Statham c. Société Radio-Canada, 2010 CAF 315
Juin 2014
Résumé : La Cour d’appel fédérale a analysé la procédure à suivre en matière de contestation de refus présumé (c.-à-d. l’omission de communiquer des documents demandés dans le délai imparti par la loi). Bien que le présent appel porte sur la Loi sur l’accès à l’information, les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels sont pratiquement identiques en matière de refus présumé; par conséquent, les principes énoncés dans le présent arrêt s’appliquent de la même manière au refus présumé sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Faits : Entre le 1er septembre et le 12 décembre 2007, l’appelant a présenté environ 400 demandes d’accès à l’information à la Société Radio-Canada (« SRC »). La SRC ayant omis de répondre à ces demandes à l’intérieur d’un délai de 30 jours, comme l’exige la Loi sur l’accès à l’information, l’appelant a alors déposé 389 plaintes auprès du Commissaire à l’information. Le Commissaire n’a pas fait d’enquête au sujet des plaintes comme il l’aurait fait si un refus définitif avait été opposé aux demandes d’accès. Il s’est plutôt dit d’avis que la SRC avait été submergée par le nombre de demandes et qu’elle aurait besoin d’un délai raisonnable pour y répondre. Le 28 mars 2008, le Commissaire à l’information a donc écrit à l’appelant pour l’informer que la SRC avait promis de répondre à toutes ses demandes au plus tard le 1er avril 2009 et qu’il considérait l’affaire comme étant réglée.
L’appelant n’a pas été satisfait de ce résultat et il a introduit une demande devant la Cour fédérale fondée sur l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information. La SRC n’avait toujours pas répondu à 38 des demandes de communication au 1er avril 2009. Elle a toutefois réussi à le faire cinq jours avant que la Cour fédérale instruise la demande de contrôle judiciaire. La Cour fédérale a rejeté la demande et a conclu que le Commissaire à l’information avait « remédié » au défaut de communiquer l’information dans le délai imparti en décidant que la SRC devait disposer d’un délai plus long et en déclarant que la plainte avait été réglée.
Résultat : La Cour d’appel fédérale a statué que la recommandation du Commissaire à l’information n’avait pas remédié au défaut, mais elle n’a quand-même pas accordé de réparation à l’appelant, à l’exception de ses dépens.
Décision : La Cour d’appel a dressé une liste de sept questions sur lesquelles elle s’est penchée dans le cadre de cet appel. Ces questions ont été analysées et tranchées de la façon suivante.
- L’appel était-il dénué d’objet parce que la SRC avait répondu aux demandes d’accès avant la tenue de l’audience? La Cour d’appel a partagé l’avis de la Cour fédérale selon lequel la demande était sans objet. Une fois les réponses données à toutes les demandes d’accès, aucune décision rendue dans le cadre de la demande n’aurait affecté les droits des parties en ce qui a trait à ces réponses. La Cour d’appel ayant cependant partagé l’avis de la Cour fédérale selon lequel la demande soulevait des questions de portée générale, elle a estimé, par conséquent, que l’appel devrait être instruit même s’il était sans objet.
- Quelles sont les conséquences, en droit, d’un refus d’accès présumé? La Cour d’appel a confirmé qu’il n’y avait aucune distinction juridique entre un refus et un refus présumé (c.-à-d. l’omission de communiquer de l’information dans le délai limite de 30 jours).
- Est-il loisible au commissaire de restreindre la portée de son enquête en établissant un échéancier pour répondre aux demandes de communication? La Cour d’appel a conclu que le commissaire dispose du pouvoir discrétionnaire de restreindre la portée de son enquête au sujet d’un refus présumé en recommandant un échéancier à l’intérieur duquel l’institution fédérale doit répondre aux demandes de communication.
- Le commissaire peut-il remédier au refus présumé en accordant davantage de temps? La Cour d’appel a conclu que le commissaire ne peut remédier à un défaut présumé. Le rôle du commissaire est de formuler des recommandations qui ne lient pas l’institution fédérale à qui elles sont adressées. Le commissaire n’a pas le pouvoir d’ordonner la divulgation de quelque document que ce soit; de la même façon, le commissaire n’a aucun pouvoir d’accorder à l’institution fédérale une prorogation contraignante de délai.
- L’appelant pouvait-il saisir la Cour fédérale d’une demande de contrôle judiciaire avant l’expiration de la prorogation de délai? La Cour d’appel a confirmé qu’il est possible pour une personne de présenter une demande à la Cour fédérale qui porte autant sur un refus présumé que sur un refus effectif. Il existe seulement trois conditions préalables qui doivent être réunies avant que l’auteur de la demande de communication puisse exercer un recours en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information devant la Cour fédérale : a) le demandeur doit s’être vu refuser communication d’un document demandé (il peut s’agir d’un refus présumé); b) le demandeur doit avoir déposé une plainte au sujet du refus devant le commissaire; c) le demandeur doit avoir reçu copie du rapport du commissaire.
- La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en ne rendant pas de jugement déclaratoire à l’encontre de la SRC? La Cour d’appel fédérale a refusé de prononcer un jugement déclaratoire à l’encontre de la SRC parce que l’appelant n’avait pas porté plainte devant le commissaire au sujet du caractère raisonnable de la conduite de la SRC et que son avis de demande ne contenait pas de demande de jugement déclaratoire.
- La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en condamnant l’appelant à des dépens? La Cour d’appel fédérale a conclu que l’application de l’article 53 de la Loi sur l’accès à l’information (lequel édicte que la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a soulevé un principe important et nouveau quant à la loi) signifie que l’appelant aurait dû avoir droit à ses dépens devant la Cour fédérale. L’article 53 s’appliquait donc en l’espèce, étant donné les conclusions tirées par les deux cours, suivant lesquelles il conviendrait d’instruire la demande qui était par ailleurs sans objet en raison de son intérêt pour le public en général.
Principes :
- Un refus présumé (c.-à-d. l’omission de communiquer de l’information dans le délai imparti par la loi) équivaut d’un point de vue juridique à un refus effectif au sens de la Loi et il est possible de le contester de la même manière : soit en déposant une plainte devant le commissaire et, après la publication du rapport du commissaire, en présentant une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.
- Le commissaire ne peut remédier à un refus présumé en accordant une prorogation de délai.
- Le commissaire peut décider de restreindre la portée de son enquête pour régler le problème du non-respect du délai plutôt que d’examiner le bien-fondé d’une demande de communication donnée. Si l’auteur de la demande n’est pas satisfait de l’éventuelle réponse proposée par l’institution fédérale, il peut déposer une autre plainte devant le commissaire qui examinera alors le bien-fondé de tout refus de l’institution fédérale.
- Une personne qui soulève un principe important et nouveau d’interprétation de la Loi a droit à des dépens en Cour fédérale, indépendamment du fait que cette personne ait gain de cause.
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