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La surveillance électronique ne donne aucun résultat, mais la pratique est fortement découragée

Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2004-268

[Principe 4.3, alinéa 7(1)b)]

Plainte

Trois anciens employés d'une compagnie de transport aérien se sont plaints, car leur employeur a tenté de recueillir et d'utiliser leurs renseignements personnels à leur insu et sans leur consentement. Ils allèguent en particulier qu'un de leurs gestionnaires a installé un magnétophone numérique sur la face inférieure d'une table dans un fumoir accessible aux employés et au public dans l'espoir de recueillir leurs renseignements personnels.

Résumé de l'enquête

Au moment de l'incident, les plaignants étaient embauchés à titre de représentants du service à la clientèle. Un soir, alors qu'ils prenaient leur pause dans le fumoir, ils se sont rendu compte qu'un magnétophone numérique était tombé de la face inférieure d'une table non loin. Ils ont alors écouté l'enregistrement. On n'y entendait que la voix de la gestionnaire, répétant trois fois le mot « test ». Sur le ruban adhésif qui avait servi à maintenir le magnétophone en place, il y était inscrit « ne pas toucher », dont l'écriture ressemblait à celle de la gestionnaire. L'un des plaignants a immédiatement effacé l'enregistrement puis signalé l'incident à la direction.

La direction a convoqué une réunion peu après pour discuter de la question et d'autres problèmes. La gestionnaire a reconnu devant les employés présents et, plus tard, devant le Commissariat, qu'elle avait placé un magnétophone dans le fumoir pour recueillir des renseignements personnels au sujet des plaignants. La compagnie soutient qu'elle avait eu des problèmes avec ces employés et que la tension s'était accrue. Selon la gestionnaire, plusieurs facteurs l'ont amené à croire que les problèmes qu'éprouvait la compagnie avec ces trois employés s'accentuaient. Avant de recourir au magnétophone, la gestionnaire a affirmé avoir consulté le propriétaire de la compagnie ainsi qu'un membre de la GRC. Ce dernier, bien qu'il disait comprendre les difficultés de la gestionnaire, a indiqué au Commissariat ne pas excuser l'utilisation d'un magnétophone dans le fumoir public, tandis que le propriétaire de la compagnie a nié avoir été consulté à ce sujet.

De l'avis de la gestionnaire, le soir où elle a installé le magnétophone dans le fumoir, elle savait qu'aucune arrivée n'était prévue à l'aéroport ce soir-là. L'aéroport est ouvert en tout temps. Il y a toujours au moins un représentant du service à la clientèle et deux techniciens en service, au cas où des vols non prévus arriveraient. Les plaignants, cependant, maintiennent que le soir en question, il y avait quatre employés dans le fumoir lorsque le magnétophone a été trouvé.

La compagnie a reconnu que sa gestionnaire a tenté de recueillir les renseignements personnels des employés à leur insu et sans leur consentement, mais qu'elle était autorisée à le faire dans ce contexte en vertu de l'alinéa 7(1)b). Cette disposition permet en effet à une organisation de recueillir les renseignements personnels à l'insu de l'individu et sans son consentement « à des fins liées à une enquête sur la violation d'un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial ». La compagnie a déclaré avoir placé les plaignants sous enquête pour les motifs suivants :

  • commérages malveillants colportés à l'endroit de la gestionnaire à d'autres employés;
  • soupçons de vol de recettes de stationnement dans la caisse enregistreuse;
  • addition de Ex-lax liquide dans du vin rouge rangé dans le réfrigérateur de la cuisine;
  • mauvaise gestion de la barrière de stationnement pendant les quarts de soir.

La gestionnaire a obtenu une déclaration écrite d'une employée, qui a affirmé avoir vu à une occasion un des plaignants empocher 20 dollars que lui avait remis un client. L'employée a informé verbalement la gestionnaire de cet incident après que celle-ci eut placé le magnétophone dans le fumoir, mais avant le licenciement des employés. Cette même employée a ensuite rédigé une déclaration après que les employés eurent quitté la compagnie. Cette dernière est d'avis qu'il aurait pu s'agir d'une activité criminelle, et a soupçonné que le problème ne se limitait pas qu'à un employé vu les communications étroites et fréquentes entre les plaignants. Pour cette raison, la compagnie a estimé qu'elle avait raison de croire que ce n'était pas un cas isolé.

Bien que la gestionnaire ait fourni au Commissariat diverses raisons de soupçonner que ce plaignant volait régulièrement des recettes de stationnement, les arguments invoqués dénotaient qu'elle n'avait aucune preuve directe qui lui permettait d'étayer ses soupçons.

