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Communication des renseignements personnels d’un officier militaire autorisée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le cadre d’un litige

Plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi)

Le 30 décembre 2019

Description

Le ministère de la Défense nationale (MDN) a communiqué des renseignements personnels, y compris des renseignements médicaux, au procureur général (ministère de la Justice), aux fins de l’organisation d’une défense dans un litige entamé par le plaignant contre le gouvernement du Canada. Nous avons produit deux rapports de conclusions distincts dans lesquels nous avons conclu que la communication par le MDN et la collecte par le ministère de la Justice étaient autorisées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels du fait i) qu’il s’agissait de l’organisation de la défense du gouvernement du Canada contre la réclamation fondée en droit du plaignant, ii) qu’elles semblaient en lien direct avec la réclamation fondée en droit du plaignant, et iii) que les renseignements ont été communiqués au procureur général (ministère de la Justice). Les deux rapports de conclusions se trouvent ci-dessous.

Points à retenir

  • L’alinéa 8 (2)d) de la Loi sur la protection des renseignements personnels énonce que « sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée […] au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral ».
  • Cette disposition ne précise pas le type de renseignements personnels qui peuvent être communiqués. Ils peuvent donc inclure des renseignements médicaux s’ils relèvent d’une institution gouvernementale et s’ils sont pertinents pour la réclamation fondée en droit.

Rapports de conclusions

  1. Le plaignant allègue que le mis en cause, le ministère de la Justice (le MJ), a recueilli ses renseignements médicaux personnels de façon inappropriée auprès du ministère de la Défense nationale (le MDN) pour la défense dans un litige intenté par ce même plaignant contre le MDN.

Question

  1. La collecte des renseignements médicaux personnels du plaignant par le MJ auprès du MDN contrevenait-elle à la Loi?

Méthodologie

  1. Le plaignant (par l’entremise de son avocat) et le mis en cause ont présenté des observations écrites dans cette affaire.

