Une société d’entreposage de dossiers médicaux revoit sa politique d’accès
Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2006-328
(Principes 4.7 et 4.9.4 de l’Annexe 1)
Plusieurs personnes ont déposé des plaintes contre une société ontarienne d’entreposage de dossiers médicaux, au motif que cette dernière leur imposait des frais déraisonnables pour accéder à leur dossier médical. L’une des personnes qui a porté plainte a soutenu que la société vendait les dossiers médicaux et que les mesures de sécurité mises en place pour protéger la confidentialité des renseignements sur la santé étaient inadéquates.
La commissaire adjointe à la protection de la vie privée a considéré que la question des frais exigés a été réglée lorsque la société a modifié le libellé de sa politique sur la protection de la vie privée. Les modifications apportaient des précisions sur la différence entre l’accès à un dossier à des frais minimes ou gratuitement, un droit prévu par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), et l’obtention d’une copie de son dossier. La commissaire adjointe n'a pas soutenu les allégations des plaignants selon lesquelles les mesures de sécurité étaient inadéquates et que la société vendait des dossiers médicaux. Néanmoins, la commissaire adjointe a signalé que les plaintes déposées avaient soulevé un certain nombre d’enjeux relatifs aux politiques, qu’elle prévoit porter à l’attention de ses homologues provinciaux et territoriaux et des organismes provinciaux et territoriaux responsables de la délivrance des permis aux médecins.
Le texte suivant décrit le déroulement de l’enquête et les conclusions rendues par la commissaire adjointe.
Résumé de l’enquête
L'Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario a émis un énoncé de politique établissant les obligations légales des médecins de l’Ontario en matière de création, de tenue et d’entreposage de dossiers médicaux, de même que pour l’accès à ces dossiers. Les membres de l’Ordre sont tenus de conserver l’original des dossiers médicaux d’un patient dans un endroit sûr pendant au moins 10 ans après la dernière saisie d’information dans le dossier, ou pendant deux ans, si le membre concerné de l’Ordre cesse de pratiquer la médecine. Dans les circonstances en l’espèce, un médecin de famille avait transféré son cabinet à l’extérieur de la province. Le médecin pouvait soit apporter les dossiers de ses patients et les conserver pendant 10 ans, soit signer un contrat avec une société d’entreposage de dossiers médicaux, qui se serait chargée de conserver les dossiers.
D’après l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, la plupart des patients qui consultent un nouveau médecin sont satisfaits lorsque leur ancien médecin fournit à leur nouveau médecin un résumé de leur dossier médical plutôt qu'un exemplaire complet du dossier. Il faut payer pour obtenir de tels résumés. Lorsque le médecin transfère le dossier complet d’un patient, il doit fournir uniquement une copie, et non l’original. La photocopie du dossier n’est pas un service assuré; autrement dit, le médecin n’est pas remboursé pour ce service par le Régime d’assurance‑santé de l’Ontario. Le médecin « peut exiger du patient... des frais raisonnables. »
L’Association médicale de l’Ontario (AMO) publie un guide à l’intention des médecins concernant les services de tiers et autres services non assurés, dans lequel on établit les frais recommandés pour la photocopie ou le transfert de dossiers médicaux. Les frais recommandés sont de 30,61 $ pour les cinq premières pages, et de 1,20 $ pour chaque page additionnelle. Selon l’AMO, le barème des frais tient compte du temps que le médecin passe à examiner les dossiers. En effet, le médecin doit s’assurer que le dossier peut être communiqué, qu’il ne contient aucun renseignement juridique ou des renseignements sur un tiers devant être exclus, et que la communication du dossier ne comporte aucun risque potentiel pour le patient.
