Les notes anonymisées d’une psychologue en vue d’un examen par les pairs sont les renseignements personnels d’une patiente
Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2009-018
[Article 2; principes 4.9 et 4.9.1]
Leçons apprises
- Les renseignements personnels qui ont été anonymisés ne constituent pas des renseignements anonymes s’il est possible d’associer les données anonymisées à une personne identifiable.
- Une demande d’accès à des renseignements personnels ne donne pas le droit au demandeur d’obtenir des renseignements qui sont le reflet de discussions tenues en préparation à une éventuelle procédure judiciaire.
Un conflit entre une patiente et sa psychologue a donné lieu à une demande d’accès par la patiente à ses renseignements personnels tenus par la psychologue. Comme elle croyait que des renseignements étaient manquants, la patiente a déposé une plainte. Les résultats de l’enquête ont poussé la commissaire adjointe à la protection de la vie privée à se demander ce qui constitue des données totalement anonymes, et ce qui peut être associé à une personne identifiable.
Le Commissariat a recommandé que la psychologue donne accès à la plaignante aux renseignements personnels suivants contenus dans ses notes destinées à un examen par les pairs; celles‑ci comprenaient ce qui suit :
- Les faits la concernant, qu’elle avait transmis à sa psychologue;
- L’interprétation de ces faits par sa psychologue;
- Les points de vue et opinions de la psychologue et de ses pairs au sujet du comportement de la plaignante;
- Les noms des pairs, même si ces parties des notes constituent également les renseignements personnels des psychologues.
Voici un résumé de l’enquête et des conclusions de la commissaire adjointe.
Résumé de l’enquête
L’enquête a établi que la psychologue n’avait pas donné à la plaignante l’accès à ses notes destinées à un examen par les pairs. Ces notes, dont la psychologue s’est servie afin de consulter ses pairs (elle voulait obtenir des conseils quant à la façon de traiter avec la patiente) ne faisaient pas état du nom de la plaignante, mais visaient les détails de son cas. La psychologue était d’avis que les notes ne contenaient pas suffisamment de renseignements pour permettre à quiconque qui recevrait l’information d’identifier la plaignante. Comme elle considérait les renseignements « anonymisés », la psychologue croyait que les notes ne constituaient pas les renseignements personnels de la plaignante et que cette dernière n’avait pas le droit d’y accéder.
Conclusions
Rendues le 23 février 2009
Application : L’article 2 et les principes 4.9 et 4.91. L’article 2 définit les renseignements comme étant « tout renseignement concernant un individu identifiable ». Le principe 4.9 énonce qu’une organisation doit informer toute personne qui en fait la demande de l’existence de renseignements personnels qui la concernent, de l’usage qui en est fait et du fait qu’ils ont été communiqués à des tiers, et lui permettre de les consulter. Le principe 4.9.1 permet à une organisation de communiquer les renseignements médicaux sensibles par l’entremise d’un médecin.
Pour rendre sa décision, la commissaire adjointe s’est appuyée sur les considérations suivantes :
Accès aux renseignements personnels
- La question centrale dans cette affaire visait à savoir si les notes en cause étaient des renseignements totalement anonymes et ne constituaient donc pas les renseignements personnels de la plaignante ou s’ils étaient en effet visés par la définition des renseignements personnels puisqu’ils concernaient « un individu identifiable ».
- Dans le cadre de l’établissement des critères afin de déterminer si les renseignements concernent un individu identifiable, la commissaire adjointe était consciente de ce qui était en jeu. Elle a souligné que la définition des renseignements personnels constituait une passerelle critique qui permettait ou non à une personne de se prévaloir de son droit à la vie privée. Ainsi, à son avis, une interprétation large de la définition des renseignements personnels était justifiée.
- Les renseignements visent un individu identifiable lorsqu’il y a une grande possibilité qu’une personne puisse identifier les renseignements disponibles. La commissaire adjointe a fait valoir qu’il n’était pas nécessaire de démontrer qu’une personne s’engagerait à fond pour y parvenir. Par conséquent, les données anonymisées ne constituent pas des « renseignements totalement anonymes » lorsqu’il est possible de les associer à un individu identifiable.
