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L’utilisation de la généalogie génétique commerciale par l’Agence des services frontaliers du Canada dans une affaire d’expulsion contrevient à la Loi sur la protection des renseignements personnels

Plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels

Le 24 avril 2023


Description

Un ancien réfugié s’est plaint que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) avait violé son droit à la vie privée en prélevant son ADN et en utilisant l’analyse de la généalogie génétique pour tenter de potentiellement identifier de ses proches afin d’établir sa nationalité et de l’expulser. Il a fait valoir que l’ASFC n’avait pas les pouvoirs de réaliser l’exercice, qu’elle a recueilli certains renseignements inutilement, l’a contraint de manière à obtenir son consentement, ne lui a pas transmis des renseignements pertinents et a agi de façon trompeuse dans sa collecte de données par l’entremise de la société commerciale de généalogie génétique, FamilyTree DNA (FTDNA). Le plaignant a soutenu également que l’ASFC n’avait pas pris de mesures adéquates pour limiter la communication de ses renseignements personnels et n’avait pas décrit adéquatement la collecte en cause dans la description des fichiers de renseignements personnels (FRP) publiés. Nous avons constaté des infractions aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels (Loi) en matière de collecte, de communication et de transparence.

Points à retenir

  • Les données biométriques, dont l’ADN fait partie, sont utilisées par les organismes d’application de la loi pour authentifier les justificatifs d’identité ou, comme dans ce cas-ci, pour comparer les données biométriques d’une personne à celles d’une autre source pour apprendre quelque chose. Ces sources, comme la banque de données de FTDNA dans le présent cas, peuvent comprendre de nombreuses personnes n’ayant commis aucun crime. Les répercussions sur la vie privée du sujet et de ces autres personnes doivent être évaluées et traitées de manière à se conformer à la Loi.
  • Les institutions gouvernementales sont responsables de la collecte, de l’utilisation, de la communication et de la conservation des renseignements personnels dans les comptes qu’ils contrôlent sur des plateformes tierces. Les institutions devraient s’assurer que des procédures sont en place pour une gestion prudente de ces comptes, de leur création jusqu’à leur fermeture. Ceci est essentiel pour éviter des problèmes, comme ceux de la présente affaire, en lien avec : (i) l’incapacité d’obtenir l’autorisation valide du plaignant pour procéder à la collecte indirecte auprès de FTDNA, (ii) les divulgations accessoires qui contreviennent à la Loi et (iii) les comptes laissés actifs et sans surveillance (continuer de détenir, de recueillir et de communiquer des renseignements personnels).
  • En vue de se conformer aux exigences de la Loi en matière de transparence, y compris celle pour les institutions de constituer des fichiers de renseignements personnels, la description mise à la disposition du public des renseignements personnels recueillis dans le cadre d’un programme devrait permettre à un membre du public de : (i) déterminer de manière efficace si ses renseignements personnels sont détenus par une institution et (ii) déterminer de manière efficace la nature de ces renseignements. La description mise à la disposition du public des renseignements personnels recueillis dans le cadre du programme de renvois de l’ASFC ne permettait pas de remplir ces conditions puisque les utilisateurs de FTDNA dont les renseignements personnels ont été recueillis par l’ASFC ne pouvaient pas savoir que leurs renseignements sur le profil génétique avaient été recueillis par l’ASFC.
  • La Loi sur l’identification par les empreintes génétiques de 1997, qui limite l’utilisation de la Banque nationale de données génétiques par les organismes d’application de la loi, ne réglemente pas l’utilisation des entreprises commerciales de généalogie génétique par ces organismes. Nous encourageons le gouvernement à tenir un débat public au sujet des risques et des avantages des nouveaux types de recours à l’identification génétique, y compris la généalogie génétique, dans un contexte d’application de la loi.

Rapport de Conclusions

Aperçu

  1. Le plaignant, ancien réfugié au sens de la Convention, puis résident permanent du Canada, est mis en détention pour une longue période par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui tente d’établir sa nationalité dans le but de l’expulser après qu’il eut fait l’objet d’une mesure de renvoi. Le plaignant fait valoir que l’analyse de la parole et de la généalogie génétique que l’ASFC a effectuée en 2017 dans le but de déterminer, en vain, sa nationalité enfreint la Loi. La plainte se rattachant à l’analyse de la parole qui, selon nous, est non fondée, est traitée dans un rapport distinct.
  2. Le plaignant, qui est représenté par un conseiller juridique pendant l’enquête, fait valoir les points suivants au sujet de la collecte de données sur la généalogie génétique : i) l’ASFC n’avait pas l’autorité légale de réaliser l’exercice; ii) les renseignements recueillis par l’ASFC n’étaient pas tous requis pour la fin indiquée; iii) son consentement était invalide en raison des circonstances de sa mise en détention; iv) l’ASFC ne lui a pas transmis l’information nécessaire à propos de la cueillette de renseignements personnels effectuée par FamilyTree DNA (FTDNA); et v) l’ASFC a agi de façon trompeuse dans sa collecte de données par l’entremise de la société commerciale de généalogie génétique, FTDNA. Le plaignant soutient également que l’ASFC : vi) n’avait pas pris de mesures adéquates pour limiter la communication de ses renseignements personnels; et vii) n’avait pas décrit adéquatement la collecte en cause dans la description des fichiers de renseignements personnels (FRP) publiés. Par conséquent, nous avons examiné la conformité aux dispositions en matière de collecte des articles 4 et 5, de même qu’aux dispositions relatives à la communication de l’article 8 et à celles liées à la transparence de l’article 11.
  3. En nous fondant sur les observations reçues, nous établissons que la collecte dans la présente affaire se rattache directement à une activité ou à un programme autorisé et qu’elle est donc conforme à l’article 4. En outre, nous concluons que, même si l’ASFC a fait valoir qu’elle comptait sur le consentement pour le prélèvement d’ADN, ce n’est pas ce qu’exige expressément l’article 4 de la Loi.
  4. Cependant, nous concluons que l’ASFC était tenue, au titre de l’article 5, d’obtenir l’autorisation valide du plaignant pour procéder à la collecte indirecte de ses renseignements personnels auprès de FTDNA. Nous estimons que les pratiques de l’ASFC auprès de FTDNA n’étaient pas trompeuses et que les circonstances de la mise en détention du plaignant n’invalidaient pas l’autorisation de ce dernier, mais nous concluons que l’omission de l’ASFC de donner au plaignant des renseignements clés au sujet des conditions de FTDNA signifiait qu’il n’était pas pleinement au courant de ses droits en tant que donneur d’ADN. Par conséquent, nous concluons que l’autorisation du plaignant à l’égard de la collecte de données par l’ASFC auprès de FTDNA était invalide et que cette collecte enfreint l’article 5 de la Loi.Note de bas de page 1
  5. Nous concluons également que l’ASFC a enfreint l’article 8 de la Loi lorsqu’elle a communiqué certains renseignements personnels au sujet du plaignant à d’autres utilisateurs de FTDNA. Enfin, bien que nous estimons que le contenu connexe figurant dans le répertoire de renseignements personnels précisait que les renseignements biométriques des personnes visées par une mesure de renvoi pouvaient être recueillis, on n’y précisait pas que les renseignements sur le profil génétique des proches de ces personnes pouvaient être recueillis eux aussi. Par conséquent, le contenu du répertoire de renseignements personnels n’était pas conforme aux obligations en matière de transparence au titre de l’article 11 de la Loi.
  6. En ce qui concerne les mesures correctives, l’ASFC a précisé qu’elle avait imposé un moratoire sur sa propre utilisation de la généalogie génétique en 2018, en attendant l’élaboration d’une politique nationale visant à régir la collecte et l’utilisation de renseignements sur l’identification génétique dans le contexte de son programme de renvois. Cependant, ce n’est que récemment que l’ASFC a fermé les comptes d’utilisateur de FTDNA qu’elle détenait pour le plaignant et d’autres individus, et elle ne l’a fait qu’en réponse à notre recommandation.
  7. Nous avons formulé plusieurs recommandations en vue de la prise de mesures supplémentaires par l’ASFC pour atténuer l’impact de ses infractions et réduire le risque de récurrence. Tel qu’il est décrit de façon détaillée dans la section sur les recommandations du présent rapport, l’ASFC s’est engagée à mettre en œuvre toutes nos recommandations, à l’exception d’une seule. La plainte est donc fondée en partie et conditionnellement résolue en partie.

