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Optique Laurier communique les renseignements personnels d’un client de façon inappropriée

Résumé de conclusions d’enquête de LPRPDE no 2010-005

Un homme qui voulait obtenir un remboursement d’Optique Laurier parce que deux paires de lunettes délivrées sur ordonnance ne répondaient pas à ses attentes a été indigné de découvrir que l’entreprise avait transmis sa réponse par écrit à la requête du client à dix parties distinctes.

L’homme s’est plaint au Commissariat du fait que la chaîne d’optométristes, qui possède des succursales en Ontario et au Québec, a communiqué ses renseignements personnels sans son consentement et a par la suite omis de lui donner accès à ses renseignements personnels.

L’homme a reçu deux ordonnances d’Optique Laurier et a jugé que ni l’une ni l’autre ne répondait à ses attentes. Il a donc obtenu une ordonnance d’un optométriste indépendant travaillant ailleurs.

Après avoir reçu la demande de remboursement, Optique Laurier a porté plainte contre l’optométriste indépendant devant l’Ordre des optométristes de l’Ontario. L’entreprise affirmait que l’optométriste avait faussement indiqué au plaignant qu’Optique Laurier n’avait pas effectué un examen de la vue adéquat.

Dans sa réponse écrite à la demande de remboursement, Optique Laurier a inscrit l’adresse domiciliaire, le numéro de téléphone et les détails des trois ordonnances du plaignant ainsi qu’une description du différend concernant celles-ci. Le plaignant considère que la réponse comprend de fausses déclarations nuisant à sa réputation. La lettre mentionne également qu’Optique Laurier demanderait à deux autres ordres professionnels et aux deux plus grands laboratoires de fabrication de lentilles du Canada d’évaluer les trois ordonnances et de formuler des opinions neutres.

Une copie de la lettre a été envoyée à dix parties, y compris divers dirigeants d’Optique Laurier, l’Ordre des optométristes de l’Ontario, l’Ordre des opticiens de l’Ontario, l’optométriste indépendant, l’entreprise qui a fabriqué les lentilles du plaignant et un autre fabricant de lentilles.

Le plaignant a aussi demandé d’accéder à ses renseignements personnels détenus par Optique Laurier, mais il n’a reçu aucun document.

Après son enquête, le Commissariat a conclu que les plaintes relatives à la communication et à l’accès étaient fondées.

Il n’était pas nécessaire qu’Optique Laurier dévoile les renseignements personnels du plaignant à l’Ordre des opticiens ou aux fabricants de lentilles pour prouver que les verres fournis au plaignant étaient adéquats. Même si ces organisations pouvaient formuler des commentaires pertinents, elles auraient pu le faire sans connaître le nom, l’adresse et le numéro de téléphone du plaignant ainsi que les détails du différend. Il n’était pas non plus nécessaire de fournir ces renseignements à l’optométriste indépendant.

Nous avons recommandé qu’Optique Laurier forme son personnel au sujet des exigences de la LPRPDE liées à la protection des renseignements personnels des clients.

L’organisation ne nous a pas répondu.

Compte tenu des faits examinés au cours de l’enquête et des questions en suspens, la commissaire à la protection de la vie privée était d’avis qu’il fallait faire connaître publiquement les pratiques de traitement des renseignements personnels d’Optique Laurier dans cette affaire et elle a exercé son pouvoir de nommer publiquement l’organisation.

Leçons apprises :

  • Si une organisation envisage de communiquer les renseignements personnels au sujet d’un client sans son consentement, elle doit s’assurer que l’une des exceptions énoncées au paragraphe 7(3) s’applique.
  • La transmission de renseignements personnels à d’autres employés ou mandataires d’une organisation est considérée comme une « utilisation » plutôt qu’une « communication » au sens de la Loi. Par conséquent, si une organisation envisage d’utiliser les renseignements personnels d’un client sans son consentement, elle doit s’assurer que l’une des exceptions énoncées au paragraphe 7(2) s’applique.
  • Quand elle reçoit une demande d’accès à des renseignements personnels, une organisation doit y répondre de façon sérieuse, ne serait-ce que pour mentionner qu’elle a déjà fourni à la personne tous les renseignements demandés.

Rapport des conclusions

Plaintes déposées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la Loi)

1. Le plaignant allègue que 1663066 Ontario Inc., qui fait affaire sous la dénomination sociale Optique Laurier, a : (i) communiqué ses renseignements personnels sans son consentement, et (ii) omis de lui donner accès à ses renseignements personnels.