Résumé de l’enquête

  1. Le plaignant est un membre des Forces armées canadiennes (les FAC). En mai 2017, il a présenté une déclaration devant la Cour supérieure de l’Ontario contre le MDN pour diffamation et négligence de la police militaire. Cette déclaration désignait le procureur général du Canada comme mis en causeNote de bas de page 1.
  2. Selon le MJ, lorsqu’il a préparé la défense contre les allégations du plaignant, l’avocat du MJ a envoyé une lettre de collecte et de conservation de documents à divers ministères et organismes fédéraux, dont le MDN, en exigeant d’eux qu’ils recueillent et produisent tout document d’intérêt aux fins de la poursuite du plaignant. L’ordonnance de collecte de documents précisait, entre autres, que les dossiers de santé physique et mentale du plaignant devaient être produits.
  3. Le MDN a communiqué les renseignements sollicités, notamment les dossiers de santé physique et mentale du plaignant, au MJ en juin 2017.
  4. Le MJ a soutenu que la collecte des renseignements médicaux personnels du plaignant auprès du MDN était conforme aux Règles de procédure civile de l’Ontario (les « Règles ») et en fait exigée par celles-ci. L’article 30 des Règles définit la portée de la communication des documents dans une action civile et impose à une partie l’obligation de produire tous les renseignements pertinentsNote de bas de page 2. Le défaut de communiquer ou de produire un document pertinent peut avoir des conséquences importantes sur la partie qui contrevient aux RèglesNote de bas de page 3.
  5. Le MJ est d’avis que l’état de santé physique et mentale du plaignant est pertinent aux fins de sa poursuite civile, parce que celui-ci demande des dommages-intérêts relativement à des pertes qu’il allègue être liées à des raisons médicales.
  6. En ce qui concerne le respect de la Loi, le MJ a fait valoir ce qui suit :
    • Le médecin général a communiqué les renseignements en cause à titre de chef des Services de santé des Forces canadiennes (SSFC), une unité du MDN, conformément à l’alinéa 8(2)d) de la Loi.
    • Le commissaire à la protection de la vie privée a estimé que le libellé de l’alinéa 8(2)d) se prêtait à une interprétation très large et il a conclu que, dans la mesure où sont réunies les deux conditions qu’énonce la Loi – communication au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral –, l’institution gouvernementale en cause est autorisée à communiquer les renseignements personnels en question sans consentement.
    • La Cour fédérale a confirmé cette conclusion dans Sauvé c. Canada (Procureur général), 2016 CF 401.
    • L’alinéa 8(2)d) n’énonce pas d’obligation générale de fournir un avis à la personne touchée; faute d’obligation de demander le consentement, il n’y a pas non plus obligation d’aviser l’intéressé d’une communication imminente dans les diverses exemptions mentionnées au paragraphe 8(2) de la Loi. Dans Sauvé c. Canada (Procureur général), la Cour fédérale a confirmé que cette conclusion était raisonnable.
  7. Dans l’ensemble, le MJ estime que la communication des renseignements médicaux personnels du plaignant était conforme aux exigences de la Loi, cette information ayant été fournie par un ministère fédéral au procureur général du Canada aux fins d’une poursuite judiciaire intéressant la Couronne du chef du Canada. Le MJ soutient que la Loi ne vise pas à restreindre la capacité d’une institution fédérale à faire communication de renseignements personnels avec ses avocats en vue de déterminer si elle doit en fin de compte produire ceux-ci selon leur pertinence dans une instance civile.
  8. En ce qui a trait à la protection des renseignements médicaux personnels du plaignant, le MJ a indiqué que tous les renseignements personnels communiqués au procureur général du Canada aux fins d’un litige sont conservés dans une base de données sécurisée. L’accès à cette base de données se limite à un groupe bien circonscrit de personnes ayant un besoin de savoir. De plus, la « présomption d’engagement » conformément aux Règles garantit que les renseignements communiqués serviront uniquement aux fins de l’instance relativement à laquelle ils ont été produits à l’origine et donc à aucune autre fin indépendante ou indueNote de bas de page 4. Il faut enfin dire que, une fois que le procureur général termine son examen de la documentation produite à l’égard de l’action du plaignant, il fournira toute l’information utile à celui-ci et à son avocat et pourra retourner tout autre renseignement non pertinent au MDN.
  9. Le plaignant est d’avis que, bien qu’on s’attende à ce que le MDN communique certains renseignements au MJ pour la défense dans sa cause contre le procureur général du Canada, une demande aussi vaste de dossiers médicaux, de santé mentale et d’autres documents relatifs à la santé est excessive et trop intrusive, et contrevient à la Loi.
  10. En particulier, l’avocat du plaignant a fait les observations écrites suivantes au sujet de la communication des renseignements médicaux personnels de celui-ci :

    Le secret médical est la seule norme applicable au Canada. Qu’il ait été entièrement négligé dans cette affaire est troublant, ce qui démontre une insouciance du procureur général et des Forces armées canadiennes en matière d’application régulière de la loi et de protection des renseignements personnels [du plaignant].

    Les membres des Forces armées canadiennes devraient jouir des mêmes droits fondamentaux que tous les citoyens du pays et un litige n’est pas une renonciation à ces droits. Comme le démontre clairement la présente affaire, non seulement les droits [du plaignant] ont été négligés dans le processus, mais les droits [de son médecin] l’ont aussi été, celui-ci ayant été contraint de communiquer des dossiers médicaux sous la menace implicite de mesures disciplinaires (pour défaut d’obéir aux ordres). [Traduction]

Application de la Loi

  1. Pour rendre notre décision, nous avons tenu compte des articles 3, 4 et 5 de la Loi.
  2. L’article 3 de la Loi définit les renseignements personnels comme les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment : les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille; les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé; tout numéro ou symbole, ou toute autre indication identificatrice, qui lui est propre; son adresse, ses empreintes digitales ou son groupe sanguin; ses opinions ou ses idées personnelles, etc.
  3. Les renseignements en cause sont clairement les renseignements personnels du plaignant, puisqu’ils comprennent des indications relatives à ses antécédents médicaux et professionnels.
  4. L’article 4 de la Loi stipule que les seuls renseignements personnels que peut recueillir une institution fédérale sont ceux qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activités.
  5. L’article 5 prévoit que les renseignements personnels seront directement recueillis auprès de l’individu lui-même, sauf autorisation contraire de celui-ci. Il permet également la collecte par d’autres méthodes là où la collecte directe aurait pour résultat la collecte de renseignements inexacts ou contrarierait les fins auxquelles les renseignements réunis sont destinés.

