La pratique de l’ACSTA d’aviser la police lorsqu’un voyageur a en sa possession du cannabis est jugée contraire à la Loi sur la protection des renseignements personnels
Plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la « Loi »)
Le 7 août 2020
Description
Une personne a déposé une plainte accusant l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) d’avoir outrepassé ses pouvoirs en 2017 lorsqu’elle a avisé la police locale après l’avoir trouvé en possession légale de cannabis thérapeutique. Même si le cannabis ne figure pas sur la Liste d’articles interdits de Transports Canada en tant qu’article qui pourrait menacer la sûreté aérienne, l’ACSTA a indiqué qu’elle avise la police lorsqu’elle découvre une quantité de cannabis dépassant la limite de possession autorisée, qu’elle soit consommée à des fins thérapeutique ou récréative. Nous avons conclu que l’ACSTA n’a pas le pouvoir de recueillir les renseignements personnels à des fins générales d’application de la loi et avons recommandé que l’ACSTA mette fin à une telle collecte et communication et qu’elle mette à jour ses politiques en conséquence.
Points à retenir
- L’ACSTA est responsable de fournir des services de contrôle aux aéroports, qui comprennent la détection d’articles figurant sur la Liste d’articles interdits de Transports Canada, mais ses pouvoirs n’englobent pas la détermination de la légalité de la possession de cannabis.
- Nous avons conclu que la collecte par l’ACSTA de renseignements personnels des voyageurs en possession de cannabis n’est pas conforme à l’article 4 de la Loi, comme la communication de ces renseignements personnels à la police n’est pas conforme à l’article 8 de la Loi.
Rapport de conclusions
Résumé de l’enquête
- Le présent Rapport de conclusions (le « Rapport ») porte sur une enquête relative à une plainte déposée auprès du Commissariat à la protection de la vie privée (le « Commissariat ») contre l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (« ACSTA » ou l’« Administration ») concernant sa pratique d’aviser la police locale lorsqu’un voyageur est trouvé en possession de cannabis.
- Plus précisément, le plaignant allègue que la pratique de recueillir et de communiquer des renseignements personnels à la police contrevient à la Loi sur la protection des renseignements personnels, puisque le mandat de l’ACSTA est de contrôler les passagers aux fins de la sécurité aérienne et qu’à son avis, procéder à une telle communication ne fait pas partie de son mandat (PA-048557). Le plaignant a aussi soulevé des préoccupations sur la manière dont l’ACSTA consigne et conserve les renseignements qu’elle recueille lorsque la fouille d’un passager conduit à la découverte de cannabis (PA-048561).
- Le plaignant a donné un exemple de sa propre expérience par rapport aux questions soulevées dans sa plainte. Il a indiqué qu’au début de 2017, il a été arrêté par un agent de contrôle de l’ACSTA alors qu’il voyageait de l’aéroport international Pearson de Toronto à l’aéroport international Macdonald-Cartier d’Ottawa en possession de cannabis thérapeutique. Il a affirmé que l’agent a sorti ses bouteilles d’ordonnance, les a placées à la vue des autres passagers et a pris en note sur un bout de papier l’information inscrite sur les bouteilles ainsi que sur sa carte d’embarquement et sa pièce d’identité. L’agent de contrôle de l’ACSTA a ensuite communiqué avec la division aéroportuaire du service régional de police de Peel, qui a envoyé un agent de police sur les lieux pour vérifier les documents médicaux du plaignant.
- Il convient de noter que le plaignant se fonde sur l’ancien Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales, qui permettait à une personne d’avoir en sa possession jusqu’à 150 grammes de cannabis séché à des fins médicales si elle a une prescription à cet effet. Ce Règlement a été promulgué en 2016, mais a été abrogé avec l’adoption de la Loi sur le cannabis en octobre 2018. La quantité de cannabis thérapeutique qu’une personne peut légalement avoir en sa possession si elle a une prescription est restée à 150 grammes aux termes de la Loi sur le cannabis, mais tout adulte (18 ans ou plus) peut dorénavant légalement avoir en sa possession jusqu’à 30 grammes de cannabis à des fins récréatives, et ce, sans prescription. Néanmoins, le cannabis demeure une substance désignée en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
- Dans le cadre de notre enquête, l’ACSTA nous a indiqué qu’elle n’informe plus systématiquement la police lorsqu’elle découvre une quantité de cannabis, elle évalue les découverte de cannabis et informe la police que dans certaines circonstances. Nous avons donc entrepris l’examen des politiques de l’ACSTA qui étaient en vigueur à partir du moment du dépôt de la plainte jusqu’à aujourd’hui.
- Au terme de notre analyse, qui est décrite dans les présentes, nous avons conclu que la collecte et la communication par l’ACSTA des renseignements personnels de passagers qui ont été trouvés en possession de cannabis constituent une contravention à la Loi. Nous considérons ainsi que les plaintes sont fondées.
- Par conséquent, nous avons recommandé à l’ACSTA de modifier ses pratiques et politiques actuelles, recommandation que l’ACSTA a accepté. Considérant la réponse positive de l’ACSTA, nous considérons la plainte relative à la collecte et à la communication être conditionnellement résolue.
- Nous constatons que la pratique de l’ACSTA de détruire les registres de telles recherches ne contrevient pas à la Loi. Ce faisant, l’aspect relatif à la conservation des registres de la plainte est non fondé.
Champ d’application
- L’ACSTA a été constituée en tant que société d’État lors de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (la « Loi sur l’ACSTA ») le 1er avril 2002. L’ACSTA est entièrement financée par des crédits parlementaires et rend compte au Parlement par l’entremise du ministre des Transports.