Résumé de l’enquête

2. Le plaignant a acheté des lunettes délivrées sous ordonnance chez Optique Laurier.

3. Le plaignant n’était pas satisfait de son achat, plus particulièrement de l’ordonnance obtenue chez Optique Laurier. Optique Laurier a donc demandé à un autre de ses optométristes de procéder à un examen de la vue du plaignant et lui a remis une ordonnance, en plus de commander une deuxième paire de lunettes.

4. Le plaignant n’était toujours pas satisfait. Il s’est rendu chez un autre optométriste pour subir un autre examen de la vue.

5. Le plaignant a demandé un remboursement à Optique Laurier.

6. Optique Laurier a envoyé au plaignant une lettre en date du 3 mars 2008 dans laquelle il est question de divers problèmes concernant les lunettes délivrées sur ordonnance au plaignant. Cette lettre contient une description du différend avec le plaignant, de même que des détails sur ses diverses ordonnances. La lettre contient aussi l’adresse du plaignant et son numéro de téléphone à domicile. Le plaignant estime que, dans la lettre, Optique Laurier l’accuse d’avoir fait des déclarations qui sont fausses et qui nuisent à sa réputation.

7. Dans sa lettre du 3 mars, Optique Laurier mentionne qu’elle transmettra le dossier du plaignant à l’Ordre des optométristes, à l’Ordre des opticiens et aux deux plus grands laboratoires du Canada afin qu’ils évaluent les trois ordonnances (les deux délivrées par Optique Laurier, et l’ordonnance délivrée par l’optométriste consulté par le plaignant) pour obtenir un avis neutre.

8. Cette lettre a été transmise à dix parties au total, soit les suivantes :

  1. Optique Laurier — aux soins du gestionnaire de la succursale qui a servi le plaignant
  2. Le contrôleur des finances
  3. L’avocat d’Optique Laurier
  4. L’Ordre des optométristes de l’Ontario
  5. L’Ordre des opticiens de l’Ontario
  6. L’optométriste que le plaignant a consulté
  7. Un optométriste qui travaille pour Optique Laurier et qui a donné au plaignant des conseils sur son ordonnance
  8. Un deuxième optométriste qui travaille pour Optique Laurier et qui a fourni au plaignant des conseils sur son ordonnance
  9. Un fabricant de lentilles qui produit des lentilles pour des patients partout en Ontario et au Québec
  10. L’entreprise qui a fabriqué les lentilles du plaignant

9. Optique Laurier avait déjà déposé une plainte auprès de l’Ordre des optométristes de l’Ontario contre l’optométriste que le plaignant a consulté. Selon Optique Laurier, l’optométriste que le plaignant a consulté a induit le plaignant en erreur en lui disant qu’Optique Laurier n’avait pas effectué un examen de la vue adéquat. L’Ordre a procédé à une enquête au sujet de cette plainte et a rendu une décision, faisant présentement l’objet d’un appel. Dans le cadre de notre enquête, Optique Laurier a aussi déclaré qu’elle avait envoyé à l’Ordre des optométristes de l’Ontario une copie de la lettre datée du 3 mars 2008 pour que l’Ordre reste au courant des questions liées à l’enquête.

10. Dans une lettre en date du 18 mars 2008, l’Ordre des optométristes a répondu à la lettre du 3 mars 2008 et a précisé qu’il n’avait pas le mandat de formuler une opinion neutre, comme le demandait Optique Laurier.

11. Le plaignant a entrepris des démarches devant la Cour des petites créances contre Optique Laurier. Ces démarches ont débuté le 6 mars 2008.

12. Dans le cadre de notre enquête, l’avocat d’Optique Laurier a affirmé ce qui suit :

Étant donné que [le plaignant] s’était ouvertement attaqué à la qualité des ordonnances, des montures, des appareils ophtalmologiques et des services offerts, la lettre de notre client a été envoyée aux personnes ayant pris part à la prestation des services en question dans le but d’obtenir leurs points de vue et leurs positions afin de les transmettre [au tribunal] et à l’Ordre des optométristes.

13. Le 31 mars 2008, le plaignant a envoyé à Optique Laurier une lettre parce qu’il souhaitait avoir accès à tous ses renseignements personnels concernant son insatisfaction au sujet de l’ordonnance et sa demande de remboursement. Dans sa lettre, il mentionnait clairement que, en vertu de la Loi, Optique Laurier devait lui répondre dans les 30 jours.

