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Cemerlic c. Canada (Solliciteur général), 2003 CFPI 133

Juin 2014

Résumé : La Cour fédérale s’est prononcée sur le contrôle judiciaire du refus, par le SCRS, de communiquer certains documents en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, pour plusieurs motifs.

Faits : Le demandeur croyait avoir déjà fait l’objet d’une enquête du SCRS. Il a donc présenté une demande sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels auprès du SCRS. Le SCRS a produit un certain nombre de documents, mais a refusé d’en produire d’autres sur le fondement de l’art. 19 (renseignements obtenus à titre confidentiel d’un gouvernement étranger), de l’art. 21 (détection, prévention ou répression d’activités hostiles ou subversives), de l’art. 26 (renseignements personnels concernant un autre individu) et de l’art. 28 (dossiers médicaux) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le SCRS a également refusé de confirmer si des renseignements personnels concernant le demandeur avaient été versés dans des fichiers inconsultables. Après avoir mené une enquête, le Commissaire à la protection de la vie privée a conclu que le SCRS avait agi de manière appropriée, mais le demandeur s’est adressé à la Cour fédérale.

Résultat : La Cour fédérale a confirmé la décision du SCRS à l’égard de la plupart des exceptions, mais elle a conclu que le SCRS avait commis une erreur dans sa façon d’aborder les exceptions visées aux art. 19, 26 et 28.

Décision : La Cour fédérale a examiné, à tour de rôle, les cinq questions en litige (les exceptions visées par les quatre articles de la Loi sur la protection des renseignements personnels et la décision du SCRS de ne pas confirmer si des renseignements personnels avaient été versés dans des fichiers inconsultables).

En premier lieu, la Cour fédérale a examiné l’al. 19(1)a) de Loi sur la protection des renseignements personnels, lequel interdit la communication de renseignements obtenus à titre confidentiel d’un gouvernement étranger. Bien que cette exception soit obligatoire, les renseignements dont la communication a été refusée sur le fondement du par. 19(1) peuvent être communiqués si le gouvernement étranger qui les a fournis consent à leur communication ou les rend publics. La Cour a jugé que la disposition obligeait le SCRS à obtenir le consentement du gouvernement étranger ou à établir un protocole concernant la communication de ce genre de renseignement personnel. Le SCRS avait simplement affirmé qu’il avait obtenu ces renseignements à titre confidentiel; la Cour a donc conclu que le SCRS n’avait pas appliqué correctement l’exception visée à l’art. 19.

En deuxième lieu, la Cour a examiné l’art. 21 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Pour invoquer l’exception prévue à l’art. 21, l’institution fédérale doit établir que la communication des documents risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou à la sécurité nationale. La Cour a estimé qu’il n’était pas nécessaire pour le SCRS de prouver que la communication des seuls renseignements visés en l’espèce porterait préjudice; le SCRS a eu gain de cause sur ce point parce qu’il a établi que la communication de ce genre de renseignement sur une base régulière compromettrait l’intégrité de ses opérations en matière de sécurité nationale.

En troisième lieu, la Cour a examiné l’art. 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. La Cour était d’accord avec le SCRS pour dire que les documents renfermaient des renseignements personnels concernant d’autres individus. Elle a toutefois estimé que le SCRS n’avait pas cherché à savoir si les raisons d’intérêt public favorisant la communication justifieraient une violation de la vie privée conformément à l’al. 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. La Cour a conclu que le SCRS doit exercer son pouvoir discrétionnaire en pondérant les intérêts opposés, mais rien dans la preuve n’établissait qu’il les avait pondérés. La Cour a donc ordonné au SCRS de réexaminer sa décision en tenant compte de l’al. 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

En quatrième lieu, la Cour a examiné l’art. 28 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cette disposition permet à l’institution fédérale de refuser la communication des renseignements de nature médicale concernant l’individu qui en demande communication lorsque la prise de connaissance des renseignements par cet individu desservirait celui-ci. Selon la Cour, deux conditions doivent être remplies : les renseignements doivent porter sur l’état physique ou mental de l’individu et l’institution fédérale doit déterminer si la communication desservirait l’individu. Les renseignements visés dans cette affaire concernaient manifestement l’état de santé, mais le SCRS n’a pas rempli la deuxième condition. La Cour a estimé qu’« un lourd fardeau pèse sur l’institution fédérale lorsqu’il s’agit de justifier l’application de l’exception prévue à l’art. 28 » étant donné que chacun a généralement le droit de décider de ce qui sert son intérêt. Rien dans la preuve ne permettait de conclure que le SCRS a effectué une quelconque analyse pour déterminer ce qui desservirait le demandeur. La Cour a conclu qu’il n’était pas nécessaire pour le SCRS de consulter un médecin avant de prendre sa décision, mais l’absence de consultation confirme la conclusion de la Cour selon laquelle le SCRS n’a pas fait une analyse appropriée de l’intérêt du demandeur.

Enfin, la Cour a examiné le refus du SCRS de confirmer ou de nier l’existence de renseignements dans des fichiers inconsultables conformément à l’art. 16 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Selon la Cour, si le SCRS révélait à un demandeur l’existence ou la non-existence de renseignement dans des fichiers inconsultables, il l’informerait en fait de toute activité d’enquête le concernant. Il était raisonnable que le SCRS applique une politique uniforme consistant à refuser de confirmer ou de nier l’existence de renseignements dans ces fichiers inconsultables.

Principes :

  1. L’institution fédérale doit demander à l’État étranger ou à tout autre gouvernement visé l’autorisation de communiquer un document (soit sur une base individuelle soit par l’établissement d’un protocole) avant de refuser la communication d’un document en vertu de l’art. 19 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
  2. L’institution fédérale peut refuser la communication de renseignements personnels conformément à l’art. 21 de la Loi sur la protection des renseignements personnels si la communication de ce genre de renseignement (plutôt que la communication des seuls renseignements visés dans une affaire donnée) risque de porter préjudice à la sécurité nationale.
  3. L’institution fédérale doit démontrer qu’elle a envisagé la possibilité de communiquer des renseignements personnels concernant d’autres individus en tenant compte de l’intérêt public et qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire en pondérant les raisons d’intérêt public qui justifient la communication et la violation de la vie privée.
  4. L’institution fédérale doit s’acquitter d’un lourd fardeau lorsqu’il s’agit de justifier le refus de communiquer les renseignements médicaux qui concernent l’individu qui en demande communication. Pour se décharger de son fardeau, l’institution doit démontrer que les renseignements portent sur l’état physique ou mental de l’individu et que leur communication desservirait cet individu.
  5. L’institution fédérale peut avoir pour politique générale de refuser de confirmer ou de nier l’existence de renseignements personnels dans des fichiers inconsultables.
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