Sélection de la langue

Recherche

Un fournisseur de matériaux de construction communique des renseignements personnels à un entrepreneur

Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2007-371

[Principe 4.3, alinéa 7(3)b), paragraphe 5(3)]

Un couple et leur ancien entrepreneur en construction étaient engagés dans un litige qui s’est retrouvé devant la Cour des petites créances. Le couple a soutenu que, pendant sa comparution en cour, l’entrepreneur a déclaré sous serment que le magasin de matériaux de construction lui avait donné des renseignements sur le compte de crédit du couple et le montant qu’il devait au magasin. Les preuves concernant la communication de renseignements personnels ont semblé quelque peu contradictoires, mais la commissaire adjointe à la protection de la vie privée a finalement conclu que des renseignements personnels avaient été communiqués. Elle a jugé que l’exception au consentement en vue du recouvrement d’une créance que l’organisation a contre l’intéressé ne s’appliquait pas. La compagnie a soutenu que, en fait, elle avait le consentement des plaignants puisqu’ils avaient signé un formulaire de demande. La commissaire adjointe a cependant estimé que la formule de consentement qui apparaissait sur le formulaire était libellée en termes trop généraux pour que le consentement soit valable. Elle a recommandé que la compagnie modifie le libellé du consentement pour faire en sorte que les fins de la collecte, de l’utilisation et de la communication des renseignements soient clairement expliquées et que ces fins obéissent au critère de la « personne raisonnable ». La compagnie a accepté de le faire, et la commissaire adjointe a conclu que la plainte était fondée et résolue.

Voici un résumé du déroulement de l’enquête et les conclusions de la commissaire adjointe.

Résumé de l’enquête

Le magasin de matériaux de construction avait accordé une marge de crédit aux plaignants, et ces derniers tout comme leur entrepreneur à l’époque y achetaient des matériaux au moment de la construction de leur maison. Au cours de cette période, les plaignants ont eu plusieurs conversations avec une employée du magasin chargée des comptes clients. Le couple a déclaré qu’elle les avait assurés que personne à l’extérieur du magasin n’avait accès à des renseignements sur leur crédit ou leur compte.

Quelques mois après l’obtention de la marge de crédit, un conflit a éclaté entre les plaignants et leur entrepreneur au sujet de la maison. Le couple a affirmé que, à la Cour des petites créances, leur ancien entrepreneur avait expliqué au greffier que le magasin lui avait communiqué des renseignements au sujet de leur compte de crédit. Le couple a indiqué que l’entrepreneur avait prétendu que ses interlocuteurs au magasin lui avaient communiqué des renseignements. Selon le couple, l’information à laquelle il faisait référence concernait leur solvabilité et le solde dû.

À la suite de cet incident, ils ont communiqué avec le président‑directeur général du magasin. Celui‑ci leur a dit qu’il ferait enquête et qu’il les informerait des résultats, mais il ne l’a pas fait.

Le Commissariat a communiqué avec l’entrepreneur en construction qui a censément fait allusion aux renseignements financiers du couple en cour. Il a déclaré qu’il ne se rappelait pas que quelqu’un au magasin lui ait jamais parlé de leur situation financière en particulier. Il se rappelait que le mari lui avait déjà dit qu’il lui (le mari) faudrait du temps pour payer le magasin. L’entrepreneur se souvenait d’avoir dit : « vous n’avez pas encore payé le magasin » au cours de la procédure préalable à l’instruction par la Cour des petites créances.

Selon la compagnie, seulement trois employés auraient eu accès aux renseignements financiers du couple : la contrôleuse, le président‑directeur général et l’employée chargée des comptes clients.

Quelques mois avant la procédure judiciaire, le magasin a tenté de se faire rembourser la dette des plaignants. L’employée chargée des comptes clients a téléphoné à l’entrepreneur en construction dans le but de savoir où en était le litige entre lui‑même et les plaignants. Dans un courriel adressé au président de la compagnie, l’employée écrit qu’elle a téléphoné à l’entrepreneur pour savoir s’il avait été payé ou s’il avait des renseignements à lui communiquer.

D’après le magasin, cette employée se rappelait vaguement que l’entrepreneur en construction lui avait dit qu’il avait intenté des poursuites à la Cour des petites créances pour recouvrer la dette contractée par les plaignants. Le représentant de la compagnie a déclaré que l’employée ne se rappelait pas si elle avait dit à l’entrepreneur que le magasin n’avait pas été payé. Le magasin a indiqué, cependant, que l’employée n’avait pas communiqué à l’entrepreneur de détails sur le compte, ni sur son ancienneté ni sur le montant dû.

