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Enquête sur les exigences relatives à l'attestation de vaccination contre la COVID-19 établies par le Conseil du Trésor du Canada pour les employés de l’administration publique centrale

Plaintes en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels

Le 29 mai 2023


Description

Nous avons examiné les exigences relatives à l’attestation de vaccination établies en réponse à la pandémie de COVID-19 par le Conseil du Trésor du Canada pour les employés de l’administration publique centrale. Notre objectif était d’établir si ces exigences étaient conformes aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi) en matière transparence ainsi que de collecte, d’utilisation et de communication des renseignements personnels. Nous avons également examiné la nécessité et la proportionnalité des mesures établies en fonction du contexte.

Points à retenir

  • La Loi sur la gestion des finances publiques et la partie II du Code canadien du travail conféraient aux institutions fédérales le pouvoir de recueillir des renseignements sur le statut vaccinal contre la COVID-19 des employés; dans l’ensemble, l’utilisation et la communication de ces renseignements étaient conformes aux fins de la collecte de ces derniers.
  • Conformément au paragraphe 11(1) de la Loi, les fichiers de renseignements personnels (FRP) et les catégories de renseignements personnels qui ne sont pas versés dans des FRP doivent être publiés dans un répertoire accessible au public qui est mis à jour au moins une fois par an. Dans les cas où des renseignements personnels relevant d’une institution fédérale ont été conservés depuis plus d’un an sans qu’aucune mise à jour n’ait été apportée au répertoire, cela constitue une preuve que l’institution ne s’est pas conformée à l’article 11 de la Loi.
  • Bien que le respect du principe de nécessité et de proportionnalité des mesures ne constitue pas actuellement une obligation au titre de la Loi, limiter la collecte de renseignements personnels à ceux qui sont strictement nécessaires est une obligation prévue par la Directive sur les pratiques relatives à la protection de la vie privée du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT). Nous avons cerné des lacunes à cet égard dans l’évaluation et les documents du SCT, mais nous avons constaté que, dans les circonstances, la collecte découlant des mesures mises en place par les institutions selon les directives du SCT était nécessaire, efficace et proportionnelle.
  • Afin de fournir aux Canadiennes et aux Canadiens l’assurance que leur droit à la vie privée est protégé, les institutions devraient, de manière structurée, évaluer la nécessité et la proportionnalité des mesures mises en place dans le cadre de programmes susceptibles de porter atteinte à la vie privée, consigner cette évaluation dans leurs dossiers, tout en tenant compte d’autres mesures qui pourraient constituer une ingérence moins importante dans la vie privée.

Rapport de conclusions

Vue d’ensemble

À la suite de l’annonce faite par le gouvernement du Canada en octobre 2021 selon laquelle les employés de l’administration publique centrale (APC) seraient tenus d’être entièrement vaccinés contre la COVID-19 et d’attester de leur statut vaccinal, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP) a reçu 40 plaintes contre 19 institutions de l’APC. Ces institutions sont les suivantes : Agence des services frontaliers du Canadal; Agence spatiale canadienne; Service correctionnel du Canada; Emploi et Développement social Canada / Service Canada; Ministère des Finances Canada; Pêches et Océans Canada; Santé Canada; Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; Services aux Autochtones Canada; Innovation, Sciences et Développement économique Canada; Justice Canada; Défense nationale; Agence de santé publique du Canada; Sécurité publique Canada; Services publics et Approvisionnement Canada; Gendarmerie royale du Canada; Services partagés Canada; Statistique Canada; Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Le CPVP a reçu des plaintes supplémentaires contre des employeurs distincts; ces plaintes seront traitées dans des rapports indépendants. Les exigences à l’égard de la vaccination obligatoire et de l’attestation du statut vaccinal pour les employés de l’APC ont été établies par le Conseil du Trésor du Canada dans la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada (ci-après, la Politique). La Politique a été suspendue le 20 juin 2022.

Les principales allégations des plaignants étaient que la collecte de renseignements relatifs au statut vaccinal des employés et, dans certains cas, à leurs croyances religieuses ou à leurs antécédents médicaux, à l’appui d’une demande de mesure d’adaptation pour être exempté des exigences de la Politique, était déraisonnable. Après enquête et analyses, nous avons constaté que la collecte de renseignements personnels par les institutions en vertu de la Politique était conforme à l’exigence de l’article 4 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (ci-après, la Loi), car elle était directement liée aux programmes ou activités de fonctionnement d’une institution, à savoir les attributions du en matière de santé et de sécurité en tant qu’employeur pendant une situation d’urgence nationale résultant de la pandémie de COVID-19.

Certains plaignants ont également formulé des allégations concernant la transparence et la divulgation accidentelle inappropriée de renseignements personnels, soit en relation avec le Système de suivi pour l’attestation à la vaccination du gouvernement du Canada (SSAV-GC) géré par le SCT et utilisé pour recueillir les attestations de vaccination, soit en relation avec le traitement des renseignements personnels propre aux différentes institutions.

En ce qui concerne la transparence, nous n’avons constaté aucune infraction au paragraphe 5(2) de la Loi, qui exige que les individus soient informés des fins de la collecte de leurs renseignements personnels. Nous avons cependant constaté que le SCT a contrevenu au paragraphe 11(1) de la Loi en ne mettant pas à jour son répertoire de renseignements personnels afin de rendre compte des renseignements recueillis conformément à la Politique dans l’année suivant le début de la collecte. Il convient toutefois de noter que le SCT a maintenant publié une description du Fichier de renseignements personnels découlant de son programme d’attestation de vaccination contre la COVID-19 et de dépistage en milieu de travail.

Nous n’avons pas non plus constaté d’éléments indiquant une infraction, à un niveau systémique, des dispositions de la Loi relatives à la communication des renseignements personnels (c’est-à-dire l’article 8), en ce qui concerne le SSAV-GC ou le traitement des renseignements personnels recueillis conformément à la Politique.

Notre enquête a également porté sur la nécessité et la proportionnalité de la totalité des aspects de la Politique pour atteindre les objectifs poursuivis par celle-ci. La « nécessité » n’est pas une exigence légale découlant de la Loi. Cette dernière exige un seuil moins élevé : la collecte de renseignements personnels se limite qu’à ceux qui « se rapporte directement à » un programme ou une activité. Mais la « nécessité » est un principe clé de la protection de la vie privée qui est intégré dans la législation sur la protection de la vie privée de nombreuses juridictions, y compris dans celles de plusieurs provinces canadiennes.

