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Des cabinets d’avocats recueillent des rapports de solvabilité sans le consentement des personnes concernées

Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2006-340

(Alinéas 4(1)a) et 13(2)b); principe 4.3 de l’Annexe 1; alinéa 7(1)b))

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP) a reçu deux plaintes de personnes alléguant que des cabinets d’avocats ont recueilli des renseignements personnels à leur sujet et, plus précisément, qu’ils ont effectué des vérifications de solvabilité à leur sujet sans les informer ni leur demander leur consentement. La question de la juridiction a été soulevée au cours des enquêtes, quoiqu’à différents égards. La commissaire adjointe à la protection de la vie privée a conclu que les deux plaintes étaient fondées.

Dans un premier temps, aucun des cabinets n'avait pris des mesures pour mettre en œuvre les recommandations de la commissaire, et l'affaire a été renvoyée à l'avocat plaidant de la commissaire. Peu de temps après qu’il eut communiqué avec eux, les deux cabinets acceptèrent de mettre en œuvre les recommandations, évitant ainsi de devoir présenter une demande à la Cour fédérale.

Voici la description du déroulement des enquêtes et les conclusions rendues par la commission adjointe.

Plainte A

Une personne a déposé une plainte selon laquelle un cabinet d’avocats a recueilli des renseignements personnels à son sujet en formulant, à son insu et sans son consentement,  une demande d’enquête auprès d’une agence d’évaluation du crédit.

Résumé de l’enquête

Le cabinet d’avocats a confirmé qu’il avait effectué une vérification de solvabilité. Il a toutefois affirmé que le Commissariat n’avait pas la juridiction nécessaire dans ce dossier puisque les renseignements en cause étaient recueillis aux fins personnelles d’un client, dans le contexte d’un possible litige. Par conséquent, le cabinet n’était pas en mesure de permettre au Commissariat d’accéder à ses dossiers.

Le CPVP a répondu qu’il avait la juridiction nécessaire puisque la collecte avait été effectuée dans le cadre des activités commerciales du cabinet.

Le plaignant a aussi déposé une plainte auprès de l’agence d’évaluation du crédit au sujet de la collecte de renseignements de solvabilité à son sujet. L’agence exige de ses entreprises adhérentes, dont fait partie le cabinet en question, d’obtenir le consentement explicite des personnes concernées pour toute collecte de renseignements de solvabilité. Puisque le cabinet n’a pas fourni l’information appropriée et qu’il n’a pas répondu aux demandes de l’agence d’évaluation du crédit de façon satisfaisante, l’agence a conclu que le cabinet n’avait pas obtenu le consentement du plaignant pour recueillir les renseignements personnels de ce dernier. Par conséquent, les privilèges dont bénéficiait le cabinet à titre de membre ont été suspendus.

Conclusions

Rendues le 2 mai 2006

Application : Conformément à l’alinéa 4(1)a), la partie I de la Loi s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales. Conformément au principe 4.3, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.

La commissaire adjointe a jugé que la collecte de renseignements avait été effectuée dans le cadre des activités commerciales du cabinet et a noté que les activités des cabinets d’avocats entreprises au nom de leurs clients n’étaient pas exclues de l’application de la Loi. Par conséquent, le Commissariat avait juridiction dans ce dossier, en vertu de l’alinéa 4(1)a).

En ce qui concerne la collecte de renseignements, le cabinet d’avocats a admis qu’il avait effectivement recueilli des renseignements au sujet du plaignant et, plus précisément, qu’il avait fait une demande de renseignements de solvabilité. Le plaignant a affirmé que cette demande avait été effectuée sans son consentement, et le cabinet n’a fourni aucune indication prouvant le contraire.

Par conséquent, la commissaire adjointe a conclu que l’information avait été recueillie à l’insu et sans le consentement du plaignant et que le principe 4.3 avait été enfreint. Elle a recommandé au cabinet d’avocats de mettre en œuvre une politique interdisant la tenue de vérifications de solvabilité sans le consentement des personnes concernées, à moins que la situation ne soit visée par l’une des exceptions de la Loi. Le cabinet a réagi en remettant de nouveau en question la juridiction du Commissariat et en affirmant qu’aucune activité commerciale n’était en cause. Le cabinet a affirmé qu’il agissait conformément à la Loi, comme il l’a toujours fait depuis l’entrée en vigueur de celle‑ci. Il a ajouté qu’il ne recueille pas de renseignements personnels sans le consentement des personnes concernées. La commissaire adjointe n’a pas jugé la réponse satisfaisante et a indiqué que selon la Loi, les organisations sont tenues de faire preuve de transparence relativement à leurs politiques et pratiques sur la protection des renseignements personnels. Le cabinet n’a pas suivi la recommandation du Commissariat qui l’incitait à mettre en œuvre une politique sur l’obtention du consentement des personnes concernées avant toute vérification de solvabilité. Le cabinet n’a pas été en mesure de démontrer qu’il n’avait pas enfreint la Loi.

La commissaire adjointe a jugé la plainte fondée.

Plainte B

Une personne a déposé une plainte selon laquelle des renseignements personnels sur elle et son mari ont été recueillis sans leur consentement par un avocat qui a obtenu leur dossier de crédit auprès d’une agence d’évaluation du crédit.

Résumé de l’enquête

La plaignante et son mari sont parties prenantes à un litige avec des clients du cabinet d’avocats en cause. L’un des avocats du cabinet a obtenu des exemplaires de rapports de solvabilité du couple, et il a ensuite transmis des copies de ces rapports au conseiller juridique du couple.

