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Une station de télévision enregistre indûment la conversation téléphonique d’un employé

Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2007-387

[Principe 4.3 de l’annexe 1]

Leçons apprises

  • Les entreprises qui prévoient installer des dispositifs d’enregistrement des appels téléphoniques de leurs employés doivent en informer ces derniers; elles doivent également préciser les raisons qui motivent cette mesure avant de la mettre en application.
  • Les entreprises sont tenues d’informer les clients que leurs appels pourraient être enregistrés; elles doivent également préciser les raisons qui motivent cette mesure.
  • Les entreprises doivent mettre en œuvre des politiques régissant l’enregistrement des appels téléphoniques et s’assurer qu’elles suivent les « Pratiques exemplaires sur l’enregistrement des appels téléphoniques des clients » du Commissariat.

Le syndicat représentant une partie du personnel d’une station de télévision établie dans une petite collectivité a prétendu que le directeur de la station avait enregistré indûment les conversations téléphoniques d’une ancienne préposée au service à la clientèle. L'enquête a confirmé ces allégations. La station envisageait d’installer des dispositifs d’enregistrement sur tous les postes de travail des préposés au service à la clientèle afin d’assurer un contrôle de la qualité, de conserver les conversations en vue d’éventuels litiges et de décourager les clients injurieux. La commissaire adjointe a recommandé que la direction de la station prévienne ses employés qu’elle envisage d’installer de tels dispositifs, qu’elle leur explique les raisons d'une telle décision et qu’elle prévienne les clients que leurs appels pourraient être enregistrés en leur expliquant ce qui motive cette mesure.

Voici un résumé de l’enquête et des conclusions de la commissaire adjointe.

Résumé de l’enquête

Les personnes touchées par la plainte sont le directeur général, la directrice de bureau (et agente de la protection à la vie privée) et les préposés au service à la clientèle. À l’occasion de travaux de rénovation, la préposée dont il a été question plus haut a aperçu sous son bureau une boîte reliée à des fils, dont celui du téléphone. Sur cette boîte, qui avait été cachée entre une cloison et l’arrière du bureau de la préposée, figurait un slogan sur l’enregistrement de conversations téléphoniques au moyen d’un ordinateur personnel.

La préposée au service à la clientèle a montré la boîte à quelques collègues et a demandé des informations au directeur général. Ce dernier a expliqué que l’appareil avait été installé à titre d’essai et qu’il ne fonctionnait pas bien. D’après la préposée, le directeur n’a pas précisé si l’appareil enregistrait vraiment les conversations, bien qu’elle le lui ait demandé. Le directeur lui a dit que l’appareil serait utilisé afin d’assurer un contrôle de la qualité, de consigner des conversations en vue d’éventuels litiges et de décourager les clients injurieux.

D’après le directeur général, le dispositif d’enregistrement installé sur le poste de travail de la préposée ne fonctionnait pas en raison de son incompatibilité avec les téléphones utilisés par les employés du service à la clientèle. Le directeur a affirmé ne pas avoir avisé la préposée pour cette raison. Le système téléphonique alors en place à la station ne permettait pas de faire entendre aux appelants un message signalant que les appels étaient enregistrés. Le directeur attendait qu’un nouveau système téléphonique soit mis en place pour installer des dispositifs d’enregistrement sur les téléphones des préposés du service à la clientèle.

Le dispositif d’enregistrement en question est constitué d’un logiciel et d’une boîte que des fils relient à la fois à un téléphone et à un ordinateur. L’utilisateur de ce dispositif peut enregistrer des conversations téléphoniques sur son ordinateur. Le logiciel offre plusieurs options de configuration; il permet notamment à l’utilisateur d’enregistrer manuellement ou automatiquement tous les appels, de sauvegarder tous les appels ou de ne sauvegarder que les appels dépassant une certaine durée. L’utilisateur détermine également l'endroit où les appels seront enregistrés sur l’ordinateur et la durée de conservation des enregistrements. Un réglage par défaut du logiciel commande l’apparition d’un écran fugitif au démarrage de l’ordinateur.

L’enquête a révélé que l’écran fugitif apparaissait sur l’ordinateur de la directrice de bureau, mais pas sur celui de la préposée. Un raccourci pour accéder au logiciel d’enregistrement figurait sur le bureau des ordinateurs de la directrice de bureau et de la préposée. Lorsque le dispositif d’enregistrement entre en fonction, un cercle rouge clignote au bas de la barre de tâches, à droite. La préposée au service à la clientèle ne se rappelle avoir vu ni le cercle rouge, ni l’icône, ni l’écran fugitif.

Des témoignages contradictoires ont été déposés au sujet d’une démonstration du dispositif. Les préposés au service à la clientèle ont affirmé qu’une telle démonstration avait eu lieu et qu’ils avaient vu un journal des appels enregistrés sur l’ordinateur de la préposée en question. Ils ont affirmé ne pas avoir imprimé ce journal parce que l’ordinateur n’était pas muni du logiciel Word. Leur description du journal des appels ne correspond pas vraiment à l’exemple de journal que le Commissariat a pu voir. Le Commissariat n’a pas été en mesure de déterminer la cause de cette divergence.

Les préposés n’ont sauvegardé aucun des appels apparaissant dans ce journal. Une préposée a toutefois affirmé que, quelques mois après la découverte de la boîte, elle avait copié deux fichiers qui se trouvaient sur l’ordinateur relié à cette boîte, croyant qu’il s’agissait de conversations téléphoniques enregistrées, et qu’elle les avait envoyés au Commissariat. Après vérification, aucun fichier n’avait été sauvegardé sur l’ordinateur en question. L’employée qui a envoyé les fichiers au Commissariat a précisé que ceux-ci avaient disparu de cet ordinateur peu de temps après qu’elle les ait transférés.