En mai 2021, les commissaires fédéral, provinciaux et territoriaux à la protection de la vie privée ont recommandé dans une déclaration commune que les gouvernements et les entreprises tiennent compte des principes de nécessité, d’efficacité et de proportionnalité en ce qui concerne la mise en place d’une obligation vaccinale. La Directive sur les pratiques relatives à la protection de la vie privée du SCT exige que les institutions limitent la collecte de renseignements personnels aux renseignements qui sont manifestement nécessaires aux programmes ou aux activités de l’institution. Ces dispositions et considérations connexes reflètent les attentes élevées des Canadiennes et des Canadiens en matière de protection de la vie privée et contribuent à leur respect.

En avril 2020, le CPVP a publié un Cadre pour l’évaluation par le gouvernement du Canada des initiatives en réponse à la COVID-19 ayant une incidence importante sur la vie privée (le Cadre). Le CPVP a communiqué ce Cadre aux institutions gouvernementales dans le but de définir les principes clés de protection de la vie privée, y compris la nécessité et la proportionnalité, qui devraient être pris en compte dans l’évaluation de toute mesure de lutte contre la COVID-19 susceptible d’avoir une incidence sur la vie privée des Canadiennes et des Canadiens.

Par conséquent, compte tenu de leur importance, notamment dans le contexte des mesures envisagées pour faire face à la crise de santé publique – qui pourraient porter atteinte à la vie privée–, nous avons examiné si les collectes prévues par la Politique étaient nécessaires et proportionnelles. Bien sûr, notre examen a été effectué en reconnaissant que, comme l’indique le Cadre du CPVP, l’urgence de limiter la propagation du virus représentait un défi de taille pour le gouvernement et pour les autorités de santé publique; que la crise liée à la COVID-19 évoluait rapidement et qu’elle requérait des interventions rapides et efficaces pour répondre à des besoins en santé publique hors du commun.

Après un examen attentif, nous avons établi que, même si les réponses du SCT à certaines de nos questions auraient pu et auraient dû être plus complètes et plus transparentes, compte tenu des circonstances de son élaboration et de sa mise en œuvre, la Politique dans son ensemble était nécessaire et proportionnée. Notre constat est fondé sur la situation d’urgence et le rôle central du SCT et des fonctionnaires fédéraux dans le soutien de la réponse du gouvernement fédéral à la pandémie, y compris la protection de la santé et de la sécurité des Canadiennes et des Canadiens et la création de services gouvernementaux et publics importants et souvent essentiels pendant cette crise sanitaire sans précédent.

En ce qui concerne l’argument des plaignants selon lequel chaque ministère aurait dû pouvoir adopter des politiques différentes afin d’exempter les employés en télétravail des exigences en matière de vaccination, nous reconnaissons qu’il était nécessaire et prudent pour le SCT de conserver la possibilité et la flexibilité d’exiger la présence sur place de ses employés à court préavis (y compris des employés qui travaillaient régulièrement à domicile pendant la pandémie), afin de faire face aux urgences et aux situations imprévues pendant la pandémie. Nous constatons en outre que, dans le contexte d’évolution rapide de la pandémie en particulier, il aurait été impossible pour le SCT ou pour chaque sous-ministre d’établir des politiques différentes pour chacune des institutions du gouvernement fédéralNote de bas de page 1.

Étant donné l’importance de la question, nous avons recommandé au SCT d’évaluer toute mesure de vaccination envisagée en utilisant le critère en 4 éléments décrit dans le présent rapport, avant toute décision éventuelle de rétablir une partie ou la totalité des exigences de la Politique. Nous regrettons que le SCT ait refusé de mettre en œuvre cette recommandation qui, selon nous, est conforme à la politique du SCT sur la préparation des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. À plus forte raison, cette approche est éprouvée, efficace et performante et permet de garantir que les considérations de nécessité et de proportionnalité sont intégrées dès le départ dans un programme afin d’optimiser la protection du droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. Nous réitérons cette recommandation dans ce rapport final et demandons au SCT de reconsidérer sa réponse.

Nous prenons note de l’engagement du SCT à respecter ses obligations en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des instruments de politique connexes et nous rappelons au SCT que ces instruments de politique exigent la préparation d’une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui permettrait d’évaluer la nécessité et la proportionnalité de toute mesure susceptible de porter atteinte à la vie privée.

Contexte

  1. Le 6 octobre 2021, le gouvernement du Canada a annoncé que tous les fonctionnaires de l’APC devaient attester être entièrement vaccinés contre la COVID-19 ou être mis en congé sans solde, à moins que des mesures d’adaptation ne soient prises pour des raisons médicales ou sur la base d’un motif de distinction illicite. Ces exigences à l’égard des employés de l’APC ont été établies par le Conseil du Trésor du Canada en vertu de la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada (ci-après la Politique). Les Forces armées canadiennes et d’autres employeurs distincts de la fonction publique fédérale ont été invités à mettre en œuvre des politiques sensiblement similaires à l’égard de leurs employés. Les plaintes contre ces employeurs distincts seront traitées dans des rapports de conclusions indépendants.
  2. Selon cette Politique, tous les employésNote de bas de page 2, qu’ils travaillent à distance ou dans un bureau du gouvernement, étaient tenus d’attester de leur statut vaccinal auprès de leurs institutions respectives et, si cela était justifié, de demander des mesures d’adaptation. La non-communication de son statut vaccinal entraînait la mise en congé sans solde de l’employé. Les employés n’ayant pas été vaccinés après un délai de grâce ou dont la demande de mesure d’adaptation a été refusée ont subi les mêmes conséquences.
  3. La Politique énumère 3 objectifs distincts, tous liés à la protection de la santé et de la sécurité des employés. Ces objectifs sont :
    1. « Prendre toutes les précautions raisonnables, dans les circonstances, pour la protection de la santé et sécurité des employés. La vaccination est un élément clé dans la protection des employés contre la COVID-19. »
    2. « Améliorer le taux de vaccination au Canada des employés de l’administration publique centrale grâce à la vaccination contre la COVID-19. »
    3. « Compte tenu que les exigences opérationnelles peuvent inclure une présence sur place ad hoc, tous les employés, y compris ceux qui travaillent à distance et en télétravail, doivent être entièrement vaccinés pour se protéger, protéger leurs collègues et leurs clients contre la COVID-19. »
  4. Afin de recueillir les attestations de vaccination des employés de l’APC, les institutions gouvernementales devaient utiliser un système appelé Système de suivi pour l’attestation à la vaccination du gouvernement du Canada (« SSAV-GC »), mis au point par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (« SCT »). Le SSAV-GC est une plateforme Web qui se trouve sur le Portail d’applications du SCT.
  5. De manière générale, les employés de l’APC présentaient leurs attestations de vaccination par le biais du SSAV-GC; sauf s’ils ne pouvaient pas le faire par voie électronique, auquel cas ils pouvaient utiliser des formulaires papier. Les formulaires papier étaient ensuite numérisés et téléchargés dans le SSAV-GC. Une liste des renseignements stockés dans le SSAV-GC se trouve à l’annexe 1 de ce rapport.
  6. Les renseignements complémentaires des employés ayant demandé des mesures d’adaptation par rapport aux exigences de la Politique ont été recueillis et conservés directement par le ministère d’origine de l’employé, plutôt que dans le SSAV-GC.
  7. Selon la Politique, le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines, un service du SCT, est tenu d’examiner si la Politique est toujours nécessaire, au moins tous les 6 mois, et de rapporter les résultats au président du Conseil du Trésor.
  8. Le 14 juin 2022, le gouvernement a annoncé qu’à compter du 20 juin 2022, l’exigence en matière de vaccination pour l’APC serait suspendue. Cette annonce a fait suite à l’examen semestriel de la Politique par le Conseil du Trésor. Dans le cadre de cette annonce, le SCT a indiqué que : « Le gouvernement continuera de suivre de près les données scientifiques nationales et internationales, en particulier à l’approche de l’automne, afin d’évaluer la nécessité de prendre des mesures de santé publique supplémentaires, notamment la reprise éventuelle de la vaccination obligatoire. »

