilité et les primes d’assurance. Alors que la majorité des outils d’évaluation des risques utilisés par les compagnies d’assurances ont un lien apparent avec le produit que le consommateur désire acquérir (les antécédents relatifs aux réclamations, par exemple), ce n’est pas le cas des antécédents en matière de crédit. De plus, la façon dont la cote de solvabilité est établie n’est connue que d’un petit nombre et la plupart des gens n’ont aucun moyen de savoir si leurs renseignements sur le crédit influenceront leur prime d’assurance, ou de quelle façon. Il arrive aussi parfois que les renseignements qui apparaissent dans les rapports de solvabilité ne soient pas exacts.

31. Même l’association nationale des intervenants du secteur de l’assurance semble reconnaître que l’utilisation des renseignements de solvabilité n’est pas une pratique tout à fait cohérente par rapport aux autres outils qui sont habituellement utilisés pour évaluer le risque en matière d’assurance. À notre avis, l’existence du Code indique que le Bureau d’assurance du Canada (BAC) voit l’utilisation des renseignements de solvabilité comme un outil suffisamment différent et distinct des autres outils utilisés pour que des considérations spéciales s’appliquent à l’utilisation et au traitement des renseignements de solvabilité. Nous remarquons aussi que le Code conseille aux compagnies d’assurances de ne pas utiliser les renseignements de solvabilité comme une variable unique et de ne pas refuser de fournir des soumissions et des polices d’assurance aux consommateurs qui refusent de consentir à ce que leurs renseignements de solvabilité soient utilisés. Cela nous laisse croire que le BAC reconnaît que les renseignements sur la solvabilité ne constituent pas un outil absolument essentiel pour l’évaluation du risque en matière d’assurance.

32. Nous notons, par ailleurs, que l’utilisation des renseignements de solvabilité dans le contexte de l’assurance de biens n’est pas permise dans toutes les provinces. Les compagnies d’assurances en activité à Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, n’ont maintenant plus le droit d’utiliser les renseignements sur la solvabilité dans leurs systèmes de classification du risque pour l’assurance de personnes ou d’utiliser les renseignements sur la solvabilité pour refuser d’émettre ou de renouveler un contrat d’assurance de personne, ou encore pour annuler un tel contratNote de bas de page 4.

33. Cette plainte a soulevé des préoccupations plus vastes pour le Commissariat. À notre avis, les répercussions d’intérêt public à long terme découlant de l’utilisation des renseignements sur la solvabilité aux fins de l’évaluation du risque en matière d’assurance sont inconnues pour l’instant. Par conséquent, le Commissariat continuera d’effectuer des recherches et de surveiller l’évolution de cette tendance, et il se pourrait que sa position évolue au fil du temps.

Consentement

34. Notre conclusion selon laquelle le bureau du crédit pourrait se fier au consentement obtenu par la compagnie d’assurances, ainsi que l’analyse connexe utilisée pour parvenir à cette conclusion, ne permettent pas de déterminer si la compagnie a satisfait à ses propres obligations en vertu de la Loi. Nous devrions, pour ce faire, procéder à un examen des pratiques de la compagnie d’assurances en tenant compte des circonstances précises entourant la plainte visée. C’est pour cette raison que nous allons maintenant nous pencher sur la validité du contentement obtenu par la compagnie d’assurances, à la lumière de la plainte déposée contre celle-ci.

35. La question consiste à déterminer si la compagnie d’assurances a obtenu le consentement des plaignants en ce qui concerne l’utilisation de leurs renseignements de solvabilité (ou de données dérivées, puisque c’est ainsi que la compagnie décrit le pointage statistique).

36. À notre avis, et après avoir procédé à un examen attentif des observations des deux parties, un consentement adéquat pour l’utilisation prévue n’a pas été obtenu par la compagnie d’assurances.

37. Plus concrètement, nous estimons que les termes utilisés dans l’énoncé relatif au consentement qui figure sur le formulaire de demande d’assurance sont de nature très générale. En lisant cet énoncé, une personne ne serait pas facilement en mesure de comprendre que sa cote de solvabilité, telle qu’établie par une agence d’évaluation du crédit, sera utilisée pour l’établissement de la prime de sa police de façon continue. Même si l’énoncé relatif au consentement fait mention de « renseignements sur la solvabilité », cela ne suffit pas pour affirmer qu’un consentement valable (tel qu’exigé par le principe 4.3.2) a été obtenu en ce qui concerne la pratique de la compagnie d’assurances d’utiliser le pointage statistique pour, précisément, calculer le coût de la prime d’assurance du client.

38. Par ailleurs, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne comprenne que sa cote de solvabilité sera utilisée de cette façon puisque l’utilisation acceptée de ces renseignements par les entreprises qui est la plus courante consiste à établir la solvabilité d’une personne dans le contexte de l’obtention d’un prêt ou d’un crédit, et non pas à établir la probabilité qu’il présente plus tard une réclamation à son assureur. Par conséquent, puisqu’il ne s’agit pas d’une utilisation familière ou attendue pour les consommateurs, pour que l’énoncé relatif au consentement qui apparaît sur le formulaire de demande de la compagnie d’assurances soit acceptable dans les circonstances, des précisions sur les renseignements du client qui seront utilisés et les fins précises auxquelles ils le seront doivent être fournies en vertu des principes 4.3 et 4.3.2 de la Loi.

