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Enquête sur la communication de renseignements personnels par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada à l’Agence des services frontaliers du Canada

Plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi)

Le 11 septembre 2023


Rapport de conclusions

Vue d’ensemble

  1. Le plaignant soutient qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a communiqué à tort les renseignements qu’il a fournis dans les formulaires de renouvellement de sa carte de résident permanentNote de bas de page 1 (carte RP). Il affirme que les formulaires ont été transmis à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et utilisés dans le cadre d’une demande de constat de perte de l’asile et que cet usage est contraire aux fins auxquelles les renseignements ont été recueillis par IRCC initialement.
  2. Pour appuyer son affirmation, le plaignant a fourni un courriel qui confirme qu’IRCC a bel et bien transmis sa demande de carte de résident permanent (renouvellement de carte RP) et ses documents justificatifs à l’ASFC.
  3. Il s’agit donc d’établir si IRCC était autorisé à communiquer les renseignements personnels du plaignant à l’ASFC, que celle-ci a ensuite utilisésNote de bas de page 2, conformément à l’alinéa 8(2)a) de la Loi qui autorise la communication de renseignements personnels « aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins ».
  4. Après avoir examiné les observations présentées par le plaignant, IRCC et l’ASFC, le Commissariat a conclu qu’IRCC avait communiqué les renseignements personnels du plaignant à l’ASFC pour un usage qui était compatible avec les fins auxquelles ceux-ci avaient été recueillis. Par conséquent, le Commissariat estime que les plaintes contre les deux institutions fédérales sont non fondées.
  5. Comme l’objet des plaintes en l’espèce se recoupe, toutes les parties ont accepté qu’un seul rapport de conclusions traite des deux plaintes et des enquêtes connexes.

Contexte

  1. Le 14 avril 2010, le plaignant est arrivé au Canada et a présenté une demande d’asile auprès d’un agent de l’ASFC. Le 13 janvier 2011, il a été déclaré réfugié au sens de la Convention par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR). À la suite de la décision de la CISR, le plaignant a présenté une demande de résidence permanente et, le 25 avril 2012, il a obtenu son statut de résident permanent et sa carte RP.
  2. En juin 2012, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) a été modifiée, et l’article 40.1 et l’alinéa 46(1)c.1) ont été ajoutés. L’article 40.1 autorise la perte du statut de résident permanent à la suite d’une décision prise par la CISR selon laquelle, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d) de la LIRP, la perte de l’asile d’un résident permanent emporte son interdiction de territoire. Autrement dit, compte tenu des modifications apportées au régime de perte de l’asile, un résident permanent peut perdre son statut s’il fait l’objet d’une demande de constat de perte de l’asile approuvée. 
  3. Au retour du plaignant à un point d’entrée du Canada le 24 mai 2013, à la suite d’un voyage dans le pays dont il a la nationalité, un agent des services frontaliers (ASF) de l’ASFC a fait parvenir une lettre faisant état de ses préoccupations à la Division des opérations de l’exécution de la loi et du renseignement de l’ASFC à Toronto, expliquant pourquoi il estimait que le plaignant n’avait plus besoin de l’asile. Il a notamment fourni le nombre total de voyages effectués par le plaignant dans le pays dont il a la nationalité et indiqué que ce dernier avait obtenu un nouveau passeport délivré par ce pays. En juin 2013, ces démarches ont donné lieu à un examen de la perte possible de l’asile.
  4. Le 5 décembre 2014, l’ASFC a rempli un formulaire en vue de l’examen de la perte de l’asile, et la responsabilité de l’enquête à ce sujet a été confiée à un agent d’audience (AA) de l’ASFC à Toronto. L’enquête a été entrée dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) en 2016.
  5. Le plaignant a présenté à IRCC une demande de renouvellement de carte RP, signée le 10 juin 2017, et sa carte a été renouvelée le 30 janvier 2018Note de bas de page 3.
  6. En avril 2019, l’enquête sur la perte de l’asile a été transférée à un autre AA de l’ASFC, qui a demandé à IRCC qu’on lui transmette la demande de renouvellement de carte RP du plaignant le 17 avril 2019. Le 24 avril 2019, un employé du Centre de soutien à la clientèle d’IRCC a confirmé à l’AA de l’ASFC que la demande avait été téléversée dans le SMGC, qui est à la disposition des deux institutions.
  7. En juin 2020, l’ASFC a chargé un autre AA à Toronto de l’enquête sur la perte de l’asile. En juillet 2020, l’enquête a été confiée à un AA dans la région du Pacifique, lieu où habite le plaignant.
  8. Le 14 août 2020, l’ASFC a entamé une demande de constat de perte de l’asile auprès de la CISR pour retirer le statut de réfugié du plaignantNote de bas de page 4 étant donné qu’il s’était réclamé [traduction] « de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalitéNote de bas de page 5 ». La demande de constat de perte de l’asile était accompagnée de la demande de renouvellement de carte RP du plaignant de juin 2017.