14. Dans une lettre datée du 28 avril 2008, Optique Laurier répondait à la lettre du plaignant datée du 31 mars 2008. À la demande d’accès du plaignant, Optique Laurier répondait simplement que le plaignant avait transmis ses renseignements personnels au tribunal. L’entreprise ne répondait toutefois pas précisément à la demande d’accès aux renseignements personnels détenus par Optique Laurier.

15. Dans le cadre de notre enquête, Optique Laurier a déclaré que, au moment où le plaignant a présenté sa demande d’accès, l’entreprise ne possédait, dans ses dossiers, aucun renseignement personnel sur le plaignant qui n’avait pas déjà été transmis à ce dernier. Optique Laurier a précisé qu’elle n’avait aucune correspondance interne ou correspondance avec des tierces parties concernant le différend avec le plaignant et sa demande de remboursement, mis à part ce qui avait déjà été envoyé au plaignant directement ou en copie conforme.

16. La poursuite en justice du plaignant a été réglée le 27 mars 2009.

Champ d’application

17. Pour prendre une décision, nous nous sommes appuyés sur les principes 4.3 et 4.9, de même que sur les paragraphes 7(3), 8(3) et 8(5) de la Loi.

18. Le principe 4.3 énonce que toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.

19. Les paragraphes 7(2) et (3) permettent l’utilisation et la communication de renseignements personnels sans le consentement de l’intéressé dans des circonstances particulières.

20. Le principe 4.9 stipule qu’une organisation doit informer toute personne qui en fait la demande de l’existence de renseignements personnels qui la concernent, de l’usage qui en est fait et du fait qu’ils ont été communiqués à des tiers, et lui permettre de les consulter.

21. Le paragraphe 8(3) stipule que l’organisation saisie de la demande doit y donner suite avec la diligence voulue et, en tout état de cause, dans les trente jours suivant sa réception.

Conclusions

Rendues le 31 mars 2010

22. Les renseignements personnels du plaignant — son adresse et son numéro de téléphone, la nature de son différend avec Optique Laurier et les détails de son ordonnance — figuraient dans la lettre du 3 mars 2008 mentionnée précédemment. Par conséquent, Optique Laurier devait obtenir le consentement du plaignant avant d’utiliser l’information et de la communiquer à des tiers (sauf si l’une des exceptions énoncées dans la Loi s’applique).

23. La communication de renseignements personnels à d’autres employés ou mandataires d’une organisation n’est pas considérée comme une communication au sens de la Loi. Il s’agit toutefois d’une « utilisation » des renseignements personnels. Par conséquent, Optique Laurier devait obtenir le consentement du plaignant avant de transmettre la lettre du 3 mars au gestionnaire de la succursale où il a reçu des services, à son contrôleur des finances et aux deux optométristes d’Optique Laurier qui ont fourni des ordonnances au plaignant.

24. Nous estimons que, parce qu’il a porté plainte au sujet de ses ordonnances et qu’il a demandé un remboursement, le plaignant a consenti implicitement à ce qu’Optique Laurier transmette sa réponse écrite à sa plainte aux personnes de l’entreprise qui étaient touchées par le différend, y compris, en l’espèce, les deux optométristes qui ont remis des ordonnances au plaignant et le gestionnaire de la succursale d’Optique Laurier au cœur du différend. Il était pertinent que ces personnes, qui travaillent pour Optique Laurier et qui sont touchées par le différend du plaignant, connaissent le contenu exact de la réponse transmise au plaignant par Optique Laurier. Étant donné que le plaignant avait aussi demandé un remboursement, le consentement implicite s’étend aussi au contrôleur des finances d’Optique Laurier, qui décide, au bout du compte, s’il convient d’émettre un remboursement.

25. Pour ce qui est de la communication des renseignements par Optique Laurier à son avocat, il est mentionné, à l’alinéa 7(3)a) de la Loi, que des renseignements personnels peuvent être communiqués à un avocat qui représente l’organisation.

26. Nous estimons que le plaignant n’a pas consenti implicitement à ce que sa lettre du 3 mars 2008 soit communiquée à l’Ordre des optométristes de l’Ontario, à l’Ordre des opticiens de l’Ontario, à l’optométriste que le plaignant a consulté, au laboratoire de Toronto et à Nikon. Quand le plaignant a porté plainte contre Optique Laurier, il ne pouvait pas supposer raisonnablement que l’entreprise aurait à envoyer sa réponse aux organisations mentionnées précédemment.