La contrôleuse du magasin a reçu un appel de l’épouse qui lui a dit qu’elle revenait de la Cour des petites créances où, sous serment, l’entrepreneur avait fait allusion à des renseignements concernant leur compte au magasin. L’épouse a exigé de parler au président‑directeur général. La contrôleuse a transmis le message à celui‑ci et a indiqué que l’employée chargée des comptes clients ferait le suivi.

Le Commissariat a communiqué avec l’employée chargée des comptes clients. Elle a déclaré qu’elle avait parlé à l’entrepreneur pour savoir si lui, à titre d’entrepreneur en construction, avait été payé par les plaignants. Elle ne se rappelait pas comment elle avait appris qu’il était leur entrepreneur. Elle nous a indiqué qu’elle lui avait dit que le couple avait un compte impayé au magasin.

Elle a déclaré que, à une certaine époque, il était pratique courante au magasin de rencontrer les autres fournisseurs et de discuter ouvertement des comptes en souffrance de leurs clients communs. Elle a cependant ajouté que le magasin avait mis fin à cette pratique. Elle a aussi fait observer que les plaignants avaient signé un document qui est utilisé lorsque les clients demandent du crédit. Le formulaire contient la déclaration suivante sous le titre « Modalités du compte » :

[Traduction]
Le soussigné consent à la collecte de renseignements de solvabilité et/ou de renseignements personnels, au besoin, dans le cadre de la présente demande de crédit, du renouvellement ou de la reconduction de cette demande, et à la communication de tout renseignement de solvabilité concernant le soussigné à une agence d’évaluation du crédit ou à toute personne avec qui le soussigné a ou a l’intention d’avoir des rapports financiers (c’est nous qui mettons en gras).

Le magasin a fourni une copie du formulaire signé par les plaignants, qui comprenait la clause précitée. Selon le magasin, les plaignants ont accepté les modalités du compte relatives à la collecte et à la communication de renseignements sur leur solvabilité.

Le magasin a indiqué que, depuis le dépôt de la plainte, il avait modifié certaines de ses pratiques en matière de traitement des renseignements personnels. Il s’est engagé à améliorer sa politique sur la protection de la vie privée et, lors des réunions du personnel, les obligations de la compagnie aux termes de la Loisont passées en revue. Le magasin a aussi modifié ses formulaires de demande de crédit afin de préciser qu’il n’était pas obligatoire de fournir son numéro d’assurance sociale. La partie du formulaire qui s’intitulait auparavant « Modalités du compte » porte maintenant le titre « Déclaration concernant la communication de renseignements » [Traduction]. Les consommateurs peuvent détacher cette partie et la conserver dans leurs dossiers. Cependant, la clause relative à la collecte et à la communication de renseignements n’a pas été modifiée. Selon le magasin, tous les renseignements demandés sont pertinents et ils sont nécessaires pour la tenue de ses registres comptables.

Conclusions

Rendues le 12 janvier 2007

Application : Conformément au principe 4.3, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire. Une exception à cette règle est prévue à l’alinéa 7(3)b), qui établit qu’une organisation peut communiquer des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé et sans son consentement si la communication est faite en vue du recouvrement d’une créance que celle-ci a contre l’intéressé. Conformément au paragraphe 5(3), une organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

Pour rendre sa décision, la commissaire adjointe s'est appuyée sur les considérations suivantes :