Contexte

  1. À son arrivée au Canada en tant que réfugié, le plaignant fait valoir qu’il a la citoyenneté libérienne. Il obtient plus tard le statut de résident permanent, mais il est ensuite interdit de territoire au Canada en raison d’activités criminelles et il fait donc l’objet d’une mesure de renvoiNote de bas de page 2. L’ASFC tente de l’expulser au Libéria, mais ce pays réfute la prétention qu’il détient cette nationalité. En réponse, en 2017, l’ASFC a voulu confirmer son pays d’origine en lui demandant de se soumettre à une analyse de la parole effectuée par une entreprise tierce, SPRAKAB. SPRAKAB est une entreprise d’analyse du langage qui offre des services permettant d’établir l’origine géographique ou nationale d’une personne à l’aide de son vocabulaire et de sa façon de parlerNote de bas de page 3.
  2. L’analyse que l’ASFC obtient de SPRAKAB laisse supposer que le plaignant est Nigérian. Dans le but de recueillir d’autres éléments de preuve, en 2017 également, l’ASFC obtient du plaignant son consentement pour la collecte d’un échantillon biologique, la transmission de ce dernier à l’entreprise de généalogie génétique FTDNA et la collecte des renseignements au sujet de ses liens génétiques possibles avec d’autres utilisateurs de FTDNA.
  3. FTDNA est l’une des nombreuses entreprises qui offrent directement aux consommateurs des services d’analyse de l’identification génétique et de correspondance de profils par la généalogie génétique. Elle permet à ses utilisateurs de prendre connaissance de leurs liens génétiques avec d’autres utilisateurs (et, par conséquent, de leurs ancêtres communs), de créer leur arbre généalogique et d’obtenir des renseignements au sujet de leur ascendance générale en se fondant sur leur profil d’identification génétique. FTDNA tient à jour une base de données qui renferme le profil d’identification génétique de plus de deux millions de personnesNote de bas de page 4.
  4. En 2017, lorsque l’ASFC ouvre le compte en question, FTDNA offre des services de « recherche de famille » (correspondance génétique) à des titulaires de compte tiers pour l’identification génétique d’une autre personne, pour autant que le donneur réel d’ADN y consente en signant un formulaire d’autorisation connexe (le formulaire de FTDNA). L’entreprise offre encore ces services aujourd’hui. Les services de correspondance offerts par FTDNA sont réciproques. Afin d’obtenir certains renseignements au sujet de correspondances génétiques potentielles (y compris le nom d’utilisateur et l’adresse électronique du titulaire de compte), les utilisateurs doivent consentir à ce que leurs propres renseignements soient transmis à d’autres utilisateurs. Conformément à la politique de la FTDNA, le donneur d’ADN conserve certains droits, comme celui de prendre le contrôle du compte en tout temps.
  5. Avant de prélever l’échantillon d’ADN du plaignant, l’ASFC rédige un formulaire de consentement (le formulaire de l’ASFC). Le formulaire de l’ASFC permet à celle‑ci de prélever un frottis buccal auprès du plaignant, de le soumettre à FTDNA aux fins d’analyse, de recueillir des renseignements auprès de FTDNA et de communiquer avec les personnes avec qui une correspondance génétique est établie afin d’obtenir des renseignements à propos de la nationalité du plaignant. Le plaignant signe le formulaire ainsi que le formulaire d’autorisation de FTDNA au moment de fournir son échantillon d’ADN à l’ASFC.
  6. L’ASFC n’ayant pas elle-même les moyens de le faire, elle utilise la base de données de FTDNA afin de possiblement identifier des proches du plaignant et ainsi obtenir de l’information sur sa nationalité. Depuis l’ouverture du compte, l’ASFC recueille des renseignements au sujet de centaines de personnes qui ont une correspondance génétique avec le plaignant et elle communique avec quelques‑unes d’entre elles dans le but de leur poser des questions sur celui-ci. Nous comprenons que les renseignements obtenus ne se sont pas avérés suffisamment concluants en ce qui a trait à la nationalité du plaignant, qui est ensuite remis en liberté par l’ASFC.
  7. Historiquement, les organismes d’application de la loi utilisent la correspondance biunivoque entre des profils d’identification génétique à des fins d’identification. À titre d’exemple, ils ont recours à la correspondance entre des profils d’identification génétique sur une scène de crime en les comparant à ceux de la Banque nationale de données génétiques, qui a été créée conformément à la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, pour tenter d’établir une correspondance identique. La Loi sur l’identification par les empreintes génétiques a pour but d’aider les organismes d’application de la loi à identifier les personnes qui auraient commis une série d’infractions désignées, à retrouver des personnes portées disparues et à identifier des restes humains. Les profils d’identification génétique stockés dans cette banque découlent des échantillons biologiques provenant de sources précises, comme ceux retrouvés sur une scène de crime et ceux fournis par des proches de personnes portées disparues, des personnes tenues légalement de soumettre un échantillon et d’autres donneurs volontaires (dont le profil d’identification génétique peut être pertinent dans le cadre d’une enquête). La Loi sur l’identification par les empreintes génétiques impose des limites précises à la façon dont les profils d’identification génétique peuvent être ajoutés dans la Banque nationale de données génétiques ou correspondre à cette dernière.
  8. Nous comprenons que cette banque de données canadienne n’a pas répondu aux besoins de l’ASFC dans la présente affaire puisque l’Agence cherchait des proches potentiels du plaignant qui vivent en Afrique et que la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques ne considère pas l’établissement de la nationalité d’une personne visée par une mesure de renvoi comme une utilisation acceptable de la Banque nationale de données génétiques. Aucune loi précise ne contrôle actuellement le recours aux services de correspondance par la généalogie génétique par les organismes d’application de la loi au Canada.
  9. L’ASFC a affirmé au Commissariat que ses enquêteurs régionaux avaient utilisé la généalogie génétique au cas par cas en tant que technique d’enquête en collaboration avec son administration centrale avant 2017, mais qu’en 2018, après que des préoccupations ont été soulevées dans les médias, cette pratique a été mise en suspens jusqu’à ce que les politiques en vigueur puissent être examinées.

Analyse

Enjeu 1 : La collecte de renseignements sur la généalogie génétique par l’ASFC avait un lien direct avec l’un de ses programmes ou activités, comme l’exige l’article 4 de la Loi

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) donne à l’ASFC de vastes pouvoirs afin de recueillir des renseignements personnels dans le cadre de son programme de renvois
  1. L’article 4 de la Loi sur la protection des renseignements personnels exige que les institutions fédérales limitent leur collecte de renseignements personnels aux renseignements « qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activités ». Afin d’établir si une collecte de renseignements satisfait à cette exigence, on doit tout d’abord définir clairement la portée ou la nature des « programmes ou activités ».
  2. Le plaignant a mis en doute le pouvoir de l’ASFC de recueillir son ADN au moyen du prélèvement d’un échantillon biologique et il nous a demandé de mettre précisément l’accent sur cette question. Il a souligné que l’ASFC ne disposait pas de politiques ou de protocoles nationaux en vue du prélèvement d’échantillons d’ADN par les organismes d’application de la loi et les organismes de renseignement, et qu’elle n’avait pas le pouvoir sous‑jacent d’intégrer l’identification génétique dans ses programmes. Il s’est aussi interrogé sur la nécessité d’obtenir son consentement si l’ASFC avait le pouvoir de prélever un échantillon de son ADN. Au sujet de ces points, il a fait valoir ce qui suit :

    [TRADUCTION]

    De façon générale, il est possible d’obtenir les pouvoirs de réaliser les activités ou programmes gouvernementaux par une loi fédérale ou à la suite de la promulgation d’un règlement d’application. Le type de pouvoir qui s’impose à l’appui de la collecte précise de renseignements personnels dépend en partie de la nature de l’action en question. Plus l’action en question nuira aux droits ou à la liberté d’une personne, plus le critère ou seuil sera élevé en vue de l’établissement d’un pouvoir précis et favorable;

    Dans la présente affaire, l’ASFC s’est livrée à la collecte subreptice et à la communication d’une mine de renseignements personnels de nature hautement délicate aux fins du renvoi [du plaignant] du Canada. L’État ne peut pas procéder à une collecte et à une utilisation plus intrusives de renseignements personnels. Par conséquent, l’ASFC ne peut pas justifier ses mesures sans avoir le pouvoir clair et exprès de recueillir et d’utiliser l’échantillon biologique et les renseignements sur l’identification génétique [du plaignant]. Toute tentative de l’ASFC d’invoquer ses vastes pouvoirs généraux au titre de la LIPR est donc, dans les circonstances, inadéquate.