- Selon la définition donnée à la section 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, « institution fédérale » désigne a) tout ministère ou département d’État relevant du gouvernement du Canada, ou tout organisme, figurant à l’annexe, et b) toute société d’État mère ou filiale à cent pour cent d’une telle société, au sens de l’article 83 de la Loi sur la gestion des finances publiques.
- Puisque l’ACSTA est une société d’État, elle est par conséquent une institution fédérale au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
- Le plaignant allègue que l’ACSTA a recueilli, utilisé et communiqué, et conservé ses renseignements personnels de façon inappropriée. Nous avons déterminé, au début de notre enquête, que les renseignements en question constituent des renseignements personnels tels que définis à la section 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, puisqu’ils « concernent un individu identifiable. » Entre autres choses, il s’agit de « son nom lorsque celui-ci est mentionné avec d’autres renseignements personnels le concernant ou lorsque la seule divulgation du nom révélerait des renseignements à son sujet. »
Questions
- Vu les allégations faites par le plaignant, notre enquête a été menée selon le principe que des déterminations devraient être faites en ce qui concerne les trois questions suivantes :
- La collecte des renseignements personnels des voyageurs qui ont été trouvés en possession de cannabis est-elle conforme à l’article 4 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
- La communication des renseignements personnels des voyageurs qui ont été trouvés en possession de cannabis est-elle conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
- Les pratiques de conservation de l’ACSTA en ce qui concerne les renseignements personnels recueillis auprès des voyageurs trouvés en possession de cannabis sont-elles conformes à l’article 6 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
Méthodologie
- Dans le cadre de notre enquête, nous avons examiné non seulement les circonstances particulières entourant les allégations du plaignant, mais aussi les pratiques générales de l’ACSTA à l’égard des voyageurs en possession de cannabis, que ce soit à des fins thérapeutiques ou récréatives (c.-à-d. les diverses versions de ses politiques pertinentes). Pour ce faire, nous avons passé en revue les observations écrites reçues du plaignant comme de l’ACSTA.
- Au début de notre enquête, nous nous sommes penchés sur les politiques précises qui étaient en vigueur au moment du dépôt de la plainte, soit en mars 2017. L’ACSTA nous a indiqué qu’elle avait mis à jour sa politique le 1er octobre 2017, alors nous avons entrepris un examen de cette version de la politique.
- Comme la Loi sur le cannabis est entrée en vigueur le 17 octobre 2018, l’ACSTA a émis une nouvelle politique le 11 octobre 2018 que nous avons également examinée. Cette politique est toujours en vigueur au moment de la rédaction du présent rapport.
- Nous avons aussi tenu compte des constatations présentées dans le rapport de vérification de 2011 du Commissariat intitulé « Protection de la vie privée et sûreté aérienne : Examen de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien » (le « rapport de vérification »), qui sont pertinentes dans le contexte de la plainte.
Résumé des faits
Pouvoirs et mandat de l’ACSTA
- Selon le site Web de l’ACSTA, la création de l’Administration en 2002 constituait la principale réponse du gouvernement du Canada aux attaques terroristes du 11 septembre 2001. L’ACSTA a pour mission de protéger le public en assurant la sûreté des aspects critiques du système de transport aérien tels que désignés par le gouvernement du Canada. Elle est responsable de plusieurs services liés à la sécurité, y compris le contrôle des passagers et de leurs effets personnels avant leur embarquement dans l’avion (connu sous le nom de « contrôle préembarquement »), le contrôle des bagages de soute des passagers (le « contrôle des bagages enregistrés ») et le contrôle aléatoire des travailleurs et d’autres non-passagers qui entrent dans les zones réglementées d’un aéroport auxquels le grand public n’a pas accès.
- Le terme « contrôle » est défini à la section 2 de la Loi sur l’ACSTA de façon à comprendre la fouille, effectué de la manière et dans les circonstances prévues par les règlements sur la sûreté aérienne, les mesures de sûreté, les directives d’urgence et les arrêtés d’urgence pris sous le régime de la Loi sur l’aéronautique.
- Dans ses observations écrites, l’ACSTA a mentionné son mandat tel qu’il est défini au paragraphe 6(1) de la Loi sur l’ACSTA :
« L’Administration a pour mission de prendre, soit directement, soit par l’entremise d’un fournisseur de services de contrôle, des mesures en vue de fournir un contrôle efficace des personnes — ainsi que des biens en leur possession ou sous leur contrôle, ou des effets personnels ou des bagages qu’elles confient à une compagnie aérienne en vue de leur transport — qui ont accès, par des points de contrôle, à un aéronef ou à une zone réglementée » et aussi de veiller « à ce que le niveau de contrôle soit uniforme partout au Canada et [d’exécuter] également les autres fonctions liées à la sûreté du transport aérien que prévoit la présente loi. »
- Le Règlement canadien sur la sûreté aérienne présente des détails sur le pouvoir de l’ACSTA de procéder à des contrôles pour déceler la présence d’articles interdits, d’armes, de substances explosives et d’engins incendiaires. Plus précisément, le paragraphe 10(1) du Règlement énonce ce qui suit :
Lorsqu’un règlement sur la sûreté aérienne, une mesure de sûreté, une directive d’urgence ou un arrêté d’urgence exige le contrôle d’une personne, il est interdit à l’administration de contrôle de lui permettre de traverser un point de contrôle pour se rendre dans une zone stérile à moins qu’elle ne s’assure que cette personne n’a en sa possession ou sous sa garde :
- aucun bien énuméré ou décrit dans la liste générale des articles interdits;
- aucun bien qui présente un danger immédiat pour la sûreté aérienne.