Les frais peuvent être modifiés à la discrétion du médecin. Le guide précise ce qui suit :
Il arrive parfois que les patients disent éprouver des difficultés financières et être incapables de payer les frais que leur imposent les médecins pour le transfert des dossiers. Il importe que nos membres soient conscients que le barème de l’AMO est établi à titre indicatif. Les médecins (ou le personnel de leur cabinet) doivent faire preuve de jugement et réduire ces frais, au besoin, si leurs patients éprouvent des difficultés financières. [Traduction]
La société d’entreposage et d’administration des dossiers médicaux en question offre des installations d’entreposage aux médecins ainsi que des services de télécopie et de transfert de dossiers aux anciens patients des médecins. La société utilise un contrat de services standard qu’elle signe avec les médecins. En vertu de ce contrat, la société agit à titre de gardienne des dossiers du patient au nom du médecin et assume ses responsabilités en conformité avec le règlement établi en vertu de la Medicine Act et les directives de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. Le contrat permet également à la société de communiquer avec les patients d’un médecin pour déterminer s’ils souhaitent recevoir une copie de leur dossier médical.
Lorsque la société reçoit les dossiers d’un médecin, elle communique avec les anciens patients de ce dernier par téléphone pour les informer des services qu'elle offre et qu’ils peuvent obtenir une copie de leur dossier médical moyennant des frais. Si un patient est intéressé, la société lui fait parvenir un formulaire standard intitulé « Autorisation et consentement à communiquer et à transférer un dossier médical ». Le formulaire exige le consentement écrit de la personne pour procéder au « transfert de son dossier médical ». Il n’est pas question de l’accès au dossier dans le formulaire.
Lorsqu’elle doit fournir une copie de son dossier à un patient, la société a recours à un barème de frais modifié fondé sur le barème des médecins publié par l’AMO dont il a été question plus haut. Cependant, la société a établi à 250 $ la somme maximale des frais pour la copie et le transfert du dossier d’une personne.
Sous la rubrique « droit d’accès » de la politique sur la protection des renseignements personnels de la société, on peut lire ceci :
Vous avez le droit de consulter les renseignements personnels que nous détenons à votre sujet. Nous devons confirmer votre identité avant de vous donner accès à ces renseignements. Vous avez uniquement accès à une photocopie de votre dossier. [Traduction]
Le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) a examiné, avec un représentant de la société, les dispositions sur l’accès que renferme la Loi. Par la suite, la société a modifié le libellé de sa politique sur la protection de la vie privée. La nouvelle politique indique maintenant qu’une personne peut consulter gratuitement son dossier médical. La société demandera certains renseignements pour confirmer l’identité de la personne ainsi qu’un préavis suffisant, après quoi elle prendra les dispositions nécessaires pour que la personne puisse consulter le dossier dans ses locaux. La société continuera d’imposer des frais pour la photocopie et le transfert des dossiers médicaux personnels.
L’entreposage des dossiers médicaux selon des normes de protection et de confidentialité adéquates est considéré comme un élément constitutif des services médicaux assurés. Les médecins doivent procurer un entreposage « sûr » des dossiers médicaux pendant une période prescrite allant, tel qu'il a été mentionné auparavant, jusqu’à 10 ans. Il n’existe ni loi ni règlement ni directive décrivant la manière et l'endroit pour entreposer les dossiers.
L’enquête a confirmé que la société offre des installations d’entreposage sûres pour le traitement des dossiers. La réception du bureau est séparée physiquement de la zone de traitement des dossiers et l’on accède à ces deux zones grâce à une clé. Les dossiers entreposés sont conservés en dehors des installations dans un lieu clôturé, dont l’entrée est contrôlée par un gardien de sécurité et l’accès est surveillé et filmé. La société effectue une présélection de ses employés et leur offre une formation et des séances d’orientation sur leur obligation relativement à la confidentialité et à la sécurité des dossiers de patients.
Conclusions
Rendues le 9 juin 2006
Application : Le principe 4.7 stipule que les renseignements personnels doivent être protégés au moyen de mesures de sécurité correspondant à leur degré de sensibilité; conformément au principe 4.9.4, une organisation doit répondre à la demande d’une personne qui veut avoir accès à ses renseignements personnels dans un délai raisonnable et ne peut exiger, pour ce faire, que des droits minimes.
Pour rendre sa décision, la commissaire adjointe s’est appuyée sur les considérations suivantes :
- Dans les circonstances en l’espèce, le médecin de famille avait pris les dispositions nécessaires pour assurer l’entreposage sûr des dossiers médicaux de ses patients grâce à un contrat signé avec la société d’entreposage.
