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Allocution prononcée par le Commissaire à la protection de la vie privée à l’occasion du Troisième colloque en droit public du Barreau de l’Outaouais

Le 30 janvier 2025
Gatineau, Québec

Allocution prononcée par Philippe Dufresne
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(Le version prononcée fait foi)


Madame la Bâtonnière, Madame la Mairesse, chers confrères et consœurs, Mesdames et Messieurs, merci beaucoup pour l’invitation à participer à cet important colloque en droit public. C’est un grand honneur pour moi d’être parmi vous durant cette Semaine de la protection des données, qui met au premier plan l’importance de protéger le droit fondamental à la vie privée tout en favorisant l’intérêt public et l’innovation.

En tant que juristes dans divers domaines du droit public, vous jouez un rôle essentiel dans la protection des droits fondamentaux des Canadiennes et des Canadiens et dans le maintien de la primauté du droit que nous ne devrions jamais tenir pour acquise.

Nous vivons à une époque axée sur les données. La technologie évolue à un rythme effréné, et on dirait que chaque semaine apporte des développements vertigineux, le dernier étant le nouvel engin d’intelligence artificielle générative DeepSeek. 

Des quantités sans précédent de renseignements personnels sont fournies, utilisées et échangées, et le contexte dans lequel nous menons nos activités personnelles et professionnelles en est transformé. C’est tellement vrai que dans son jugement majoritaire dans l’affaire R. c. Bykovets, la Cour suprême du Canada a affirmé (au paragraphe 78) qu’« [e]n concentrant cette masse de renseignements entre les mains de tiers du secteur privé et en donnant à ces derniers les outils nécessaires pour agréger et disséquer ces données, Internet a essentiellement modifié la topographie de la vie privée sous le régime de la Charte [et qu’il] a ajouté un tiers à l’écosystème constitutionnel, et a fait de la relation horizontale entre l’individu et l’État une relation tripartite ».

À l’heure où de nombreuses personnes adoptent les nouvelles technologies, il est essentiel que nous concentrions nos efforts en vue de soutenir leurs intérêts et de les outiller afin qu’elles comprennent bien comment leurs renseignements personnels sont utilisés et qu’elles puissent prendre des décisions éclairées à ce sujet tout en profitant des nouvelles occasions qui s’offrent à elles.

Il est tout aussi important de veiller à ce que les organisations possèdent les connaissances et obtiennent les conseils nécessaires pour assurer une gestion rigoureuse des données et appliquer des mesures efficaces de protection de la vie privée alors qu’elles se tournent vers les nouvelles technologies. Cette démarche laisse aussi place à l’innovation dans le domaine de la protection de la vie privée.

Aujourd’hui, je souhaite vous parler de ce que signifie traiter la vie privée comme un droit fondamental et de la manière dont le Commissariat s’efforce de faire progresser trois priorités stratégiques dans les domaines où je pense que nous pouvons avoir la plus grande incidence.

Protéger et promouvoir les droits

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai consacré ma vie professionnelle au renforcement des institutions publiques du Canada ainsi qu’à la protection et à la promotion des droits fondamentaux des Canadiennes et des Canadiens.

En tant qu’avocat général principal de la Commission canadienne des droits de la personne, j’étais responsable des activités juridiques et opérationnelles de l’organisation, conformément à la Loi sur les droits de la personne. J’ai été l’avocat principal dans des dossiers importants, notamment le dossier phare de l’aide à l’enfance sur les réserves autochtones devant le Tribunal canadien des droits de la personne. J’ai aussi représenté la Commission à plusieurs reprises devant la Cour suprême du Canada dans des dossiers importants soulevant l’interaction entre les droits de la personne et la sécurité nationale ou d’autres intérêts publics ou privés.

En tant que légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, j’étais le principal conseiller juridique de l’institution. Je dirigeais alors ce que j’aimais décrire comme le ministère de la Justice du pouvoir législatif, chargé de la protection de la vie privée, de la démocratie parlementaire et des droits et privilèges des parlementaires.

Au début de ma carrière, j’ai également occupé brièvement le poste d’avocat à Affaires mondiales Canada, où j’étais responsable des dossiers liés aux droits de la personne et aux tribunaux pénaux internationaux.