- Les articles interdits comprennent des armes qui sont illégales en vertu du Code criminel du Canada ainsi qu’un certain nombre d’autres articles qui pourraient être utilisés pour causer des blessures graves ou pour menacer la sécurité de l’aéronef. Transports Canada a publié une liste détaillée d’articles interdits (« Liste d’articles interdits ») à l’intention des passagers de tous les vols.
- Nous remarquons toutefois que le cannabis ne figure pas (et ne figurait pas) sur la Liste d’articles interdits de Transports Canada en tant qu’article qui pourrait menacer la sûreté aérienne.
Politiques de l’ACSTA
- L’ACSTA nous a d’abord fourni des observations écrites sur les pratiques et politiques qui étaient en vigueur au début de 2017, au moment où la plainte a été reçue. Elle a affirmé ce qui suit à l’égard de la découverte de cannabis thérapeutique à cette époque :
Les procédures de l’ACSTA se fondent sur le cadre juridique qui s’applique actuellement au cannabis thérapeutique et sur le défi connexe que doit relever notre organisation pour savoir si le cannabis a été obtenu légalement. Le cannabis est une substance désignée en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Bien que les lois soient en constante évolution, le cannabis demeure illégal sauf si la personne a le droit d’en posséder à des fins thérapeutiques en vertu du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales. Ce Règlement ne prévoit pas de document gouvernemental unique attestant du droit de posséder du cannabis thérapeutique. Même si Santé Canada a déjà émis des certificats autorisant l’usage à des fins thérapeutiques, il ne le fait plus. Par conséquent, même si un passager fournit des documents qui attestent de son droit de posséder du cannabis, les agents de contrôle n’ont ni le pouvoir ni l’expertise nécessaires pour déterminer la validité de ces documents ou de l’affirmation par un passager qu’il a le droit de transporter légalement du cannabis. Conformément à son mandat de veiller à la prestation uniforme des contrôles et à la demande de Transports Canada, son organisme de réglementation, l’approche adoptée par l’ACSTA est de faire appel à la police pour déterminer la légalité et pour faire respecter la loi.
Ainsi, si un article présumé être une drogue illégale, y compris le cannabis, est découvert par hasard lors d’une fouille ordinaire ou qu’un passager déclare avoir en sa possession du cannabis thérapeutique, la police en est avisée. Le rôle de l’ACSTA à l’égard de la drogue présumée illégale prend fin avec cette notification. La police est avisée de deux manières possibles, selon qu’il y a une présence policière à l’aéroport ou non. Les forces policières, qui ont le pouvoir de statuer sur la légalité, adoptent des approches différentes lorsqu’elles sont avisées qu’un passager indique avoir en sa possession du cannabis à des fins thérapeutiques. Par exemple, dans certains cas, la police peut refuser de se rendre sur les lieux. Cela signifie que les expériences des passagers peuvent grandement varier malgré le fait que les procédures de l’ACSTA sont appliquées tel qu’exigé à l’échelle du pays.
- La politique qui sous-tend les pratiques de l’ACSTA qui était en vigueur au moment du dépôt de la plainte était la version 4.0 des procédures normalisées d’exploitation de l’ACSTA (les « PNE »). Comme il est indiqué dans les observations de l’ACSTA, les PNE exigeaient que la police soit avisée de la découverte par hasard de drogues illégales ou d’importantes sommes d’argent par un agent de contrôle lors d’un contrôle de sécurité. Il appartenait ensuite aux agents de police de déterminer les mesures d’application de la loi à prendre, le cas échéant.
- Plus précisément, au chapitre 22.5 des PNE, « Procédures d’urgence – Découverte de drogues illégales ou d’un gros montant d’argent », il est énoncé ce qui suit :
La découverte de drogues illégales ou d’importantes sommes d’argent doit être faite par « hasard » (accidentellement) et arriver uniquement dans le cadre d’un contrôle visant à déceler des menaces pour la sûreté aérienne. Une fois qu’une personne a franchi le contrôle, il est interdit d’effectuer une fouille plus poussée dans le but de tenter de trouver des drogues illégales ou d’importantes sommes d’argent.
Même s’il est interdit de consigner le nom de la personne en possession de drogues illégales ou d’importantes sommes d’argent dans le formulaire de rapport d’incident, il est important de consigner l’incident. Le nom de la personne peut être communiqué verbalement à la police et les détails entourant la découverte seront consignés par la police dans des processus distincts. [traduction] (le caractère gras se trouve dans l’original)
- En ce qui concerne la communication de renseignements personnels à la police, l’ACSTA a expliqué que, conformément à ses PNE, la police est avisée d’une de deux manières selon sa disponibilité au moment de la déclaration par le passager qu’il a en sa possession du cannabis à des fins thérapeutiques ou lorsque du cannabis est découvert par hasard lors d’une fouille ordinaire :
- Aéroports de catégorie 1 n’ayant pas une présence policière sur place (dans les centres d’envergure)
- Les passagers peuvent demander que la vérification par la police se fasse dans une zone de fouille privée.
- Aucun renseignement sur le passager concernant la découverte ou la déclaration de cannabis thérapeutique, ni la notification de la police, ni le processus de vérification ne sont consignés par l’ACSTA, puisque la police parle directement avec le passager.
