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Un créancier laisse sur le lieu de travail de son débiteur un document juridique de recouvrement de créance

Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2009-015

[Principe 4.3, paragraphe 5(3), alinéas 7(3)b) et 7(3)h.1)]

Leçons apprises

  • Au moment de signifier des documents juridiques, les organismes doivent se conformer aux règlements des tribunaux et respecter le droit à la vie privée.
  • Dans les cas où ils n’ont pas obtenu le consentement du débiteur, les créanciers doivent faire preuve de circonspection quant à la manière dont ils communiquent les renseignements personnels du débiteur aux fins d’un recouvrement de créance et quant à la raison pour laquelle ils procèdent ainsi. Il est permis de communiquer de tels renseignements sans le consentement du débiteur uniquement dans certaines situations de recouvrement de créance.
  • On ne peut communiquer d’aucune façon des renseignements personnels sans le consentement de l’intéressé simplement parce que ces renseignements sont accessibles au public. Ces communications sont visées par des règlements particuliers établis par la Loi.
  • À titre d’exemple, lorsque les renseignements personnels de l’intéressé figurent dans un dossier ou un document d’un organe judiciaire ou quasi judiciaire et qu’ils sont déjà accessibles au public, la communication de ces renseignements sans le consentement de l’intéressé doit être directement liée à la raison pour laquelle ils figurent dans le dossier ou document.

Une personne a contracté une dette par carte de crédit. Le créancier (un ouvrage de compétence fédérale) tentait de lui signifier une déclaration visant à recouvrir le montant. Le document indiquait clairement qui était poursuivi, par qui et pour quelle somme d’argent. Après quelques tentatives infructueuses pour lui signifier le document à sa résidence, le créancier a laissé le document ouvert au bureau d’accueil de la société d’experts‑conseils où travaillait le débiteur, selon les indications d’un service de dépistage. Lorsque le débiteur s’est plaint que ses renseignements personnels avaient été communiqués au personnel de ce bureau sans son consentement, le créancier a répliqué que son consentement n’était pas nécessaire puisque la Loi prévoit des exceptions dans le cas du recouvrement de créances et des renseignements accessibles au public. La commissaire adjointe a établi que les circonstances particulières de la communication n’étaient pas conformes aux conditions nécessaires à l’application des deux exceptions. Par conséquent, il aurait fallu obtenir le consentement du plaignant avant de communiquer ses renseignements personnels.

Voici un résumé de l’enquête et des conclusions de la commissaire adjointe.

Résumé de l’enquête

Le plaignant travaille à Calgary dans le domaine des technologies de l’information, en qualité de sous‑traitant d’une entreprise ayant signé un contrat avec une société d’experts‑conseils. (À ce titre, on ne peut le considérer comme un employé de cette société.) À peu près au même moment, le mis en cause, qui est son créancier, mandate son agence de recouvrement de percevoir auprès du plaignant une créance en retard sur carte de crédit. Il demande à l’agence d’entamer des poursuites. Une déclaration est signifiée au débiteur.

L’agence de recouvrement demande à un service tiers de dépistage d’effectuer une recherche pour déterminer l’emploi du plaignant. Le service de dépistage indique, à tort, que l’« employeur » du plaignant se trouve au bureau de la société d’experts‑conseils. Le mis en cause soutient que, six mois auparavant, son agence de recouvrement mandataire avait expédié une demande de remboursement à la résidence permanente du plaignant à Calgary, mais n’avait reçu aucune réponse.

Un huissier avait tenté une première fois de signifier la déclaration à la résidence du plaignant, mais on lui avait répondu que l’intéressé travaillait à Winnipeg jusqu’à l’été. Après avoir laissé notes et messages au plaignant, le huissier finit par laisser une copie de la déclaration au bureau d’accueil de la société d’experts‑conseils. Le document est à la vue de tous, ce qui permet aux employés sur place d’apprendre que le plaignant fait l’objet de poursuites de la part du mis en cause, en plus de tous les détails financiers

Lorsqu’il est mis au courant de la signification de la déclaration, le plaignant informe le mis en cause et son agence de recouvrement mandatée qu’il n’est pas un employé de la société d’experts‑conseils. Il décide de porter plainte contre eux pour avoir signifié une déclaration accessible aux regards à cet endroit.

