Bulletin d’interprétation : Information accessible au public
L’une des principales fonctions du commissaire consiste à enquêter sur les plaintes en matière de protection de la vie privée déposées contre des organisations et à tenter de les régler. Ses conclusions sur une question donnée peuvent varier en fonction des faits propres à chaque cas et de la position des parties en cause. Au fil du temps, les conclusions au sujet de certaines questions clés ont commencé à former des principes généraux pouvant offrir une orientation utile aux organisations.
Afin de résumer les principes généraux qui se dégagent des décisions judiciaires et des conclusions du commissaire jusqu’à présent, le Commissariat publie des interprétations de certains concepts clés de la LPRPDE. Ces interprétations, qui n’ont pas force exécutoire mais servent plutôt d’orientation à des fins de conformité à la LPRPDE, peuvent évoluer et se préciser à mesure que la commissaire formule d’autres conclusions et que les tribunaux rendent d’autres décisions.
I. Dispositions législatives pertinentes
Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (LPRPDE)
Principe 4.3 : Toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.
Alinéa 7(1)d) : Pour l’application de l’article 4.3 de l’annexe 1, une organisation ne peut recueillir de renseignement personnel à l’insu de l’intéressé et sans son consentement que s’il s’agit d’un renseignement réglementaire auquel le public a accès.
Alinéa 7(2)c.1) : Pour l’application de l’article 4.3 de l’annexe 1, une organisation ne peut utiliser de renseignement personnel à l’insu de l’intéressé et sans son consentement que s’il s’agit d’un renseignement réglementaire auquel le public a accès.
Alinéa 7(3)h.1) : Pour l’application de l’article 4.3 de l’annexe 1, une organisation ne peut communiquer de renseignement personnel à l’insu de l’intéressé et sans son consentement que s’il s’agit d’un renseignement réglementaire auquel le public a accès.
Règlement précisant les renseignements personnels auxquels le public a accès, DORS/2001-7 (13 décembre 2000) (« Règlement »)
Article 1 : Les renseignements et catégories de renseignements ci-après sont précisés pour l’application des alinéas 7(1)d), (2)c.1) et (3)h.1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques :
- les renseignements personnels — nom, adresse et numéro de téléphone des abonnés — figurant dans un annuaire téléphonique accessible au public, si l’abonné peut refuser que ces renseignements y figurent;
- les renseignements personnels, y compris les nom, titre, adresse et numéro de téléphone, qui figurent dans un répertoire, listage ou avis à caractère professionnel ou d’affaires qui est accessible au public, si la collecte, l’utilisation et la communication de ces renseignements sont directement liées à la raison pour laquelle ils figurent dans le répertoire, listage ou avis;
- les renseignements personnels qui figurent dans un registre, qui sont recueillis aux termes d’une autorisation législative et pour lesquels un droit d’accès public est autorisé par la loi, si la collecte, l’utilisation et la communication de ces renseignements sont directement liées à la raison pour laquelle ils figurent dans le registre;
- les renseignements personnels qui figurent dans un dossier ou document d’un organisme judiciaire ou quasi judiciaire, qui est accessible au public, si la collecte, l’utilisation et la communication de ces renseignements sont directement liées à la raison pour laquelle ils figurent dans le dossier ou document;
- les renseignements personnels qui figurent dans une publication, y compris les magazines, livres et journaux, sous forme imprimée ou électronique, qui est accessible au public, si l’intéressé a fourni les renseignements.
II. Interprétations générales des tribunaux
- Il va sans dire qu’en apparaissant en public, une personne ne renonce pas nécessairement à son droit de regard sur les renseignements personnels ainsi exposés. (Alberta [Information and Privacy Commissioner] v. United Food and Commercial Workers, Local 401, 2013 SCC 62 au par. 27)
- Les renseignements personnels doivent être à la fois accessibles au public et précisés par le Règlement pour qu’une organisation soit dispensée de l’obligation d’obtenir le consentement de l’intéressé. (Turner c. Telus Communications Inc. 2005 CF 1601)
- Même si l’on peut considérer comme accessibles au public les caractéristiques de la voix ou « empreintes vocales » recueillies par la technologie de reconnaissance vocale, cette forme de renseignements personnels n’est pas précisée par le Règlement. Par conséquent, le Règlement n’autorise pas une organisation à se soustraire à l’obligation d’obtenir le consentement à la collecte de ces renseignements. (Turner c. Telus Communications Inc. 2005 CF 1601)
- Pour que le Règlement s’applique, les renseignements personnels doivent être recueillis auprès d’une source accessible au public. (Citi Cards Canada Inc. v. Pleasance 2010 ONSC 124; voir également Citi Cards Canada Inc. v. Pleasance, 2011 ONCA 3)
- Le solde courant d’une hypothèque n’est pas accessible au public. (City Cards Canada Inc. v. Pleasance 2010 ONSC 124; voir également Citi Cards Canada Inc. v. Pleasance, 2011 ONCA 3)
- L’exception à l’obligation d’obtenir un consentement prévue à l’article 7 de la Loi et à l’alinéa 1a) du Règlement ne s’applique pas à l’organisation qui recueille au départ ces renseignements afin de publier un annuaire téléphonique qui, une fois publié, sera accessible au public. (Englander c. TELUS Communications Inc., 2004 CAF 387)
- Le fait que l’utilisation de renseignements personnels figurant dans des annuaires téléphoniques accessibles au public puisse être aussi répandue à cause de ce Règlement donne à penser que la Cour doit se montrer extrêmement prudente lorsqu’elle détermine les difficultés se rapportant à l’inscription initiale dans un annuaire téléphonique. (Englander c. TELUS Communications Inc., 2004 CFA 387)
III. Application par le Commissariat dans divers contextes
Les faits mis au jour par l’enquête faisant suite à chaque plainte permettent de déterminer si des renseignements sont « accessibles au public » au sens de la LPRPDE. Les exemples suivants illustrent la façon dont les dispositions énonçant chaque type de renseignements accessibles au public précisés par le Règlement ont été interprétées et appliquées par le Commissariat.