- Une fois que la police a terminé sa vérification, le passager serait autorisé à se rendre dans la zone stérileNote de bas de page 1 de l’aéroport, dans la mesure où le processus de contrôle a été achevé.
- Si la police décide de ne pas venir sur place, il n’y aurait tout de même aucune collecte de renseignements personnels par l’ACSTA ni ses sous-traitants chargés des contrôles.
- Aéroports ayant une présence policière sur place
Seuls les renseignements suivants des passagers sont pris en note :- Nom
- Transporteur aérien
- Heure de départ du vol
- Aéroports de catégorie 1 n’ayant pas une présence policière sur place (dans les centres d’envergure)
- L’ACSTA a donc fait valoir qu’il y a collecte de renseignements personnels seulement dans les aéroports où il n’y a aucune présence policière sur place. Les renseignements personnels seraient recueillis uniquement pour être fournis à la police aux fins de l’application de la loi, ce qui serait fait après que la personne aurait franchi le contrôle de sécurité. La politique indiquait de ne conserver aucun renseignement personnel après la notification de la police.
- Selon les PNE, une fois que la police est avisée, l’agent de contrôle doit remplir un rapport d’incident, mais le nom de la personne ne doit pas être consigné.
- En ce qui concerne les préoccupations soulevées par le plaignant quant au fait que d’autres voyageurs ont pu regarder et écouter lors de son contrôle, l’ACSTA a expliqué que « si un passager déclare être en possession de cannabis, ou si les agents de contrôle découvrent par hasard du cannabis thérapeutique, les agents de contrôle sont formés à offrir l’usage d’une zone de fouille privée dans laquelle la police peut procéder à la vérification des documents. » [traduction]
Loi sur le cannabis de 2017
- Le 1er octobre 2017, l’ACSTA a modifié la procédure relative à la découverte de cannabis thérapeutique. À partir de cette date, lorsque du cannabis transporté conformément à la réglementation fédérale est découvert par un agent de contrôle et que la personne possède des documents médicaux, la police n’est plus avisée. La police serait néanmoins avisée si la quantité de cannabis semble être supérieure à la quantité permise de 150 grammes établie dans le Règlement, et ce, même si des documents médicaux sont fournis; lorsque le voyageur n’a pas de documents médicaux lui permettant d’avoir du cannabis en sa possession; ou lorsque le cannabis est volontairement abandonné dans la file menant au contrôleNote de bas de page 2.
- La Loi sur le cannabis et ses règlements sont ensuite entrés en vigueur le 17 octobre 2018, rendant légaux l’achat, la possession et l’utilisation de cannabis à des fins récréatives par des personnes de 18 ans et plus. La quantité de cannabis qu’une personne détenant des documents médicaux peut légalement avoir en sa possession (150 grammes) demeure inchangée, mais les personnes n’ayant pas de documents médicaux peuvent dorénavant légalement avoir en leur possession jusqu’à 30 grammes de cannabis séché et jusqu’à 100 ml d’huile de cannabis.
- En prévision de l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis, l’ACSTA a émis un Bulletin des opérations de contrôle (BOC no 357 – Marijuana) le 11 octobre 2018, dans lequel elle avise ses employés des modifications aux PNE qui devront être appliquées dans tous les aéroports du Canada à compter du 17 octobre 2018. Depuis cette date, la politique de l’ACSTA est d’aviser la police lorsqu’une quantité de cannabis qui semble dépasser les limites permises est découverte par hasard à un point de contrôle. Ainsi, la police est avisée dans les circonstances suivantes :
- Le passager fournit des documents médicaux, mais la quantité de cannabis en sa possession semble excéder la limite permise (>150 g ou une quantité suffisante pour remplir un sac plastique de 1 litre);
- Le passager ne fournit pas de documents médicaux lorsque la quantité de cannabis en sa possession excède la limite permise (>30 g ou une quantité suffisante pour remplir un sac à sandwich);
- Le passager abandonne volontairement dans la file pour le contrôle une quantité de cannabis qui excède les limites permises.
- L’ACSTA a affirmé qu’elle ne valide pas l’identité ni l’âge des passagers lorsqu’ils sont trouvé en possession de cannabis.
Résumé des positions du plaignant et de l’intimé
- L’ACSTA a affirmé que, en vertu de la Loi sur l’aéronautique, elle est l’organisme chargé des contrôles et est responsable de contrôler tous les passagers ainsi que leurs bagages et effets personnels. L’ACSTA est d’avis que la découverte par hasard d’articles illégaux, y compris d’articles de contrebande, découlant directement d’un tel contrôle, est accessoire à son mandat et directement liée au programme de contrôle et répond, par conséquent, aux exigences de la section 4 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. L’ACSTA a aussi souligné que, à la demande de son organisme de réglementation (Transports Canada), son approche d’aviser la police lorsque du cannabis est découvert par hasard cadre avec son mandat d’assurer l’uniformité et l’efficacité de la prestation des contrôles, tel qu’exigé par le paragraphe 6(1) de la Loi sur l’ACSTA. La Loi sur l’ACSTA stipule aussi que son mandat doit être réalisé dans l’intérêt public et en tenant compte des intérêts des voyageurs.