  3. L’ASFC a soutenu que l’article 6 et le paragraphe 48(2) de la LIPR, et l’article 12 de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada (la Loi sur l’ASFC) lui donnaient le pouvoir de recueillir les renseignements conformément à l’article 4 de la Loi. Elle a expliqué que la collecte de renseignements personnels se rattachait à son mandat et à ses programmes au titre de la LIPR. L’article 6 de la LIPR et l’article 12 de la Loi sur l’ASFC énoncent la délégation des pouvoirs du ministre quant à l’application de ces lois. L’ASFC a affirmé que le programme précis en question était son « programme de renvois », qui est énoncé au paragraphe 48(2) de la LIPR, selon lequel « [l]’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être exécutée dès que possible ».
  4. Conformément à la jurisprudence applicable concernant l’objet des dispositions en matière de renvoi de la LIPRNote de bas de page 5 et les obligations qui s’y trouvent, nous reconnaissons que l’exécution des mesures de renvoi représente un programme ou une activité de l’ASFC qui relève de son mandat au titre du paragraphe 48(2) de la LIPR. De plus, le paragraphe 16(3) de la LIPR accorde de façon précise à l’ASFC le vaste pouvoir de recueillir des renseignements auprès d’une personne faisant l’objet d’une mesure de renvoi, y compris « […] tous éléments, dont la photographie et la dactyloscopie, en vue d’établir son identité […] ». Les tribunaux canadiens ont confirmé que cette disposition pouvait servir à recueillir des renseignements personnels de nature différente plutôt que simplement des éléments de preuve photographiques ou dactyloscopiquesNote de bas de page 6. À notre avis, le pouvoir que cette disposition octroie à l’ASFC est suffisamment vaste pour l’autoriser à recueillir des renseignements sur l’identification génétique.
Rien n’indique que l’ASFC a recueilli des renseignements qui ne se rattachaient pas directement à l’activité d’exécution de la mesure de renvoi
  1. La deuxième étape de l’évaluation de la conformité à l’article 4 consiste à établir si la collecte se rattache directement à un programme ou à une activité. À cet égard, le plaignant a affirmé que même si l’ASFC avait le pouvoir de recueillir des renseignements pour l’identifier et le renvoyer, la collecte à laquelle elle s’est livrée était trop vaste puisque certains de ces renseignements étaient inutiles, entre autres, ce qu’elle estime être son ascendance et son origine ethnique. Il a également fait valoir que l’ASFC n’avait déployé aucun effort pour limiter la collecte de ses renseignements personnels.
  2. De son côté, l’ASFC a déclaré qu’elle ne disposait d’aucun dossier au sujet des paramètres précis qui avaient été vérifiés lors de la création du compte, mais que ses agents n’auraient pas opté pour l’obtention de renseignements personnels facultatifs au‑delà des correspondances génétiques avec le plaignant dans le but d’identifier des proches potentiels avec lesquels elle pourrait communiquer pour tenter de déterminer la nationalité du plaignant.
  3. Nous avons examiné minutieusement les positions des parties. Nous tenons à souligner que le plaignant semble faire valoir que l’article 4 de la Loi englobe un critère de nécessité et de proportionnalité. Nous compatissons à la position du plaignant et comprenons son point de vue. Le Commissariat réclame depuis longtemps que la Loi soit modifiée de manière à englober des critères plus rigoureux justifiant la collecteNote de bas de page 7. Cependant, nous devons appliquer la Loi telle qu’elle est écrite aujourd’hui, comme l’ont confirmé les tribunaux. Par conséquent, conformément à l’article 4 de la Loi, les seuls renseignements personnels que peut recueillir une institution sont ceux qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activitésNote de bas de page 8.
  4. En ce qui concerne la portée et l’ampleur des renseignements recueillis, nous estimons qu’ils étaient tous liés directement au programme de renvois de l’ASFC. Bien que certains renseignements, comme le rapport sur l’origine ethnique, n’aient pas été forcément nécessaires pour les fins indiquées, l’ASFC n’aurait pu les séparer de façon appréciable des renseignements dont elle avait besoin. Nous comprenons que le rapport sur l’origine ethnique, par exemple, faisait partie de la trousse de services de FTDNA que l’ASFC a achetée et que cette dernière n’aurait pu acquérir seulement le service de correspondance. Nous concluons que rien n’indiquait que l’ASFC avait recueilli des renseignements personnels qui n’étaient pas liés directement au programme en question et, par conséquent, nous établissons que la plainte relative à la collecte de renseignements au titre de l’article 4 de la Loi est non fondée.

Enjeu 2 : L’autorisation du plaignant à une collecte indirecte n’était pas conforme au paragraphe 5(1) de la Loi

  1. Nous avons établi ci‑dessus que la collecte par l’ASFC de renseignements sur la généalogie génétique du plaignant et de ses proches génétiques était conforme à l’article 4 de la Loi, qui n’impose aucune obligation quant à l’obtention d’un consentement pour la collecte. Cependant, le paragraphe 5(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels précise qu’une institution est tenue de « recueillir auprès de l’individu lui‑même, chaque fois que possible, les renseignements personnels destinés à des fins administratives le concernant, sauf autorisation contraire de l’individu ou autres cas d’autorisation prévus au paragraphe 8(2) ». Le paragraphe 5(3) permet à une institution de ne pas se conformer au paragraphe 5(1) dans les cas où son observation risquerait « a) soit d’avoir pour résultat la collecte de renseignements inexacts, b) soit de contrarier les fins ou de compromettre l’usage auxquels les renseignements sont destinés ». Cependant, comme il est décrit ci‑dessous, FTDNA n’offre aucun mécanisme de collecte indirecte des renseignements personnels d’une personne en l’absence de son autorisation, sauf dans des circonstances bien précises d’application de la loi auxquelles la tentative de l’ASFC de renvoyer une personne du Canada ne satisfait pas.
  2. Dans ce contexte, l’autorisation du plaignant était requise pour la collecte de renseignements à son sujet, y compris sa parenté génétique avec d’autres utilisateurs de FTDNA, au moyen des services commerciaux fournis par cette dernière. Nous avons donc vérifié si l’ASFC avait obtenu une autorisation valide du plaignant pour procéder à cette collecte indirecte. Le plaignant ne conteste pas le fait qu’il ait donné son autorisation par écrit à l’ASFC pour qu’elle recueille des renseignements au sujet de sa parenté génétique avec d’autres utilisateurs de FTDNA. C’est ce qu’il a fait lorsqu’il a signé un formulaire de consentement de l’ASFC qui décrivait la collecte et son but, de même qu’un formulaire d’autorisation connexe de FTDNA. Cependant, le plaignant a fait valoir que son autorisation n’était pas valide puisqu’il l’avait donnée sous la contrainte en raison de la menace implicite selon laquelle il serait détenu pour une durée indéterminée s’il ne collaborait pas. Il a soutenu également qu’il n’avait pas obtenu suffisamment de renseignements au sujet de la nature même de la collecte indirecte auprès de FTDNA et que l’ASFC avait agi de façon trompeuse lors de la collecte indirecte de ses renseignements personnels auprès de FTDNA.
  3. La jurisprudence relative à ce qui constitue une autorisation valide conformément au paragraphe 5(1) est très limitée et ne porte pas directement sur les circonstances de la présente affaire. Cependant, la Cour suprême du Canada (la CSC) a présenté des commentaires au sujet du consentement valide touchant la collecte de renseignements biométriques dans le contexte de l’application de la loi dans l’arrêt R c. BordenNote de bas de page 9. Dans sa décision, la CSC a cité, après en avoir obtenu l’autorisation, la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R c. Wills.Note de bas de page 10 Dans l’affaire Wills, la Cour d’appel de l’Ontario a estimé que la collecte des résultats de l’analyse d’haleine de la personne avait enfreint l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) parce que la police n’avait pas obtenu un consentement valideNote de bas de page 11. Selon la Cour d’appel de l’Ontario, pour que le consentement soit valide, il doit être établi, selon la prépondérance des probabilités, que :
    1. il y a eu consentement exprès ou tacite;
    2. la personne qui a donné le consentement avait le pouvoir de le faire;
    3. le consentement était volontaire, conformément à l’interprétation présentée dans la décision GoldmanNote de bas de page 12, et ne découlait pas de mesures d’oppression, de coercition ou d’autre action externe de la part des policiers, niant à l’individu visé la liberté de choisir ou non de permettre aux policiers de donner suite à leur demande;
    4. la personne qui a donné le consentement était consciente de la nature de l’action des policiers à laquelle on lui demandait de consentir;
    5. la personne qui a donné le consentement était au courant de son droit de refuser de permettre aux policiers de faire ce qu’ils demandaient;
    6. la personne qui a donné le consentement connaissait les conséquences que ce dernier était susceptible d’entraîner.
  4. Malgré que le critère juridique ci‑dessus ait été élaboré dans un contexte policier, dans le but d’établir si une fouille, une perquisition et une saisie par l’État étaient conformes à l’article 8 de la Charte, nous choisissons d’utiliser ce cadre d’analyse, qui en constitue le fondement, pour évaluer le consentement dans le cadre de la présente plainte pour deux raisons. Premièrement, ce critère fournit une méthode d’analyse contextuelle utile des divers volets du « consentement » en ce qui concerne le point de vue de la personne ainsi que des mesures et des objectifs de l’institution fédérale. Deuxièmement, les circonstances dans lesquelles se trouvait le plaignant — être mis en détention pour une longue durée et être tenu de donner des renseignements biométriques à une institution fédérale — présentent des similitudes par rapport aux circonstances à partir desquelles le critère a été élaboré.
L’autorisation du plaignant quant à la collecte de ses renseignements personnels auprès de FTDNA ne s’est pas faite de façon éclairée
  1. La partie i) du critère est manifestement respectée, car les 2 parties ont affirmé que le plaignant avait signé le formulaire de consentement de l’ASFC et le formulaire d’autorisation connexe de FTDNA. La partie ii) du critère est elle aussi manifestement respectée parce qu’il a été convenu que le plaignant avait signé le formulaire de consentement lui‑même et que personne d’autre ne l’avait signé en son nom.
  2. La partie iii) du critère exige que le consentement soit donné volontairement et ne découle pas d’une action externe comme une oppression ou une coercition. Le plaignant a fait valoir qu’il avait donné son consentement sous la contrainte puisque le refus de le faire aurait eu comme conséquences, selon lui, d’être jugé peu coopératif et d’être détenu pour une durée indéterminée.
  3. Dans la décision Lunyamila, la Cour d’appel fédérale a expliqué ce qui suit :

    Lors d’un contrôle des motifs de détention, la [Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR)] doit évaluer s’il existe des motifs de détention : si, entre autres, le détenu constitue un danger pour la sécurité publique ou un risque de fuite, ou si l’identité d’un étranger n’a pas été établie […].

