Communiqué
Remarque : Une téléconférence à l’intention des journalistes aura lieu ce matin. Voir les renseignements détaillés ci-dessous.
Les pratiques illégales de Clearview AI représentent une surveillance de masse des Canadiens, selon les commissaires
Le 3 février 2021 – Une enquête a révélé que la collecte de milliards d’images de personnes dans Internet par la société de technologie Clearview AI représente une surveillance de masse et une violation manifeste du droit à la vie privée des Canadiens.
Cette enquête, menée conjointement par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, la Commission d’accès à l’information du Québec, le Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique et le Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta, conclut que l’entreprise établie à New York a enfreint les lois provinciales et fédérale sur la protection des renseignements personnels.
La technologie de Clearview AI a permis à des corps policiers et à des organisations commerciales de faire une recherche dans la banque de données de l’entreprise à partir d’une photographie de personnes inconnues, aux fins d’enquêtes. Cette banque de données renferme plus de 3 milliards d’images, dont des images de Canadiens et d’enfants. Les commissaires ont constaté que cela crée un risque de préjudice grave pour les personnes en cause, dont la grande majorité n'a jamais été et ne sera jamais impliquée dans un crime.
L’enquête a révélé que Clearview a recueilli des données biométriques très sensibles à l’insu et sans le consentement des personnes concernées. De plus, Clearview a recueilli, utilisé et communiqué des renseignements personnels de Canadiens à des fins inacceptables, qui ne peuvent pas être justifiées par l’obtention d’un consentement.
Après avoir pris connaissance des conclusions de l’enquête, Clearview AI a fait valoir :
- que les lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels ne s’appliquent pas à ses activités puisque l’entreprise n’a pas de « lien réel et substantiel » avec le Canada;
- qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir le consentement des individus parce qu’il s’agit de renseignements auxquels le public a accès;
- que les personnes ayant versé leurs images elles-mêmes, ou permis qu’elles le soient, sur les sites Web où la collecte d’information a été effectuée n’avaient pas d’attente substantielle en matière de vie privée qui justifie une entrave à la liberté d’expression de l’entreprise;
- qu’étant donné les avantages potentiels importants que peuvent procurer les services de Clearview AI aux fins policières ou de sécurité nationale, ainsi que l’improbabilité qu’un préjudice grave soit causé, les motifs de Clearview AI sont entièrement appropriés puisque le besoin commercial de recueillir, d’utiliser et de communiquer des renseignements personnels l’emporte sur le droit à la vie privée;
- Clearview AI ne peut pas être tenue responsable d’offrir des services à des corps policiers ou à toute autre entité qui commet ensuite des erreurs par rapport à l’évaluation d’une personne visée par une enquête.
Les commissaires ont rejeté ces arguments. Ils étaient particulièrement préoccupés d’une part, par le fait que l’entreprise ne reconnaissait pas que la collecte d’informations biométriques auprès de milliards de personnes, sans leur consentement explicite, portait atteinte à leur attente raisonnable de respect de la vie privée, et, d’autre part, que l’entreprise estimait que ses intérêts commerciaux l’emportaient sur le droit à la vie privée.
En ce qui concerne l’applicabilité des lois canadiennes, ils ont indiqué que l’entreprise a recueilli les images de Canadiens et activement fait la promotion de ses services auprès d’organismes canadiens d’application de la loi. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) est devenue un client payant. En outre, 48 comptes ont été créés pour des organismes d’application de la loi et d’autres organisations dans l’ensemble du pays.
L’enquête a aussi permis de cerner les risques auxquels sont exposés les individus dont les images ont été recueillies par Clearview AI et intégrées dans sa base de données biométriques, notamment le risque d’erreur d’identification ou d’éventuelles atteintes à la sécurité des données.
Les autorités de protection de la vie privée ont recommandé à Clearview AI de ne plus offrir ses services de reconnaissance faciale à des clients canadiens, de mettre fin à la collecte d’images d’individus au Canada, et de supprimer toutes les images et les matrices faciales biométriques recueillies auprès d’individus au Canada.
Peu après le début de l’enquête, Clearview AI a accepté de cesser d’offrir ses services dans le marché canadien. Elle a cessé de proposer des comptes d’essai aux organisations canadiennes et arrêté de fournir ses services à son seul abonné canadien restant, soit la GRC, en juillet 2020.
