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Les restrictions relatives à l’utilisation et à la communication de renseignements en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’appliquent pas aux renseignements personnels déjà accessibles au public

Plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi)

Le 14 juillet 2020

Description

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a envoyé une copie conforme d’une lettre à la caution du plaignant . La lettre comprenait des déclarations du plaignant au sujet de changements à son état de santé durant sa détention par ASFC. Or, dans le cadre d’un litige contre l’ASFC, le plaignant avait inclus les mêmes renseignements personnels de nature médicale dans des documents de la Cour. Par conséquent, en vertu du paragraphe 69(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ces renseignements étaient accessibles au public. L’article 8 de la Loi ne s’applique donc pas.

Points à retenir

  • En vertu du paragraphe  69(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les restrictions sur l’utilisation et la communication de renseignements personnels prévues aux articles 7 et 8 de la Loi ne s’appliquent pas aux renseignements personnels auxquels le public a accès.
  • Les renseignements personnels figurant dans les dossiers judiciaires sont des informations accessibles au public conformément au principe de l’audience publique.
  • Les institutions fédérales devraient faire preuve de retenue dans l’utilisation et la communication de renseignements personnels même s’ils sont accessibles au public.

Rapport de conclusions

Aperçu

  1. Le plaignant allègue que le répondant, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), a enfreint les dispositions relatives à la divulgation de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la « Loi ») lorsqu’un employé a divulgué les renseignements personnels du plaignant en violation de la Loi.
  2. Plus précisément, la violation alléguée concerne la communication des renseignements médicaux personnels du plaignant à une tierce partie. La personne en question a reçu une copie conforme d’une lettre de l’ASFC qui contient les renseignements personnels du plaignant. Au moment de l’envoi du courriel, la tierce partie était la caution du plaignant.
  3. L’ASFC a indiqué que les renseignements divulgués étaient accessibles au public. Elle a ensuite indiqué que la communication de renseignements personnels à la caution est autorisée conformément à son bulletin opérationnel sur l’application.
  4. À la suite d’un examen, nous convenons que les renseignements communiqués à la tierce partie étaient accessibles au public dans des dossiers judiciaires et qu’ainsi, conformément au paragraphe 69(2) de la Loi, l’article 8 ne s’applique pas dans ce cas. C’est pourquoi nous concluons que la plainte n’est pas fondée.

Faits pertinents

  1. Les interactions du plaignant avec l’ASFC ont commencé lorsqu’il est arrivé au Canada en 2007. Le contexte de ces interactions avec l’ASFC se rapporte aux demandes de statut de réfugié ou de statut de résident permanent au Canada du plaignant.
  2. De 2007 jusqu’à son expulsion définitive en 2015, le plaignant a épuisé les recours possibles pour contester ou porter en appel les décisions prises par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) et de l’ASFC de rejeter ses demandes.
  3. Dans le cadre de ce processus, le plaignant a été partie prenant à nombre d’actions devant la Cour fédérale. Tous les dossiers de la Cour liés à ces actions restent accessibles au public conformément au principe de l’audience publique. Dans les dossiers de la Cour fédérale, le plaignant formule des observations précises concernant des changements relatifs à sa santé lorsqu’il était détenu par l’ASFC.
  4. Malgré son expulsion au début de 2015, le plaignant est retourné au Canada plus tard au cours de l’année. À ce moment-là, il a été arrêté et une nouvelle mesure d’expulsion a été prise. Le plaignant a été libéré de sa détention au début de 2016 à condition, entre autres, que la garantie soit payée et que le plaignant réside avec la caution.
  5. Au début de 2019, le plaignant a demandé que les conditions de sa caution soient modifiées. Par conséquent, l’ASFC a envoyé une lettre à la CISR, ainsi qu’une copie conforme au plaignant et à sa caution. Les détails de la lettre comprenaient entre autres les changements relatifs à la santé du plaignant durant sa détention par l’ASFC.

Questions

  1. Les questions sont les suivantes :
  2. L’ASFC a-t-elle divulgué les renseignements personnels du plaignant?
  3. Une partie des renseignements divulgués étaient-ils accessibles au public, ce qui impliquerait que le paragraphe 69(2) de la Loi exclue l’application des articles 7 et 8?
  4. Dans le cas contraire, la divulgation était-elle permise conformément au paragraphe 8(2) de la Loi?