    En vertu du paragraphe 247(1) du [Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés], pour déterminer si le motif visant l’identité a été établi, la SI doit examiner entre autres la collaboration du détenu, y compris la question de savoir si le détenu a justifié son identité auprès du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration ou s’il l’a aidé à obtenir une telle justification […].Note de bas de page 13

  4. Comme le précise cet extrait, ce que le plaignant décrit comme une « contrainte » était en fait l’application du régime de contrôle des motifs de détention énoncé dans la LIPR et son Règlement, ce qui ne peut donc pas être considéré comme une contrainte. La décision de donner ou non son consentement peut être un choix difficile pour une personne vivant cette situation, mais à notre avis, le consentement du plaignant était volontaire en vue de la collecte de renseignements en cause auprès de FTDNA et a respecté la partie iii) du critère Wills.
  5. Selon la partie iv) du critère, la personne doit être consciente de la nature de l’action des policiers à laquelle on lui demande de consentir. Nous sommes d’avis que l’ASFC a donné des renseignements clairs et détaillés au sujet de la nature de la recherche dans le formulaire de consentement qu’elle a remis au plaignantNote de bas de page 14. Nous tenons également à souligner que la description comprenait un avis clair pour le plaignant sur le but de la collecte de renseignements, comme l’exige le paragraphe 5(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels lorsqu’une institution recueille des renseignements auprès d’une personne.
  6. Cependant, le plaignant a soutenu de manière plus précise que l’ASFC ne lui avait pas transmis de renseignements au sujet de l’utilisation que FTDNA ferait ou pourrait faire de ses renseignements personnels. Il est important de souligner qu’en réponse aux préoccupations du plaignant à cet égard, l’ASFC lui a remis un formulaire d’autorisation de FTDNA (formulaire de FTDNA) aux fins d’examen et de signature, document qu’il a signé, même s’il n’en a pas reçu de copie. Conformément à sa politique, FTDNA ne transmettra aucune donnée de correspondance vers un compte (dans la présente affaire, il s’agit des données de correspondance sur le plaignant à l’intention de l’ASFC), à moins que le formulaire ait été signé par le donneur d’ADN. Le libellé du formulaire commençait ainsi :

    [TRADUCTION] FORMULAIRE D’AUTORISATION (FACULTATIF)

    Je,           , autorise FamilyTree DNA (« FTDNA ») à communiquer mon nom et mon adresse électronique aux personnes ayant des correspondances génétiques pertinentes avec moi. Une correspondance génétique pertinente est définie à la section « Politique de protection de la vie privée, conditions d’utilisation et remboursements » sur le site Web de FTDNA, que j’ai lue, que je comprends et à laquelle je souscris. […] [caractères gras ajoutés]

  7. Le plaignant n’a pas eu l’occasion de lire la page Web mentionnée ci‑dessus, apparaissant dans le formulaire sous forme d’hyperlien, parce qu’il n’avait pas accès à Internet en raison des exigences en matière de sécurité des installations dans lesquelles il était détenu. La page Web comprenait divers renseignements liés à la gestion des renseignements personnels du plaignant, comme la période de conservation de son échantillon d’ADN (25 ans), et précisait qu’en tant que donneur d’ADN, il avait le droit de prendre le contrôle du compte de l’ASFC en tout tempsNote de bas de page 15. Il est à noter qu’une fois qu’il a été informé de ses droits au cours de notre enquête, le plaignant a pris le contrôle de son compte créé par l’ASFC.
  8. Autrement dit, l’ASFC n’a pas donné au plaignant accès à l’ensemble des renseignements figurant dans la politique sur la protection de la vie privée et dans les conditions d’utilisation, renseignements qui sont nécessaires selon FTDNA, afin d’autoriser un tiers à créer un compte et à recueillir des renseignements personnels à son sujet au moyen des services de FTDNA. À notre avis, lorsqu’elle est prise en compte dans l’optique de la partie iv) du critère Wills, l’autorisation du plaignant quant à la collecte indirecte de ses renseignements personnels auprès de FTDNA ne peut pas être considérée comme éclairée dans les circonstances.
  9. La partie v) du critère exige qu’une personne soit au courant de son droit de refus, tandis que la partie vi) du critère exige qu’une personne soit au courant des conséquences potentielles de son consentement.
  10. Malgré la déclaration du plaignant selon laquelle il a senti qu’il ne pouvait pas refuser de signer le formulaire de consentement de l’ASFC, nous sommes d’avis que la partie v) du critère a été respectée dans le cas de ce formulaire en particulier. Ce formulaire précisait ce qui suit : « [TRADUCTION] Je donne mon consentement librement à l’ASFC, sans crainte de représailles ni influence d’une promesse ». Bien qu’un refus de donner son consentement aurait pu entraîner des conséquences, comme la consignation du refus dans les audiences devant la CISR, cela ne signifie toutefois pas qu’il ne pouvait pas refuser de signer le formulaire. Étant donné le contexte de sa situation, qu’il était représenté par un conseiller juridique et que la déclaration ci‑dessus se trouvait dans le formulaire de consentement, nous sommes d’avis que le plaignant était suffisamment informé de son droit de refuser de donner son consentement.
  11. Dans la même veine, comme il est expliqué au paragraphe 33, l’ASFC lui a donné de l’information sur le but de la collecte de renseignements, et il savait qu’un consentement pouvait engendrer l’établissement de sa nationalité en vue de l’exécution de la mesure de renvoi.
  12. Cependant, l’omission de l’ASFC de donner au plaignant des renseignements clés provenant de FTDNA lors de la signature du formulaire d’autorisation de FTDNA était importante. Il faut en comprendre, notamment, que le plaignant ignorait qu’il existait différentes dispositions de renonciation ou que la collecte indirecte continue par l’ASFC au moyen du compte ne serait autorisée que tant et aussi longtemps qu’il ne déciderait pas de prendre le contrôle du compte, ce qu’il avait le droit de faire en tout temps. Cela signifie que le plaignant n’était pas pleinement informé de ses droits en tant que donneur d’ADN ou des conséquences potentielles de son consentement, ce qui est contraire aux parties v) et vi) du critère Wills.
  13. Par conséquent, nous concluons que l’autorisation que l’ASFC a obtenue du plaignant dans la présente affaire pour la collecte indirecte de ses renseignements personnels auprès de FTDNA n’était pas valide. L’ASFC a omis de respecter les parties iv), v) et vi) du critère Wills, ce qui fait en sorte que ce volet de la plainte est fondé en raison d’une infraction au paragraphe 5(1) de la Loi.
  14. Par conséquent, nous recommandons que l’ASFC veille à ce que, pour toute future collecte de renseignements personnels auprès d’un tiers qui nécessiterait l’autorisation d’une personne, cette personne puisse avoir accès à l’ensemble des documents pertinents du tiers.
La méthode de collecte de l’ASFC auprès de FTDNA n’était pas trompeuse, mais un plus grand soin était justifié
  1. À notre avis, en plus de l’analyse ci‑dessus, on ne peut dire raisonnablement d’une personne qu’elle autorise la collecte de ses renseignements personnels auprès d’un tiers de manière trompeuse ou contraire aux politiques de gestion de renseignements personnels de ce tiers. Par conséquent, en analysant la conformité de l’ASFC au paragraphe 5(1), nous avons examiné 2 autres allégations du plaignant selon lesquelles : a) il était inadéquat de la part de l’ASFC de [TRADUCTION] « faire semblant, lors de sa présentation des prélèvements d’ADN à FTDNA, d’être la personne qui a subi le prélèvement »; et b) l’ASFC n’avait pas respecté la politique courante de FTDNA qui requiert que les organismes d’application de la loi présentent une demande de création d’un compte et créent un compte spécial aux fins d’application de la loi. Ces comptes nécessitent l’approbation de FTDNA et se limitent à des types précis de crimes, aussi les autres utilisateurs de FTDNA peuvent refuser de transmettre leurs renseignements personnels à ces comptes.
  2. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’ASFC a « fait semblant » d’être le plaignant lorsqu’elle a eu recours aux services de FTDNA, nous concluons que : i) l’ASFC avait rempli adéquatement les formulaires demandés par FTDNA pour un compte créé pour les prélèvements d’ADN d’une autre personne; ii) le nom lié au compte était le nom du plaignant « aux soins de » l’agent de l’ASFC responsable du dossier; et iii) le compte utilisait une adresse électronique de l’ASFC. L’ASFC a ajouté que l’agent qui avait communiqué avec les quelques personnes ayant une correspondance génétique avec le plaignant s’était nommé lors des communications, ce qui démontre, selon nous, que l’ASFC n’a pas fait semblant d’être le plaignant lorsqu’elle a eu recours aux services de FTDNA.
  3. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle l’ASFC n’a pas utilisé un compte spécial d’application de la loi auquel les autres utilisateurs pouvaient refuser de transmettre les renseignements sur leur profil génétique, nous concluons que l’ASFC avait créé le compte avant que cette politique entre en vigueur en 2018Note de bas de page 16. Le compte de l’ASFC était toujours actif lorsque la politique est entrée en vigueur, mais FTDNA a précisé au Commissariat qu’elle s’appliquait uniquement aux comptes créés par les organismes d’application de la loi quant aux données recueillies sur une scène de crime, et non pas aux comptes créés pour des échantillons biologiques fournis par un donneur d’ADN avec son consentement. Par conséquent, rien ne démontre que l’ASFC a enfreint cette politiqueNote de bas de page 17, et nous concluons que ce volet de la plainte est non fondé.
  4. Néanmoins, nous tenons à souligner que le site Web de FTDNA ne précise pas clairement que la politique s’applique uniquement à l’utilisation par les organismes d’application de la loi en l’absence d’un consentement, et l’ASFC n’a donné aucune indication qu’elle avait vérifié les détails de cette exigence auprès de FTDNA avant de décider de continuer d’exploiter le compte (et, ainsi, d’être en mesure de recueillir des renseignements au sujet des nouvelles correspondances génétiques établies).
  5. Par conséquent, nous recommandons que l’ASFC s’assure, pour toute future collecte de renseignements personnels auprès d’un tiers, de surveiller activement l’évolution des conditions d’utilisation tout au long du cycle de vie de tout compte qu’elle détient afin de voir à ce que sa collecte de renseignements demeure conforme.
La collecte indirecte accessoire de renseignements sur le profil génétique de centaines d’autres personnes n’a pas enfreint la Loi
  1. En plus de recueillir des renseignements sur le plaignant, l’ASFC a recueilli les renseignements personnels de centaines d’autres personnes (coordonnées et parenté génétique avec le plaignant). Il s’agit d’un volet important des outils d’enquête biométrique en général; on ne peut habituellement pas s’en servir sans recueillir incidemment les renseignements personnels de personnes qui peuvent, comme dans la présente affaire, ne pas être la « cible » des activités d’une institution. En ce qui concerne la généalogie génétique, les répercussions pour les autres personnes sont très importantes en raison de la nature « partagée » des renseignements personnels dans un contexte génétique. Le profil génétique d’une personne est très personnel et unique, mais il peut également, de par sa nature, révéler des renseignements personnels susceptibles d’être de nature délicate au sujet d’autres personnes et il peut donc être considéré en partie comme « leurs » renseignements personnels — c’est le cas dans la présente affaire.
  2. Comme il est mentionné ci‑dessus, le paragraphe 5(1) de la Loi prévoit qu’une institution « est tenue de recueillir auprès de l’individu lui‑même, chaque fois que possible, les renseignements personnels destinés à des fins administratives le concernant, sauf autorisation contraire de l’individu […] ». Cependant la Loi précise, à l’article 3, que « [les] fins administratives [sont la] [d]estination de l’usage de renseignements personnels concernant un individu dans le cadre d’une décision le touchant directement » [caractères gras ajoutés]. Puisque les autres utilisateurs de FTDNA n’ont pas été touchés directement par le processus décisionnel de l’ASFC dans la présente affaire, les exigences énoncées au paragraphe 5(1) ne s’appliquent pas à eux malgré la nature délicate des renseignements personnels recueillis, et nous concluons que ce volet de la plainte est non fondé.

