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Une banque exige une vérification de crédit comme condition pour ouvrir un compte de dépôt

Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2003-219

[Principes 4.3.2 et 4.3.3; paragraphe 5(3)]

Plainte

Un homme s'est plaint qu'une banque lui ait demandé, comme condition pour l'ouverture d'un compte de dépôt, de se soumettre à une vérification de crédit, même s'il ne cherchait pas à obtenir du crédit.

Résumé de l'enquête

Le plaignant a souligné que la demande de la banque était incompatible avec la conclusion rendue relativement à une plainte fondée, déposée antérieurement à ce bureau, dans laquelle il a été recommandé que la banque concernée élabore une procédure permettant aux personnes qui refusent de consentir à une vérification de crédit, tout en étant disposées à renoncer à toute forme de crédit, d'ouvrir un compte de dépôt personnel en consentant aux autres conditions que la banque pourrait juger bon d'imposer pour veiller à ne pas consentir de crédit. Les deux plaintes, la précédente et la présente, visaient la même banque.

La banque n'a pas contesté qu'au moment de la présente plainte, elle présentait encore la vérification de crédit comme une condition pour ouvrir un compte à un nouveau client. Elle a cependant expliqué qu'en dépit de la formulation de sa politique et de sa clause de consentement, elle n'avait jamais vraiment fait une règle d'obtenir un rapport de solvabilité ou de vérifier les antécédents en matière de crédit de tout nouveau client désireux d'ouvrir un compte. Au lieu de cela, elle utilise les renseignements personnels que lui fournit le nouveau client pour vérifier son identité et ses antécédents. D'ailleurs, la formulation révisée de ses formulaires de demande reflète désormais cette pratique, et le terme « crédit » n'y figure plus.

Par contre, la banque a l'habitude de vérifier les antécédents de ses nouveaux clients en soumettant leurs renseignements personnels à des bases de données relatives à la fraude appartenant à une agence d'évaluation du crédit. Elle vérifie aussi l'identité des particuliers à l'aide d'un logiciel lui permettant de comparer les renseignements sur les formulaires de demande avec les renseignements correspondants qui figurent à leur dossier à l'agence d'évaluation du crédit. Si l'une de ces vérifications soulève un doute, cela incite la banque à pousser son enquête.

L'enquête a cependant révélé que la prétendue vérification de « l'identité » ne se limitait pas strictement à l'identité. En effet, le système assignait automatiquement au client une limite de découvert bancaire et des privilèges de carte bancaire. Or, à cette fin, il poussait son enquête jusqu'aux renseignements de solvabilité au dossier de l'individu. Cela contredit la banque, qui a prétendu ne pas obtenir de rapport de solvabilité et ne pas vérifier les antécédents en matière de crédit.

Selon la banque, en confirmant l'identité d'un individu par l'intermédiaire d'une agence d'évaluation du crédit, elle avait comme objectif primaire d'atténuer les risques de fraude, y compris la menace croissance que représente le vol d'identité. La banque se considère à risque parce qu'elle fournit aux nouveaux détenteurs de compte une protection de découvert bancaire sous la forme d'accès immédiat à des fonds déposés et parce que la loi exige qu'elle fournisse des services de carte bancaire à tous les nouveaux comptes. La banque a soutenu que sa procédure de vérification de l'identité était conforme aux attentes des organismes de réglementation nationaux et internationaux et que cette procédure avait d'ailleurs démontré son efficacité en réduisant les pertes de la banque causées par la fraude.

Le Commissariat a consulté un rapport publié par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, un organisme international comptant dix pays membres, dont le Canada, qui formule des normes de surveillance et des lignes directrices générales et recommande certaines pratiques exemplaires, en s'attendant à ce que les différentes autorités les mettent en oeuvre. Le rapport, intitulé Devoir de diligence des banques au sujet de la clientèle, présente un cadre de « connaissance de la clientèle » et recommande que les banques obtiennent tous les renseignements nécessaires pour établir à leur entière satisfaction l'identité de tout nouveau client, de même que le but et la nature prévue de la relation d'affaires. Le rapport préconise toutefois d'employer une approche progressive, tenant compte du type de client et de la taille présumée du compte quand vient le temps de déterminer la quantité et la nature des renseignements à recueillir pour vérifier l'identité d'un client.