Analyse

Enjeu : IRCC était autorisé à communiquer les renseignements personnels du plaignant à l’ASFC

  1. La Loi précise que les renseignements personnels peuvent seulement être communiqués avec le consentement de l’intéressé – paragraphe 8(1) – ou selon les catégories de communication autorisée décrites au paragraphe 8(2) de la Loi. L’alinéa 8(2)a) de la Loi autorise la communication de renseignements personnels « aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins ». Pour qu’un usage par une institution soit considéré comme compatible, il n’est pas obligatoire que les renseignements aient été utilisés aux mêmes fins que celles auxquelles ils ont été recueillis. Il suffit qu’il existe un lien suffisamment direct entre les deux, de sorte qu’il serait raisonnable que l’individu s’attende à ce que les renseignements soient utilisés de la manière proposéeNote de bas de page 6.
  2. Le plaignant déclare qu’IRCC n’était pas autorisé à communiquer les renseignements personnels le concernant à l’ASFC, puisque les fins de la communication étaient différentes de celles auxquelles les renseignements avaient été recueillis. Plus précisément, le plaignant affirme que les renseignements sur ses voyages fournis à IRCC dans le cadre de sa demande de renouvellement de carte RP devaient être utilisés uniquement dans ce contexte et qu’il n’avait pas consenti à ce qu’ils soient communiqués à l’ASFC ou utilisés par celle‑ci dans le cadre d’une demande de constat de perte de l’asile.
  3. Dans ses observations présentées au Commissariat, IRCC explique que les demandes et les documents justificatifs peuvent servir à répondre à certaines demandes, notamment les demandes d’accès à l’information et aux renseignements personnels, ou à faire progresser une enquête, et qu’ils sont téléversés dans le SMGC sur demande seulementNote de bas de page 7. Dans la présente affaire, l’ASFC avait demandé qu’on lui transmette les renseignements en précisant qu’ils seraient utilisés dans le cadre d’une enquête en cours relative à une perte de l’asile.
  4. IRCC et l’ASFC ont toutes deux fourni le protocole d’ententeNote de bas de page 8 qu’elles ont conclu ensemble, qui comprend une annexe sur l’échange de renseignements. Comme indiqué dans la clause 5.2 de l’annexe, l’échange de renseignements entre les deux institutions aux fins d’administration et de contrôle d’application de la LIRP est considéré comme un usage compatible aux termes de l’alinéa 8(2)a) de la Loi, puisqu’elles ont certaines responsabilités communes au titre de la LIRP. Cette clause indique également que les deux institutions peuvent recueillir les renseignements en matière d’immigration figurant dans le SMGC
  5. Pour renouveler sa carte RP, le plaignant avait rempli et signé le formulaire de demande, dont l’avis de confidentialité allait comme suit :

    Les renseignements fournis dans ce formulaire sont recueillis en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et seront utilisés afin de déterminer si les conditions de votre résidence permanence ont bien été respectées et si une carte de résident permanent doit vous être délivrée conformément aux critères prévus dans la Loi. Ils seront conservé [sic] dans la banque de renseignements personnels CICNote de bas de page 9 PPU 067 intitulée Carte de résident permanent tel qu’indiquée [sic] dans Infosource et pourront être communiqués à d’autres organisations conformément au principe d’usage compatible de l’information en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. (caractères gras ajoutés)

  6. La section « Usages compatibles » du FRP CIC PPU 067 prévoit que :

    [Traduction]

    Les renseignements fournis peuvent être transmis au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) dans le cadre d’évaluations de la sécurité ou d’enquêtes liées à l’exécution des lois sur l’immigration. (caractères gras ajoutés) 

