Programme de protection des passagers (Liste de personnes interdites de vol)
Contexte
Le Programme de protection des passagers – mieux connu sous le nom de liste des personnes interdites de vol – est entré en vigueur le 18 juin 2007 pour les vols intérieurs et pour les vols internationaux à destination et en partance du Canada. En vertu de ce programme, les personnes considérées comme une menace immédiate à la sécurité aérienne se voient refuser de prendre un vol en partance du Canada ou de monter à bord d’un aéronef à destination du Canada.
Le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) entretient des préoccupations quant aux sérieuses répercussions qu’une liste de ce type pourrait avoir sur le droit à la protection de la vie privée et les libertés civiles des voyageurs.
À la suite de l’annonce initiale de Transports Canada le 5 août 2005, la commissaire à la protection de la vie privée a fait part de ses préoccupations à l'effet que la liste pourrait représenter une grave ingérence dans les droits de la personne de ceux qui voyagent au Canada, y compris le droit à la protection de la vie privée et le droit à la liberté de circulation. Ces inquiétudes demeurent et sont généralement partagées par de nombreux intervenants qui œuvrent dans le domaine de la protection des renseignements personnels.
Bien que le Commissariat ne remette pas en question le souhait de rendre les voyages aériens plus sécuritaires, il reste à voir si une liste de personnes interdites de vol agira effectivement en ce sens. Transports Canada n’a pas présenté d’études ni de preuves de l’efficacité de ce type de liste. Malgré des demandes répétées pour que de telles preuves soient produites, la nécessité et l’efficacité de cette mesure n’ont toujours pas été démontrées.
Les Canadiennes et les Canadiens doivent garder en tête qu'il ne s'agit pas de terroristes connus que des représentants d’organismes d’application de la loi ou d’agences de sécurité nationale s’efforcent d’appréhender, mais de personnes soupçonnées de menacer la sécurité aérienne.
Préoccupations relatives à la protection de la vie privée
Les représentants de Transports Canada travaillent en collaboration avec le CPVP. Transports Canada a soumis une Évaluation des facteurs relatifs à la vie privée au Commissariat et a donné suite à une liste de questions et de préoccupations dont leur a fait part la commissaire à la protection de la vie privée. Nous avons fait un certain nombre de recommandations pour atténuer les risques d’atteinte à la vie privée et nous avons influé sur la mise en œuvre du programme. Cependant, les entretiens avec Transports Canada sur les moyens de faire en sorte que la liste de personnes interdites de vol tienne davantage compte de la protection de la vie privée ne signifie pas que le CPVP appuie ou approuve cette mesure, ni qu'il détermine le mode de fonctionnement du Programme.
En fait, nous demeurons préoccupés par le Programme dans son ensemble et par certains risques sur lesquels Transports Canada ne semble avoir aucune prise, notamment pour ce qui est des questions suivantes :
- La liste sera-t-elle communiquée à des gouvernements étrangers? Rappelons-nous de situations comme l’affaire Maher Arar où l’échange de renseignements a contribué à l’expulsion de celui-ci en Syrie. Le simple fait d’avoir son nom sur la liste pourrait occasionner de sérieux problèmes pour une personne et, même s’il existe des règlements au Canada interdisant la communication de renseignements à des personnes non autorisées, certains transporteurs aériens de pays étrangers posséderont cette liste. En pareil cas, les renseignements relèvent de la juridiction du pays dans lequel ils sont conservés et peuvent devoir être communiqués au gouvernement étranger – peu importe des mesures garantissant le contraire qui prévaudrait au Canada.
- De quelle façon les passagers seront-ils avisés que leur nom figure sur la liste? En seront-ils informés en privé? Apprendre une heure avant le départ de son vol que son nom figure sur la liste peut occasionner beaucoup plus que des inconvénients – la situation peut être embarrassante si elle a lieu publiquement et peut même entacher la réputation de la personne visée si l'incident survient devant des contacts professionnels, des connaissances, etc.
- De quelle façon les personnes dont le nom figure par erreur sur la liste peuvent-elles le faire retirer de celle-ci? Malgré la mise sur pied d’un bureau de réexamen par Transports Canada, des procédures opérationnelles sont toujours en cours d’élaboration. À l'heure actuelle, nous ignorons si les procédures seront équitables, transparentes ou accessibles aux citoyens. De plus, le processus administratif qui permet à une personne de demander la révision d’une décision prise à l’égard de la liste n’est pas inscrit dans la loi ni prévu par le règlement.
- De façon plus générale, nous sommes préoccupés par une tendance au contrôle de l’identité par opposition au contrôle physique pour la sécurité. Le contrôle de l’identité s’appuie sur l’analyse d’une grande quantité de renseignements personnels afin d'évaluer les risques que représente une personne en fonction de son identité. La fiabilité de ce type de système dépend des renseignements d’identité qui l’alimentent, ce qui entraîne des pressions pour la collecte et l’utilisation d’une plus grande quantité de renseignements qui portent davantage atteinte à la vie privée – comme les empreintes digitales et la reconnaissance du visage. Certains experts en sécurité estiment que le renforcement du contrôle physique – notamment par le biais d’un contrôle complet des bagages et de la cargaison – constituerait une façon plus efficace d’accroître la sécurité aérienne.
Prochaines étapes
Le CPVP surveillera le déroulement du Programme et poursuivra ses consultations auprès de Transports Canada. Les États-Unis possèdent une liste de personnes interdites de vol laquelle a fait l’objet de beaucoup de publicité négative après que l’accès à un avion a été refusé à des enfants et à des personnes en vue, notamment le sénateur Edward Kennedy.
Certains députés canadiens ont également exprimé leur inquiétude en ce qui concerne les personnes dont le nom, identique au leur, figure sur la liste. Nous comptons analyser le Programme de protection des passagers environ un an après son entrée en vigueur, voire même plus tôt, pour établir si le droit à la la vie privée est bien géré.
Nous ne sommes pas convaincus que les avantages en matière de sécurité l’emportent sur les risques d’atteinte à la vie privée qui découlent d'un tel programme. Le CPVP surveillera le Programme et, d’ici un an, il compte procéder à la vérification des pratiques de traitement des renseignements personnels et examiner les données relatives aux résultats du Programme.
Selon nous, le Parlement doit acquérir la conviction que le Programme de protection des passagers est avantageux, bien conçu et ne représente pas une atteinte inutile à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens.
Le Commissariat à la protection de la vie privée encourage toute la population canadienne à lui faire part de ses préoccupations à l’égard de ce programme en communiquant avec lui au 1-800-282-1376 ou 819-994-5444, ou avec Transports Canada.
Juin 2007
- Date de modification :