Juridiction

  1. Plusieurs plaignants ont fait valoir que l’exigence de se faire vacciner et d’attester de son statut vaccinal constituait une violation de leurs droits garantis par la Charte des droits et libertés (la Charte) et que cette exigence était donc illégale. Toutefois, formuler des conclusions sur la conformité à la Charte ne fait pas partie du champ d’application du CPVP et par conséquent de la portée de l’analyse du présent rapport.

Méthodologie

  1. Pour tirer ses conclusions à la suite de l’enquête, le CPVP a tenu compte des renseignements provenant des différentes institutions ainsi que du SCT, en tant qu’employeur officiel du personnel de l’APC en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. Étant donné que les différentes institutions ont été chargées par le SCT, en vertu de la Politique, de recueillir auprès de leurs employés les renseignements relatifs à leur statut vaccinal contre la COVID-19 et aux demandes de mesure d’adaptation, en plus de chercher à obtenir des déclarations de la part de ces institutions, nous avons cherché à obtenir des déclarations de la part du SCT et nous sommes appuyés sur celles-ci de manière significative.

Analyse

Première question en litige : Les renseignements recueillis par les institutions avaient-ils un lien direct avec leurs programmes ou leurs activités, comme l’exige la Loi?

  1. Nombre de plaignants allèguent que leurs institutions respectives, en application de la Politique, leur ont demandé de fournir, de manière obligatoire, des renseignements personnels relatifs à leur statut vaccinal contre la COVID-19 et, dans certains cas, à leurs croyances religieuses ou à leurs antécédents médicaux, et que cette collecte représente une atteinte déraisonnable à leur droit à la vie privéeNote de bas de page 3.
  2. Conformément à l’article 4 de la Loi, les seuls renseignements personnels relatifs aux employés que peuvent recueillir les institutions fédérales sont ceux qui ont un lien direct avec leurs programmes ou leurs activités. Ces programmes ou activités sont normalement établis par une législation qui autorise le programme ou l’activité en question. L’article 4 n’exige pas qu’une collecte soit « nécessaire », mais simplement qu’il y ait « un lien direct, immédiat, sans intermédiaire entre les renseignements personnels des individus et les activités ou programmes du gouvernement. »Note de bas de page 4
  3. Bien que certains plaignants aient allégué que leur statut vaccinal était recueilli sans leur consentement, il convient de noter que la Loi ne prévoit pas d’exigence générale pour les institutions d’obtenir le consentement des individus pour la collecte de leurs renseignements personnels.
  4. Le SCT a indiqué que l’autorité légale pour la collecte de renseignements personnels en vertu de la Politique découle des articles 7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP). Ces articles de la LGFP concèdent au Conseil du Trésor l’autorité pour agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l’égard de la gestion des ressources humaines de l’APC fédérale, notamment la détermination des conditions d’emploi. Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion des ressources humaines, régir « toute autre question, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par [l’article 11.1 de la LGFP], dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion des ressources humaines de la fonction publique. »
  5. En outre, nous tenons à souligner que, conformément à l’article 124 du Code canadien du travail, partie II, chaque institution fédérale « veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail. » Le paragraphe 3.1.1 de la Politique précise que l’un des objectifs de celle-ci est de : « Prendre toutes les précautions raisonnables, dans les circonstances, pour la protection de la santé et sécurité des employés. La vaccination est un élément clé dans la protection des employés contre la COVID-19. »
  6. Afin d’appuyer cette Politique, le SCT a présenté des éléments probants émanant de l’Agence de santé publique du Canada, datant d’août 2021 et démontrant, entre autres, que :
    • Le variant Delta de la COVID-19, qui devenait le plus répandu à l’époque, était plus transmissible que les variants précédents et risquait d’entraîner davantage d’hospitalisations et de décès lors de la quatrième vague de cette pandémie mondiale, au Canada;
    • Les vaccins approuvés contre la COVID-19 étaient très efficaces pour prévenir les maladies graves, les hospitalisations et les décès dus à la COVID-19;
    • Les vaccins approuvés contre la COVID-19 ont également démontré une certaine efficacité pour prévenir les éclosions et la transmission du virus, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour déterminer leur niveau d’efficacité contre le variant Delta.
  7. Sur la base de ces éléments de preuve, nous sommes convaincus que, lors de la mise en place de la Politique, la collecte de renseignements relatifs au statut vaccinal des employés par les institutions assujetties à la Politique était directement liée aux attributions de ces institutions de mettre en œuvre les politiques du SCT visant à assurer la santé et la sécurité des employés sur leur lieu de travail.
  8. La Politique relevait de l’autorité légale du SCT de fixer les conditions de travail des employés de l’APC, y compris les mesures relatives à la santé et la sécurité. En outre, nous sommes convaincus que le fait de connaître le statut vaccinal des employés était positivement et immédiatement lié à la garantie de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail. L’Agence de santé publique du Canada a démontré que les vaccins étaient efficaces pour prévenir les maladies graves et la transmission et que la COVID-19 continuait à poser des risques sérieux au moment où la Politique a été mise en place.
  9. Comme indiqué ci-dessus, le 14 juin 2022, le SCT a suspendu l’exigence en matière de vaccination prévue par la Politique après avoir procédé à son examen, à la lumière de l’évolution de la situation sanitaire. Le SCT a indiqué que : « Le gouvernement continuera de suivre de près les données scientifiques nationales et internationales, en particulier à l’approche de l’automne, afin d’évaluer la nécessité de prendre des mesures de santé publique supplémentaires, notamment la reprise éventuelle de la vaccination obligatoire. » Dans ce contexte, nous tenons à souligner que ce processus d’examen, et les futurs examens périodiques dans le cas où les exigences de la Politique seraient réintroduites, sont essentiels pour garantir que toute collecte de renseignements personnels future respecte le critère d’un lien direct avec les programmes ou activités (dans ce cas, pour garantir la santé et la sécurité au travail).
  10. La Politique permet également aux employés de demander des mesures d’adaptation à l’exigence d’être entièrement vaccinés, « en raison d’une contre-indication médicale certifiée, de la religion ou d’un autre motif de distinction illicite prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne. »Note de bas de page 5
  11. Le paragraphe 4.3.4 de la Politique indique que, pour obtenir une mesure d’adaptation, les employés sont tenus de fournir « à leur gestionnaire les renseignements complets et exacts nécessaires pour déterminer les mesures d’adaptation appropriées, y compris les renseignements sur les limitations, les restrictions pertinentes et s’ils sont partiellement vaccinés ».
  12. La Directive sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation du Conseil du Trésor précise en outre que les « personnes employées » ont la responsabilité de : « fournir l’information nécessaire pour permettre à leur gestionnaire de déterminer les mesures d’adaptation appropriées, y compris des renseignements sur leurs limites et leurs restrictions » (paragraphe 4.3.2) et « coopérer et collaborer de bonne foi avec les représentants de leur organisation pour trouver un ou des moyens de répondre aux besoins en question, tout en tenant compte des questions de santé, de sécurité et de coût » (paragraphe 4.3.3).
  13. Nous sommes d’avis que la collecte de renseignements personnels pour évaluer une demande de mesure d’adaptation en vertu de la Politique est directement liée aux attributions d’une institution gouvernementale visant à éviter de discriminer les employés en raison de motifs de distinction illicites, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personneNote de bas de page 6. Intrinsèquement, le fait d’évaluer si la demande de mesure d’adaptation d’un individu est à bon droit un motif de distinction illicite comprend la collecte de renseignements hautement sensibles comme des problèmes de santé ou des croyances religieuses. Il existe un lien immédiat et direct entre la responsabilité d’éviter la discrimination et la collecte de renseignements auprès des employés pour justifier leur demande de mesure d’adaptation sur la base de l’un de ces motifs. En effet, il est difficile d’envisager qu’une institution gouvernementale puisse prendre une décision concernant une demande de mesure d’adaptation sans avoir accès à des renseignements complémentaires sur la nature de la situation de l’employé, y compris, dans certains cas, des détails intimes.
  14. À la lumière de ce qui précède, nous concluons que les collectes requises en vertu de la Politique étaient directement liées à des programmes ou à des activités existants, à savoir : (i) les attributions du SCT en tant qu’employeur; (ii) pour les institutions assujetties à la Politique, les activités liées à leurs services internes et aux ressources humaines. Nous n’avons trouvé aucun cas de collecte de renseignements qui ne soit pas directement lié à l’application de la Politique. Par conséquent, nous estimons que les allégations relatives à cette question ne sont pas fondées.