27. Optique Laurier a justifié la communication des renseignements personnels en s’appuyant sur la poursuite en justice du plaignant. L’entreprise a fait valoir qu’elle avait le consentement implicite du plaignant pour communiquer ses renseignements personnels étant donné qu’elle devait se défendre devant les tribunaux. Cependant, la poursuite a été entreprise après le 3 mars 2008, date à laquelle la lettre en question a été rédigée. Par conséquent, Optique Laurier ne peut pas invoquer le consentement implicite pour toute communication qui aurait été faite avant le 6 mars 2008, date à laquelle la poursuite en justice a été entreprise.

28. Optique Laurier s’est aussi appuyée sur le fait qu’elle avait porté plainte auprès de l’Ordre des optométristes de l’Ontario contre l’optométriste que le plaignant avait consulté, et que, dans ce contexte, elle avait l’obligation de transmettre à l’Ordre la lettre du 3 mars. À notre avis, Optique Laurier n’était pas obligée de communiquer à l’Ordre des optométristes tous les renseignements personnels sur le plaignant figurant dans la lettre du 3 mars 2008 parce qu’elle avait porté plainte contre l’optométriste consulté par le plaignant, et l’Ordre n’aurait pas eu le pouvoir d’exiger que ces renseignements soient communiqués dans le cadre d’une enquête au sujet de la plainte, puisqu’une grande part de ces renseignements ne concernaient pas la plainte contre l’optométriste que le plaignant avait consulté. Nous n’avons trouvé aucune exception énoncée au paragraphe 7(3) de la Loi qui autorise la communication des renseignements personnels sur le plaignant à l’Ordre des optométristes. L’Ordre a lui-même souligné qu’il n’avait pas le mandat de fournir à Optique Laurier les opinions neutres demandées.

29. Pour prouver que les lentilles fournies au plaignant par Optique Laurier étaient appropriées, l’entreprise n’était pas obligée de communiquer les renseignements personnels du plaignant à l’Ordre des opticiens, ni aux deux fabricants de lentilles. Même si ces trois organisations pouvaient fournir des renseignements pertinents, elles n’avaient pas besoin de connaître le nom du plaignant, son adresse et son numéro de téléphone, et tous les détails du différend mentionnés dans la lettre du 3 mars 2008 pour ce faire. De même, Optique Laurier n’était pas obligée de fournir à l’optométriste que le plaignant a consulté tous les renseignements personnels sur le plaignant figurant dans la lettre du 3 mars 2008. Nous concluons que le plaignant n’a pas consenti à la communication (expresse ou implicite) de ces renseignements, et qu’aucune des exceptions énoncées à l’article 7 de la Loi ne s’applique.

30. À notre avis, Optique Laurier n’a pas fourni au plaignant une réponse valable à la suite de sa demande d’accès à ses renseignements personnels. Parce qu’elle n’a pas répondu à la demande (sauf pour souligner que le plaignant avait communiqué tous ses renseignements personnels au tribunal — ce qui n’est pas du tout une réponse), Optique Laurier a enfreint le paragraphe 8(3) de la Loi et est réputée avoir refusé d’acquiescer à la demande du plaignant, aux termes du paragraphe 8(5).

31. Nous estimons toutefois qu’Optique Laurier n’avait pas en sa possession, à l’époque, des documents contenant des renseignements personnels sur le plaignant, mis à part les lettres que le plaignant avait lui-même reçues.

En conclusion

32. Par conséquent, nous concluons que les plaintes étaient fondées.

33. Nous recommandons fortement à Optique Laurier de prendre des mesures pour former ses cadres et son personnel à propos des exigences de la Loi concernant la protection des renseignements personnels de ses clients actuels ou antérieurs et de la communication de ces renseignements à des tiers, y compris dans le contexte d’une plainte déposée par un client ou un ancien client.

34. Nous demandons à Optique Laurier de fournir au Commissariat des éléments prouvant qu’elle a accepté et mis en œuvre cette recommandation dans les trente (30) jours suivant la date de diffusion du présent rapport, faute de quoi nous envisagerons d’avoir recours aux pouvoirs que nous confère la Loi pour régler cet enjeu.

Post-scriptum

Compte tenu que l'organisation n'a pas agi suite aux recommandations et des faits examinés au cours de l’enquête, la commissaire à la protection de la vie privée était d’avis que les pratiques de traitement des renseignements personnels d’Optique Laurier dans cette affaire devaient être rendues publiques et elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de nommer publiquement l’organisation. Un résumé des conclusions d'enquête dans lequel figurait le nom d'Optique Laurier a été intégré au Rapport annuel au Parlement de 2010 sur la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

 

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