Pour ce qui est de l'allégation concernant le Ex-lax liquide, la compagnie a présenté une déclaration écrite d'un témoin qui a fourni des informations à cet égard plusieurs mois après le départ des plaignants. Un autre employé a vu l'un des plaignants vider du liquide dans des bouteilles de vin rouge dans la cuisine. La gestionnaire a également obtenu une déclaration écrite de la part de cet employé au moment où celui-ci a dévoilé ces renseignements, aussi plusieurs mois après le départ des plaignants (et a déposé une plainte au Commissariat).

Quant à la mauvaise gestion de la barrière de stationnement, la compagnie n'a pu fournir de preuves au Commissariat pour soutenir cette allégation, car aucun gardien ne se trouvait sur les lieux pour surveiller les activités lors du dépôt de la plainte.

Peu après la découverte du magnétophone et la réunion entre la compagnie et les employés, les trois plaignants ont été renvoyés.

Conclusions

Rendues le 12 avril 2004

Application : Le principe 4.3 stipule que « toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire ». L'alinéa 7(1)b) fait exception à ce principe. Elle prévoit qu'une organisation peut recueillir des renseignements personnels à l'insu de l'intéressé et sans son consentement s'il est raisonnable de s'attendre à ce que la collecte effectuée au su ou avec le consentement de l'intéressé puisse compromettre l'exactitude du renseignement ou l'accès à celui-ci, et si la collecte est raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d'un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial.

L'enquête a déterminé que l'enregistrement avait été effacé. Rien ne prouvait donc que des renseignements personnels à propos des plaignants avaient été recueillis ou utilisés; la commissaire adjointe à la protection de la vie privée a conclu que la compagnie ne contrevenait à aucune disposition de la Loi.

La commissaire adjointe a conclu que les plaintes étaient non fondées.

Autres considérations

Malgré ces conclusions, elle a lancé l'avertissement suivant : la compagnie ne devrait pas interpréter ces conclusions comme une approbation à ce qu'elle a tenté faire. Si la gestionnaire avait réussi à obtenir des renseignements grâce au magnétophone numérique, la commissaire adjointe n'aurait pas, dans les circonstances, été disposée à accepter le recours à l'alinéa 7(1)b) pour justifier la collecte de renseignements personnels d'une telle manière.

Elle a déclaré ce qui suit :

L'alinéa 7(1)b) ne peut être considéré indépendamment et ne peut donc être invoqué sous aucun prétexte pour justifier toute collecte de renseignements personnels à l'insu et sans le consentement d'un individu. De l'avis du Commissariat, une organisation doit détenir des preuves substantielles si elle soupçonne que l'employé commet des écarts de conduite ou que la confiance a été trahie, elle doit être en mesure de démontrer qu'elle a épuisé tous les autres recours pour obtenir les renseignements nécessaires en utilisant des moyens moins envahissants et doit limiter le plus possible la collecte à cette fin.

Dans le présent cas, des rumeurs de vol, de fraude et de voie de fait circulaient, mais il ne s'agissait que de preuves empiriques et non de preuves substantielles. En outre, certains de ces renseignements ont été remis à la gestionnaire après qu'elle ait eu placé le magnétophone dans le fumoir public. La gestionnaire a-t-elle tenté d'obtenir d'une manière moins envahissante des renseignements sur ces incidents avant d'installer un magnétophone numérique – A-t-elle alerté tous les employés sur ces problèmes – A-t-elle parlé de ses soupçons aux personnes concernées – Il semblerait que non.

Et il y a la mesure en elle-même. Installer un magnétophone dans une salle accessible à de nombreuses personnes, à certains clients, certains employés, est un moyen extrêmement inconsidéré de recueillir des renseignements. La compagnie soutient que le temps d'enregistrement limitait les risques que des renseignements des autres personnes soient enregistrés. Néanmoins, cette salle était un lieu public et, indépendamment du fait qu'une arrivée soit prévue ce soir-là ou non, la compagnie ne pouvait pas garantir que seuls les plaignants utiliseraient le fumoir. Le magnétophone semble avoir été placé à cet endroit au cas où certains renseignements seraient recueillis. Une telle méthode pour enquêter sur de prétendus écarts de conduite ne respecte pas la vie privée, c'est le moins que l'on puisse dire.

Exercer une surveillance électronique sur des employés lorsqu'il y a violation présumée d'un contrat de travail est une mesure qui ne devrait jamais être prise à la légère ou facilement. Cette étape — si elle est effectivement prise — devrait en être une de dernier recours et être approuvée par des dirigeants très hauts placés, si l'on veut obtenir des renseignements sur des écarts de conduite de la part d'employés. Elle doit également reposer sur des preuves substantielles. Bref, dans le cas qui nous concerne, les circonstances n'étaient pas comparables.

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