Chacun de ces rôles exigeait la promotion et la protection de droits fondamentaux, mais aussi l’atteinte d’un équilibre entre la protection de ces droits et la promotion de l’intérêt public et d’autres intérêts privés.

Il fallait rejeter le faux choix qui consiste à dire que l’on peut avoir soit les droits de la personne, soit la sécurité nationale; ou que l’on peut avoir soit le privilège parlementaire, soit la santé et la sécurité; ou encore soit le principe de la souveraineté nationale, soit un système de droit pénal international.

Cette approche qui consiste à protéger et à promouvoir des droits fondamentaux tout en réalisant des intérêts importants s’applique également à mon rôle actuel de Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, puisque mon mandat est de veiller à la promotion et la protection de la vie privée des Canadiennes et des Canadiens, mais de le faire de manière à soutenir l’intérêt public et l’économie canadienne.

Cet équilibre est d’autant plus important dans l’environnement numérique actuel.

Au cours des prochaines années, les institutions canadiennes devront trouver les bonnes façons de protéger et de promouvoir notre droit fondamental à la vie privée tout en tirant parti des nouvelles possibilités technologiques. Il s’agit là d’un défi de taille.

Lorsque j’ai comparu devant la Chambre des Communes et le Sénat durant le processus de confirmation de ma nomination comme Commissaire en 2022, j’ai présenté les trois éléments de ma vision de la protection de la vie privée :

  • la protection de la vie privée est un droit fondamental;
  • la protection de la vie privée est un moyen de favoriser l’intérêt public et d’appuyer l’innovation et la compétitivité du Canada;
  • la protection de la vie privée est un moyen d’accentuer la confiance des Canadiennes et des Canadiens envers leurs institutions et en tant que citoyens numériques.

Cette vision repose sur le fait que les Canadiennes et les Canadiens veulent et ont le droit de pouvoir participer activement et en toute connaissance de cause au monde numérique, sans être obligés de choisir entre cette participation et leur droit fondamental à la vie privée.

Ils devraient être en mesure de bénéficier des initiatives d’intérêt public et des avancées économiques rendues possibles grâce aux nouvelles technologies, tout en ayant l’assurance que leurs lois et leurs institutions sont là pour protéger adéquatement leurs renseignements personnels.

Comme le rappelait la Majorité de la Cour suprême dans Bykovets (au paragraphe 48), « Les Canadiens n’ont pas à vivre en reclus du monde numérique afin de pouvoir conserver un semblant de vie privée. »

Reconnaître la protection de la vie privée comme un droit fondamental

En 2019, le Commissariat et ses homologues internationaux à l’Assemblée mondiale pour la protection de la vie privée ont déclaré, dans une résolution, que « la protection de la vie privée est une condition préalable aux autres libertés des citoyens ainsi qu’un droit fondamental à la démocratie et au développement personnel et social ».

La résolution indiquait qu’il existe « un lien indispensable entre la protection du droit à la vie privée et l’engagement de la société à promouvoir et à respecter les droits de la personne et le développement ».

Cette description du droit à la vie privée comme une condition nécessaire à l’existence d’autres droits fondamentaux est conforme à l’interprétation de longue date de la Cour suprême du Canada, selon laquelle les lois sur la vie privée ont un statut quasi constitutionnel.

La Cour suprême a réaffirmé ce principe important dans l’affaire Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce de 2013, où elle a déclaré ce qui suit : « une loi qui vise à protéger un droit de regard sur des renseignements personnels devrait être qualifiée de "quasi constitutionnelle" en raison du rôle fondamental que joue le respect de la vie privée dans le maintien d’une société libre et démocratique ».

Cela correspond au droit international et à l’inclusion du droit à la vie privée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

J’ai eu l’occasion de réaffirmer le rôle de la protection de la vie privée comme fondement des autres droits fondamentaux et démocratiques dans le cadre d’une déclaration commune avec la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à la vie privée en décembre 2023.

Traiter la vie privée comme un droit fondamental et quasi constitutionnel, c’est la traiter comme les autres droits de la personne, c’est-à-dire comme une priorité.