Le plaignant soutient avoir été embauché comme consultant en fonction de sa réputation. Par conséquent, il craint que cet incident ne ternisse sa réputation, étant donné que le milieu des technologies de l’information est plutôt restreint à Calgary.

Pour sa part, le mis en cause affirme qu’en Alberta, une déclaration est un document accessible au public, et que les tribunaux provinciaux peuvent de diverses manières porter un avis de déclaration à l’attention d’un débiteur, notamment en la publiant dans un journal. Il estime que la copie de la déclaration laissée au bureau de l’employeur du plaignant est sans aucun doute une méthode de communication plus discrète des renseignements personnels du plaignant que ne le serait leur publication dans un journal. Par conséquent, le mis en cause considère n’avoir pas violé la Loi.

En réalité, le Commissariat a établi que, selon les règles de cour de l’Alberta, il faut signifier une déclaration à l’intéressé même, sauf si un tribunal accorde une ordonnance de signification indirecte. Or, dans le cas en question, aucune ordonnance du genre n’a été émise.

Pour ce qui est de la prétention du mis en cause selon laquelle les documents du tribunal sont ouverts au public, un tribunal conserve toute discrétion sur la question de l’accès à ses dossiers. Il joue également un rôle de supervision et de protection de ses propres dossiers. L’accès peut être refusé s’il vise une fin inconvenante ou autrement prohibée par la loi. À ce titre, le principe des audiences publiques peut permettre à un membre du public d’accéder à des documents de la cour, mais il ne donne pas à un demandeur le droit inconditionnel de communiquer à des tiers non concernés le contenu d’un dossier du tribunal ou d’un acte de procédure.

Conclusions

Rendues le 16 mars 2009

Application : Selon le principe 4.3, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire. D'après le paragraphe 5(3), l'organisme ne peut communiquer des renseignements personnels qu'à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances. Cette exigence préliminaire s’applique peu importe que l’intéressé ait donné son consentement à la communication, conformément au principe 4.3, ou que s’applique une exemption au titre du paragraphe 7(3). Dans l’alinéa 7(3)b), il est dit qu’un organisme peut communiquer des renseignements personnels à l'insu de la personne et sans son consentement uniquement si la communication est effectuée en vue du recouvrement d'une créance que celle‑ci a à l'égard de l'organisme. Selon l’alinéa 7(3)h.1), l’organisme ne peut communiquer de renseignements personnels à l’insu de l’intéressé et sans son consentement que lorsqu’il s’agit d’un renseignement réglementaire auquel le public a accès.

Pour rendre sa décision, la commissaire adjointe s’est appuyée sur les considérations suivantes :

  • Notre enquête a permis d’établir que le mis en cause, après avoir retracé celui qu’il considérait en toute probabilité être l’employeur du plaignant, a pris les dispositions pour que soit laissée à cet établissement (à savoir, le bureau d’accueil de la société d’experts‑conseils) une copie à découvert de la déclaration contenant des renseignements personnels délicats du plaignant. Dans cette affaire, on devait recouvrer une dette légitime du plaignant envers le mis en cause.
  • Toutefois, comme on le souligne dans des conclusions antérieures du Commissariat, l’exception à l’exigence de consentement évoquée dans l’alinéa 7(3)b) ne donne pas à un organisme le droit de communiquer ce qu’il lui plaît dans ses efforts pour récupérer une dette.
  • Une telle communication pourrait être jugée appropriée dans un cas où le tribunal aurait rendu sa décision en fonction de la cession de salaire d’une personne et qu’une agence de recouvrement aurait contacté son employeur en raison des paiements qui en découlent (lesquels sont alors versés soit à l’agence de recouvrement même, soit à un créancier qui est un client de l’agence de recouvrement). Dans une situation où le salaire doit être saisi, il faut expédier des documents juridiques à la personne‑ressource concernée chez l’employeur (un conseiller en ressources humaines, par exemple). Les dispositions en matière d’exception prévues dans l’alinéa 7(3)b) du paragraphe 5(3) seraient alors applicables.
  • La plainte actuelle ne se déroulait pas dans de telles circonstances. À titre d’exemple, notre enquête a permis d’établir que le plaignant avait une relation client–consultant auprès de la société d’experts‑conseils, et non pas une relation du type employé–employeur. En outre, peu importe le type de relation entre les deux parties, le mis en cause n’avait pas le droit, en vertu des règles de cour de l’Alberta, de laisser la déclaration sur les lieux de la société d’experts‑conseils puisque le document devait être signifié au plaignant en personne.
  • Même si la société d’experts‑conseils avait été l’employeur du plaignant et que le mis en cause avait obtenu (a) une ordonnance du tribunal pour saisir le salaire, ou (b) une ordonnance de la cour accordant la signification d’une déclaration contre le plaignant sur les lieux de l’employeur, le Commissariat se serait attendu à ce que les documents juridiques soient remis dans une enveloppe sous pli cacheté et adressée à la personne concernée, un conseiller en ressources humaines et le plaignant respectivement.
  • Par conséquent, la commissaire adjointe a établi que la disposition de l’alinéa 7(3)b) de la Loi, qui comporte une exception dans la collecte d’une créance, ne s’appliquait pas.
  • Toutefois, conformément à l’alinéa 7(3)h.1), une organisation peut communiquer des renseignements sur une personne dans les cas où ces renseignements sont publics. Une telle communication doit être envisagée dans le contexte des règlements spécifiés et découlant de la Loi. Le Règlement précisant les renseignements auxquels le public a accès (DORS/2001‑7 [le Règlement]) définit ce qui est considéré comme accessible au public aux fins de cette exemption. Les dispositions pertinentes du paragraphe 1d) du Règlement se lisent comme suit :
    1. Les renseignements et catégories de renseignements ci-après sont précisés pour l'application des alinéas 7(1)d), (2)c.1) et (3)h.1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques :

      d) les renseignements personnels qui figurent dans un dossier ou document d'un organisme judiciaire ou quasi judiciaire, qui est accessible au public, si la collecte, l'utilisation et la communication de ces renseignements sont directement liées à la raison pour laquelle ils figurent dans le dossier ou document;

    Par conséquent, lorsque la communication de renseignements personnels est directement liée à l’objectif de faire entendre une déclaration devant le tribunal, le consentement de la personne visée ne sera pas requis.

  • Dans le cas présent, la commissaire adjointe a établi que le fait de communiquer les renseignements personnels du plaignant à un étranger au litige (à savoir, les personnes du bureau d’accueil de la société d’experts‑conseils) n’était pas directement lié à la raison fondamentale du recouvrement d’une créance par le biais d’une action en justice intentée contre le plaignant.
  • Puisque cette prescription du Règlement n’a pas été respectée, le mis en cause ne pouvait valablement réclamer une exemption au consentement en vertu de l’alinéa 7(3)h.1).
  • Selon la commissaire adjointe, il y a eu violation du principe 4.3 puisque les deux dispositions pertinentes visant l’exemption au consentement revendiquée par le mis en cause ne s’appliquaient pas dans le cas présent.
  • Finalement, la commissaire adjointe a examiné la communication sous l’angle du paragraphe 5(3) de la Loi. Malgré le fait que le plaignant était un débiteur du mis en cause et avait été désigné défendeur dans une poursuite judiciaire pour recouvrement de créance, elle a établi que la communication de ses renseignements personnels contenus dans une déclaration signifiée à une personne ou une organisation étrangère au litige — sans obligation légale d’agir ainsi — ne constitue pas une communication qu’une personne raisonnable estimerait acceptable dans les circonstances.
  • La commissaire adjointe a recommandé au mis en cause de revoir sa démarche en ce qui touche la signification d’une déclaration dans les actions en justice à des fins de recouvrement de créance, en tenant compte du caractère confidentiel du document et de la bonne façon de procéder. Le mis en cause a alors modifié son approche en 1) utilisant des enveloppes dans tous les cas où une déclaration n’est pas remise directement en mains propres à la partie en question, et 2) en signifiant uniquement les déclarations aux adresses permises sur le document même. Il a également confirmé avoir offert à ses employés une formation sur les lois en matière de protection de la vie privée.
  • La commissaire adjointe était d’avis que ces mesures réduiraient la probabilité que ne se répètent de telles situations.

Conclusion 

La commissaire adjointe en a conclu que la plainte était fondée et résolue.

Voir également

Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2005-317 : Une télécopie d'un agent de recouvrement contient des renseignements personnels sur une débitrice

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