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Article d'opinion

Le 28 janvier 2019

L’article d’opinion suivant par le commissaire à la protection de la vie privée, Daniel Therrien, porte sur l’importance de protéger votre vie privée. Des versions de cet article ont été reprises par deux quotidiens.

La liberté et la démocratie ne peuvent exister sans la vie privée

Daniel Therrien,
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

En cette Journée internationale de la vie privée et après une année où elle a été gravement malmenée, il est intéressant de se rappeler pourquoi il est essentiel de la protéger.

La vie privée est souvent perçue comme un concept abstrait ou sans grande valeur associé à un désir de garder secrets certains aspects de nos activités ou de notre personnalité que nous préférons taire.

Il s’agit là d’une perception étriquée de la réalité. En fait, la vie privée n’est rien de moins qu’une condition préalable à la liberté : la liberté de vivre et de se développer de façon autonome,  à l’abri de la surveillance de l’État ou d’entreprises commerciales, tout en participant volontairement et activement aux activités courantes d’une société moderne.

La technologie axée sur les données apporte incontestablement de grands avantages aux individus. Bien sûr, elle rend notre vie plus agréable et offre d’innombrables services pratiques, mais elle peut aussi servir d’outil puissant de développement personnel. Elle a ouvert la porte à d’importantes améliorations aux soins de santé et elle promet un avenir basé sur l’intelligence artificielle (IA) dont les possibilités semblent infinies.

Par contre, ces technologies créent de nouveaux risques. Par exemple, l’IA (qui dépend de l’accumulation massive de données personnelles) met à risque d’autres droits fondamentaux.

L’un de ces risques est le potentiel de discrimination envers les individus résultant de décisions prises par des systèmes d’intelligence artificielle, dont le fonctionnement manque généralement de transparence et qui parfois reposent sur des données biaisées, en violation des principes de protection de la vie privée. Une telle discrimination pourrait limiter l’accessibilité à certains services, ou aboutir à l’exclusion de certains aspects de la vie personnelle, sociale et professionnelle, dont l’emploi.

En décembre, des chercheurs en éthique de l’IA ont publié la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’IA, une série de dix principes pour les développeurs et les organisations qui mettent en œuvre l’IA, ainsi que les individus qui y sont assujettis.

Bien que ce cadre éthique, conçu au Canada, constitue une avancée importante qui devrait aider à guider ce secteur émergent, je suis d’accord avec les auteurs de la Déclaration qui affirment qu’elle n’est qu’un début, que les autorités publiques doivent maintenant prendre le relais. En particulier, les gouvernements et les parlementaires devraient s’inspirer de tels principes éthiques afin de créer un cadre juridique formel pour l’IA qui oblige les différents acteurs à agir de façon juste et responsable.

Nous avons aussi vu depuis quelques années, et en particulier en 2018, comment les atteintes à la vie privée peuvent nuire à l’exercice de nos droits démocratiques. Tous conviennent que l’accumulation massive de données personnelles par certains acteurs étatiques ou commerciaux rend nos démocraties vulnérables à la manipulation, y compris celle émanant de puissances étrangères. Il est malheureux que les élections fédérales de 2019 se dérouleront sans un renforcement notable de nos lois sur la protection des renseignements personnels.

En 2019, alors que le gouvernement fédéral et les parlementaires réfléchissent à ce que devrait être la meilleure stratégie des données et les lois afférentes au Canada, il est important comme société de se rappeler le rôle de la vie privée dans la protection de nos autres droits et valeurs, dont la liberté et la démocratie. Ainsi, nous aurons tiré les bonnes leçons des difficultés de 2018.

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