Deuxième question en litige : Les institutions ont-elles respecté les exigences de la Loi en matière de transparence?

  1. Certains plaignants ont allégué ne pas avoir été informés par leurs institutions de la manière dont les renseignements relatifs à leur statut vaccinal contre la COVID-19 seraient utilisés une fois recueillis. Certains plaignants ont également affirmé que le SCT a omis de publier une description du « fichier de renseignements personnels central du SCT (en cours d’élaboration) », mentionné dans l’énoncé de confidentialité du SSAV-GC, avant de recueillir les attestations de vaccination des employés, ce qui les a empêchés de comprendre quels renseignements étaient recueillis.
  2. Le paragraphe 5(2) de la Loi exige que les individus soient informés des fins auxquelles leurs renseignements personnels sont recueillis dans certaines circonstances; tandis que l’article 11 de la Loi exige que le SCT « fasse publier », selon une périodicité au moins annuelle, un répertoire des fichiers de renseignements personnels (FRP) décrivant chaque FRP et comprenant certains éléments précisés.
  3. En ce qui concerne la conformité au paragraphe 5(2), l’énoncé de confidentialité qui a été présenté aux employés lorsqu’ils ont fourni leur statut vaccinal par le biais du SSAV-GC, et mentionné sur les formulaires papier ou électroniques pour ceux qui n’ont pas pu utiliser le SSAV-GC, décrit l’objet de la collecte, comme l’exige le paragraphe 5(2). Plus précisément, les renseignements suivants ont été inclus dans l’avis de confidentialité du SSAV-GC, en octobre 2021 :

    Les renseignements personnels recueillis serviront à confirmer votre statut vaccinal et à examiner les demandes de mesures d’adaptation pour les personnes qui ne sont pas en mesure de se faire vacciner. Les renseignements personnels serviront conjointement avec d’autres mesures préventives contre la COVID-19, notamment le dépistage rapide, pour déterminer si vous obtiendrez l’accès sur place au lieu de travail et pour déterminer si vous pouvez vous présenter au travail en personne ou à distance. Vos renseignements personnels seront également utilisés par votre organisation et le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) pour surveiller et rendre compte de l’incidence générale de la COVID-19 et de la conformité au programme de vaccination aussi bien au sein de l’organisation que pour l’administration publique centrale, comme énoncé dans les fichiers de renseignements personnels ordinaires POE 907 (Santé et sécurité au travail).

  4. Les renseignements fournis dans l’avis de confidentialité du SSAV-GC, en concomitance avec la Politique elle-même, qui était facilement accessible sur le site Web du gouvernement du Canada, sont raisonnables et suffisants pour permettre aux employés de comprendre les fins auxquelles leurs renseignements sont recueillis et, par conséquent, nous ne constatons pas d’infraction au paragraphe 5(2).
  5. En ce qui concerne la conformité à l’article 11, le paragraphe 11(1) de la Loi exige que le SCT fasse publier selon une périodicité au moins annuelle, un répertoire de tous les FRP et de toutes les catégories de renseignements personnels qui ne sont pas versés dans des FRPNote de bas de page 7 qui sont sous le contrôle de toute institution gouvernementale. Le répertoire doit décrire les FRP et les catégories de renseignements en plus d’énoncer obligatoirement certains éléments concernant les catégories, comme l’institution qui contrôle les renseignements et, dans le cas des renseignements utilisés à des fins administratives, quelles sont ces fins et les normes de conservation et d’élimination qui s’appliquent aux renseignements en question.Note de bas de page 8
  6. La collecte des attestations de vaccination a commencé en octobre 2021. Nous nous attendions donc à ce que la mise à jour du répertoire soit effectuée avant que les renseignements personnels en question soient sous le contrôle des institutions gouvernementales depuis plus d’une année. Le SCT n’a inclus au répertoire des FRPNote de bas de page 9 la description du FRP découlant du programme d’attestation de vaccination contre la COVID-19 et de dépistage en milieu de travail que le 22 décembre 2022.
  7. Le fait que la collecte de renseignements personnels d’employés effectuée dans le cadre de l’application de la Politique n’ait pas été inscrite au répertoire de FRP du SCT pendant bien plus d’un an prouve que le SCT n’a pas respecté l’article 11.
  8. Dans cas-ci, la majorité de l’information qui aurait dû figurer au répertoire était présente dans l’énoncé de confidentialité dont nous avons fait mention plus haut. Cela dit, l’énoncé ne comprenait pas d’information concernant les normes de conservation et d’élimination applicables aux renseignements personnels du fichier – élément obligatoire selon l’article 11(1) de la Loi.
  9. Étant donné que l’exigence du paragraphe 11(1) n’a pas été respectée et que le SCT a subséquemment publié la description du FRP, nous estimons que les plaintes à l’égard de la transparence concernant les FRP sont fondées et résolues.