Cela signifie que la vie privée doit être protégée, et que sa protection doit être encadrée par un régime juridique solide, équitable et applicable, fondé sur les droits. Il doit exister de véritables recours pour prévenir et traiter les infractions afin d’inciter les organisations à créer une culture où la protection de la vie privée est prise en compte, valorisée et privilégiée.

C’est inclure et intégrer la vie privée au début des activités d’innovation, et non y réfléchir après coup ou la considérer comme un irritant du cadre réglementaire.

Cela signifie que la collecte, l’utilisation, la conservation et la communication de renseignements personnels doivent être limitées à ce qui est manifestement nécessaire et proportionnel.

Cela signifie que, tout comme nous ne pouvons pas nous soustraire aux droits de la personne, la protection de la vie privée ne peut pas reposer entièrement sur un modèle de consentement.

Dans un système juridique fondé sur la primauté du droit et les principes démocratiques, on ne peut pas seulement laisser aux individus le soin d’assurer la protection de leur droit fondamental à la vie privée, comme une pure question contractuelle.

Ceux qui travaillent dans l’économie du savoir et qui en tirent profit doivent également rendre compte des manières dont ils utilisent les renseignements.

L’importance de l’obligation de rendre des comptes a été soulignée dans une décision de la Cour d’appel fédérale en septembre dernier, selon laquelle les pratiques de Facebook entre 2013 et 2015 ont contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électronique – LPRPDE. La Cour d’appel fédérale a indiqué que Facebook avait enfreint l’exigence d’obtenir le consentement éclairé des utilisateurs et n’avait pas suffisamment protégé les renseignements personnels de ces derniers.

Cette décision importante témoigne du fait que même les grandes sociétés de données internationales, dont le modèle d’affaires repose sur les données des utilisateurs, doivent respecter la loi canadienne sur la protection des renseignements personnels et protéger le droit fondamental à la vie privée des individus.

Facebook a demandé l’autorisation de porter cette décision en appel devant la Cour suprême du Canada. La Cour devrait rendre sa décision à cet égard dans les prochains mois.

Il ne s’agit pas de la seule affaire récente pour laquelle la Cour d’appel fédérale s’est prononcée sur la relation entre les géants des données et les lois sur la protection des renseignements personnels. 

En réponse à des questions posées dans un renvoi visant Google, la Cour s’est dite d’accord avec la position du Commissariat selon laquelle Google est assujetti à la LPRPDE.

Cette décision de la Cour a permis de clarifier de manière importante cet aspect de la Loi.

Traiter le droit à la vie privée comme un droit fondamental signifie que dans les rares cas de conflit entre le droit à la vie privée et les intérêts privés ou publics, la protection de la vie privée l’emportera.

Je dis que ces conflits seront rares parce qu’en créant une culture de protection de la vie privée et en protégeant les renseignements personnels dès le départ, nous serons en mesure d’éviter la plupart des conflits et d’atteindre à la fois le respect de la vie privée et les intérêts publics ou privés souhaités.

Le deuxième élément de ma vision est la reconnaissance des effets positifs de la protection de la vie privée sur l’intérêt public et l’économie et le rejet du faux choix entre la protection de la vie privée et l’intérêt public ou l’innovation. Tout comme nous pouvons et devons combiner les droits de la personne et la sécurité nationale, nous pouvons et devons également protéger la vie privée tout en favorisant l’intérêt public et l’innovation.

Le Canada peut être un centre de l’innovation et un modèle de bon gouvernement tout en disposant d’un régime juridique quasi constitutionnel solide et efficace pour protéger les renseignements personnels de la population. La vie privée est à la base d’une société libre et démocratique et la protéger vient souvent protéger d’autres impératifs importants.

À titre d’exemple, j’ai rendu l’an dernier une décision à la suite d’une plainte contre la compagnie Aylo qui est propriétaire du site pornographique Pornhub. La décision réitère que l’utilisation d’images et de vidéos sans le consentement est une violation de la vie privée. Alors que d’autres projets de loi visent à lutter contre le partage d’images intimes sans le consentement, j’ai souligné que les lois sur la protection de la vie privée offrent déjà certaines protections et que j’allais utiliser tous les outils à ma disposition pour m’assurer que la compagnie révise ses politiques à cet effet.

