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Le 6 mars 2015

L’article d’opinion suivant porte sur les préoccupations du commissaire, Daniel Therrien, au sujet du projet de loi C-51. Des versions de cet article ont été publiées par deux quotidiens.

Le commissaire Therrien soulève des préoccupations liées au projet de loi C-51

Daniel Therrien, Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

Le débat sur le nouveau projet de loi antiterroriste du gouvernement fédéral soulève des questions de fond quant aux tensions qui existent entre la protection de la vie privée et la sécurité.

La plupart des Canadiens conviendront que le terrorisme représente une menace croissante et que nous devons prendre des mesures appropriées en matière de sécurité nationale quand surviennent de nouvelles menaces. Mais à quel prix?

J’estime que le projet de loi C-51 sous sa forme actuelle ne répond pas aux souhaits et aux attentes des Canadiens, qui veulent une loi protégeant à la fois leur sécurité et leur vie privée. Le projet de loi n’établit pas un juste équilibre en ces deux éléments.

L’ampleur des communications de renseignements entre les ministères et organismes fédéraux proposés dans ce projet de loi est sans précédent. Les nouveaux pouvoirs qui seraient ainsi créés sont démesurés et les mesures de protection de la vie privée proposées sont nettement insuffisantes.

Tous les Canadiennes et les Canadiens seront pris dans cette toile, pas seulement les personnes soupçonnées de terrorisme. Le projet de loi C-51 ouvre la porte à la collecte, à l’analyse et éventuellement à la conservation permanente des renseignements personnels de l’ensemble des Canadiens afin de trouver l’aiguille virtuelle dans la botte de foin. J’estime que cela va trop loin.

La question en cause est celle des mégadonnées, c’est-à-dire des quantités phénoménales de renseignements pouvant être analysés par des algorithmes pour repérer les tendances, prévoir les comportements et faire des liens. Les incidences sur le plan de la vie privée sont graves, particulièrement quand il est question des renseignements de nature très délicate que les Canadiens confient à leur gouvernement.

Le projet de loi autoriserait le partage des renseignements personnels des Canadiens si cela est jugé « pertinent » pour assurer la détection de nouvelles menaces de sécurité. Cette norme est très permissive et donne à penser qu’en matière de communication des renseignements personnels des Canadiens, la barre n’a pas été placée assez haut.

De ce fait, le projet de loi donnerait à 17 organismes fédéraux des pouvoirs pratiquement illimités en matière de contrôle et de profilage des Canadiens ordinaires afin de détecter les menaces à la sécurité.

Cela aurait pour conséquence que les organismes chargés de la sécurité nationale seraient susceptibles d’être au courant de tous les échanges qu’ont les Canadiens avec leur gouvernement, ce qui inclurait notamment les renseignements d’une personne sur l’impôt ainsi que sur ses voyages d’affaires ou de loisir.

Bien que la possibilité de connaître pratiquement tout sur tout le monde puisse permettre de détecter de nouvelles menaces, la perte au chapitre de la vie privée est manifestement démesurée.

Dans un État de droit comme le Canada, il ne devrait pas revenir aux organismes de sécurité nationale et autres organismes gouvernementaux de déterminer les limites de leurs propres pouvoirs.

Nous devons rédiger des normes claires et raisonnables qui prévoient quels renseignements personnels peuvent être recueillis, communiqués, utilisés et conservés.

Nous devons aussi nous assurer d’exercer une surveillance et un examen appropriés. À l’heure actuelle, 14 des 17 organismes qui recevront des renseignements en vertu du projet de loi ne font l’objet d’aucune surveillance indépendante.

Un nouvel organisme d’examen devrait être créé ou le mandat des organismes d’examen actuels devrait être élargi. Je recommande en outre l’adoption d’un système qui comprend un organisme d’examen distinct relevant du Parlement.

Les organismes d’examen actuels devraient aussi avoir l’autorisation d’échanger des renseignements entre eux, ce qui n’est pas le cas actuellement. Des recours judiciaires devraient exister pour les personnes qui estiment que leurs renseignements personnels ont été recueillis, utilisés, communiqués ou conservés de façon inappropriée.

Les organismes chargés de la sécurité nationale ont un rôle important et difficile à jouer afin de nous protéger des menaces terroristes. Je crois qu’ils s’efforcent de faire leur travail de façon à respecter les droits de la personne.

Cela dit, l’histoire nous a montré que de graves violations des droits de la personne peuvent survenir au nom de la sécurité nationale. Une commission d’enquête a d’ailleurs confirmé que la communication d’information au nom de la sécurité nationale a entraîné la torture de Maher Arar, un Canadien d’origine syrienne. En outre, les révélations du dénonciateur américain Edward Snowden ont démontré que les programmes gouvernementaux de surveillance peuvent devenir très envahissants.

Le projet de loi C-51 doit faire l’objet de changements importants. J’ai envoyé au comité parlementaire chargé de son examen un document expliquant mes inquiétudes ainsi qu’une série de recommandations et je serais heureux d’avoir bientôt l’occasion de faire part aux parlementaires de mes préoccupations.

J’espère que le gouvernement tiendra compte des préoccupations soulevées non seulement par moi, mais aussi par de nombreux nombreux éminents Canadiens, et qu’il apportera des modifications au projet de loi C‑51 afin de nous assurer qu’il respecte notre droit à la vie privée.

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