Troisième question en litige : La communication des renseignements personnels recueillis en vertu de la Politique était-elle autorisée en vertu de l’article 8 de la Loi?

  1. Le paragraphe 8(1) de la Loi prévoit que les renseignements personnels qui relèvent d’une institution ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément aux dispositions du paragraphe 8(2). L’alinéa 8(2) autorise la communication des renseignements personnels « aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins ».
  2. Certains plaignants ont allégué qu’il y avait eu une communication inappropriée des renseignements recueillis dans le cadre de la Politique. Nous avons examiné les allégations selon lesquelles les processus de traitement des demandes de mesure d’adaptation et l’utilisation du SSAV-GC auraient pu entraîner la communication inappropriée de renseignements, soit au sein de l’institution de l’employé concerné, soit au sein du personnel du SCT, en tant qu’exploitant du SSAV-GC. Nous n’avons pas constaté d’infraction en ce qui concerne la communication liée au traitement général des demandes de mesure d’adaptation ou à l’utilisation du SSAV-GC, comme détaillé plus loin.
  3. Préoccupations générales concernant le processus de demande d’adaptation : Plusieurs plaignants ont exprimé des préoccupations générales selon lesquelles des communications déraisonnables de leurs renseignements personnels, au sein de leur institution, auraient pu avoir lieu dans le cadre du processus d’examen des demandes de mesure d’adaptation. Nous avons donc obtenu des déclarations de la part de tous les répondants assujettis à la Politique, décrivant comment ils limitaient l’accès aux renseignements relatifs aux mesures d’adaptation aux individus ayant besoin de ces renseignements afin de gérer le processus de mesure d’adaptation. Nous n’avons relevé aucun signe indiquant des problèmes dans les processus et les systèmes visant à prévenir les communications inappropriées.
  4. Dans quelques cas, nous avons mené des enquêtes indépendantes sur des allégations d’incidents précis liés à des communications. À l’exception de ces cas, où nous avions un ensemble de faits concrets à examiner, nous n’avons pas systématiquement vérifié les processus et les systèmes en place pour traiter les renseignements relatifs aux demandes de mesure d’adaptation. Nous conseillons à toutes les institutions de faire preuve de diligence raisonnable dans la protection des renseignements de chaque employé, lorsqu’elles gèrent des processus comportant les renseignements de nombreux employés.
  5. Plusieurs plaignants ont également exprimé la crainte que leurs collègues, ou d’autres employés, comme ceux qui gèrent la paye, puissent déduire certains renseignements les concernant, comme leur statut vaccinal, du fait qu’ils aient été mis en congé. Toutefois, comme indiqué plus haut, la Loi sur la protection des renseignements personnels autorise la communication de renseignements personnels « aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins ». Selon nous, le fait qu’un employé soit en congé, ce qui peut se produire pour diverses raisons, est un renseignement recueilli ou compilé dans le but d’encadrer l’employé et son travail. Par conséquent, la communication proactive aux employés concernés (comme ceux qui traitent la paye ou les collègues dont la charge de travail peut être affectée), les informant qu’une personne est en congé, est un usage compatible avec ces fins et autorisé au titre de l’alinéa 8(2)a) de la Loi.
  6. Préoccupations relatives à l’utilisation du SSAV-GC : En ce qui concerne les allégations relatives au SSAV-GC, le SCT a indiqué qu’en général, l’accès aux données individuelles des employés dans le SSAV-GC est limité aux personnes autorisées au sein de l’institution de l’employé. Plus précisément, les superviseurs immédiats d’un employé ont pleinement accès à l’attestation de vaccination de ce dernier, notamment : (i) le statut vaccinal dont a attesté l’employé; (ii) le résultat d’une vérification tel qu’enregistré par le superviseur immédiat de l’employé; (iii) le motif de la mesure d’adaptation comme demandé par l’employé, ou s’il en a fait la demande. Les gestionnaires de rang supérieur (c’est-à-dire les supérieurs hiérarchiques du superviseur immédiat de l’employé, y compris tous les hauts fonctionnaires de la structure organisationnelle dans laquelle l’employé travaille) ont un accès plus limité : (i) au statut vaccinal de l’employé, dont il a attesté; (ii) au résultat d’une vérification tel qu’enregistré par le superviseur immédiat de l’employé.
  7. Certains employés en particulier au sein de l’institution de l’employé, jouant un rôle dans l’exécution des attributions de la Politique (par exemple, les responsables de la santé et de la sécurité ou le personnel des ressources humaines) et pour lesquels on a préalablement déterminé comme ayant « besoin de connaître », ont également accès aux données relatives aux attestations de vaccination de chaque employé, par le biais de rapports ministériels.
  8. Certains employés du SCT ont accès à des données anonymisées concernant les attestations de vaccination, regroupées au niveau du ministère, afin de permettre au SCT de s’acquitter de ses attributions en vertu de la Politique. Le SCT a indiqué que ces employés n’ont pas accès aux renseignements personnels des employés par le moyen de ce mécanisme de rapport. Le SCT a ajouté que seuls certains employés au sein de l’équipe technique chargée de la solution SSAV-GC peuvent avoir accès aux données de base du SSAV-GC afin de diagnostiquer les défauts techniques signalés.
  9. Étant donné que toutes les communications autorisées par les contrôles d’accès au SSAV-GC sont réalisées aux fins auxquelles les renseignements ont été recueillis, c’est-à-dire pour l’application de la Politique, ou pour des usages compatibles avec ces fins, comme décrits dans l’avis de confidentialité remis aux employés, nous n’avons constaté aucune infraction à l’article 8 de la Loi en ce qui concerne le SSAV-GC. Par conséquent, nous estimons que les allégations relatives à cette question ne sont pas fondées.

Autre

Les renseignements recueillis étaient-ils nécessaires et proportionnels?