Pendant l’enquête, la plaignante a déposé une plainte auprès du ministre provincial responsable de la législation sur les renseignements concernant le consommateur. Après avoir examiné le dossier, le ministre a informé la plaignante qu’il n’imposerait aucune amende au cabinet d’avocat et qu’il considérait le dossier clos. Le Commissariat a poursuivi son enquête.

L’agence d’évaluation du crédit a indiqué que le cabinet d’avocats était l’un de ses membres. Il a toutefois été établi que le cabinet, puisqu’il n’avait pas obtenu le consentement de la plaignante avant d’accéder à son dossier, n’avait pas respecté les procédures définies dans l’entente conclue entre l’agence et ses membres. Par conséquent, les privilèges dont bénéficiait le cabinet à titre de membre ont été suspendus.

Le cabinet a présenté un certain nombre d’arguments pour justifier sa démarche. À son avis, il était raisonnable, dans les circonstances, d’obtenir le rapport de solvabilité de la plaignante afin de déterminer s’il était approprié d’entreprendre une demande reconventionnelle visant à intenter une poursuite contre la plaignante. Le cabinet a aussi affirmé que dans la situation, l’une des exceptions applicables au consentement était valide, soit l’exception prévue à l’alinéa 7(1)b), selon laquelle une organisation peut recueillir des renseignements personnels à l’insu d’une personne et sans son consentement, dans la mesure où il est raisonnable de croire que la collecte effectuée au su ou avec le consentement de la personne concernée puisse compromettre l’exactitude du renseignement ou l’accès à celui‑ci. La collecte est aussi raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d’un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial. Le cabinet a également remis en question la juridiction du Commissariat et a affirmé que c’était le gouvernement provincial qui avait les compétences nécessaires pour examiner la plainte, étant donné que la législation sur les renseignements concernant le consommateur porte exclusivement sur l’obtention de rapports de solvabilité.

Conclusions

Rendues le 2 mai 2006

Application : Conformément à l’alinéa 4(1)a), la partie I de la Loi s’applique à toute organisation qui recueille, utilise ou communique des renseignements personnels dans le cadre d’activités commerciales. Conformément au principe 4.3, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire. Enfin, l’alinéa 7(1)b) prévoit qu’une organisation peut recueillir des renseignements personnels à l’insu d’une personne et sans son consentement, dans la mesure où il est raisonnable de croire que la collecte effectuée au su ou avec le consentement de la personne concernée puisse compromettre l’exactitude du renseignement ou l’accès à celui‑ci, et la collecte est raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d’un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial. 

Pour rendre sa décision, la commissaire adjointe s’est appuyée sur les considérations suivantes :

  • Le cabinet d’avocats a soutenu que seul le gouvernement provincial avait les compétences nécessaires pour examiner la plainte puisque la législation sur les renseignements concernant le consommateur porte exclusivement sur l’obtention de rapports de solvabilité.
  • La commissaire adjointe a souligné que conformément à l’alinéa 13(2)b) de la Loi, elle était autorisée à décider de ne pas rédiger de rapport de conclusions étant donné que la plainte pourrait être traitée de façon plus appropriée, en partie ou en totalité, dans le cadre d’un processus prévu par des lois provinciales.
  • La plaignante a toutefois adressé sa plainte à la personne qui convenait, soit le ministre de l’Industrie, mais celui‑ci, après l’avoir examinée, a jugé le dossier clos.
  • Puisque les renseignements personnels de la plaignante, et plus particulièrement son rapport de solvabilité, étaient en cause, et que ces renseignements ont été recueillis dans le cadre d’activités commerciales, la commissaire adjointe a jugé que le Commissariat avait toute la juridiction voulue pour faire enquête et rendre des conclusions.
  • Elle a souligné qu'en vertu du principe 4.3, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, sauf dans certaines circonstances définies.
  • Il est clairement établi que le cabinet n’a pas obtenu le consentement de la plaignante ou de son mari pour l’obtention de leur rapport de solvabilité. Selon la commissaire adjointe, le cabinet n’a pas réussi à justifier de façon convaincante qu’il ait obtenu ces renseignements sans le consentement nécessaire, tel que prévu à l’alinéa 7(1)b). Les renseignements n’ont pas été recueillis aux fins d’une enquête sur la violation d’un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial, mais plutôt pour établir s’il était possible d'entreprendre une demande reconventionnelle visant à poursuivre la plaignante.
  • Par conséquent, la commissaire adjointe a conclu que le cabinet avait recueilli des renseignements personnels sur la plaignante à son insu et sans son consentement et qu’il avait ainsi contrevenu au principe 4.3. La commissaire adjointe a recommandé au cabinet de mettre en place une politique empêchant la tenue de vérifications de solvabilité sans le consentement nécessaire, à moins qu’un but autorisé ne soit poursuivi. Le cabinet a refusé de suivre cette recommandation.

La commissaire adjointe a donc conclu que la plainte était fondée.

La commissaire adjointe a ajouté, au sujet des deux plaintes, qu'elle effectuerait le suivi nécessaire, conformément à la Loi, et qu'elle avait renvoyé les cas à son avocat plaidant. Peu après qu’il eut communiqué avec les deux cabinets, ceux-ci acceptèrent de mettre en œuvre les recommandations, évitant ainsi de devoir présenter une demande à la Cour fédérale.

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