Enjeu 3 : La communication accessoire des renseignements personnels a enfreint les limites énoncées à l’article 8 de la Loi

  1. L’article 8 prévoit qu’une institution ne peut communiquer les renseignements personnels d’une personne que si elle a obtenu son consentement au titre du paragraphe 8(1) ou qu’elle peut le faire en l’absence d’un consentement conformément à l’une ou l’autre des exceptions limitées figurant au paragraphe 8(2). Ces exceptions englobent, aux termes de l’alinéa 8(2)a), la communication aux fins auxquelles les renseignements ont été recueillis ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins.
  2. Le plaignant a fait valoir que l’ASFC avait transmis à grande échelle ses renseignements personnels parce qu’elle n’avait aucunement tenté d’en limiter la communication ou l’utilisation au moyen de la plateforme de FTDNA. Nous avons conclu que l’ASFC a enfreint les dispositions en matière de communication de l’article 8 pour les 3 raisons suivantes :
    1. La communication potentielle de renseignements personnels du plaignant à d’autres organismes d’application de la loi (aux fins de la correspondance avec les prélèvements d’ADN sur une scène de crime), ce qui est facultatif conformément aux conditions d’utilisation actuelles de FTDNA;
    2. La communication de renseignements personnels accessoires, en particulier sur l’origine ethnique, en vue de l’établissement de correspondances génétiques fondées sur des paramètres facultatifs du compte;
    3. La communication de l’identité du plaignant en vue de l’établissement de correspondances génétiques puisque l’ASFC a utilisé le nom du plaignant (plutôt qu’un pseudonyme) pour le transmettre aux personnes ayant une « correspondance » génétique.
  3. En ce qui concerne la question a), nous avons confirmé que FTDNA avait mis à jour ses conditions d’utilisation et mis en œuvre de nouvelles lignes directrices pour les organismes d’application de la loi après que l’ASFC eut initialement créé le compte en question (consulter le paragraphe 45 ci‑dessus). Ces mesures englobaient une nouvelle option nommée [TRADUCTION] « établissement de correspondances avec les organismes d’application de la loi » qui permet aux utilisateurs de décider s’ils veulent l’établissement de correspondances entre les prélèvements d’ADN dans leur compte et ceux soumis par les organismes d’application de la loi. Or, cette communication de renseignements n’a pas été décrite au plaignant dans le formulaire de consentement de l’ASFC ni dans le formulaire d’autorisation de FTDNA.
  4. Nous comprenons que lors de cette mise à jour par FTDNA, les titulaires de comptes canadiens existants étaient « intégrés » automatiquement dans les correspondances avec les comptes des organismes d’application de la loi et qu’ils auraient donc dû pouvoir renoncer à cette optionNote de bas de page 18. L’ASFC a mentionné que rien dans ses dossiers n’indiquait qu’elle avait choisi cette option. Cette déclaration concorde avec les observations du plaignant, qui a souligné que lors de la prise de contrôle du compte, l’option d’établissement de correspondances avec les organismes d’application de la loi avait été intégrée.
  5. Nous sommes préoccupés par le fait que l’ASFC ne semble pas avoir surveillé le compte pour connaître les mises à jour apportées à la politique de FTDNA pendant les nombreuses années pendant lesquelles elle a gardé le compte ouvert. Nous n’avons mené aucune enquête pour établir si des mises à jour avaient bien eu lieu, mais le fait d’autoriser la communication de renseignements aux organismes d’application de la loi quant aux prélèvements d’ADN non identifiés effectués sur une scène de crime ne constitue pas, à notre avis, un usage compatible aux fins de l’établissement du pays d’origine du plaignant. Par conséquent, ce type de communication n’est pas autorisé au titre de l’alinéa 8(2)a) de la Loi. Nous sommes d’avis que l’ASFC n’a pas pris suffisamment de mesures pour surveiller les changements apportés aux conditions d’utilisation et aux options offertes pendant que le compte était actif afin de voir à ce qu’aucune communication non autorisée ne se produise.
  6. Dans la même veine, pour ce qui est de la question b) ci‑dessus, les dossiers soumis par le plaignant démontrent qu’un autre paramètre a été sélectionné, à savoir la « transmission des origines ». Nous comprenons que ces paramètres ont permis aux utilisateurs ayant des correspondances avec le plaignant (c’est-à-dire des centaines de personnes) d’obtenir des renseignements liés à son origine ethnique potentielle. L’ASFC a mentionné qu’elle ne disposait d’aucun dossier indiquant qu’elle ait sélectionné ce paramètre, et aucun élément de preuve ne nous permet de croire qu’elle l’aurait fait délibérément. Cependant, de façon semblable à notre position au sujet de la question a), l’ASFC aurait dû se charger de veiller à ce qu’aucune communication non autorisée ne se produise en raison de l’omission de renoncer à ces paramètres.
  7. En ce qui a trait à la question c), l’ASFC a transmis le nom du plaignant à tous les utilisateurs de FTDNA qui avaient une correspondance avec lui, ce qui a entraîné la communication de son identité à des centaines de personnes. L’ASFC n’a pas profité de l’option de FTDNA qui consistait à utiliser un pseudonyme même si les politiques de cette dernière l’autorisaientNote de bas de page 19. Dans la présente affaire, le formulaire d’autorisation de FTDNA par lequel le plaignant a donné son consentement ne précisait pas que son nom serait transmis aux personnes ayant une correspondance génétique avec luiNote de bas de page 20. L’ASFC ne l’a toutefois pas informé qu’il pouvait renoncer à cette transmission en utilisant un pseudonyme; nous estimons ainsi que le plaignant n’a pas donné un consentement valide en vue de la communication de son identité aux personnes ayant une correspondance génétique avec lui au titre du paragraphe 8(1) de la Loi.
  8. L’ASFC a fait valoir qu’elle avait communiqué le nom du plaignant aux personnes qui avaient une correspondance avec lui dans l’espoir que certaines communiquent de façon proactive par voie électronique avec elle pour lui transmettre des renseignements sur le plaignant, plutôt que de communiquer elle‑même avec les personnes. Cependant, nous avons estimé qu’il ne s’agissait pas d’un argument probant pour appuyer que la communication de renseignements pouvait être autorisée en tant qu’« usage compatible » au titre de l’alinéa 8(2)a) de la Loi. En fait, l’ASFC n’a pas communiqué avec la vaste majorité des personnes ayant reçu les renseignements personnels du plaignant et elle n’a pas tenté d’obtenir des renseignements auprès des personnes avec qui une correspondance avait été établie afin de déterminer le pays d’origine du plaignant. Par conséquent, nous sommes d’avis que la communication de l’identité du plaignant (lié à son profil génétique) à d’autres utilisateurs dans ces cas n’a pas été effectuée aux fins auxquelles l’ASFC avait recueilli les renseignements personnels.
  9. Selon nous, l’ASFC aurait donc dû prendre les mesures à sa disposition pour atténuer la communication accessoire des renseignements personnels du plaignant. De façon précise, elle aurait dû: a) renoncer au partage avec les comptes d’organismes d’application de la loi; b) renoncer à la transmission de l’origine ethnique du plaignant aux personnes avec qui une correspondance a été établie; et c) avoir recours à un pseudonyme pour le compte ainsi que divulguer l’identité du plaignant seulement aux personnes avec qui elle a décidé de communiquer pour tenter de déterminer sa nationalité. Étant donné que l’ASFC a omis de prendre les mesures à sa disposition, les renseignements personnels du plaignant ont été communiqués à d’autres fins que celles auxquelles ils ont été recueillis. Par conséquent, nous concluons que ces communications accessoires par l’ASFC ont enfreint l’article 8 de la Loi et que ce volet de la plainte est fondé.
  10. Nous soulignons que ces problèmes de communication ont été exacerbés par le fait que l’ASFC avait laissé le compte actif pendant une période indéterminée malgré la mise en place, en 2018, de son propre moratoire sur l’utilisation de la généalogie génétique. L’établissement de correspondances s’est poursuivi jusqu’à ce que le plaignant prenne le contrôle du compte, au milieu de 2020, pendant l’enquête.
  11. Par conséquent, nous recommandons que, dans l’éventualité où elle aurait recours aux services d’un tiers comme FTDNA dans l’avenir, l’ASFC examine minutieusement les communications accessoires et continues de renseignements personnels. Elle doit s’assurer de prendre des mesures appropriées, telles que: i) adopter des dispositions contractuelles raisonnables; ii) activer et limiter les options du compte en fonction de ce qui est exigé dans le cadre du programme; iii) exercer une diligence raisonnable tout au long du cycle de vie de tout compte; et iv) adopter des lignes directrices claires et s’assurer de leur respect quant à la suppression des comptes en temps opportun afin de contrôler les communications de renseignements personnels à des fins accessoires ainsi qu’à des personnes ou organisations secondaires. Enfin, nous tenons à souligner que le plaignant a aussi fait valoir dans sa plainte que l’ASFC avait communiqué son prélèvement d’échantillon d’ADN à une deuxième entreprise de généalogie génétique, à savoir Ancestry.com. En ce qui concerne cette allégation, l’ASFC nous a confirmé que cette communication n’avait pas eu lieu. L’ASFC n’a recueilli qu’un seul prélèvement d’ADN chez le plaignant et l’a soumis à FTDNA.