  1. De nombreux plaignants ont exprimé des inquiétudes quant à la nécessité et à la proportionnalité des mesures établies dans le cadre de la Politique.
  2. Bien qu’il ne s’agisse pas d’exigences de la Loi, la nécessité et la proportionnalité sont des principes liés à la protection de la vie privée que le CPVP soutient fortement et qui sont intégrés aux lois sur la protection de la vie privée de nombreuses juridictions nationales et internationales, y compris à celles de plusieurs provinces canadiennes. La Directive sur les pratiques relatives à la protection de la vie privée du SCT exige que la collecte de renseignements personnels soit limitée à ce qui est manifestement nécessaire.Note de bas de page 10
  3. Ce principe est d’autant plus important lorsque les institutions doivent réagir rapidement en temps de crise pour mettre en œuvre des mesures destinées à promouvoir et à protéger la santé et la sécurité publiques, étant donné le risque élevé que ces mesures portent atteinte au droit à la vie privée des individus. En mai 2021, avant l’introduction de la Politique par le gouvernement du Canada, les commissaires fédéral, provinciaux et territoriaux à la protection de la vie privée ont publié une déclaration commune intitulée « La vie privée et les passeports vaccinaux relatifs à la COVID-19 », qui soulignait l’importance de tenir compte de la nécessité et de la proportionnalité dans l’élaboration des passeports vaccinaux relatifs à la COVID-19, et que cela ne doit pas constituer un obstacle à une gestion efficace de la santé publique.
  4. Compte tenu de son importance, nous avons examiné la nécessité et la proportionnalité de la Politique, qui exige de tous les employés qu’ils attestent de leur statut vaccinal et qu’ils fournissent des renseignements pour appuyer le processus décisionnel relatif à l’octroi de mesures d’adaptation découlant des exigences de la Politique.
  5. Pour guider les institutions dans l’examen de la nécessité et de la proportionnalité, le CPVP préconise l’utilisation d’un critère en 4 élémentsNote de bas de page 11, qui invite les institutions à se poser les questions suivantes lors de l’élaboration des programmes et des services portant particulièrement atteinte à la vie privée :
    • Peut-il être démontré que la mesure est nécessaire pour répondre à un besoin précis?
    • La mesure est-elle susceptible d’être efficace pour répondre à ce besoin?
    • Existe-t-il un moyen d’arriver au même but tout en réduisant l’atteinte à la vie privée?
    • L’atteinte à la vie privée est-elle proportionnelle à l’avantage obtenu?
  6. Selon nous, la Politique porte suffisamment atteinte à la vie privée pour justifier un examen attentif de ces 4 éléments, car elle requiert la collecte du statut vaccinal de tous les employés fédéraux et, lorsqu’un employé demande une mesure d’adaptation, de renseignements supplémentaires (y compris des contre-indications médicales ou des croyances religieuses) pour appuyer cette demande. Bien que l’attestation du statut vaccinal d’un individu soit limitée par nature, elle révèle néanmoins des renseignements personnels sur sa santé que le CPVP considère comme faisant partie des renseignements personnels sensibles. Pour les employés qui demandent des mesures d’adaptation, des renseignements de nature encore plus privée, relatifs à leurs croyances religieuses ou à leur état de santé, doivent également être recueillis.
  7. Lors de l’examen de la Politique, nous avons gardé à l’esprit que, comme l’indique le Cadre pour l’évaluation par le gouvernement du Canada des initiatives en réponse à la COVID-19 ayant une incidence importante sur la vie privée du CPVP, l’urgence de limiter la propagation du virus représentait un défi de taille pour le gouvernement et les autorités de la santé publique, que la crise liée à la COVID-19 évoluait rapidement et qu’elle requérait des interventions rapides et efficaces pour répondre à des besoins en santé publique hors du commun.
  8. Étant donné que les renseignements ont été recueillis par les institutions en réponse aux exigences fixées par le SCT en vertu de son pouvoir d’établir les conditions de travail de l’administration publique centrale, nous nous attendions à ce que le SCT, en tant qu’autorité responsable de la Politique, soit en mesure de décrire comment il a tenu compte de la nécessité et de la proportionnalité dans l’élaboration de la Politique, et de fournir des éléments probants et une analyse à l’appui de ses conclusions.
  9. En ce qui concerne le premier élément du critère, la nécessité, nous souhaitons que les institutions soient en mesure d’expliquer en détail comment une initiative portant atteinte à la vie privée est rationnellement liée à un objectif défini comme urgent et important, et comment le projet de collecte ou d’usage de renseignements personnels servira à atteindre cet objectif. Les institutions doivent fournir des preuves empiriques à l’appui de ces initiatives et ne devraient pas pouvoir recueillir de renseignements personnels pour des raisons hypothétiques ou « juste au cas ».
  10. La section 3.1 de la Politique énonce les objectifs suivants :
    • « Prendre toutes les précautions raisonnables, dans les circonstances, pour la protection de la santé et sécurité des employés. La vaccination est un élément clé dans la protection des employés contre la COVID-19. »
    • « Améliorer le taux de vaccination au Canada des employés de l’administration publique centrale grâce à la vaccination contre la COVID-19. »
    • « Compte tenu que les exigences opérationnelles peuvent inclure une présence sur place ad hoc, tous les employés, y compris ceux qui travaillent à distance et en télétravail, doivent être entièrement vaccinés pour se protéger, protéger leurs collègues et leurs clients contre la COVID-19. »
  11. Dans ses déclarations au CPVP, le SCT a fourni, comme indiqué au paragraphe 15, des éléments probants démontrant que les exigences établies en vertu de la Politique étaient fondées sur des conseils de santé publique et des études scientifiques. Étant donné que ces exigences ont été mises en place pendant la pandémie mondiale de COVID-19, nous sommes convaincus que les mesures prescrites par la Politique étaient liées à l’objectif urgent et important de « protection de la santé et sécurité des employés ».
  12. En ce qui concerne le deuxième élément du critère, à savoir si les mesures mises en œuvre dans le cadre de la Politique seraient efficaces pour atteindre les objectifs, nous sommes convaincus qu’il y avait des preuves selon lesquelles la vaccination était efficace pour atteindre ces objectifs, au regard des circonstances au moment de la mise en place de la Politique. Dans ce contexte, nous convenons que l’obligation vaccinale était efficace pour atteindre l’objectif, et que la collecte des statuts vaccinaux dans le but de mettre en place cette obligation était donc efficace pour atteindre les objectifs établis par le SCT.
  13. En ce qui concerne le troisième élément, les principes de nécessité et de proportionnalité imposent d’examiner si des mesures qui porteraient moins atteinte à la vie privée pourraient permettre d’atteindre le même objectif. Cet élément nécessite que le SCT démontre que des mesures portant moins atteinte à la vie privée n’auraient pas permis d’atteindre l’objectif important du SCT consistant à protéger la santé et la sécurité de ses employés.
  14. Certains plaignants ont fait valoir que des tests de dépistage rapide – une mesure portant moins atteinte à la vie privée – auraient dû être proposés à tous. Bien que le CPVP ait souhaité obtenir des renseignements de la part du SCT concernant les options raisonnables de l’application de la Politique (y compris les tests de dépistage rapide), le SCT ne lui a pas fourni de renseignement sur l’examen, le cas échéant, de telles options.
  15. Cela dit, en étudiant la jurisprudence canadienne sur les politiques de vaccination obligatoire, nous avons trouvé un certain nombre d’affairesNote de bas de page 12 ayant examiné les conseils en matière de santé publique portant sur le test de dépistage rapide comme une solution de remplacement à la vaccination obligatoire. Ces affaires portaient sur des situations dans lesquelles les individus visés se trouvaient en grande partie dans des espaces physiques partagés. Dans ces affaires, les décideurs ont confirmé les politiques de vaccination obligatoire, qui ne permettaient pas aux individus de choisir librement le test de dépistage rapide comme solution de remplacement à la vaccination, citant des conseils pertinents en matière de santé publique. Dans 2 de ces affaires, des autorités médicales provinciales sont citées; 2 autres présentent les témoignages d’experts en épidémiologie. Ces sources ont indiqué que : (i) contrairement au nombre important de données probantes quant à l’effet protecteur des vaccins, il y a un manque de preuves concrètes, telles que des études d’observation ou des essais contrôlés, démontrant que les tests de dépistage rapide réduisent la transmission; (ii) les tests de dépistage rapide ne préviennent pas les maladies graves dues aux infections lorsque celles-ci se produisent.