Dans certaines situations spécifiques, la banque modifie la procédure d'ouverture d'un compte en limitant l'accès aux fonds et en retenant les fonds déposés dans le compte. En revanche, elle se refusait à personnaliser ses enquêtes auprès des agences d'évaluation du crédit pour les personnes simplement désireuses d'ouvrir un compte avec les services de base, sans accès à du crédit, ou à modifier autrement sa procédure d'ouverture d'un compte en pareils cas. Le Commissariat a confirmé auprès des agences d'évaluation du crédit qu'il serait possible d'adapter les logiciels utilisés pour vérifier l'identité.

Le Commissariat a consulté le ministère fédéral des Finances au sujet du Règlement sur l'accès aux services bancaires de base, rattaché à la Loi sur les banques, lequel entrait en vigueur le 30 septembre 2003. En vertu de ce nouveau règlement, toute banque membre de la Société d'assurance-dépôts du Canada sera tenue d'ouvrir un compte de dépôt et d'encaisser les chèques émis par le gouvernement pour tout particulier qui satisfait aux conditions prévues au Règlement.

Le paragraphe 3(1) du Règlement stipule les circonstances dans lesquelles une banque peut refuser l'ouverture d'un compte :

  1. la banque membre a des motifs raisonnables de croire que le compte sera utilisé à des fins illégales ou frauduleuses;
  2. le particulier s'est déjà livré à des activités illégales ou frauduleuses envers des fournisseurs de services financiers;
  3. la banque membre a des motifs raisonnables de croire que le particulier lui a sciemment fourni des renseignements trompeurs sur un point important en vue d'obtenir l'ouverture d'un compte; [...].

L'article 3 du Règlement va permettre aux banques d'avoir recours aux services d'agences d'évaluation du crédit pour déterminer :

  • si le particulier s'est déjà livré à des activités frauduleuses envers des fournisseurs de services financiers;
  • si le particulier a fourni des renseignements trompeurs sur son formulaire de demande.

L'article 4 du Règlement établit les conditions à remplir par un particulier qui demande l'ouverture d'un compte de dépôt de détail, à savoir : produire deux pièces d'identité et fournir son nom, sa date de naissance, son adresse et son occupation. En outre :

  • à la demande de la banque membre, [le particulier] doit consentir à ce que celle-ci vérifie l'existence de l'une ou l'autre des circonstances prévues [au paragraphe 3(1)] et vérifie les pièces d'identité qu'il produit.

Conclusions du commissaire

Rendues le 12 septembre 2003

Compétence : Depuis le 1er janvier 2001, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la Loi) s'applique à toutes les installations, tous les ouvrages, toutes les entreprises et tous les secteurs d'activité fédéraux. Le commissaire avait compétence dans ce cas, parce qu'une banque constitue une entreprise fédérale, selon la définition de la Loi.

Application : Le principe 4.3.2, qui insiste sur le fait qu'il faut informer la personne et obtenir son consentement, indique que les organisations doivent faire un effort raisonnable pour s'assurer que la personne est informée des fins auxquelles les renseignements seront utilisés. Pour que le consentement soit valable, les fins doivent être énoncées de façon que la personne puisse raisonnablement comprendre de quelle manière les renseignements seront utilisés ou communiqués. Le principe 4.3.3 indique qu'une organisation ne peut pas, pour le motif qu'elle fournit un bien ou un service, exiger d'une personne qu'elle consente à la collecte, à l'utilisation ou à la communication de renseignements autres que ceux qui sont nécessaires pour réaliser les fins légitimes et explicitement indiquées. Le paragraphe 5(3) stipule que l'organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu'à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

Le commissaire a délibéré comme suit :