Enjeu 4 : Les obligations en matière de transparence énoncées à l’article 11 n’ont pas été respectées

  1. Le plaignant a soutenu que les descriptions des fichiers de renseignements personnels (les FRP) publiées dans InfoSource ne précisaient pas que l’ASFC pouvait recueillir des renseignements sur l’identification génétique aux fins de renvoi. Après avoir procédé à un examen minutieux, lequel est détaillé ci‑dessous, nous avons établi qu’une infraction à l’article 11 de la Loi a été commise parce que l’information contenue dans InfoSource ne décrivait pas adéquatement les renseignements personnels détenus par l’ASFC dans la présente affaire. De façon précise, les descriptions expliquent qu’il est possible de recueillir les renseignements biométriques des personnes visées par une mesure de renvoi, mais elles ne décrivent pas la collecte par l’ASFC des renseignements personnels des autres utilisateurs de FTDNA, c’est‑à‑dire de l’information au sujet de personnes qui ne font pas l’objet d’une mesure de renvoi.
  2. L’article 11 de la Loi exige que le ministre désigné (le président du Conseil du Trésor, qui est responsable du Secrétariat du Conseil du Trésor [SCT]) fasse publier, selon une périodicité au moins annuelle, un répertoire de tous les FRPNote de bas de page 21 des institutions fédérales et de toutes les catégories de renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale, mais qui ne sont pas versés dans des FRP. Le répertoire doit comprendre notamment : i) une description des FRP; et ii) une description des catégories de personnes sur qui portent les renseignements personnelsNote de bas de page 22.
  3. L’article 11 de la Loi précise qu’il incombe au ministre désigné du SCT de faire publier le répertoire (ce qu’il fait actuellement au moyen de la plateforme InfoSource du SCT), mais à notre avis, la présentation d’un contenu précis et en temps opportun en vue du respect des exigences énoncées à l’article 11 est une responsabilité qui est partagée avec chaque institution. Pour que le SCT publie un répertoire exact de renseignements personnels, les institutions fédérales doivent lui transmettre des renseignements exhaustifs au sujet de leurs FRP et des catégories de renseignements personnels qu’elles recueillent à l’intérieur et à l’extérieur du cadre des FRPNote de bas de page 23.Note de bas de page 24
  4. Il n’existe actuellement aucune ligne directrice précise dans la Loi ou ailleurs qui explique dans quelle mesure les descriptions figurant dans le répertoire de renseignements personnels devraient être explicites et détaillées. La Loi ne décrit pas de façon explicite l’objet de l’article 11, mais à notre avis, lorsqu’on le lit de façon harmonieuse dans le contexte global du texte législatif, l’objet consiste à promouvoir la transparence et l’accès des individus à leurs renseignements personnels. Par conséquent, nous avons évalué la question de savoir si la description des renseignements personnels recueillis dans le cadre du programme de renvois de l’ASFC est suffisamment détaillée et transparente pour que les personnes puissent consulter le répertoire et i) déterminer valablement si leurs renseignements personnels sont détenus par l’ASFC et ii) déterminer valablement la nature de ces renseignements afin de faciliter la transparence et l’accès à ces derniers.
  5. Le niveau de détail requis dans les descriptions de renseignements personnels et de catégories de personnes qui sont publiées dans le répertoire pour l’exercice de cette fonction sera étroitement lié au contexte. La description du FRP de l’ASFC intitulée « PPU 1301 — Programme de renvoiNote de bas de page 25 » explique que les renseignements personnels contenus dans cette FRP et recueillis aux fins de l’administration du programme de renvois de l’ASFC peuvent comprendre les « renseignements biométriques » des personnes visées par une mesure de renvoi. Elle ne fait pas allusion de façon précise aux échantillons biologiques ou à l’identification génétique.
  6. En ce qui a trait aux renseignements génétiques recueillis au sujet du plaignant en tant que personne visée par une mesure de renvoi, nous avons établi que, selon la prépondérance des probabilités, dans les circonstances en question, l’appellation « renseignements biométriques des personnes visées par une mesure de renvoi » était adéquatement détaillée. Premièrement, les personnes visées par une mesure de renvoi savent qu’elles font partie de cette catégorie de personnes et elles peuvent donc comprendre raisonnablement que ces collectes potentielles les touchent. Deuxièmement, on comprend généralement que le terme « renseignements biométriques » renferme l’identification génétique et qu’il s’agit d’un terme assez précis qui touche une catégorie de renseignements de nature délicate exerçant des répercussions semblables sur la protection de la vie privée, en raison de sa nature unique, intrinsèque et immuable.
  7. Cependant, la description de la FRP « PPU 1301 » n’indique pas que les renseignements personnels, particulièrement le profil génétique des personnes ayant une « correspondance » potentielle avec celui du plaignant, pourraient être recueillis. Ces personnes font manifestement partie d’une catégorie distincte de personnes qui diffère des personnes visées par une mesure de renvoi. Le paragraphe 11(1) de la Loi exige donc que cette catégorie de personnes soit décrite dans une description de FRP, au titre du sous‑alinéa 11(1)a)(i) de la Loi, ou bien dans une description distincte de la catégorie à l’extérieur du cadre des FRP, selon le sous‑alinéa 11(1)b)(i) de la LoiNote de bas de page 26.
  8. Nous n’avons pas trouvé de description dans le répertoire de renseignements personnels, à l’intérieur ou à l’extérieur du cadre de la FRP « PPU 1301 », qui mentionne la collecte par l’ASFC de renseignements personnels auprès de personnes génétiquement proches des personnes visées par une mesure de renvoi. Par conséquent, les autres utilisateurs de FTDNA dont les renseignements ont été recueillis par l’ASFC dans le cadre de ce programme ne pourraient pas déduire, en parcourant le répertoire, que l’ASFC détient de leurs renseignements personnels ni déterminer quel type de renseignements personnels à leur sujet elle pourrait détenir. Nous tenons à souligner que cette situation est sérieuse étant donné que les renseignements sur le profil génétique sont de nature délicate et que, seulement dans le cas du plaignant, l’ASFC a recueilli et contrôlé les renseignements personnels de centaines de personnes. Par conséquent, nous sommes d’avis que l’article 11 de la Loi a été enfreint et que la plainte est fondée sur ce motif.
  9. Par conséquent, nous recommandons que, dans l’éventualité où elle aurait recours aux services de généalogie génétique dans l’avenir, l’ASFC travaille avec le ministre désigné du SCT à la mise à jour du contenu du répertoire afin de décrire adéquatement les renseignements personnels recueillis pour toutes les catégories de personnes touchées.