- Le plaignant n’est pas d’accord avec la position de l’ACSTA selon laquelle la collecte ou la communication des renseignements personnels des passagers trouvés en possession de cannabis lors du processus de contrôle de sécurité cadre avec son mandat. Sa position, telle qu’il l’a énoncée dans sa lettre de plainte, est la suivante :
J’estime que la politique de l’ACSTA à l’égard du contrôle du cannabis thérapeutique contrevient aux lois relatives à la protection de la vie privée. Lorsque du cannabis thérapeutique obtenu légalement est trouvé (même s’il est dans les bouteilles d’origine, qui constituent une forme valide d’identification du cannabis thérapeutique) en la possession d’un passager, la politique de l’ACSTA exige que l’agent de contrôle porte atteinte à la vie privée du patient et envoie automatiquement les renseignements et les documents à l’organisme d’application de la loi. Si aucun organisme d’application de la loi n’est présent (dans les petits aéroports, de ce que j’ai pu comprendre), ces renseignements seront consignés puis transmis à l’organisme d’application de la loi local aux fins de suivi. Des copies des documents, permis et reçus médicaux sont aussi parfois produites. Cette atteinte obligatoire à la vie privée allonge la durée des voyages nationaux en avion et provoque un stress supplémentaire alors qu’il est déjà difficile de voyager avec une maladie. Les patients n’ont d’autre choix que d’attendre que l’organisme d’application de la loi soit avisé du fait qu’ils ont en leur possession des médicaments obtenus légalement alors que les autres passagers présents dans la zone de contrôle peuvent les écouter et observer.
Le mandat de l’ACSTA est d’effectuer le contrôle des passagers pour assurer la sûreté aérienne. Aucun motif valide ne justifie le fait que l’ACSTA fait appel à un organisme d’application de la loi pour qu’il prenne en charge tous les patients qui ont du cannabis thérapeutique par défaut – cela ne relève pas de son mandat. Il s’agit d’une atteinte à la vie privée des patients et ces derniers peuvent être préoccupés par le fait que les autres personnes présentes dans la zone de contrôle entendent sans aucun doute qu’ils ont en leur possession du cannabis. Aucun autre médicament ni renseignement sur la santé ne fait l’objet d’un tel contrôle, à ma connaissance, et, en outre, le cannabis thérapeutique ne pose aucun risque pour la sûreté aérienne. [traduction]
Vérification de 2011 du Commissariat concernant l’ACSTA
- En 2011, le Commissariat a publié un rapport concernant notre examen des politiques, des pratiques, des procédures normalisées d’exploitation, des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, des évaluations de sécurité et des ententes avec les fournisseurs de services de contrôle de l’ACSTA.
- Dans ce rapport, nous avons expliqué que dans le contexte des contrôles préembarquement et en conformité avec les exigences réglementaires, l’ACSTA doit vérifier l’authenticité des cartes d’embarquement. Le Système de sûreté des cartes d’embarquement, qui a été instauré en 2009 pour faciliter le processus, permet de saisir l’information inscrite sur la carte d’embarquement et d’autres données qui se trouvent dans le code à barres de la carte. Nous avons constaté que cette collecte est justifiée compte tenu du mandat de l’ACSTA.
- Nous avons toutefois constaté que l’ACSTA n’a pas le pouvoir de recueillir des renseignements personnels à des fins générales d’application de la loi. Elle n’est pas un service de police et n’est pas habilitée à agir à titre de mandataire de la police. Nous avons tout de même trouvé des renseignements personnels qui avaient été recueillis à de telles fins dans les dossiers de l’ACSTA.
- Comme il est susmentionné, le chapitre 22.5 des procédures normalisées d’exploitation fait référence à la découverte de drogues illégales ou d’importantes sommes d’argent. Par conséquent, l’ACSTA traite les deux situations de la même manière. Au cours de notre vérification, l’ACSTA n’a pas été en mesure de prouver que les passagers transportant d’importantes sommes d’argent ou des stupéfiants (p. ex. du cannabis) à bord d’un avion représentaient une menace pour la sûreté aérienne. En fin de compte, nous avons conclu qu’étant donné qu’aucun incident relatif à la sûreté aérienne n’est survenu dans ces circonstances, l’ACSTA n’aurait pas dû recueillir des renseignements personnels sur les passagers. Puisque l’ACSTA autorise la personne à franchir le point de contrôle avec son argent ou ses stupéfiants, nous avons conclu qu’il est évident que la sûreté aérienne n’est nullement menacée.
- Nous avons recommandé que l’ACSTA prenne des mesures pour s’assurer que les renseignements personnels recueillis ne concernent que les incidents relatifs à la sûreté aérienne. L’ACSTA a accepté d’adopter des mesures pour se conformer à cette recommandation.
- Néanmoins, en ce qui a trait à l’utilisation des renseignements personnels des passagers et à leur communication à la police par l’ACSTA, nous avons expliqué dans notre rapport de vérification que pour déterminer s’il s’agit d’un usage conforme, il faut évaluer si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’ACSTA avertisse la police lorsqu’elle procède à la fouille d’une personne ou de bagages dans le contexte de son mandat et qu’elle découvre par hasard des objets qui ne relèvent pas de son mandat.
- Dans ce rapport, nous avons conclu que les attentes des passagers en matière de vie privée sont réduites dans le contexte de la sûreté aérienne, car ils sont tenus de se présenter avec leurs bagages aux fins de contrôle et possiblement de fouille. Par conséquent, une personne pourrait raisonnablement s’attendre à ce que l’ACSTA avertisse les autorités compétentes quand des objets illégaux sont accidentellement découverts.
- En fin de compte, nous avons conclu que si la découverte d’objets clairement illégaux (p. ex. des objets qui ne peuvent pas être légalement détenus dans n’importe quel contexte au Canada ou qui présentent raisonnablement un risque pour la sûreté aérienne) est involontaire, le fait d’avertir la police est raisonnablement et directement lié au but premier dans lequel les renseignements ont été obtenus puisque l’objectif est de protéger la sécurité publique et de garantir le respect de la loi dans le contexte de la sûreté aérienne.