Analyse

  1. Le procureur général du Canada, qui est aussi ministre de la Justice et chef du MJ, est responsable de la réglementation et de la conduite de tous les litiges contre la Couronne ou un ministère à l’égard des « matières de compétence fédérale ». Nous estimons donc que la collecte des renseignements personnels du plaignant par le MJ pour la défense dans le litige intenté contre le procureur général est conforme à l’article 4 de la Loi, puisqu’elle concerne directement un programme exploité par l’institution.
  2. Le paragraphe 5(1) de la Loi précise qu’une institution fédérale est tenue de recueillir auprès de l’individu lui-même, chaque fois que possible, les renseignements personnels destinés à des fins administratives le concernant, sauf autorisation contraire de l’individu ou autres cas d’autorisation prévus au paragraphe 8(2).
  3. Ce qui est implicite dans les observations du MJ, c’est que la collecte des renseignements personnels du plaignant était conforme au paragraphe 5(1), le MDN les ayant dûment communiqués en application de l’alinéa 8(2)d) de la Loi.
  4. Comme l’a fait remarquer le MJ, le commissaire à la protection de la vie privée a déjà jugé que le libellé de l’alinéa 8(2)d) de la Loi se prêtait à une interprétation très large. À notre avis, le rôle d’une institution gouvernementale en vertu de ce même paragraphe est de garantir que les critères objectifs énoncés seront respectés avant toute communication de renseignements personnels sans consentement. Voici les critères en question : A) la communication doit être destinée au procureur général du Canada; B) elle doit se faire aux fins de poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral. Si ces deux conditions sont réunies, l’institution gouvernementale est autorisée à dévoiler les renseignements personnels sans consentement.
  5. Dans la présente affaire, le plaignant a intenté une poursuite civile contre le MDN auprès de la Cour supérieure de l’Ontario. La déclaration désignait le procureur général du Canada comme mis en cause. Le ministre de la Justice et procureur général du Canada est le chef du MJ. Par conséquent, la communication des renseignements personnels du plaignant au MJ satisfait à la première condition énoncée à l’alinéa 8(2)d).
  6. Il n’y a pas que la désignation du procureur général du Canada dans cette déclaration, puisque la communication des renseignements personnels du plaignant par le MDN au MJ était aux fins de poursuites judiciaires intéressant le gouvernement fédéral (dans sa défense contre la plainte) et semble concerner directement la réclamation fondée en droit de ce même plaignant. Ainsi, la communication répond à la seconde condition énoncée à l’alinéa 8(2)d).
  7. Naturellement, le plaignant se soucie du fait que les renseignements sur sa santé physique et mentale soient des renseignements personnels particulièrement sensibles. Nous convenons que l’information en cause est d’une sensibilité particulière. Cela dit, la Loi ne fait aucune distinction entre les différents types de renseignements personnels et la sensibilité de ces types de renseignements. Notre analyse du respect de la Loi est donc strictement fondée sur le libellé des dispositions applicables.
  8. Comme l’a fait remarquer le MJ dans ses observations écrites, l’interprétation que donne de telles communications le commissaire à la protection de la vie privée est conforme à l’alinéa 8(2)d) dont les deux conditions précitées et respectées ont été confirmées par la Cour fédérale du Canada dans sa décision Sauvé c. Canada (Procureur général) (voir plus particulièrement les paragraphes 126 à 128 de cette décision).
  9. En ce qui concerne la protection des renseignements personnels du plaignant, le MJ a signalé que ceux-ci sont conservés dans une base de données sécurisée à accès restreint et qu’ils sont assujettis à la règle de la présomption d’engagement qui empêche leur utilisation à toute autre fin. Nous sommes d’avis que ces mesures suffisent à garantir l’intégrité des renseignements personnels en cause.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que la présente plainte est non fondée.

Plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi)

  1. Le plaignant allègue que le mis en cause, le ministère de la Défense nationale (le « MDN »), a indûment communiqué ses renseignements médicaux personnels au ministère de la Justice (le « MJ ») pour la défense dans un litige intenté par ce même plaignant contre le MDN.

Question

  1. La communication des renseignements médicaux personnels du plaignant par le MDN au MJ contrevenait-elle à la Loi?

Méthodologie

  1. Le plaignant (par l’entremise de son avocat) et le mis en cause ont tous deux présenté des observations écrites dans cette affaire.

Résumé de l’enquête

  1. Le plaignant est un membre des Forces armées canadiennes (les FAC). En mai 2017, il a présenté une déclaration devant la Cour supérieure de l’Ontario contre le MDN pour diffamation et négligence de la police militaire. Cette déclaration désignait le procureur général du Canada comme mis en causeNote de bas de page 5.
  2. Dans ses observations écrites, l’avocat du plaignant a expliqué que, en juin 2017, celui-ci avait été avisé par son médecin militaire qu’il avait reçu un courriel ordonnant la collecte et la conservation des dossiers le concernant, dont une copie était alors remise à ce même plaignant. Ce message indiquait ce qui suit :

    [Traduction]
    L’ordonnance jointe de collecte et de conservation de documents donne instruction à tous les membres du MDN et des FAC de rechercher, recueillir et conserver tous les documents relatifs au litige civil en question [par le plaignant] contre le Canada (procureur général). Comme nous avons manqué l’échéance initiale du 16 juin 2017, je vous prie de donner suite à cette demande le plus tôt possible, et au plus tard le 7 juillet 2017. Veuillez faire ce qui suit en exécution de nos obligations juridiques conformément à cette ordonnance :