Recommandations en vue de l’amélioration de la gouvernance à la lumière des infractions et des problèmes constatés

  1. Le plaignant s’est dit préoccupé par le fait que l’ASFC n’avait pas procédé à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) avant d’intégrer la généalogie génétique dans ses programmes. Nous partageons cette préoccupation. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une exigence de la Loi, la politique du SCT exige que les institutions réalisent toutes une EFVP pour les programmes ou activités, nouveaux ou ayant subi des modifications importantes, comportant des renseignements personnelsNote de bas de page 27. L’un des objectifs principaux de l’EFVP est de voir à ce que les risques pour la protection de la vie privée et les atteintes potentielles à la vie privée associés à la collecte, à l’utilisation, à la communication et à la transparence soient cernés et atténués à l’avance.
  2. Nous tenons à souligner que l’ASFC a entrepris des démarches importantes afin d’obtenir une opinion juridique interne avant d’aller de l’avant, ce que nous jugeons positif. Cependant, comme le mettent en relief les préoccupations et les infractions décrites dans les sections précédentes, nous établissons que la collecte at enfreint la Loi et que les problèmes connexes n’ont pas tous été cernés, évalués et atténués par la prise de mesures de contrôle et de transparence adéquates.
  3. La réalisation d’évaluations de la conformité à l’égard de la Loi, sous forme d’EFVP ou autrement, n’est pas une exigence expresse de la Loi. Cependant, comme nous l’avons énoncé antérieurementNote de bas de page 28, nous nous attendrions à ce qu’une institution ayant recours à un programme de collecte de renseignements personnels biométriques susceptible de présenter un risque élevé pour la vie privée ait mis en place des structures solides, basées sur une expertise appropriée, afin de s’assurer de se conformer à Loi en ce qui a trait aux renseignements personnels biométriques qu’elle recueille. Une telle mesure est particulièrement importante lors de la prise en compte de toute nouvelle collecte de renseignements personnels biométriques. Selon nous, elle devrait comprendre au moins les éléments ci‑dessous.
    1. Connaissance des obligations : Programmes de formation visant à veiller à ce que toutes les personnes autorisées à prendre des décisions au sujet de la collecte et de la communication de renseignements personnels biométriques aient une compréhension nuancée et approfondie des limites prévues par la Loi.
    2. Connaissance des nouvelles méthodes de collecte : Systèmes et procédures permettant d’effectuer le suivi des collectes actuelles et éventuelles de renseignements personnels.
    3. Processus permettant de déceler les éventuels problèmes de conformité : Procédures, notamment des points de contrôle dans les processus permettant d’être informé d’une collecte et d’une communication nouvelles, dont l’objectif est d’avertir les décideurs qu’une évaluation visant à assurer la conformité à la Loi peut être justifiée.
    4. Processus permettant de réaliser des évaluations en temps opportun lorsque cette mesure est justifiée : Systèmes, procédures et formation sur les rôles et les responsabilités visant à garantir que, si une évaluation complète de la conformité (aux exigences en matière de collecte, d’utilisation, de communication et de transparence de la Loi) est justifiée, elle sera effectuée en temps opportun, avant le début de la collecte et de la communication.
    5. Contrôles efficaces de la collecte, de l’utilisation et de la communication : Des contrôles efficaces visant à atténuer les risques de la collecte, de l’utilisation ou de la communication non autorisées définis dans les évaluations, y compris l’élaboration de procédures et d’une formation précises qui couvrent le cycle de vie complet des renseignements personnels biométriques en question, de même que leur surveillance et leur suivi.
  4. Comme il est mentionné ci‑dessus, l’ASFC a indiqué qu’elle avait imposé un moratoire sur l’utilisation de la généalogie génétique en 2018. Par conséquent, nous recommandons a) que l’ASFC s’assure immédiatement de fermer les comptes de généalogie génétique qu’elle contrôle et qui pourraient être restés actifs ou d’informer les personnes visées par ces comptes qu’elles peuvent en prendre le contrôleNote de bas de page 29.
  5. Cependant, nous reconnaissons que l’ASFC doit constamment tenir compte des nouvelles méthodes de collecte et des sources de renseignements personnels biométriques à l’appui de ses mandats. Dans ce contexte, nous recommandons également b) que, à l’intérieur d’une période de 12 mois, l’ASFC mette en place des structures solides, y compris une formation ainsi que des systèmes et des procédures, comme il est énoncé ci‑dessus, pour évaluer et contrôler les nouvelles méthodes de collecte et de communication de renseignements personnels biométriques dans le cadre de ses programmes, notamment ceux qui posent un risque élevé pour la vie privée. L’objectif de ces structures doit consister à s’assurer d’évaluer les nouvelles méthodes de collecte et de communication de renseignements personnels présentant un risque élevé avant leur mise en œuvre, de façon à mettre en place des contrôles appropriés pour atténuer les risques d’infraction à la Loi en matière de collecte, d’utilisation et de communication des renseignements personnels.
  6. Les recommandations a) et b) ci‑dessus s’ajoutent aux recommandations précises formulées aux paragraphes 42, 47, 60 et 69 des sections traitant des enjeux 2, 3 et 4. À titre de référence, ces recommandations sont les suivantes :
    1. L’ASFC doit veiller à ce que, pour toute future collecte de renseignements personnels pour laquelle l’ASFC devra s’en remettre à l’autorisation d’une personne pour la collecte indirecte de ses renseignements personnels auprès d’un tiers, cette personne ait accès aux documents pertinents provenant du tiers;
    2. L’ASFC doit s’assurer, pour toute future collecte de renseignements personnels auprès d’un tiers, de surveiller activement l’évolution des conditions d’utilisation tout au long du cycle de vie des comptes qu’elle détient afin de voir à ce que sa collecte de renseignements demeure conforme;
    3. L’ASFC doit s’assurer, lors de tout recours aux services d’un tiers comme FTDNA dans l’avenir, d’examiner attentivement les communications secondaires et continues de renseignements personnels. Elle doit s’assurer de prendre des mesures appropriées, telles que: i) prendre des dispositions contractuelles raisonnables; ii) activer et limiter les options du compte en fonction de ce qui est exigé dans le cadre du programme; iii) faire preuve d’une diligence raisonnable tout au long du cycle de vie de tout compte; et iv) avoir des lignes directrices claires et s’assurer de leur respect quant à la suppression, en temps opportun, de comptes afin de contrôler les communications à des fins secondaires ainsi qu’à des personnes ou organisations secondaires;
    4. L’ASFC doit s’assurer, lors de tout recours aux services de généalogie génétique dans le futur, de travailler avec le ministre désigné du SCT à la mise à jour du contenu du répertoire de façon à rendre compte correctement de tout renseignement personnel qu’elle recueille relativement à tout individu, peu importe s’il s’agit du contenu des FRP du programme de renvois ou de la catégorie de renseignements, selon ce qui convient le mieux.
  7. Pour ce qui est de la recommandation a), l’ASFC a pris des mesures en vue de fermer certains des 9 comptes de FTDNA qu’elle avait ouverts, mais a précisé que 4 comptes avaient été créés par un employé qui ne travaille plus pour elle. En réponse, nous avons expliqué à l’ASFC que nous nous attendions à ce qu’elle prenne l’ensemble des mesures raisonnables pour voir à ce que tous les comptes de FTDNA créés soient fermés ou que les personnes visées par ces comptes soient informées qu’elles peuvent en prendre le contrôle. Nous tenons à souligner que l’omission de fermer ces comptes risque de continuer d’entraîner la communication des renseignements personnels des personnes qu’ils concernent aux autres utilisateurs de FTDNA avec qui une correspondance génétique a été établie, y compris aux organismes d’application de la loi dans le cas des correspondances établies entre des prélèvements d’ADN sur une scène de crime sans le consentement de ces personnes.
  8. Malheureusement, l’ASFC a déclaré qu’elle avait été incapable de trouver les détails pertinents dans le cas de 2 des comptes de FTDNA qu’elle avait créés et qu’elle ne les avait pas fermés. En outre, elle a omis de préciser si elle avait informé les personnes visées par ces comptes qu’elles pouvaient en prendre le contrôle, ce qui constitue la solution de rechange figurant dans notre recommandation. Par conséquent, en raison de contrôles inadéquats, l’ASFC est responsable de la communication continue du profil génétique de 2 personnes à d’autres avec qui de nouvelles correspondances génétiques ont été établies au moyen de la plateforme de FTDNA, ce qui ne lui est d’aucune utilité. À notre avis, il s’agit d’une infraction continue et non résolue aux dispositions de la Loi en matière de communication. Nous reformulons notre recommandation à l’ASFC de s’assurer immédiatement de fermer les comptes de généalogie génétique qu’elle contrôle et qui sont demeurés actifs ou d’informer les personnes visées par ces comptes qu’elles peuvent en prendre le contrôle.
  9. En ce qui concerne la recommandation b), l’ASFC a pris l’initiative de mettre sur pied le « Bureau de la biométrie et de la gestion de l’identité » (le BBGI), qu’elle décrit comme le « chef de file stratégique » qu’elle recherchait pour la biométrie. Elle a également pris l’initiative de travailler à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un « cadre de confidentialité des renseignements biométriques ». Ce cadre vise à exiger que les gestionnaires de programme tiennent compte des lignes directrices et des lois en matière de protection de la vie privée au début du cycle de vie d’un programme et s’assurent de la conformité de leur programme à ces dernières, et qu’ils s’interrogent de façon continue quant aux questions liées aux risques d’atteinte à la vie privée et aux mesures d’atténuation connexes. Il est prévu que le BBGI permette de signaler tout programme non conforme au cadre et d’en effectuer le suivi. En s’appuyant sur cette base positive, l’ASFC s’est engagée à mettre en œuvre la recommandation b) dans les 12 mois indiqués.
  10. Enfin, l’ASFC a également accepté les recommandations c) à f). Comme il a été mentionné précédemment, l’ASFC a cessé d’avoir recours aux services de généalogie génétique comme ceux offerts par FTDNA pour son programme de renvois et elle n’a actuellement pas l’intention de le rétablir. Cependant, elle a indiqué que, dans l’éventualité où ces activités reprendraient, elle s’efforcerait de voir à ce que les 4 recommandations soient mises en œuvre.