- Nous sommes d’avis que l’ACSTA doit reconnaître que les attentes raisonnables ont changé en ce qui a trait à la possession et à l’utilisation de cannabis ou de produits du cannabis, qui ont donné lieu aux récentes modifications de la loi décrite dans le présent rapport. Le cannabis ne figure pas sur la Liste d’articles interdits de Transports Canada et tout au long de la période visée par notre enquête, toute personne ayant un certificat médical valide pouvait en avoir légalement en sa possession (avant octobre 2018). Par ailleurs, la possession simple par toute personne de plus de 18 ans a été légalisée à la suite de l’adoption de la Loi sur le cannabis. Ainsi, la collecte et la communication de renseignements personnels liés à la possession de cannabis ne peut pas être automatiquement considérée comme étant raisonnable (c.-à-d. il ne semblait pas, à première vue, que la possession était illégale). Nous présentons donc l’analyse suivante en ce qui concerne la conformité à la Loi.
Analyse
Question (i) : La collecte des renseignements personnels des voyageurs qui ont été trouvés en possession de cannabis est-elle conforme à l’article 4 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
- L’article 4 de la Loi stipule que « Les seuls renseignements personnels que peut recueillir une institution fédérale sont ceux qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activités. »
- Dans le cas du plaignant, l’agent de contrôle de l’ACSTA a recueilli ses renseignements personnels lorsqu’il a noté l’information figurant sur ses bouteilles d’ordonnance de cannabis thérapeutique, sa carte d’embarquement et sa pièce d’identité avec photo sur un bout de papier dans le but d’informer la police. Il semble que les renseignements recueillis vont au-delà de ce qui était exigé conformément aux politiques de l’ACSTA, à savoir prendre en note le nom du voyageur, le transporteur aérien et l’heure de départ du vol, comme il est indiqué au paragraphe 26 du présent rapport. Vraisemblablement, lorsque les services policiers sont présents sur place dans un aéroport, aucun renseignement personnel n’est consigné sur le voyageur par les agents de l’ACSTA puisque les policiers peuvent obtenir eux-mêmes ces renseignements directement auprès du voyageur s’il y a lieu, comme ils l’ont fait dans le cas du plaignant.
- L’ACSTA est d’avis qu’en général, la collecte de renseignements personnels des voyageurs qui ont été trouvés en possession de cannabis est conforme à son mandat. Cette position sous-entend que la collecte a un lien direct avec un programme de l’institution.
- Le pouvoir de l’ACSTA de contrôler les articles interdits est énoncé dans le Règlement canadien de 2012 sur la sûreté aérienne. Le paragraphe 10(1) du Règlement stipule ce qui suit : Lorsqu’un règlement sur la sûreté aérienne, une mesure de sûreté, une directive d’urgence ou un arrêté d’urgence exige le contrôle d’une personne, il est interdit à l’administration de contrôle de lui permettre de traverser un point de contrôle pour se rendre dans une zone stérile à moins qu’elle ne s’assure que cette personne n’a en sa possession ou sous sa garde aucun bien énuméré ou décrit dans la liste générale des articles interdits; aucun bien qui présente un danger immédiat pour la sûreté aérienne.
- Comme il est énoncé au paragraphe 21 du présent rapport, le cannabis ne figure pas sur la Liste d’articles interdits de Transports Canada. Par ailleurs, l’ACSTA n’a pas établi qu’un passager transportant du cannabis, que ce soit à des fins thérapeutiques ou récréatives, présente une quelconque menace à la sûreté aérienne. Cette conclusion est appuyée par le fait que dans les petits aéroports qui n’ont pas de présence policière sur place, ou lorsque les passagers risquent de manquer leur vol, l’ACSTA a pour directive de permettre aux passagers de franchir le contrôle de sécurité avec leur cannabis.
- Par conséquent, l’ACSTA n’a pas l’autorité légale de recueillir les renseignements personnels des passagers en lien avec la découverte de cannabis pendant le processus de contrôle de sécurité puisque cela ne relève pas de son mandat. Ainsi, nous ne pouvons pas conclure que la collecte a un lien direct avec les programmes ou les activités de l’institution.
- Nous sommes donc toujours d’avis que l’ACSTA n’a pas l’autorité légale de recueillir les renseignements personnels à des fins générales d’application de la loi comme le précise notre rapport de vérification de 2011. Elle n’est pas un service de police et n’est pas habilitée à agir à titre de mandataire de la police. Dans le cas du plaignant, l’ACSTA n’avait pas l’autorité légale de recueillir ses renseignements personnels en vue de les communiquer à la police afin d’évaluer la validité de ses documents médicaux.
- Au moment de la plainte et encore aujourd’hui, les voyageurs peuvent posséder et transporter légalement du cannabis à l’intérieur du Canada. Dans ce cas, l’ACSTA ne devrait pas recueillir plus d’information lorsque du cannabis est découvert par inadvertance - comme l’examen de certificats médicaux – dans le but de déterminer si la quantité de cannabis dépasse ou non la quantité autorisée.
Question (ii) : La communication des renseignements personnels des voyageurs qui ont été trouvés en possession de cannabis est-elle conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
- Selon le paragraphe 8(1) de la Loi, les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément au paragraphe 8(2). Le paragraphe 8(2) précise de nombreuses exceptions permettant à une institution fédérale de communiquer des renseignements personnels sans consentement.