  7. Le Commissariat constate qu’en 2016, le FRP PPU 067 et certains autres FRP d’IRCC ont été combinés et ajoutés au FRP CIC PPU 068, qui a été renommé « Contrôle des mouvements migratoires et gestion de la sécurité ». Cependant, le formulaire de demande ne renvoyait pas au FRP modifié au moment où le plaignant l’a rempli. Néanmoins, le FRP PPU 068 indique que les renseignements qui figuraient auparavant dans le FRP PPU 067 (et d’autres FRP) figurent désormais dans le FRP PPU 068. Pendant l’enquête, le Commissariat a examiné la nouvelle version de la section sur les usages compatibles du FRP PPU 068Note de bas de page 10 et est convaincu que la communication respectait cette nouvelle version. Au moment de la rédaction du présent rapport, le formulaire de demandeNote de bas de page 11 avait été modifié pour qu’il renvoie au FRP PPU 068 d’IRCC.
  8. Les usages compatibles des renseignements personnels recueillis par IRCC sont définis dans les FRP. Plus précisément, le FRP explique que les renseignements personnels peuvent être transmis à l’ASFC dans le cadre d’enquêtes liées à l’exécution des lois sur l’immigration. L’enquête sur la perte de l’asile permet à l’ASFC de déterminer s’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour présenter une demande de constat de perte de l’asile à la CISR. Le Commissariat est d’accord avec l’ASFC pour dire que celle-ci peut utiliser les renseignements recueillis sous le régime de la LIRP concernant un client en vue d’appliquer ladite loi à ce même client. Cet usage est autorisé par l’alinéa sur les usages compatibles mentionnée précédemment et par l’alinéa 7a) de la Loi
  9. IRCC a expliqué que l’ASFC et IRCC ont des responsabilités communes liées à l’application et à l’exécution de la LIRP. IRCC est responsable de faciliter l’arrivée et l’intégration des personnes au Canada (y compris les réfugiés), et l’ASFC est responsable de gérer la circulation des voyageurs dans les points d’entrée du Canada, de recueillir des renseignements, d’intercepter les migrants en situation irrégulière et d’appliquer la législation sur l’immigration en cas d’infraction à la LIRP.
  10. En ce qui concerne les dossiers de perte de l’asile, IRCC est responsable d’élaborer et de surveiller les politiques, et l’ASFC est responsable de gérer la mise en œuvre opérationnelle des politiques sur la perte de l’asile. Plus précisément, les AA de l’ASFC sont chargés de présenter les demandes de constat de perte de l’asile.
  11. L’ASFC a confirmé qu’au moment de la communication des renseignements, le plaignant faisait déjà l’objet d’une enquête sur la perte de l’asile pour les raisons signalées en 2013, notamment i) ses voyages dans le pays duquel il était réfugié et ii) l’obtention d’un nouveau passeport délivré par les agents qui l’auraient persécuté. Compte tenu de la situation, l’ASFC avait demandé qu’IRCC lui transmette la demande de renouvellement de carte RP, puisqu’elle contenait des renseignements sur les voyages du plaignant utiles à l’enquête sur la perte de l’asile.
  12. L’ASFC a ajouté ce qui suit :

    [Traduction]

    Les notes de l’ASF ne suffisaient pas pour être considérées comme des éléments de preuve crédibles, puisque l’ASF n’avait pas indiqué ce que le client avait dit concernant son retour [au pays dont il a la nationalité] et si le client avait eu recours à un interprète pendant l’entrevue au point d’entrée.

    Les renseignements figurant dans la demande de renouvellement de carte RP rendaient le dossier plus solide et changeaient considérablement la donne, puisque le client y avait indiqué qu’il était retourné [au pays dont il a la nationalité] à huit reprises, et précisaient le nombre de jours passés [au pays dont il a la nationalité].

    […]

    le formulaire de demande du client, dans lequel ce dernier fournit les dates exactes de ses entrées et ses sorties ainsi que les raisons de ses voyages et déclare sous serment que le contenu est véridique, est l’élément de preuve documentaire le plus solide qui soit.

  13. À la lumière de ce qui précède, le Commissariat est d’avis que le plaignant pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’IRCC transmette sa demande de renouvellement de carte RP à l’ASFC, comme indiqué dans l’avis de confidentialité du formulaire de demande et le FRP.
  14. Par conséquent, le Commissariat estime que la communication par IRCC des renseignements personnels du plaignant à l’ASFC et l’utilisation que celle-ci en a faite dans le cadre d’une enquête sur la perte de l’asile étaient compatibles avec les fins auxquelles les renseignements ont été recueillis initialement par IRCC, et que les plaintes sont non fondées.
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