39. Nous remarquons en outre que la compagnie d’assurances ne semble pas respecter les lignes directrices fournies par sa propre association industrielle en ce qui a trait au consentement. Le Code fournit des instructions détaillées en ce qui concerne l’obtention du consentement pour l’utilisation des renseignements sur la solvabilité et préconise l’obtention d’un consentement valable et éclairé. Même si nous reconnaissons que le respect du Code est volontaire, comme indiqué plus haut, nous estimons que son existence indique que des considérations spéciales s’appliquent en ce qui a trait à l’utilisation des renseignements sur la solvabilité. Nous sommes donc d’avis que le Code a un caractère informatif en ce qui a trait aux paramètres qu’il établit pour l’obtention d’un consentement approprié dans le contexte de l’utilisation des renseignements sur la solvabilité pour les activités de sélection des risques et de cotation aux fins d’une assurance individuelle.

40. Pour ce qui est de l’avis que la compagnie d’assurances envoie à tous les titulaires de police à l’occasion du premier anniversaire de leur police, nous notons que les termes utilisés pour expliquer l’utilisation qui est faite des renseignements sur la solvabilité des clients sont plus précis que ceux qui apparaissent dans la demande initiale. Nous considérons toutefois que l’avis est trompeur puisqu’il indique que la compagnie d’assurances « ...peut [les italiques sont de nous] utiliser la cote de solvabilité comme l’un des facteurs de notation afin d’établir... les primes » [traduction]. Dans les faits, la compagnie a indiqué au Commissariat qu’elle obtenait un pointage statistique au moment de procéder pour la première fois au renouvellement de la police d’assurance de tous les titulaires de police en Ontario.

41. Nous sommes d’avis qu’un client qui lirait l’avis envoyé par la compagnie d’assurances pourrait avoir l’impression qu’il n’est pas visé par la pratique ou qu’elle ne s’applique qu’à un petit nombre de cas (p. ex. les personnes ayant depuis longtemps des antécédents médiocres en matière de solvabilité), alors que la compagnie applique cette pratique à grande échelle et de manière uniforme.

42. Dans tous les cas, nous croyons que l’avis n’est pas convenable aux fins de l’obtention d’un consentement parce qu’il n’est envoyé aux titulaires de police (ce qui comprend les plaignants) qu’un an après qu’ils aient déjà consenti à l’utilisation de leurs renseignements de solvabilité (c.-à-d. après qu’ils aient signé l’énoncé relatif au consentement du formulaire de demande). Nous ne sommes pas d’avis que le fait de se contenter de diffuser cette information un an après que les clients aient signé la police initiale équivaut à obtenir un consentement approprié.

43. Dans le rapport d’enquête préliminaire, nous avons recommandé que la compagnie modifie la clause de consentement utilisée au moment de la demande initiale afin d’obtenir le consentement de recueillir et d’utiliser le pointage statistique, conformément au principe 4.3 de l’annexe 1. Nous avons expressément indiqué que, pour que ce consentement soit valable, des renseignements sur les fins auxquelles le pointage statistique est recueilli et utilisé devaient être fournis, comme l’exige le principe 4.3.2 de l’annexe 1. Idéalement, la clause de consentement serait distincte de la clause générale de consentement et comprendrait les éléments de consentement établis dans le Code.

44. Nous avons aussi recommandé que la compagnie d’assurances fasse en sorte de fournir à ses titulaires de police existants de l’information, en ce qui a trait aux fins de la collecte et de l’utilisation du pointage statistique, conforme à celle qui est communiquée aux nouveaux clients.

45. En réponse à la première recommandation, la compagnie nous a informés qu’elle utilisait, comme toutes les grandes compagnies d’assurances, des formulaires normalisés qui sont élaborés et fournis par le Centre d’étude de la pratique d’assurance (CSIO) pour l’ensemble de l’industrie de l’assurance de biens et de l’assurance risques divers. Elle a expliqué que, pour cette raison, elle ne pouvait pas unilatéralement apporter des modifications aux énoncés de consentement normalisés qui sont utilisés dans les formulaires de demande d’assurance. Elle a toutefois expliqué que le formulaire de demande pour l’assurance de biens faisait actuellement l’objet d’une révision par l’industrie, de sorte que les énoncés de consentement incluent maintenant l’utilisation, par les assureurs, des renseignements sur la solvabilité des demandeurs à deux fins différentes. La compagnie a en outre expliqué qu’elle collaborait avec des intervenants de l’industrie afin de veiller à ce que le libellé de l’énoncé de consentement retenu soit conforme aux dispositions du Code et à notre première recommandation. La compagnie a accepté d’informer régulièrement le Commissariat des progrès réalisés quant à la modification de l’énoncé de consentement au cours des prochains mois, soit jusqu’à ce que les travaux de révision soient terminés. Lorsque ce sera le cas, la compagnie a accepté de fournir au Commissariat une copie du formulaire de demande révisé.