  16. Par conséquent, nous sommes convaincus que les tests de dépistage rapide n’auraient pas été une option envisageable dans les circonstances.
  17. Le SCT a fourni une analyse de l’Agence de santé publique du Canada, étayée de références à des preuves externes, démontrant qu’au moment où il a mis en place la Politique, il existait un nombre important de preuves selon lesquelles les vaccins étaient efficaces pour protéger contre des maladies graves les individus entrant en contact avec d’autres individus, par exemple dans un espace de travail partagé.
  18. Nous reconnaissons, à cet égard, que la vaccination s’est avérée être le moyen le plus efficace pour garantir que les employés qui se rendent sur leur lieu de travail sont protégés contre la COVID-19.
  19. Toutefois, les plaignants ont fait valoir que la preuve du statut vaccinal n’aurait pas dû être exigée pour les employés en télétravail n’ayant aucun besoin raisonnablement prévisible de travailler sur place de façon permanente ou ponctuelle.
  20. Nous constatons que les décisions des cours et des tribunaux qui ont examiné les exigences en matière de vaccination jusqu’à présent ont souligné l’importance d’évaluer le contexte opérationnel, y compris si les employés travaillent sur place ou à domicileNote de bas de page 13.
  21. Le SCT a confirmé que la décision d’exiger que les employés soient présents sur place de façon ponctuelle ou plus régulière était laissée à l’appréciation des administrateurs généraux et des gestionnaires des individus, en fonction de leurs besoins opérationnels. En outre, le SCT a confirmé qu’il n’a pas consulté les administrateurs généraux avant de mettre en œuvre la Politique à propos des plans visant à obliger les employés à retourner au bureau ou si, en effet, des exigences opérationnelles raisonnablement prévisibles imposaient que tous leurs employés soient présents sur place.
  22. Plusieurs institutions nous ont confirmé qu’elles n’avaient aucun plan de retour au bureau immédiat et général. En effet, de nombreux employés travaillent à distance depuis 2 ans et ne sont plus dans leurs bureaux depuis mars 2020. Certains plaignants ont allégué qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans les bureaux de leur institution, car ils ont été nommés pendant la pandémie et travaillent à distance depuis leur premier jour au sein de l’institution.
  23. Le SCT a justifié l’application de la Politique à tous les employés en faisant valoir que le modèle opérationnel des activités gouvernementales avant la pandémie était fondé sur l’obligation pour les employés d’être présents sur place et que, bien que des dispositions relatives au télétravail aient été prises pour permettre la continuité des activités pendant la pandémie, tous les employés pouvaient à tout moment être tenus de se rendre sur place de façon ponctuelle pour des besoins opérationnels (comme la présence au bureau pour des raisons de sécurité ou autres, l’ouverture et la gestion du courrier, le traitement de l’information sur des réseaux dont la sécurité est renforcée, des exigences urgentes nécessitant une présence immédiate sur place ou des problèmes techniques liés à la capacité de l’employé de travailler à distance). Le SCT a ajouté qu’il n’aurait pas été pratique de chercher à confirmer le statut vaccinal d’un employé en télétravail uniquement lorsque sa présence sur place était requise, étant donné le délai considérable que cela aurait exigé pour les employés non vaccinés de se faire vacciner, afin de fournir des services au public.
  24. Le SCT a indiqué que de nombreux fonctionnaires étaient en première ligne pour fournir des services en personne aux Canadiennes et aux Canadiens pendant la pandémie et que le SCT ne pouvait pas attendre les urgences ou d’autres types de situations imprévues pour ensuite exiger et vérifier la vaccination des employés en télétravail, surtout compte tenu de l’ensemble des activités de la fonction publique fédérale.
  25. Même si nous espérions que le SCT réponde de manière plus complète et plus transparente à nos questions sur ce sujet, nous sommes d’avis qu’il faut faire preuve d’une certaine déférence à l’égard du SCT en ce qui concerne son évaluation de la nécessité de la présence sur place de ses employés pendant cette situation d’urgence sans précédent touchant la santé publique.
  26. Le SCT et le gouvernement fédéral étaient en première ligne pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens et fournir des services importants et souvent vitaux dans une situation qui évoluait rapidement. En l’absence de preuve du contraire, nous convenons que, dans ce contexte, il était nécessaire et prudent de la part du SCT de conserver la possibilité d’exiger la présence sur place de ses employés à court terme (y compris les employés qui travaillaient régulièrement à domicile pendant la pandémie) afin de faire face aux situations d’urgence et aux situations imprévues pendant la pandémie. Nous constatons également que, particulièrement dans ce contexte d’évolution rapide de la situation pandémique, il aurait été impossible pour le SCT d’assurer la disponibilité et l’interopérabilité des employés si les administrateurs généraux des institutions s’étaient vu confier la responsabilité d’établir des politiques de vaccination spécifiques au contexte opérationnel de chaque institution à l’échelle du gouvernement fédéralNote de bas de page 14.
  27. Pour toutes ces raisons, nous concluons que la Politique du SCT a satisfait au troisième élément du critère.
  28. En ce qui concerne le quatrième élément du critère, à savoir si l’atteinte à la vie privée est proportionnelle à l’avantage obtenu, nous nous attendions à ce que le SCT soit en mesure de démontrer qu’il avait analysé si les répercussions possibles sur la vie privée des employés résultant de la collecte de renseignements relatifs à leur statut vaccinal contre la COVID-19 étaient proportionnelles aux avantages qui découleraient de la collecte.
  29. Il convient de noter que la Politique comprenait une communication limitée des renseignements sur le statut vaccinal d’un individu; renseignements qui, au moment où la Politique a été instituée, devaient également être communiqués pour accéder à de nombreux services dans un certain nombre de provinces, y compris les restaurants. Néanmoins, ce sont des renseignements médicaux (sensibles par nature) et certains cas auraient pu entraîner la divulgation d’autres renseignements personnels sensibles, par exemple pour les employés qui demandent des mesures d’adaptation.
  30. Cette atteinte à la vie privée doit être mesurée par rapport aux avantages de la Politique. Pour les raisons exposées dans l’évaluation du troisième élément, nous sommes convaincus que les avantages obtenus grâce à la Politique étaient la protection de la santé et de la sécurité de tous les employés du SCT et la possibilité et la flexibilité pour le SCT d’exiger la présence sur place de ses employés en télétravail afin d’intervenir en cas d’urgence et de situations imprévues dans le cadre de la prestation de services publics aux Canadiennes et aux Canadiens pendant une pandémie mondiale.
  31. En mesurant l’atteinte à la vie privée par rapport à cet objectif, nous constatons que cette atteinte était proportionnelle aux avantages, dans le contexte de cette situation d’urgence.
  32. Sur la base des déclarations et des éléments probants qui nous ont été présentés, nous sommes convaincus que la Politique répondait aux exigences de nécessité et de proportionnalité.
  33. Bien que la grande majorité des renseignements personnels recueillis en vertu de la Politique l’aient été à l’automne 2021, d’autres renseignements personnels ont continué d’être recueillis (notamment auprès du personnel nouvellement recruté) et les employés qui refusaient de fournir les renseignements personnels demandés ont continué de faire l’objet de sanctions administratives (d’être placés en congé sans solde, par exemple) jusqu’à ce que la Politique soit suspendue, le 20 juin 2022. Un aspect important de l’évaluation de la nécessité et de la proportionnalité, en particulier dans un contexte de santé publique qui évolue rapidement, est qu’il est impératif de réévaluer ces critères, en temps opportun et à mesure que les circonstances évoluent. Il est important de souligner qu’on reconnaît cette nécessité dans la Politique en établissant un examen semestriel, qui a commencé en avril 2022. À la suite de cet examen, les mesures prises en vertu de la Politique ont été suspendues : le SCT a jugé qu’elles n’étaient plus justifiées compte tenu de la situation de santé publique du moment.
  34. Nous avons demandé au SCT de nous fournir des renseignements en ce qui concerne son évaluation des principes de nécessité et de proportionnalité dans le cadre du processus d’examen qu’il a entrepris avant de suspendre la Politique en juin 2022. En réponse, il a présenté des hyperliens vers une série d’études publiques sur l’efficacité des vaccins contre le variant Omicron de la COVID-19, sans aucune analyse contextuelle, et a refusé de fournir de plus amples renseignements en invoquant qu’il s’agit de documents confidentiels du Cabinet. Nous ne pouvons donc pas commenter l’intégrité du processus d’examen du SCT.