  • En se référant aux lignes directrices du Comité de Bâle sur la « connaissance de la clientèle » et au nouveau Règlement sur l'accès aux services bancaires de base, le commissaire a déterminé qu'il était raisonnable et approprié par mesure de diligence raisonnable - et à plus forte raison en considérant l'obligation pour les banques de fournir des services de carte bancaire à tous leurs nouveaux détenteurs de compte - qu'une banque recueille et utilise certains renseignements personnels concernant un particulier qui demande l'ouverture d'un compte pour vérifier son identité et déterminer s'il a déjà utilisé un compte de dépôt personnel de manière illégale ou frauduleuse. Aussi le commissaire a-t-il jugé que ces fins étaient légitimes, conformément aux principe 4.3.3.
  • Par contre, le commissaire a déterminé qu'à l'époque de l'enquête sur le plaignant, la banque n'avait pas comme pratique d'énoncer ses fins en des termes semblables et qu'elle n'avait pas expliqué au plaignant de façon qu'il puisse raisonnablement comprendre, comme le prévoit pourtant le principe 4.3.2, pourquoi elle exigeait qu'il consente à ce qu'elle appelait alors un « rapport de crédit » et qu'il l'autorise à voir ses antécédents en matière de crédit. On ne pouvait donc pas dire de la banque qu'elle avait satisfait à la condition d'indiquer explicitement ses fins, conformément au principe 4.3.3.
  • Le commissaire a aussi déterminé, en dépit de ce que la banque a prétendu, que les vérifications en question, faites par une agence d'évaluation du crédit, comportaient bel et bien une forme de vérification de la solvabilité, puisque le système vérifiait automatiquement les renseignements sur la solvabilité pour déterminer la limite de découvert bancaire à laquelle le particulier était admissible. Le commissaire a reconnu que bon nombre de clients souhaitent obtenir des services de crédit et se soumettent volontairement à une vérification de la solvabilité afin d'y avoir droit. En revanche, il estime très improbable qu'une personne raisonnable considérerait appropriée la politique de vérification obligatoire de la solvabilité que la banque applique même dans les situations comme celle du plaignant, qui ne demandait aucun service de crédit et était prêt à s'en passer. De plus, étant donné que la banque était en mesure d'adapter sa procédure d'ouverture d'un compte (ce qu'elle acceptait d'ailleurs de faire dans certaines situations spécifiques), le commissaire a considéré déraisonnable que la banque refuse d'en faire autant pour les personnes qui, clairement, ne cherchaient pas à établir une relation de crédit avec la banque et étaient prêtes à renoncer à tout service présentant un risque de crédit pour la banque.
  • Par conséquent, le commissaire n'a pas considéré que la politique de vérification obligatoire de la solvabilité, appliquée par la banque même lorsque le particulier ne veut pas et ne cherche pas à obtenir de crédit, était une fin légitime aux termes du paragraphe 5(3) de la Loi.

Pour ces raisons, le commissaire a trouvé que la banque contrevenait aux principes 4.3.2 et 4.3.3 ainsi qu'au paragraphe 5(3) de la Loi.

Le commissaire a conclu que la plainte était fondée.

Autres considérations

Le commissaire a fait les recommandations suivantes :

  1. La banque ne devrait pas faire d'enquête sur l'admissibilité d'un particulier à des services de crédit à moins d'avoir établi qu'il est intéressé à obtenir de tels services.
  2. Dans les cas où le particulier s'est montré intéressé à obtenir des services de crédit associés à un compte de dépôt personnel, la banque devrait obtenir son consentement à la collecte de renseignements de solvabilité (tels que le nombre d'enquêtes de solvabilité et la limite recommandée de découvert bancaire).
  3. Sauf dans les cas où elle aura obtenu le consentement pour de telles enquêtes sur la solvabilité, la banque devrait modifier le logiciel dont elle se sert pour vérifier l'identité du particulier auprès d'une agence d'évaluation du crédit de façon à retirer les champs qui indiquent le nombre d'enquêtes de solvabilité au cours des 60 derniers jours et toute recommandation quant à la limite de découvert bancaire.
  4. La banque devrait mettre en application une procédure permettant aux personnes qui veulent ouvrir un compte de dépôt personnel sans se soumettre à une vérification de la solvabilité de le faire en acceptant certaines conditions visant à réduire les risques, comme une période de retenue de fonds sur les chèques déposés.
  5. La banque devrait clarifier, dans la documentation explicative accompagnant son formulaire de demande d'ouverture d'un compte, que les « vérifications » en question seront effectuées par l'intermédiaire d'une agence d'évaluation de crédit.
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