Conclusion

  1. Comme il est décrit ci‑dessus, nous avons finalement établi que les collectes de renseignements personnels dans la présente affaire étaient conformes à l’article 4 de la Loi parce qu’elles se rattachaient directement à un programme ou à une activité de l’ASFC. Nous avons toutefois conclu que l’ASFC avait enfreint l’article 5 de la Loi en omettant d’obtenir l’autorisation appropriée du plaignant lorsqu’elle a cherché à recueillir ses renseignements personnels indirectement auprès de FTDNA. Comme il est expliqué précédemment, les institutions doivent s’assurer qu’une personne est informée comme il se doit lorsqu’elle autorise la collecte indirecte de ses renseignements personnels.
  2. De plus, nous avons constaté des infractions quant à la communication de renseignements personnels aux autres utilisateurs de FTDNA, infractions à l’égard desquelles l’ASFC n’a pas pris les mesures à sa disposition afin de les prévenir.
  3. Enfin, l’ASFC a enfreint les dispositions en matière de transparence de la Loi parce qu’elle a omis de rendre compte de la collecte des renseignements sur le profil génétique d’autres utilisateurs de FTDNA dans toutes ses descriptions de FRP ou catégories de renseignements publiées. Il est important que les institutions examinent leurs obligations en matière de transparence en ce qui concerne les personnes dont les renseignements personnels sont recueillis de façon indirecte ou accessoire dans le cadre de leurs programmes.
  4. Comme il est mentionné ci‑dessus dans la section sur les recommandations, l’ASFC n’a pas mis en œuvre l’ensemble de nos recommandations ou ne s’est pas engagée à le faire. Par conséquent, nous concluons que la plainte est fondée en partie et conditionnellement résolue en partie. Nous encourageons l’ASFC à s’engager à mettre en œuvre l’ensemble de nos recommandations à la lumière de la nature hautement délicate des renseignements biométriques de façon générale et des renseignements génétiques de façon précise.
  5. De plus, il y a des leçons plus larges et importantes à tirer de ce qui s’est produit dans la présente affaire de même que des questions qui ont été soulevées justifiant la tenue de plus amples discussions. Elles se répartissent en 2 thèmes qui se recoupent, à savoir i) les facteurs spécifiques à considérés quant au recours aux services commerciaux de tiers par les organismes d’application de la loi et ii) les facteurs à considérer propres au recours par ces organismes aux services de généalogie génétique et de biométrie de façon générale.

Points à retenir concernant le recours aux services commerciaux de tiers par les organismes d’application de la loi

  1. La première leçon importante à tirer est la complexité associée à la collecte de renseignements personnels par les organismes d’application de la loi en ayant recours aux services commerciaux de tiers. Nous avons émis antérieurement des commentaires au sujet de certaines des répercussions dans notre enquête sur l’utilisation par la GRC de la technologie de reconnaissance faciale de Clearview AINote de bas de page 30. Les entités commerciales ont pris des engagements à l’égard de la protection de la vie privée des personnes dont elles recueillent les renseignements. Les organismes d’application de la loi qui ont recours à ces services doivent prendre des mesures pour être pleinement conscients de ces engagements et le demeurer. À titre d’exemple, dans la présente affaire, les politiques de FTDNA englobaient certaines exigences en matière de consentement des donneurs d’ADN pour la gestion de leurs renseignements personnels, de même que des engagements évolutifs envers les utilisateurs sur la façon de transmettre leurs renseignements personnels aux organismes d’application de la loi qui ont recours aux services de FTDNA, ce qui a eu des répercussions importantes sur le recours à ses services par l’ASFC.
  2. Ensuite, lors du recours à un service commercial où l’utilisation ou la communication de renseignements personnels recueillis à des fins secondaires par les organismes d’application de la loi sont autorisées, il faut prendre des mesures particulières pour contrôler cette utilisation et cette communication. Il se peut que certains services soient tout simplement inappropriés pour une utilisation par les organismes d’application de la loi, notamment s’il est impossible d’éviter les utilisations ou les communications secondaires des renseignements recueillis aux fins d’application de la loi. Dans d’autres cas, des clauses contractuelles spéciales ainsi qu’une surveillance et une gestion minutieuses des comptes peuvent suffire à réduire adéquatement les risques d’atteinte à la vie privée. Dans la présente affaire, de telles mesures auraient pu réduire la gravité des répercussions des infractions, car elles auraient permis d’éviter la collecte, la conservation et la communication continues des renseignements personnels du plaignant et des autres utilisateurs de FTDNA au moyen du compte que l’ASFC a gardé ouvert pendant plusieurs années.

Points à retenir concernant le recours à la biométrie par les organismes d’application de la loi, y compris la généalogie génétique

  1. Une troisième leçon principale à tirer est que la collecte de données biométriques par les organismes d’application de la loi a rarement des répercussions sur une seule personneNote de bas de page 31. La collecte de données biométriques a généralement comme objectif de comparer les renseignements biométriques d’une personne (visage, empreintes digitales et identité génétique) à d’autres sources de renseignements biométriques afin d’apprendre de nouvelles choses au sujet de la personne, le tout aux fins d’application de la loi. Ces sources peuvent comprendre les renseignements personnels de nombreuses personnes n’ayant commis aucun crime. Les répercussions sur la vie privée de la collecte, de l’utilisation et de la communication des renseignements biométriques de ces autres personnes doivent être évaluées et traitées de façon adéquate.
  2. Pour ce qui est de la généalogie génétique, les répercussions sur les autres personnes sont très grandes en raison de la nature « partagée » des renseignements personnels dans un contexte génétique. Le profil génétique d’une personne représente un aspect infiniment personnel et intime de sa vie, mais de par sa nature, il révèle des renseignements personnels susceptibles d’être de nature délicate au sujet d’autres personnes et il peut donc être considéré en partie comme « leurs » renseignements personnels, comme ce fut le cas ici. Pour cette raison, la généalogie génétique n’englobe jamais la collecte des renseignements personnels d’une seule personne. Il faut prendre en compte les répercussions sur la vie privée de l’ensemble des personnes dont le profil génétique peut être visé par la collecte, l’utilisation ou la communication de renseignements.
  3. Par conséquent, il est essentiel, dans toute évaluation de la collecte, de l’utilisation ou de la communication de renseignements biométriques (notamment en ce qui concerne les profils génétiques), de tenir compte des répercussions sur la vie privée des « deux volets » de l’équation, à savoir la vie privée de la personne (ou des personnes) que l’institution cherche à mieux connaître et celle des personnes visées par toute source de renseignements biométriques et avec qui des correspondances sont susceptibles d’être établies. Cette double réflexion doit orienter chaque étape, de l’évaluation de la collecte initiale jusqu’aux procédures de conservation, d’utilisation et de communication, en passant par la transparence.
  4. Enfin, nous tenons à souligner que la nature particulièrement délicate des renseignements génétiques dans un contexte d’application de la loi a été reconnue par les législateurs en 1997, au moment de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques. Cette loi a imposé des limites précises quant à l’établissement de correspondancesNote de bas de page 32 avec la Banque nationale de données génétiques et à l’ajout de profils d’identification génétique dans cette dernière. Les services commerciaux de généalogie génétique, comme ceux offerts par FTDNA, n’existaient pas à cette époque. Par conséquent, un règlement relativement exhaustif a été adopté sur l’utilisation de renseignements génétiques dans un contexte d’application de la loi. Ceci n’est aujourd’hui plus le cas.
  5. Nous avons déjà demandé au gouvernement de tenir un débat public sur les risques et les avantages de la technologie de reconnaissance faciale et d’envisager la possibilité de mettre en œuvre des règles par voie législative afin d’en régir l’utilisation. Dans la même veine, nous encourageons le gouvernement à tenir un débat public au sujet des risques et des avantages des nouveaux types de recours à l’identification génétique, y compris la généalogie génétique, dans un contexte d’application de la loi.

Mise à jour

Avant de conclure la présente enquête, le Commissariat a recommandé à l’ASFC de fermer tout compte de généalogie génétique encore ouvert ou d’en transférer le contrôle aux personnes visées par ces comptes. Au moment de publier le présent rapport de conclusions, 2 comptes étaient encore ouverts. On en fait d’ailleurs mention dans le rapport. Toutefois, l’ASFC a depuis confirmé qu’un de ces comptes n’avait jamais été activé et que l’autre est sous le contrôle de la personne concernée. Nous sommes donc d’avis que cette recommandation a été respectée.

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