Recommandations

  1. Étant donné l’importance de la question, nous avons recommandé au SCT d’évaluer toute mesure de vaccination envisagée en utilisant le critère en 4 éléments décrit dans le présent rapport, avant toute décision éventuelle de rétablir une partie ou la totalité des exigences de la Politique. Nous regrettons que le SCT ait refusé de mettre en œuvre cette recommandation qui, selon nous, est conforme à la politique du SCT sur la préparation des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. À plus forte raison, cette approche est éprouvée, efficace et performante et permet de garantir que les considérations de nécessité et de proportionnalité sont intégrées dès le départ dans un programme afin d’optimiser la protection du droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens.
  2. Nous tenons à souligner que le SCT joue un rôle de premier plan au sein de l’administration fédérale en ce qui concerne l’application de la Politique de protection de la vie privée et la promotion de la conformité; nous réitérons la recommandation précédente et exhortons le SCT à reconsidérer sa réponse.
  3. Nous prenons note de l’engagement du SCT à respecter ses obligations en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des instruments de politique connexes. Nous rappelons au SCT que ces instruments de politique nécessiteraient la préparation d’une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui permettrait d’évaluer la nécessité et la proportionnalité de toute mesure susceptible de porter atteinte à la vie privée.

Conclusion

  1. Nous concluons que la Politique a été en grande partie mise en œuvre en conformité avec les exigences de la Loi, à l’exception du SCT qui n’a pas mis à jour son répertoire de renseignements personnels recueillis dans le cadre de l’application de la Politique dans les délais requis par la Loi.
  2. En ce qui concerne la Politique, et bien qu’il ne s’agisse pas actuellement d’une exigence légale, nous concluons que la Politique du SCT était nécessaire et proportionnelle. Toutefois, nous espérions des réponses plus complètes et plus transparentes de la part du SCT au cours de cette enquête et nous encourageons le SCT à mettre en place des mesures pour évaluer et documenter entièrement la façon dont il répond aux exigences de nécessité et de proportionnalité lorsqu’il évalue des mesures portant potentiellement atteinte à la vie privée.
  3. Nous pensons que cette enquête souligne l’importance de mieux refléter les principes de nécessité et de proportionnalité dans la législation relative à la protection de la vie privée dans le secteur public, alors que le gouvernement progresse dans son projet de modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans un avenir proche.

Annexe 1 – Liste des renseignements recueillis dans le SSAV-GC

Le SSAV-GC est prérempli avec les renseignements suivants, qui ont déjà été recueillis par l’employeur, pour chaque employé :

  • Nom
  • Prénom
  • Nom du gestionnaire
  • Ministère
  • Pays de travail
  • Province ou territoire de travail
  • Groupe
  • Niveau
  • Numéro du poste
  • CIDP (attestations en version papier uniquement)
  • Adresse électronique
  • Date de naissance (attestations en version papier uniquement)
  • CIDP du gestionnaire (attestations en version papier uniquement)
  • Date de naissance du gestionnaire (attestations en version papier uniquement)

En outre, dans le cadre du processus d’attestation, le SSAV-GC recueille les renseignements spécifiques suivants auprès des employés :

  • Accord de l’employé
  • Attestation de statut vaccinal
  • Statut de la vérification
  • Confirmation de la vérification par le gestionnaire
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