Cela m’amène au troisième élément de ma vision : que la protection de la vie privée est un moyen d’accentuer la confiance des Canadiennes et des Canadiens envers leurs institutions. Lorsque les gens ont la certitude que leurs droits seront protégés, ils se sentent en confiance pour participer librement à l’économie numérique. C’est avantageux à la fois pour la population canadienne, pour les affaires et pour l’innovation.

Priorités stratégiques

Mon engagement envers un avenir propice à l’innovation, où le droit fondamental à la vie privée est respecté, est décrit dans le plan stratégique que j’ai lancé il y a un an afin d’orienter les activités du Commissariat. Ce plan repose sur les trois piliers de ma vision et établit les trois priorités stratégiques qui guident notre travail :

  • protéger et promouvoir le droit à la vie privée de manière à optimiser les efforts déployés;
  • faire valoir la protection de la vie privée à l’heure où se succèdent les changements technologiques et agir en ce sens;
  • défendre le droit à la vie privée des enfants.

Protéger et promouvoir le droit à la vie privée de manière à optimiser les efforts déployés

Ma première priorité, à savoir protéger et promouvoir le droit à la vie privée de manière à optimiser les efforts déployés, sert de base à l’accomplissement du mandat actuel du Commissariat et à la prise en compte de la complexité croissante de la protection de la vie privée à l’ère numérique.

À cet égard, nous avons utilisé les renseignements opérationnels pour dégager les tendances qui doivent retenir notre attention. Nous avons aussi produit des documents d’orientation et des outils de sensibilisation ciblés et tiré parti de partenariats stratégiques.

Cette priorité repose sur un engagement de collaboration, que ce soit avec les organismes de protection de la vie privée, nationaux ou internationaux, avec le gouvernement, la société civile, le milieu universitaire et l’industrie.

Dans un monde où les flux de données transcendent les frontières et les juridictions et où la technologie évolue à un rythme sans précédent, il est primordial de travailler avec nos partenaires, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

Je suis reconnaissant des relations que j’entretiens avec mes homologues provinciaux et territoriaux, qu’il s’agisse par exemple de nous réunir pour fournir des orientations et des conseils sur des questions cruciales comme l’intelligence artificielle, ou IA, et la protection de la vie privée des enfants, ou de mettre en commun notre expertise et nos ressources dans le cadre d’enquêtes.

Le Commissariat travaille aussi avec des partenaires internationaux afin d’élaborer des règles communes qui permettront d’éviter un ensemble disparate de règlements. Les citoyens auront également l’assurance que leurs renseignements personnels seront protégés de façon semblable lorsqu’ils franchiront les frontières, ou lorsque leurs données les franchiront.

En 2025, l’un des faits marquants pour le Commissariat sera d’accueillir les autorités de protection des données et de la vie privée du G7 alors que le Canada assurera la présidence du G7.

La collaboration entre les organismes de réglementation est aussi essentielle si nous voulons mieux protéger les droits et les intérêts des individus. C’est vrai entre autres pour les enjeux relatifs à la vie privée, à la concurrence, à la radiodiffusion, aux télécommunications et au droit d’auteur, qui se recoupent de façon de plus en plus évidente dans le marché numérique actuel.

Cette année, j’assure la présidence du Forum canadien des organismes de réglementation numérique, que le Commissariat a contribué à mettre en place en 2023 et qui réunit le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le Bureau de la concurrence et la Commission du droit d’auteur du Canada. Ce forum a pour but de renforcer l’échange d’information et la collaboration dans des domaines qui concernent les marchés ou les plateformes numériques.

Une partie du travail accompli par mon organisation pour faire avancer la priorité visant à optimiser l’incidence des efforts déployés par le Commissariat passe par des changements à l’interne, mais des changements législatifs sont aussi nécessaires.

À cette fin, nous devons poursuivre nos efforts pour moderniser les lois canadiennes en matière de protection des renseignements personnels, autant celle qui régit le secteur privé que la Loi sur la protection des renseignements personnels.