- L’ACSTA a fait valoir que sa pratique consistant à aviser la police lorsqu’une quantité inférieure ou supérieure à 150 grammes de cannabis est par hasard découvert est conforme à son mandat de veiller à la prestation uniforme et efficace des contrôles, comme le prévoit l’article 6 de la Loi sur l’ACSTA, et qu’elle est également dans l’intérêt du public.
- Bien que l’ACSTA n’ait pas expressément mentionné la Loi dans ses observations, nous sommes d’avis que ses communications portent implicitement sur l’alinéa 8(2)(a) de la Loi, qui stipule que sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans le cas suivant : « communication aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins. »
- Nous sommes d’avis que l’ACSTA n’a pas établi un lien raisonnable entre la communication de renseignements personnels concernant la découverte par hasard de cannabis et le fait de veiller à prestation uniforme et efficace des contrôles. Nous ne voyons pas comment une telle communication pourrait donner lieu à un processus plus uniforme ou plus efficace.
- D’un autre côté, étant donné que l’ACSTA fait référence à l’article 6 de la Loi sur l’ACSTA, nous devons également examiner si l’alinéa 8(2)(b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels autorise les communications en question. L’alinéa 8(2)(b) stipule que la communication des renseignements personnels est autorisée dans le cas suivant : « communication aux fins qui sont conformes avec les lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication. »
- Comme il a été mentionné précédemment, l’article 6 de la Loi sur l’ACSTA, décrit essentiellement le mandat de l’organisme; il ne traite pas de la communication.
- Par ailleurs, l’ACSTA n’a pas présenté d’observations suggérant que l’autorisation de communiquer les renseignements en question est conférée par la Loi sur l’aéronautique ou le Règlement canadien de 2012 sur la sûreté aérienne. Comme il a déjà été mentionné, le cannabis ne figure pas sur la Liste d’articles interdits et l’ACSTA n’a pas laissé entendre que les voyageurs transportant du cannabis peuvent raisonnablement être considérés comme une menace immédiate pour la sûreté aérienne.
- Par ailleurs, l’ACSTA a indiqué qu’elle croit que cette pratique est conforme aux constatations de notre rapport de vérification de 2011, qui comprenait les conclusions suivantes :
À notre avis, une personne pourrait raisonnablement s’attendre à ce que l’ACSTA avertisse les autorités compétentes quand des objets illégaux — ou qui semblent être illégaux — sont accidentellement découverts. Les personnes consentent seulement à être fouillées, ou à ce que leurs bagages le soient, à des fins de sûreté aérienne, mais il serait déraisonnable de s’attendre à ce que l’on ferme les yeux sur un cas évident de contrebande ou de possession d’objets illégaux. C’est également vrai dans le cas de l’exportation de papier monnaie si l’on peut raisonnablement conclure que la somme dépasse 10 000 $ sans mener une enquête.
Si la découverte est involontaire, le fait d’avertir la police… est raisonnablement et directement lié au but premier dans lequel les renseignements ont été obtenus puisque l’objectif est de protéger la sécurité publique et de garantir le respect de la loi dans le contexte de la sûreté aérienne.
- Même s’il peut être raisonnable d’informer les autorités compétentes lorsqu’un objet clairement illégal est découvert par hasard durant le processus de contrôle des voyageurs de l’ACSTA, nous ne sommes pas d’avis que la communication par l’ACSTA de renseignements personnels relatifs à la découverte de cannabis, que ce soit en 2017 au moment des fait ou aujourd’hui, a un lien direct avec le fait de veiller à la prestation uniforme et efficace des contrôles.
- Spécifiquement, comme nous l’avons mentionné aux paragraphes 51 et 52, l’ACSTA n’a pas n’a pas l’autorité juridique de recueillir des renseignements personnels à des fins d’application de la loi et d’enquête, comme recueillir des renseignements pour déterminer si un passager transporte du cannabis à des fins thérapeutiques ou récréatives. La communication en question implique les mêmes renseignements que ceux que l’ACSTA n’était pas en droit de recueillir.
- Nous sommes par conséquent d’avis qu’à moins que le cannabis découvert par inadvertance soit clairement illégale (c’est-à-dire sans que l’ACSTA ait à recueillir davantage de renseignements pour déterminer s’il est à des fins thérapeutiques ou récréatives) la communication à la police des renseignements personnels des passagers transportant du cannabis constitue une infraction à l’article 8 de la Loi.
Question (iii) : Les pratiques de conservation de l’ACSTA en ce qui concerne les renseignements personnels recueillis auprès des voyageurs trouvés en possession de cannabis sont-elles conformes à l’article 6 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
- L’article 6 de la Loi exige que l’institution fédérale conserve les renseignements personnels utilisés à des fins administratives après usage pendant une période déterminée par règlement et qu’elle procède au retrait selon le calendrier de conservation et d’élimination approuvé par le ministre désigné. Par ailleurs, selon l’article 4 du Règlement sur la protection des renseignements personnels, l’institution fédérale doit conserver les renseignements personnels pendant au moins deux ans après la dernière fois où ces renseignements sont utilisés.
- Comme il a été décrit précédemment, la pratique de l’ACSTA qui s’applique lorsque du cannabis est découvert dépend de la présence ou non des services policiers sur place à l’aéroport. Lorsque des policiers sont en poste à l’aéroport, aucun renseignement n’est conservé parce que les policiers sont appelés à intervenir. Dans les cas où la police n’est pas présente sur place, la politique de l’ACSTA stipule que les renseignements personnels du voyageur devraient être fournis aux policiers par téléphone une fois que le voyageur a franchi le contrôle, et que les copies imprimées devraient être détruites après l’utilisation et la communication des renseignements.