Analyse

  1. L’article 3 de la Loi décrit des renseignements personnels comme les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille, à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels, à des opérations financières, à des numéros qui lui sont propres, à ses empreintes digitales, à son groupe sanguin, à ses opinions personnelles, etc.
  2. La lettre de l’ASFC comprend des renseignements liés aux antécédents médicaux du plaignant, ce qui constitue des renseignements personnels selon la Loi. Ces renseignements ont été communiqués à une tierce partie lorsque l’ASFC a envoyé une copie conforme à la caution.
  3. Nous concluons alors qu’il y a eu divulgation des renseignements personnels du plaignant.
  4. Comme mentionné plus haut, l’ASFC affirme que les renseignements personnels communiqués à la tierce partie sont accessibles au public. Le paragraphe 69(2) de la Loi stipule que les restrictions de l’article 8 de la Loi ne s’appliquent pas aux renseignements personnels auxquels le public a accès.
  5. La signification des mots « auxquels le public a accès » est explorée dans la décision Lukács c. Canada (Transport, Infrastructure et Collectivités)Note de bas de page 1. Au paragraphe 69, la Cour stipule que ces mots s’entendent « de ce qui est mis à la disponibilité de l’ensemble des citoyens ou de ce à quoi ils ont accès. »
  6. Notre examen confirme que le plaignant, au cours de son litige à la Cour fédérale, a présenté ses renseignements personnels médicaux dans des documents de la Cour. Ces documents font partie des dossiers publics et sont accessibles à tous les membres du public.
  7. La lettre envoyée par l’ASFC, qui comprenait une copie conforme envoyée à la caution du plaignant, présentait les mêmes renseignements médicaux qui se trouvent dans les documents publics de la Cour.
  8. Ainsi, sous les pouvoirs de la décision LukacsNote de bas de page 2, il est de notre avis que les renseignements personnels divulgués dans la lettre en 2019 étaient accessibles au public. L’article 8 de la Loi ne s’applique pas en raison du paragraphe 69(2) de la Loi.

Conclusions

  1. Par conséquent, la plainte n’est pas fondée. Les renseignements personnels du plaignant étaient accessibles et c’est pourquoi les restrictions relatives à la divulgation de l’article 8 de la Loi ne s’appliquent pas.

Autre

  1. Si ce n’était pas de la décision du plaignant d’inclure ses renseignements personnels dans les dossiers de la Cour fédérale, la décision de l’ASFC d’envoyer une copie conforme de la lettre qui contient les mêmes renseignements personnels à une tierce partie constituerait une entrave à la Loi.
  2. La Loi stipule au paragraphe 8(1) que des renseignements personnels peuvent seulement être divulgués si l’on obtient le consentement de l’individu, ou s’il s’agit de l’une des catégories des divulgations permises au paragraphe 8(2) de la Loi.
  3. Le plaignant dit ne pas avoir consenti expressément à ce que l’ASFC divulgue ses renseignements personnels. Dans ses observations, l’ASFC ne dit pas qu’il y a eu consentement implicite de la divulgation des renseignements personnels du plaignant, mais elle dit que la divulgation était permise.
  4. L’ASFC a précisé que la divulgation était autorisée conformément à son bulletin opérationnel sur l’application, ENF 8. La section 8.3 stipule notamment : « Lorsque les conditions de libération d’une personne concernée ont été modifiées et qu’un dépôt a été versé ou qu’un bon de garantie d’exécution a été présenté, la caution doit être informée et accepter les modifications afin de pouvoir continuer à être juridiquement liée au dépôt ou au bon de garantie d’exécution. »
  5. À la suite de notre examen, nous ne sommes pas persuadés que le bulletin opérationnel permettrait d’autoriser la divulgation des renseignements personnels du plaignant comme indiqué au paragraphe 8(2) de la Loi.
  6. Bien que le fait d’envoyer une copie conforme à la caution a permis de l’aviser des modifications aux conditions demandées, nous croyons que cet avis aurait pu se présenter sous la forme d’une autre lettre qui ne comprend pas les renseignements médicaux en cause, ce qui aurait permis à l’ASFC de respecter ses obligations tout en respectant les droits de protection à la vie privée du plaignant.
  7. À cette fin, nous ne sommes pas convaincus que la divulgation aurait été permise selon l’article 8 de la Loi s’il avait été applicable. La plainte n’est pas fondée seulement en raison du paragraphe 69(2) de la Loi.
  8. Nous saisissons l’occasion pour rappeler à l’ASFC ses obligations en matière de protection de la vie privée du public qu’elle sert. Les droits relatifs à la vie privée des individus ne doivent pas faire l’objet de communications accélérées. Nous encourageons l’ASFC à faire preuve de retenue en ce qui concerne l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels, même lorsque ces renseignements personnels sont accessibles au public.
  9. Si ce n’était pas de l’ajout de renseignements personnels à des dossiers publics de la Cour par le plaignant, l’ASFC aurait enfreint ses obligations selon la Loi.
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