Clearview AI s’est toutefois déclarée en désaccord avec les conclusions de l’enquête et n’a pas démontré de volonté de suivre les autres recommandations. Si Clearview maintient son refus, les quatre autorités entreprendront d’autres actions prévues par leurs lois respectives pour l’amener à se conformer aux lois canadiennes.
L’enquête connexe du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada portant sur l’utilisation, par la GRC, de la technologie de reconnaissance faciale de Clearview AI suit son cours. Le commissariat fédéral, en collaboration avec ses homologues provinciaux, élabore actuellement des directives sur l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale à l’intention des organismes d’application de la loi. Nous prévoyons publier des lignes directrices aux fins de consultation auprès de divers intervenants au printemps.
Citations
« Les pratiques de Clearview représentent une surveillance de masse, ce qui est illégal. Il est tout à fait inacceptable que des millions de personnes qui ne seront jamais impliquées dans un crime se retrouvent constamment dans une parade d’identification policière. Malgré tout, l’entreprise continue d’affirmer que les fins visées étaient acceptables, au sens de la loi canadienne qui impose l’obligation de soupeser les besoins commerciaux et le droit à la vie privée. Les parlementaires qui examinent le projet de loi C-11 voudront peut-être clairement indiquer, par l’entremise de ce projet de loi, qu’en cas de conflit entre les objectifs commerciaux et la protection de la vie privée, le droit à la vie privée des Canadiens doit prévaloir. » – Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada
« La collecte massive de millions d’images faite par Clearview, sans le consentement et à l’insu des individus concernés, aux fins de commercialiser un service de reconnaissance faciale ne respecte pas la législation québécoise en matière de protection des renseignements personnels ou de biométrie. La position de Clearview, qui considère respecter les lois qui lui sont applicables, démontre la nécessité de mieux encadrer l’utilisation de cette technologie et d’accorder aux autorités de contrôle des outils dissuasifs supplémentaires, tels que ceux proposés par le projet de loi 64. » – Diane Poitras, présidente de la Commission d’accès à l’information du Québec
« Notre enquête révèle qu’une grande quantité de renseignements personnels ont été recueillis à l’insu des personnes concernées et sans leur consentement. Il est inacceptable et profondément troublant qu’une entreprise puisse créer une gigantesque base de données biométriques et la vendre à profit sans reconnaître sa nature intrusive. Les résultats de notre travail mettent également en évidence la nécessité de renforcer nos lois sur la protection des renseignements personnels afin de protéger adéquatement le public. » – Michael McEvoy, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique
« Alors que l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale augmente, d’importantes questions demeurent en ce qui concerne la précision, la prise de décision automatisée, la proportionnalité et l’éthique. L’enquête de Clearview montre bien que, partout au Canada, nous devons nous pencher sur les utilisations acceptables de la reconnaissance faciale et sur la réglementation à adopter à cet égard. La réglementation contribuerait non seulement à faire respecter le droit à la vie privée, mais aussi à assurer une prévisibilité bien nécessaire à toutes les organisations qui envisagent d’utiliser ou de développer cette technologie. » – Jill Clayton, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta
Documents connexes
Renseignements sur la conférence de presse
Date : AUJOURD’HUI, le mercredi 3 février 2021
Heure : 11 h 30 (HNE) (9 h 30 HNR / 8 h 30 HNP)
Format : conférence téléphonique réservée aux journalistes. Brèves déclarations suivies d’une période de questions.
Participants :
- Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada
- Diane Poitras, présidente de la Commission d’accès à l’information du Québec
- Michael McEvoy, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique
- Jill Clayton, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta
Information pour vous joindre à la téléconférence
Les journalistes accrédités pourront se joindre à la conférence de presse au téléphone. Pour obtenir le numéro, veuillez envoyer un courriel à l’adresse Communications@priv.gc.ca avant la conférence de presse. (Cette ligne est réservée aux médias.)
Coordonnées
Commissariat à la protection de la vie privée du Canada
Communications@priv.gc.ca
Commission d’accès à l’information du Québec
Isabelle.gosselin@cai.gouv.qc.ca
Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique
MMitchell@oipc.bc.ca
Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta
SSibbald@oipc.ab.ca
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