- L’enquête a établi que la société ne vendait pas les dossiers médicaux, et la commissaire adjointe a donc déterminé que la société ne contrevenait à aucune disposition de la Loi eu égard à cette allégation.
- La société copie et transfère le dossier médical du patient à son nouveau médecin, avec le consentement du patient, et impose des frais qui correspondent au barème recommandé par l’Association médicale de l’Ontario pour la prestation de ce service.
- Cependant, si un patient avait demandé uniquement d'accéder à son dossier, ce qui diffère de la copie et du transfert de dossier, il aurait déduit, d’après ses entretiens avec la société et d'après la politique de cette dernière en matière de protection de la vie privée, qu'il aurait eu accès à une copie de son dossier médical, et que la copie de dossier constitue un service pour lequel le patient doit payer.
- La Loi, fait remarquer la commissaire adjointe, n’oblige pas une organisation à satisfaire à ses exigences relatives à l’accès en fournissant des copies de dossiers. La société a modifié le libellé de sa politique sur la protection de la vie privée pour veiller à ce que les personnes soient conscientes de leur droit de consulter leur dossier médical à un coût minime ou gratuitement, conformément au principe 4.9.4. Si le patient souhaite qu’une copie de son dossier soit transférée à son nouveau médecin, la société continuera d’imposer des frais pour ce service.
- En ce qui concerne les allégations touchant la protection des renseignements personnels sur la santé, la commissaire adjointe s’est dit convaincue que la société dispose des mesures de protection appropriées et conformes aux obligations que lui impose le principe 4.7.
La commissaire adjointe a conclu que les plaintes concernant les mesures de protection et la vente de renseignements personnels étaient non fondées et que la plainte concernant les frais déraisonnables imposés pour l’accès aux dossiers médicaux a été résolue.
Autres considérations
Selon la commissaire adjointe, ces plaintes ont soulevé beaucoup de questions relatives aux politiques sur le traitement des dossiers médicaux par les médecins. L’une de ces questions consiste à savoir s’il est convenable que les médecins ferment leur cabinet sans aviser leurs patients qu’ils transfèrent leur dossier à une tierce partie pour fins d’entreposage (conformément à leurs obligations professionnelles). Dans quelle mesure les médecins ont‑ils la responsabilité d’aviser leurs patients du transfert et de l’entreposage de leurs dossier médical? Une autre considération consiste à savoir si les sociétés d’entreposage devraient appeler les patients qui n’ont pas été prévenus de la situation par leur médecin. En ce qui concerne le consentement, la question est de savoir s’il est suffisant pour le médecin de consentir, au nom de ses patients, à ce que la société d’entreposage qui se voit octroyer le contrat communique directement avec le patient. Est-ce qu’il y a lieu de s’inquiéter que les patients puissent avoir accès à leur dossier médical dans les locaux de la société d’entreposage, sans bénéficier des explications utiles du médecin?
Le Commissariat a accepté la plainte avant l’adoption de la loi de l’Ontario sur la protection des renseignements personnels sur la santé et a terminé son enquête avant la publication du décret du gouverneur en conseil, le 28 novembre 2005, intitulé Décret d’exclusion visant les dépositaires de renseignements sur la santé de la province de l’Ontario. À la suite de ce décret, la loi ontarienne a été jugée essentiellement similaire à la LPRPDE. En Ontario, les médecins qui manipulent des renseignements sur la santé doivent se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé,laquelle est administrée par le Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario (CIPVP). Le CPVP s'est entretenu de ces enjeux avec le CIPVP, lequel est responsable des médecins de l’Ontario et examine les questions relatives à la responsabilité des médecins d’aviser les personnes concernées lorsqu’il y a transfert de dossiers. La commissaire adjointe a indiqué que le Commissariat prévoyait soulever ces questions de politiques auprès de ses homologues provinciaux responsables de la protection de la vie privée afin de favoriser la tenue de discussions sur les répercussions des pratiques de gestion des dossiers des médecins sur la protection de la vie privée.
- Date de modification :