    1. Effectuer une recherche portant sur tous les documents liés aux questions en litige dans l’action en justice, notamment :
      • dossiers du personnel et d’administration de carrière [du plaignant];
      • dossiers de santé physique et mentale [du plaignant];
      • dossiers de griefs par ou contre [le plaignant]; dossiers de plaintes relatives aux normes professionnelles concernant [le plaignant];
      • dossiers d’enquête de la police militaire [et du Service national des enquêtes des Forces canadiennes]; tous les documents et rapports; vidéos et/ou transcriptions et déclarations des entrevues des témoins; copies des actes d’accusation; toute information relative à l’enquête préalable tenue le 2 août 2016 et décision d’abandonner toutes les accusations le 4 novembre 2016;
      • déclarations publiques, communiqués de presse et communications internes concernant [le plaignant];
      • politiques, lignes directrices et manuels relatifs aux questions en litige.
  3. Le plaignant a avisé son médecin militaire qu’il s’opposait fermement à la communication de ses renseignements médicaux personnels. Le médecin a répondu que, n’étant pas propriétaire des dossiers en question (ils appartiennent au médecin généralNote de bas de page 6), il n’avait d’autre choix que de se conformer à l’ordonnance de collecte et de conservation.
  4. Au cours de notre enquête, le MDN nous a remis une copie de l’ordonnance de collecte et de conservation des documents datée du 17 mai 2017, laquelle émanait du Cabinet du conseiller juridique du MDN et des FACNote de bas de page 7. L’ordonnance précise que « les employés du MDN et les membres des FAC ayant des documents pouvant être pertinents dans l’action en justice doivent rechercher, recueillir et conserver tous ces documents » [traduction].
  5. En réponse à l’allégation du plaignant, le MDN a présenté les observations suivantes :
    • Dans sa déclaration, le plaignant a demandé des dommages-intérêts à l’égard de la négligence alléguée dans une enquête menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes et pour « la douleur et la souffrance, le stress, l’anxiété et les effets sur la santé, y compris la détresse mentale pour lui en raison de l’enquête négligente et de la diffamation » [traduction].
    • L’article 30 des Règles de procédure civile de l’Ontario (les « Règles ») définit la portée de la communication des documents dans une action civile et impose à une partie l’obligation permanente de produire tous les renseignements pertinentsNote de bas de page 8. Le défaut de communiquer ou de produire un document pertinent peut avoir des conséquences importantes sur la partie qui contrevient aux RèglesNote de bas de page 9.
    • L’information sur l’état de santé physique et mentale du plaignant a été jugée pertinente aux fins de sa poursuite, car celui-ci demande des dommages-intérêts relativement à des pertes qu’il allègue être liées à des raisons médicales. C’est pourquoi la Couronne avait l’obligation de recueillir et de conserver tous les documents d’intérêt en la possession du gouvernement fédéral.
    • Les renseignements personnels sur la santé physique et mentale du plaignant ont été communiqués conformément aux directives de l’ordonnance de conservation pour litige datée du 17 mai 2017. Les documents en question ont été remis par obligation juridique à l’avocat plaidant du MJ.
    • Tous les renseignements personnels communiqués au procureur général du Canada aux fins d’un litige sont conservés dans une base de données sécurisée. L’accès à cette base de données se limite à un groupe bien circonscrit de personnes ayant un besoin de savoir. De plus, la « présomption d’engagement » conformément aux Règles garantit que les renseignements communiqués serviront uniquement aux fins de l’instance relativement à laquelle ils ont été produits à l’origine, et donc à aucune autre fin indépendante ou indue.
    • Une fois que le procureur général termine son examen de la documentation produite à l’égard de l’action du plaignant, il fournira toute information utile à celui-ci et à son avocat et pourra retourner tout autre renseignement non pertinent au MDN.
    • La communication était conforme à l’alinéa 8(2)d) de la Loi, qui permet la communication de renseignements personnels sans consentement au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires et en exécution de ses obligations juridiques en matière de communication de documents.
  6. Le plaignant est d’avis que, bien qu’on s’attende à ce que le MDN communique certains renseignements au MJ pour la défense dans sa cause contre le procureur général du Canada, une demande aussi vaste de dossiers médicaux, de santé mentale et d’autres documents relatifs à la santé est excessive et trop intrusive, et contrevient à la Loi.
  7. En particulier, l’avocat du plaignant a fait les observations écrites suivantes au sujet de la communication des renseignements médicaux personnels de celui-ci :

    Le secret médical est la seule norme applicable au Canada. Qu’il ait été entièrement négligé dans cette affaire est troublant, ce qui démontre une insouciance du procureur général et des Forces armées canadiennes en matière d’application régulière de la loi et de protection des renseignements personnels [du plaignant].

    Les membres des Forces armées canadiennes devraient jouir des mêmes droits fondamentaux que tous les citoyens du pays et un litige n’est pas une renonciation à ces droits. Comme le démontre clairement la présente affaire, non seulement les droits [du plaignant] ont été négligés dans le processus, mais les droits [de son médecin] l’ont aussi été, celui-ci ayant été contraint de communiquer des dossiers médicaux sous la menace implicite de mesures disciplinaires (pour défaut d’obéir aux ordres). [Traduction]

Application de la Loi

  1. Pour rendre notre décision, nous avons tenu compte des articles 3, 4 et 5 de la Loi.
  2. L’article 3 de la Loi définit les renseignements personnels comme les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment : les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille; les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé; tout numéro ou symbole, ou toute autre indication identificatrice, qui lui est propre; son adresse, ses empreintes digitales ou son groupe sanguin; ses opinions ou ses idées personnelles, etc.
  3. Les renseignements en cause sont clairement les renseignements personnels du plaignant, puisqu’ils comprennent des indications relatives à ses antécédents médicaux et professionnels.
  4. La Loi précise que les renseignements personnels peuvent seulement être communiqués avec le consentement de l’intéressé – paragraphe 8(1) – ou selon les catégories de communication autorisée décrites au paragraphe 8(2) de la Loi.
  5. Le MDN est d’avis que la communication des renseignements personnels du plaignant au MJ pour la défense dans le litige en question est conforme à l’alinéa 8(2)d) de la Loi autorisant la communication sans le consentement de l’individu concerné.