- L’ACSTA ne semble pas avoir de raison administrative pour la collecte des renseignements personnels des voyageurs qui ont été trouvés en possession de cannabis. Par conséquent, sa politique visant l’élimination de toutes les notes contenant des renseignements personnels ne semble pas inappropriée. Toutefois, étant donné que nous avons constaté que l’ACSTA n’est pas autorisée à recueillir ou à communiquer des renseignements personnels liés à la possession de cannabis, nous sommes d’avis que l’ACSTA doit veiller à ce que les renseignements personnels susceptibles d’avoir été conservés au sujet des voyageurs trouvés en possession de cannabis soient détruits.
Constatations
- Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que la collecte et la communication à la police de renseignements personnels par l’ACSTA concernant les voyageurs trouvés en possession de cannabis qui n’est pas clairement illégal n’est pas conforme à l’article 4 de la Loi.
- Par conséquent, nous avons conclus que la plainte concernant les articles 4 et 8 de la Loi est fondée.
- Enfin, nous sommes d’avis que la destruction par l’ACSTA des documents contenant les renseignements personnels des voyageurs recueillis dans le but de les communiquer à la police est conforme à l’article 6 de la Loi. Par conséquent, nous concluons que cet aspect de la plainte est non fondé.
Recommandations
- Compte tenu de nos constatations relatives à la plainte portant sur l’utilisation et la communication, nous avons transmis un rapport de conclusions préliminaire à l’ACSTA dans lequel nous formulions les deux recommandations suivantes :
- Que l’ACSTA cesse de recueillir et de communiquer les renseignements personnels des voyageurs trouvés en possession de cannabis, et qu’elle mette à jour ses politiques en conséquence.
- Que l’ACSTA effectue un examen pour s’assurer que tous les documents qu’elle détient contenant des renseignements personnels relatifs à la possession de cannabis soient détruits.
- Conformément à l’alinéa 35(1)b) de la Loi, nous avons demandé à l’ACSTA de donner suite à nos recommandations et de nous indiquer les mesures prises ou envisagées pour la mise en œuvre de nos recommandations, y compris la date à laquelle chacune de ces mesures sera terminée.
- L’ACSTA a donné la réponse suivante à la première recommandation :
L’ACSTA passera en revue ses procédures normalisées d’exploitation de façon à donner suite aux constatations et aux recommandations contenues dans le rapport de conclusions préliminaire. À l’avenir, l’ACSTA donnera à ses agents de contrôle la directive de n’aviser aucun organisme d’application de la loi lorsqu’ils découvrent par hasard une quantité de cannabis qui n’est pas manifestement illégale. Conformément à sa responsabilité de remplir son mandat dans l’intérêt public ainsi qu’aux directives précédentes indiquant que la communication de renseignements relatifs à la découverte par hasard d’articles manifestement illégaux à un organisme d’application de la loi est permise en vertu de l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les agents de contrôle pourraient néanmoins communiquer des renseignements à un organisme d’application de la loi concernant du cannabis lorsque la quantité est manifestement illégale ou lorsque les agents de contrôle croient que les circonstances pourraient poser un risque pour la sûreté aérienne.
L’ACSTA consultera Transports Canada à l’égard de ce changement de pratique et terminera la mise à jour de ses procédures normalisées d’exploitation avant le 30 novembre 2020.
- En réponse à notre deuxième recommandation, l’ACSTA a indiqué qu’elle a déjà réalisé l’examen de toutes ses bases de données de résumés de cas d’incident datant du 1er août 2013 à aujourd’hui, et qu’elle a supprimé les renseignements personnels dans les deux cas qui comprenaient la mention « marijuana », « marihuana » ou « cannabis » et dans lesquels figurait le nom du voyageur. De plus, l’ACSTA demandera que ses fournisseurs de services de contrôle sous-traitants lui confirment avoir détruit tout document conservé par inadvertance dans lequel figurent des renseignements personnels en lien avec la possession de cannabis, et ce, avant le 30 novembre 2020.
- Puisque l’ACSTA a trouvé deux cas où des renseignements sur la possession de cannabis avaient été conservés, nous rappelons à l’ACSTA, comme nous l’avons mentionné dans nos constations ci-dessus, qu’elle ne devrait en aucun cas conserver des renseignements portant sur la possession de cannabis, et ce, même par inadvertance.
- Nous sommes heureux de constater que l’ACSTA a mis en œuvre notre première recommandation et qu’elle s’est engagée à prendre des mesures que nous jugeons adéquates dans un délai raisonnable pour mettre en œuvre la modification de ses pratiques et politiques en réponse à notre deuxième recommandation. Par conséquent, nous considérons cette affaire fondée et conditionnellement résolue.
- En ce qui concerne la directive qui sera fournie aux agents de contrôle à l’égard de ce qui est « manifestement illégal », nous tenons à préciser qu’elle devrait se limiter à la découverte de volumes de cannabis qui sont manifestement illégaux sans qu’une enquête plus poussée soit nécessaire (comme l’examen de documents médicaux). Selon la réglementation actuellement en vigueur, il s’agit seulement de volumes de cannabis qui dépassent manifestement 150 g. Nous nous attendons à ce que l’ACSTA nous confirme qu’elle a entièrement mis en œuvre les changements à ses PNE et qu’elle a terminé l’examen de ses dossiers en réponse à nos recommandations avant le 30 novembre 2020.
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