1a) Annuaires téléphoniques
- Même s’il est publié dans un annuaire téléphonique accessible au public, le numéro de téléphone d’une personne demeure un renseignement personnel. Le paragraphe 5(3) de la Loi, qui exige des fins acceptables à la collecte, à l’utilisation et à la communication des renseignements personnels, continue de s’appliquer.
- Le paragraphe 1a) du Règlement ne s’applique pas à un terme semblable à un nom utilisé pour désigner la conjointe d’un abonné et stocké sous forme de code dans les dossiers du client d’une entreprise de télécommunications.
- La combinaison de renseignements figurant dans un annuaire téléphonique accessible au public et de renseignements géo démographiques non personnels ne crée pas de nouveaux renseignements personnels auxquels s’appliquerait le principe du consentement obligatoire.
- La manipulation commerciale et la vente de renseignements figurant dans des annuaires téléphoniques accessibles au public ne contreviennent pas au critère de la personne raisonnable énoncé au paragraphe 5(3) de la Loi.
- Les renseignements personnels figurant dans les pages blanches d’un annuaire téléphonique, republiés dans un nouveau format (en ligne) qui correspondent à ceux publiés au départ sont considérés comme des renseignements accessibles au public et ne sont pas visés par l’obligation d’obtenir le consentement énoncée dans la Loi.
- Une division d’une entreprise de télécommunications pourrait recueillir le nom des clients de sa société mère, leur adresse et leur numéro de téléphone à partir de l’annuaire des pages blanches de cette dernière en vue de les utiliser pour ses propres fins commerciales.
1b) Répertoires à caractère professionnel et d’affaires
- La collecte et l’utilisation des adresses de courriel par une tierce partie en vue de promouvoir la vente de billets pour des manifestations sportives n’était pas liée à la raison pour laquelle l’employeur avait rendues publiques les coordonnées de ses employés. Par conséquent, le règlement n’autorisait pas la collecte et l’utilisation sans consentement de ces renseignements par la tierce partie.
- Les renseignements sur l’entreprise d’une personne recueillis auprès de sources accessibles au public comme les pages jaunes, les télépages, les superpages et d’autres sources de marketing peuvent être communiqués sans consentement.
- Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2003-141 : Une agence d’évaluation du crédit est accusée de communiquer des renseignements sans informer la personne ni obtenir son consentement
1c) Registres publics
- Le simple fait qu’un renseignement personnel soit accessible auprès d’une source publique ne suffit pas. Pour que le Règlement s’applique, l’information doit également avoir été recueillie auprès de la source accessible au public.
- L’examen des fins précises d’une collecte, d’une utilisation ou d’une communication est un élément clé de l’évaluation visant à déterminer si l’exception à l’obligation de consentement prévue par la Loi s’applique.
- Les renseignements personnels figurant dans un registre public ne peuvent être recueillis, utilisés et communiqués sans consentement que lorsque la collecte, l’utilisation ou la communication de ces renseignements sont directement liées à la raison pour laquelle ils figurent au registre.
- Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2009-020 : Les renseignements du domaine public portant sur la faillite d’une personne ne peuvent être communiqués aux fins du recouvrement d’une créance sans son consentement
- Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2010-004 : Un gestionnaire révèle le salaire d’un employé dans le cadre d’une remarque — le consentement était nécessaire malgré l’obligation d’informer le public
- L’accès du public à l’information sur une faillite n’autorise pas l’utilisation de ces renseignements pour recouvrer une créance par un moyen autre que ceux prévus par la législation fédérale sur la faillite, qui est la fin pour laquelle les renseignements sont rendus publics.
- L’accès du public aux états financiers vérifiés aux fins de reddition de comptes et de transparence n’autorise pas la communication du salaire d’une personne à des fins n’ayant aucun lien avec la raison de la collecte initiale.
1d) Dossiers des tribunaux
- Lorsque la communication de dossiers du tribunal renfermant les renseignements personnels d’un individu est directement liée à l’objectif de faire entendre une déclaration devant le tribunal, le consentement de l’individu ne sera pas requis. Toutefois, le Règlement ne s’appliquait pas en l’espèce car la communication des renseignements personnels figurant dans les documents du tribunal à une personne non concernée par le processus du litige n’était pas directement liée à la raison pour laquelle ils figuraient dans les documents (à savoir l’action en justice).
- Le principe des audiences publiques peut permettre à un membre du public d’accéder à des documents du tribunal, mais il ne confère pas à une organisation assujettie à laLPRPDE le droit inconditionnel de communiquer à des tiers non concernés par ce litige le contenu d’un dossier ou d’un acte de procédure.
- Les renseignements personnels figurant dans un dossier du tribunal à titre de preuve dans le cadre d’une instance judiciaire en cours ne peuvent être recueillis et utilisés sans consentement par un courtier en hypothèques dans le but de proposer l’arrangement d’un financement hypothécaire.
1e) Livres, magazines et journaux
- Le paragraphe 1e) n’exige pas que la collecte ou l’utilisation des renseignements soient directement liées à la raison pour laquelle ils figurent dans la publication.
- Le consentement à utiliser une adresse de courriel d’affaires à des fins de marketing n’est pas requis quand cette adresse a été publiée sur un site Web par la personne concernée.
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