Analyse

  1. Le libellé de l’alinéa 8(2)d) de la Loi se prêtait à une interprétation très large. À notre avis, le rôle d’une institution gouvernementale en vertu de ce même paragraphe est de garantir que les critères objectifs énoncés seront respectés avant toute communication de renseignements personnels sans consentement. Voici les critères en question : A) la communication doit être destinée au procureur général du Canada; B) elle doit se faire aux fins de poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral. Si ces deux conditions sont réunies, l’institution gouvernementale est autorisée à dévoiler les renseignements personnels sans consentement.
  2. Dans la présente affaire, le plaignant a intenté une poursuite civile contre le MDN auprès de la Cour supérieure de l’Ontario. La déclaration désignait le procureur général du Canada comme mis en cause. Le ministre de la Justice et procureur général du Canada est le chef du MJ. Par conséquent, la communication des renseignements personnels du plaignant au MJ satisfait à la première condition énoncée à l’alinéa 8(2)d).
  3. Il n’y a pas que la désignation du procureur général du Canada dans cette déclaration, puisque la communication des renseignements personnels du plaignant était aux fins de poursuites judiciaires intéressant le gouvernement fédéral (dans sa défense contre la plainte) et semble concerner directement la réclamation fondée en droit de ce même plaignant. Ainsi, la communication des renseignements personnels au MJ répond à la seconde condition énoncée à l’alinéa 8(2)d).
  4. Naturellement, le plaignant se soucie du fait que les renseignements sur sa santé physique et mentale soient des renseignements personnels particulièrement sensibles. Nous convenons que l’information en cause est d’une sensibilité particulière. Cela dit, la Loi ne fait aucune distinction entre les différents types de renseignements personnels et la sensibilité de ces types de renseignements. Notre analyse du respect de la Loi est donc strictement fondée sur le libellé des dispositions applicables.
  5. En ce qui concerne la question du secret médical soulevée par l’avocat du plaignant, il convient de noter que le droit canadien ne reconnaît pas de privilège général applicable à la relation entre le médecin et son patient, malgré le fait que cette relation est assujettie aux règles de confidentialité. En fait, l’existence d’un privilège doit être établie au cas par casNote de bas de page 10,Note de bas de page 11.
  6. Il convient de noter que le Commissariat a traité par le passé de questions semblables de communication de renseignements médicaux personnels par les ministères pour la défense dans des litiges. Notre interprétation de ces communications est conforme à l’alinéa 8(2)d) dont les deux conditions précitées ont été respectées. Cette interprétation a été confirmée par la Cour fédérale du Canada dans sa décision Sauvé c. Canada (Procureur général), 2016 CF 401 (voir plus particulièrement les paragraphes 126 à 128 de cette décision).
  7. Bien que le MDN n’ait pas fait mention dans ses observations de l’alinéa 8(2)c) de la Loi, nous sommes d’avis que la communication des renseignements personnels du plaignant au MJ était également conforme à ces dispositions :

    8(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

    1. communication exigée par subpoena, mandat ou ordonnance d’un tribunal, d’une personne ou d’un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de documents ou exigée par des règles de procédure se rapportant à la production de renseignements [non souligné dans l’original].
  8. En ce qui concerne la protection des renseignements personnels du plaignant, nous faisons en outre remarquer que l’information en question a été communiquée au MJ, ministère ayant la même obligation que le MDN d’utiliser, de communiquer, de conserver et d’éliminer les renseignements personnels du plaignant d’une manière conforme à la Loi. Pour ce qui est de la sécurité des renseignements personnels du plaignant, le MDN a indiqué que le MJ avait signalé que les renseignements étaient conservés dans une base de données sécurisée à accès restreint et qu’ils étaient assujettis à la règle de la présomption d’engagement qui empêche leur utilisation à toute autre fin. Nous sommes d’avis que ces mesures suffisent à garantir l’intégrité des renseignements personnels en cause.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que la présente plainte est non fondée.
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