Le Commissariat a écouté ces fichiers. Ils contenaient tous deux un enregistrement téléphonique : sur l’un, le message d’accueil de la station en même temps qu’une voix masculine répétant « testing 1 2 3 4 testing 1 2 3 4 »; sur l’autre, une conversation entre un homme et une femme.

Le Commissariat a fait écouter ces enregistrements à la préposée concernée, qui a immédiatement reconnu sa propre voix et celle de son mari sur le second fichier. Elle a associé sans hésitation la voix masculine du premier fichier à celle du directeur général. La directrice de bureau a elle aussi reconnu la voix du directeur général et celle de la préposée. Elle se demandait pourquoi l’existence de ces enregistrements n’avait jamais été révélée.

La station a indiqué que le dispositif d’enregistrement est réglé pour enregistrer soit toutes les conversations, soit les conversations dépassant une durée déterminée par l’utilisateur. L’utilisateur détermine aussi la durée de la période de sauvegarde des enregistrements. Ceux-ci peuvent être supprimés après un certain temps ou encore lorsqu’ils occupent un certain espace sur le disque dur; ils peuvent aussi être sauvegardés indéfiniment. Afin de contourner les réglages de suppression de fichiers, on peut marquer manuellement certains enregistrements comme « urgents ». La directrice de bureau a souligné que les préposés au service à la clientèle avaient affirmé qu’au cours de la démonstration du dispositif, ils avaient vu un journal des appels sauvegardés à des dates précises, lequel mentionnait que les fichiers étaient supprimés après 24 heures. Quelqu’un a dû marquer comme urgents les deux fichiers sauvegardés, ce qui expliquerait qu’ils n’aient pas été supprimés automatiquement. D’après la directrice de bureau, cela signifie que cette personne savait depuis longtemps que le dispositif fonctionnait, sans pourtant le mentionner.

La directrice de bureau a affirmé qu’il est facile de créer des appels, de les antidater et de les renommer, et ce, sur n’importe quel ordinateur. Elle a fait remarquer que le directeur général ne travaille pas à 1 h 03, alors qu’un fichier a été enregistré à cette heure. Aucun numéro de téléphone ne figure sur les enregistrements en question, alors qu’un fichier authentique indique à la fois le numéro de téléphone, le nom de l’utilisateur, la durée et la date de l’appel. La directrice de bureau a avancé que des données des fichiers transmis au Commissariat pouvaient avoir été modifiées, notamment la date, la durée et l’ordinateur utilisé. Le Commissariat a toutefois observé que le logiciel continue d’indiquer la date et la durée originales d’un fichier d’enregistrement, même après que son nom a été modifié.

Conclusions

Rendues le 4 décembre 2006

Application : Le principe 4.3 stipule que toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.

Pour rendre sa décision, la commissaire adjointe s’est appuyée sur les considérations suivantes :

  • Personne n’a nié que le directeur général de la station avait installé un dispositif d’enregistrement des appels téléphoniques sur le poste de travail d’une préposée au service à la clientèle. L’enquête a démontré que celle-ci n’était pas au courant de la présence du dispositif. Le directeur général a affirmé ne pas en avoir informé la préposée parce que le dispositif ne fonctionnait pas.
  • Le Commissariat a toutefois reçu par la suite un fichier contenant une conversation téléphonique entre la préposée et son mari, enregistrée depuis le poste de travail de la préposée. Il s’agit d’une preuve que des renseignements personnels concernant la préposée et son mari ont été recueillis sans le consentement de ces derniers, ce qui contrevient au principe 4.3.
  • La direction de la station a précisé qu’elle prévoyait installer des dispositifs d’enregistrement sur les téléphones de tous les préposés au service à la clientèle afin d’assurer un contrôle de la qualité, de conserver des conversations en vue d’éventuels litiges et de décourager les clients injurieux.
  • La commissaire adjointe a toutefois estimé qu’avant de mettre en œuvre ces mesures, la station devait en informer les employés et leur expliquer ses motivations, en plus d’informer les clients que leurs appels pouvaient être enregistrés et des raisons de ces enregistrements.
  • L’enquête a clairement montré que la station n’avait pas entrepris ces démarches avant d’installer le dispositif d’enregistrement sur le poste de travail de la préposée en question, ce qui a conduit au dépôt de la plainte devant le Commissariat.
  • La commissaire adjointe recommande donc que la station :
  • avise ses employés qu’elle prévoit installer des dispositifs d’enregistrement et leur explique pourquoi elle veut le faire, et ce, avant d’utiliser ces dispositifs;
  • se dote d’une politique régissant l’enregistrement des appels téléphoniques et s’assure qu’elle suive les « Lignes directrices sur l’enregistrement des appels téléphoniques des clients » du Commissariat.
  • Après avoir reçu les recommandations de la commissaire adjointe, la direction de la station a décidé de ne pas enregistrer les appels téléphoniques; elle se dotera plutôt d’une politique régissant l’utilisation du téléphone.

La commissaire adjointe conclut que la plainte était fondée et résolue.

Voir aussi

No 180 Une banque utilise à des fins de formation non identifiée l’enregistrement sur bande sonore d’une conversation avec un client sans l’avertir; l’enregistrement est communiqué à un autre client

No 215 Une banque enregistre l’appel de son client sans son consentement

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