  • Il fallait d’abord déterminer si des renseignements avaient été communiqués. L’entrepreneur en construction nous a dit qu’il ne se rappelait pas que quelqu’un au magasin lui ait donné des détails sur la situation financière des plaignants, bien qu’il ait reconnu avoir formulé un commentaire lors de l’avant procès sur le fait qu’ils n’avaient pas encore payé le magasin. Dans un courriel envoyé avant la procédure judiciaire, l’employée chargée des comptes clients a informé le président‑directeur général de la compagnie qu’elle avait appelé l’entrepreneur en construction pour savoir s’il avait été payé ou s’il avait des informations à lui communiquer. Lorsqu’elle a été interrogée, la contrôleuse a déclaré que l’épouse l’avait appelée peu après la procédure devant la Cour des petites créances et lui avait mentionné que l’entrepreneur avait dit, sous serment, qu’il avait échangé des renseignements sur le compte de crédit du couple avec la compagnie. Toutefois, d’après la réponse officielle que la compagnie a donnée à la suite de la plainte, l’employée chargée des comptes clients ne se rappelait pas si elle avait dit à l’entrepreneur que les plaignants n’avaient pas payé le magasin. Lorsque nous l’avons interrogée, elle a déclaré qu’elle avait dit à l’entrepreneur qu’ils devaient de l’argent. Elle a aussi indiqué que, à une certaine époque, il était pratique courante au magasin de discuter des comptes en souffrance avec d’autres entreprises qui avaient les mêmes clients.
  • Par conséquent, compte tenu des déclarations de l’employée chargée des comptes clients (à savoir qu’elle avait dit à l’entrepreneur que les plaignants devaient de l’argent), la commissaire adjointe a conclu que la compagnie avait communiqué des renseignements à l’entrepreneur en construction au sujet du compte du couple.
  • La commissaire adjointe s’est alors demandé si la communication était inappropriée. Le consentement avait‑il été obtenu, comme le soutenait le magasin, puisque le couple avait signé le formulaire de demande de crédit, et le consentement était‑il même nécessaire, étant donné que l’alinéa 7(3)b) permet à une organisation de communiquer des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé et sans son consentement en vue du recouvrement d’une créance que celle-ci a contre l’intéressé?
  • En ce qui concerne l’exception au consentement, il est certain que les plaignants devaient de l’argent au magasin au moment où des renseignements ont été communiqués. Cependant, la commissaire adjointe n’est pas convaincue que ces renseignements ont été communiqués à l’entrepreneur en construction en vue du recouvrement d’une créance. À son avis, les renseignements semblent avoir été communiqués afin d’obtenir de l’information sur la situation financière du couple pour établir s’il était possible de recouvrer la dette.
  • Compte tenu de ces considérations, elle ne pense pas que l’exception au consentement prévue à l’alinéa 7(3)b) s’applique à la communication des renseignements dans le cas présent.
  • Le magasin a soutenu qu’il avait obtenu le consentement des plaignants en faisant référence à l’entente signée qui contenait une clause relative à la communication de renseignements sur leur solvabilité à toute personne avec qui ils avaient ou avaient l’intention d’avoir des rapports financiers. Si on se fie à ce document, il semble que les plaignants avaient consenti à ce que le magasin communique des renseignements personnels les concernant à quelqu’un avec qui ils avaient des « rapports financiers ».
  • La commissaire adjointe a constaté que l’entente avait été signée en 2003, quelque cinq mois avant que le magasin soit assujetti à la Loi. Les renseignements ont été communiqués après que la loi est pleinement entrée en vigueur, en 2004. Compte tenu de ces faits, la question du consentement doit être examinée dans le contexte de la Loi.
  • Le paragraphe 5(3) de la Loi établit qu’une organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances. Elle exige que l’organisation informe l’intéressé de la collecte, de l’utilisation ou de la communication et que l’intéressé y consente, et elle prévoit qu’il incombe à l’organisation de veiller à ce que le consentement soit « valable » en s’assurant que les fins visées sont expliquées de manière à ce qu’une personne puisse raisonnablement comprendre ce qu’elles sont.
  • La commissaire adjointe ne pense pas qu’une personne raisonnable aurait jugé qu’il était approprié pour le magasin de dire à l’ancien entrepreneur des plaignants qu’ils devaient de l’argent en vue d’obtenir des renseignements sur leur situation financière. Assurément, les plaignants ne savaient pas que des renseignements sur leur compte seraient échangés avec l’entrepreneur en construction avec lequel ils étaient engagés dans un litige.
  • En outre, la clause de consentement qui figure sur l’entente qu’ils ont signée n’explique pas en détail les fins pour lesquelles des renseignements pourraient être communiqués. Bien entendu, elle ne donne pas non plus de précisions sur les fins de la collecte, quoiqu’on puisse les déduire. La commissaire adjointe est d’avis que les fins visées par la compagnie sont énoncées de manière vague et, par conséquent, ne satisfont pas aux exigences du principe 4.3.2, à savoir que les fins visées par les organisations doivent être énoncées de façon qu’une personne puisse raisonnablement comprendre de quelle manière les renseignements seront utilisés ou communiqués. La clause de consentement ne satisfaisait pas à cette obligation.
  • Par conséquent, puisque la clause de consentement que les plaignants ont signée ne les informait pas des fins de la collecte, de l’utilisation et de la communication de leurs renseignements personnels, le magasin n’avait pas obtenu leur consentement pour la communication de renseignements.
  • La commissaire adjointe a recommandé que le magasin modifie la clause de consentement afin de s’assurer que les fins visées par la collecte, l’utilisation et la communication des renseignements personnels sont clairement expliquées. Elle a aussi rappelé à la compagnie que les fins ne doivent pas seulement être clairement énoncées, elles doivent également obéir au critère de la « personne raisonnable » énoncé au paragraphe 5(3).
  • La compagnie a modifié le formulaire de demande de crédit, la clause de consentement et sa politique. Ces documents ont été intégrés aux procédures opérationnelles. La compagnie les communiquera à tous ses clients actuels; elle transmettra cette information à ses employés et leur donnera de la formation à ce sujet.
  • Compte tenu des mesures prises, la commissaire adjointe estime que la compagnie s’acquittera de ses obligations aux termes du paragraphe 5(3) et du principe 4.3.

Par conséquent, elle conclut que la plainte est fondée et résolue.

Date de modification :