46. En réponse à la deuxième recommandation, la compagnie d’assurances a confirmé qu’elle enverrait un avis à tous ses titulaires de police au moment du renouvellement de leur police d’assurance de biens, dans les administrations où elle utilise les renseignements sur la solvabilité comme outil de sélection des risques. L’avis informera les titulaires de police de l’utilisation, par la compagnie, de leurs renseignements de solvabilité afin de faciliter l’évaluation du risque de chaque client. La compagnie d’assurances a indiqué au Commissariat qu’elle avait apporté des modifications à l’avis et qu’elle s’attendait à commencer à le distribuer aux titulaires de police avant une date donnée.

Transparence

47. Le Commissariat se préoccupe de l’apparent manque de transparence et d’ouverture de la compagnie d’assurances. Comme nous l’avons déjà indiqué dans le présent rapport, un sondage commandé par l’Association des courtiers d’assurance de l’Ontario en novembre 2010 a révélé que trois consommateurs ontariens sur quatre ne savent pas que leur cote de solvabilité est utilisée pour déterminer le montant de leur prime d’assurance habitationNote de bas de page 5.

48. Cela est aussi vrai dans l’affaire qui nous occupe puisque les plaignants ont allégué que, même s’ils étaient des clients de la compagnie d’assurances depuis six ans, ils ne savaient pas que leur pointage statistique était utilisé pour établir leur prime. Notre enquête nous a également permis de constater que le site Web de la compagnie d’assurances ne fait état d’aucun renseignement explicite au sujet du pointage statistique ou de la façon dont les cotes de solvabilité sont utilisées pour établir les primes. Cette information n’apparaît pas non plus dans la politique de confidentialité de la compagnie, qui est disponible en ligne.

49. Le principe 4.8.1 prévoit que les organisations doivent faire preuve de transparence au sujet de leurs politiques et pratiques concernant la gestion des renseignements personnels et qu’une personne doit pouvoir obtenir, sans effort déraisonnable, de l’information au sujet des politiques et des pratiques d’une organisation. Étant donné l’absence d’information disponible en quantité suffisante sur l’utilisation du pointage statistique et de la cote de solvabilité par la compagnie d’assurances, nous sommes d’avis que les exigences énoncées par ce principe ne sont pas satisfaites.

50. Nous avons, par conséquent, formulé une troisième recommandation dans notre rapport d’enquête préliminaire pour demander que la compagnie d’assurances fasse en sorte que l’information concernant ses politiques et ses pratiques relativement à l’utilisation du pointage statistique soit plus facilement accessible aux clients qui aimeraient en prendre connaissance.

51. En réponse à notre recommandation, la compagnie d’assurances a accepté d’afficher sur son site Web un avis écrit à l’intention des titulaires de police portant sur son utilisation des renseignements sur le crédit à titre d’outil de sélection des risques, parmi plusieurs autres, mis à sa disposition pour évaluer le risque représenté par un client. La compagnie d’assurances a indiqué au Commissariat qu’elle s’attendait à avoir achevé les travaux requis en vue de l’affichage de cette information sur son site Web avant une date donnée.

Conclusions et suivi

52. Pour ce qui est des questions liées au consentement et à la transparence, nous avons conclu que la compagnie d’assurances contrevient à la Loi et que les questions sont fondées et conditionnellement résolues. Nous sommes parvenus à cette conclusion en nous fondant sur l’engagement par écrit de la compagnie d’assurances envers la mise en œuvre des mesures correctrices décrites dans le présent rapport, à l’intérieur des périodes précises indiquées.

53. Le Commissariat a un intérêt continu à veiller à ce que la compagnie d’assurances adopte les mesures requises pour se conformer à la Loi et respecte les engagements exprès qu’elle a pris à cet égard auprès du Commissariat. C’est pour cette raison qu’au cours des prochains mois nous procéderons à la surveillance et à l’évaluation des mesures correctrices que la compagnie d’assurances s’est engagée à mettre en place. Nous déterminerons, à ce moment-là, si la compagnie d’assurances s’est pleinement conformée à nos recommandations et, au besoin, nous nous pencherons sur toute question non réglée en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés par la Loi.

54. En ce qui concerne la question du caractère approprié des fins auxquelles les pointages statistiques sont recueillis et utilisés, nous sommes d’avis que la compagnie d’assurances ne contrevient pas à la Loi. L’allégation liée à cette question est donc non fondée.

Mise à jour

Au moment de l’affichage du présent rapport de conclusions, la compagnie d’assurances avait envoyé des avis aux titulaires de police pour les informer de l’utilisation qu’elle faisait des renseignements sur le crédit (voir la recommandation au paragraphe 46) et avait également procédé à la mise à jour de son site Web (voir la recommandation au paragraphe 51). Nous continuions d’effectuer un suivi des efforts déployés par la compagnie d’assurances en vue de donner suite à la recommandation que nous avons formulée et qui prévoyait la modification de l’énoncé de consentement qui apparaît sur le formulaire de demande (voir la recommandation au paragraphe 43).

 

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