J’ai comparu devant le Comité permanent de l’industrie et de la technologie au sujet du projet de loi C-27 et j’ai proposé 15 recommandations principales pour renforcer le projet de loi, notamment de reconnaître la protection de la vie privée comme un droit fondamental, de protéger la vie privée des enfants et l’intérêt supérieur de l’enfant, et d’améliorer la rapidité et de réduire les coûts du traitement des plaintes relatives à la vie privée.

Je continuerai de préconiser des lois modernisées sur la protection des renseignements personnels qui reconnaissent la protection de la vie privée comme un droit fondamental tout en soutenant l’intérêt public et une économie canadienne forte.

Les lois canadiennes existantes continuent de s’appliquer, y compris aux nouvelles technologies comme l’IA générative, et je reste déterminé à les faire respecter jusqu’à l’adoption de nouvelles lois.

Faire valoir la protection de la vie privée à l’heure où se succèdent les changements technologiques et agir en ce sens

Ma deuxième priorité, qui consiste à faire valoir la protection de la vie privée à l’heure où se succèdent les changements technologiques et agir en ce sens, est axée sur l’IA et l’IA générative.

L’IA s’avère incroyablement prometteuse pour ce qui est de faire progresser l’innovation, l’efficacité et la commodité. L’IA a été l’un des principaux thèmes au salon CES 2025 qui s’est tenu plus tôt ce mois-ci à Las Vegas et qui met en vedette les avancées dans les domaines des technologies personnelles, du transport, du développement durable et des soins de santé.

Par exemple, on y a vu de nouveaux produits fondés sur l’IA comme un appareil auditif doté d’une fonction de traduction en temps réel ainsi qu’un miroir intelligent qui permet d’effectuer un balayage corporel à 360 degrés et une évaluation de l’état de santé, notamment pour ce qui est des poumons et de la pression artérielle, lorsque l’on se tient debout devant lui.

Bien que les gens cherchent à profiter de tout ce que la technologie leur offre, l’IA comporte aussi des risques inhérents.

J’ai souligné l’importance de développer et de déployer l’IA de manière responsable et respectueuse de la vie privée. Il est essentiel de tirer parti de l’innovation pour protéger et promouvoir le droit fondamental à la vie privée des individus, tout en exploitant les nouvelles possibilités technologiques.

Selon une étude de Gartner, d’ici 2026, plus de 80 % des entreprises auront utilisé des interfaces ou des modèles de programmation d’application d’IA générative ou auront déployé des applications basées sur l’IA générative dans des environnements de production. En 2023, ce pourcentage était inférieur à 5 %.

Dans l’intervalle, selon certaines prévisions, d’ici 2026, 90 % de tout le contenu en ligne pourrait être généré, au moins en partie, de manière synthétique.

Autrement dit, l’IA pourrait bientôt être au cœur de presque tout ce qui se fait en ligne.

Cette transformation s’opérera très rapidement.

Les organismes de réglementation, y compris le Commissariat, travaillent de façon soutenue afin de suivre le rythme des nouvelles technologies qui évoluent rapidement et d’établir des pratiques exemplaires pour les réglementer.

Le Commissariat s’applique à former des partenariats stratégiques, à encourager les initiatives qui permettent d’acquérir des connaissances technologiques, et à établir des normes concrètes en matière de protection de la vie privée pour les technologies actuelles et émergentes.

Lorsque nous parlons de gouvernance de l’IA, il s’agit de s’assurer que cette technologie est conçue et développée sur des bases solides, et qu’elle peut être adaptée au fil du temps.

En favorisant une culture de la protection de la vie privée, en encourageant l’utilisation des principes de protection de la vie privée dès la conception et en établissant des normes à cette fin, le Commissariat peut favoriser l’innovation tout en tirant parti de celle-ci pour protéger le droit fondamental à la vie privée.

La collaboration est au cœur de notre travail dans ce domaine.

Au cours des prochains mois, je prévois de publier les conclusions de l’enquête sur OpenAI, la société à l’origine de ChatGPT, que le Commissariat mène conjointement avec ses homologues du Québec, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta.