- Les notes en vue d’un examen par les pairs visaient un individu identifiable parce qu’il était possible d’associer les données anonymisées à la plaignante. La conclusion a été tirée en fonction du fait que la psychologue et la plaignante connaissaient l’identité de la personne visée par les notes, lesquelles se rapportaient clairement au traitement de la plaignante et à sa relation avec la psychologue. Elles décrivaient en détail les conversations entre la personne et sa psychologue, et comprenaient des renseignements personnels la concernant qu’elle avait partagés avec sa psychologue, de même que les points de vue de celle‑ci et de ses pairs au sujet de la personne et de son comportement. Le retrait du nom de la plaignante et la possibilité qu’elle puisse ne pas être identifiable par le monde extérieur ne changeait rien au fait que la psychologue pouvait facilement associer l’information à la personne, et que cette personne pouvait reconnaître ses renseignements personnels dans les notes. La commissaire adjointe était d’avis que le fait de permettre ce genre de situation exonérerait les organisations de leur obligation de fournir aux personnes un droit d’accès à leurs renseignements personnels par le simple fait de retirer leur nom des détails intimes à leur sujet.
- Ainsi, si les notes d’un professionnel de la santé contiennent des renseignements personnels au sujet d’un plaignant individuel, celui‑ci a le droit d’accès à ses renseignements personnels. Par conséquent, comme il était possible d’associer les notes de la psychologue en vue d’un examen par les pairs à la plaignante, celles‑ci constituaient des renseignements à son sujet et étaient ses renseignements personnels, conformément à la définition.
- Comme les notes en question étaient les renseignements personnels de la plaignante, celle‑ci avait le droit d’y accéder.
Intérêt personnel et public
- Bien que la plaignante ne l’ait pas mentionné de façon expresse, il était important de tenir compte des questions d’intérêt personnel et public dans le contexte de la présente plainte. En ce qui a trait à l’intérêt personnel de la patiente par opposition à celui des psychologues, l’intérêt de la plaignante à l’égard de l’accès à ses renseignements personnels contenus dans les notes de la psychologue était de loin plus important que l’intérêt personnel des psychologues. L’intérêt des psychologues de s’abstenir de s’identifier et d’émettre leurs opinions au sujet de la plaignante semblait être peu important. Ils avaient été consultés en raison de leur capacité à titre de professionnels et ont donné des conseils professionnels comme ils ont l’habitude de faire. La formulation de tels conseils fait partie de leur responsabilité professionnelle, qu’ils doivent assumer en tant qu’obligation à l’égard de leurs patients et de leur organisme de réglementation professionnelle.
Résumé
- Étant donné que les notes en question constituaient les renseignements personnels de la plaignante, cette dernière avait le droit d’y accéder. La commissaire adjointe a recommandé à la psychologue de donner l’accès à ses notes destinées à un examen par les pairs à la plaignante. Plus précisément, elle a déterminé que l’accès devait comprendre ce qui suit :
- Les faits la concernant, qu’elle avait transmis à sa psychologue;
- L’interprétation de ces faits par sa psychologue;
- Les points de vue et opinions de la psychologue et de ses pairs au sujet du comportement de la plaignante;
- Les noms des pairs.
- La commissaire adjointe a suggéré à la psychologue de songer à donner accès à la plaignante aux notes par l’entremise de son médecin, comme le prévoit le principe 4.9.1
- Une mise en garde a été faite à l’effet que la plaignante ne devrait pas avoir accès aux parties des notes qui étaient uniquement le reflet du processus par l’entremise duquel les psychologues avaient forgé leurs points de vue et opinions. De plus, on a fait valoir que la plaignante ne devrait pas avoir accès aux parties des notes qui reflétaient les discussions tenues en préparation à une procédure judiciaire éventuelle.
Conclusion
La commissaire adjointe a conclu que la plainte était fondée.
Résumé des activités juridiques
La commissaire à la protection de la vie privé a présenté un avis de demande en Cour fédérale en vertu de l’article 15 de la Loi dans lequel elle demandait, entre autres, une déclaration de la Cour à l’effet que les notes de la mise en cause en vue d’un examen par les pairs contenaient les renseignements personnels de la plaignante de même qu’une ordonnance exigeant de la mise en cause qu’elle donne accès à la plaignante à ses renseignements personnels.
Avant qu’une audience ne soit tenue relativement à cette affaire, la mise en cause a fourni à la plaignante l’ensemble de ses renseignements personnels auxquels elle avait droit en vertu de la Loi. Par conséquent, la commissaire à la protection de la vie privée a renoncé à sa demande relative à la mise en cause.
- Date de modification :