Il y a un peu plus d’un an, en décembre 2023, j’organisais mon premier symposium international sur la protection de la vie privée, qui réunissait des représentants des organismes de réglementation, de l’industrie et de la société civile ainsi que du milieu universitaire pour discuter de la protection de la vie privée et de l’IA. À cette occasion, nous avons lancé un ensemble de principes pour des technologies de l’IA générative responsables et dignes de confiance, que le Commissariat a élaborés conjointement avec ses homologues des provinces et des territoires.

Le Forum canadien des organismes de réglementation numérique se penche aussi sur l’IA. Ses membres étudient actuellement la prolifération des médias synthétiques – c’est-à-dire des médias en ligne dont le contenu est généré par l’IA – chacun selon son point de vue. Je prévois de publier un rapport sur le sujet plus tard cette année.

Je me suis aussi engagé à participer à diverses initiatives de collaboration portant sur la protection de la vie privée et l’IA avec mes homologues nationaux et internationaux.

La majeure partie de nos travaux sur la priorité relative à la technologie a mis l’accent sur la nécessité pour les développeurs et les fournisseurs d’IA générative d’intégrer la protection de la vie privée dans la conception, l’exploitation et la gestion de nouveaux produits et services.

Nous exhortons aussi les développeurs à tenir compte de l’incidence particulière que ces outils pourraient avoir sur les groupes vulnérables comme les enfants. Nous avons également rappelé aux acteurs de ce domaine que les lois existantes sur la protection des renseignements personnels s’appliquent.

Défendre le droit à la vie privée des enfants

Ma troisième priorité est de défendre le droit à la vie privée des enfants.

Cette priorité tient compte des caractéristiques propres à la vie privée des jeunes et de la nécessité de garantir la protection de leurs droits afin qu’ils puissent profiter de la technologie sans que leur bien-être et leur vie privée soient compromis.

Le Commissariat tiendra également compte de la protection de la vie privée des enfants dans le cadre de ses activités d’application de la loi et tirera parti de ses conclusions pour informer les organisations et les inciter à mettre au point des produits et des services offrant une meilleure protection de la vie privée des enfants.

Une fois de plus, la collaboration sera essentielle pour faire avancer cette priorité.

Cette année, le Commissariat entreprend un projet de recherche qui vise à approfondir sa compréhension des problèmes de protection de la vie privée auxquels sont confrontés les jeunes, notamment la compréhension de leurs droits relatifs à la protection de la vie privée et à la sécurité de leurs renseignements personnels.

Ce projet comporte plusieurs volets, dont des groupes de discussion et des activités de sensibilisation auprès des jeunes, des parents, des enseignants et d’autres parties prenantes.

Toujours en lien avec cette priorité, nous menons une enquête sur les pratiques de protection des renseignements personnels utilisées par TikTok en ce qui concerne les jeunes utilisateurs. Je prévois de publier les conclusions de cette enquête, que le Commissariat mène conjointement avec ses homologues du Québec, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta, au cours des prochains mois.

En juin, je tiendrai mon deuxième symposium international sur la protection de la vie privée, qui portera sur la protection de la vie privée des jeunes à l’ère numérique. Ce symposium réunira des experts et des jeunes qui échangeront sur des sujets comme les expériences et les besoins des jeunes en matière de protection des données, l’incidence de l’IA sur les jeunes, les technologies éducatives et « l’intérêt supérieur de l’enfant » dans l’espace numérique.

Comme je l’ai déjà dit, pour nos trois priorités stratégiques, nous attachons une grande importance à la collaboration avec divers réseaux, partenaires et experts, y compris les membres du barreau, afin de pouvoir collectivement saisir les occasions qui se présenteront, relever les défis à venir et protéger et promouvoir le droit fondamental à la vie privée.

Conclusion

Nous vivons dans une période excitante, mais également pleine de défis et d’incertitudes. Avec le développement rapide de la technologie qui utilise les données, il est plus important que jamais de protéger notre vie privée. C’est non seulement essentiel au maintien d’une société libre et démocratique, mais j’ajouterais qu’en cette ère de l’intelligence artificielle, la protection de la vie privée contribuera au maintien d’une société plus humaine.

Merci pour votre attention et pour le rôle du barreau et de ses membres à la protection du public et de la primauté du droit.

Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

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