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Allocution principale à la 19e conférence annuelle sur le droit et la politique des communications de la Section canadienne de l’Institut international des communications (IIC)

Le 15 mai 2023
Ottawa (Ontario)

Allocution prononcée par Philippe Dufresne
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(Le texte prononcé fait foi)


Bonjour à tous.

Je vous remercie pour cette aimable présentation. Je suis très heureux d’être ici avec vous, en cette belle journée, au Centre national des Arts.

Pendant que je préparais mes observations pour aujourd’hui, j’ai été frappé par le rôle crucial que joue l’Institut international des communications en tant que leader mondial réunissant les personnes qui réglementent les secteurs où les questions de vie privée sont plus que jamais d’actualité, à savoir les télécommunications, les médias et les médias numériques à l’échelle mondiale, et qui y travaillent.

La technologie occupe une place de plus en plus grande dans notre monde et dans nos vies, et le contexte des communications est en mutation.

Le monde est au bout de nos doigts. On dirait que tout ce que nous faisons prend maintenant une forme numérique, et les nouvelles et les informations nous parviennent instantanément.

Mais le prix de cette commodité est souvent la communication de renseignements personnels. Les gens ne sont pas toujours conscients des risques et des conséquences de leur participation au monde numérique.

C’est pourquoi le rôle que vous jouez tous dans la protection de la vie privée est primordial afin que nous puissions profiter de ces progrès, de ces innovations et de ces commodités, en veillant à ce que notre droit fondamental à la vie privée soit protégé.

Atteindre cet équilibre est un défi majeur pour nous tous dans les secteurs public et privé, et il sera capital d’y arriver pour réussir en tant que société libre et démocratique.

Depuis ma nomination en tant que Commissaire à la protection de la vie privée en juin l’année dernière, je présente ma vision de la protection de la vie privée, qui repose sur cette réalité : les Canadiennes et les Canadiens veulent pouvoir participer activement et en toute connaissance de cause au monde numérique, à la société et à l’économie, sans être obligés de choisir entre cette participation et leur droit fondamental à la vie privée.

Les 3 piliers de ma vision sont les suivants :

  1. Le droit à la vie privée est un droit fondamental;
  2. La protection de la vie privée est un moyen de favoriser l’intérêt public et d’appuyer l’innovation et la compétitivité du Canada;
  3. La protection de la vie privée est un moyen d’accentuer la confiance des Canadiennes et des Canadiens envers leurs institutions et en tant que citoyens numériques.

Nous savons que les Canadiennes et les Canadiens se soucient de la protection de leur vie privée. Ils veulent et doivent avoir la certitude que leur droit à la vie privée est protégé afin de pouvoir se sentir en confiance pour participer librement à l’économie numérique. C’est avantageux autant pour les entreprises que pour les gouvernements.

Nous savons également que les organisations des secteurs public et privé doivent s’adapter à l’ampleur et au rythme des progrès technologiques, et qu’elles s’efforcent de fonctionner et d’innover de manière à protéger la vie privée des Canadiennes et des Canadiens ainsi que de leurs clients.

Aujourd’hui, je vous parlerai de l’importance de protéger la vie privée et des travaux du Commissariat à l’échelle nationale et internationale dans ce domaine. J’indiquerai ce que nous pouvons faire pour épauler, orienter et soutenir les organisations afin qu’elles se conforment aux lois applicables en la matière, aujourd’hui et à l’avenir. J’exposerai également pourquoi il s’agit non seulement d’une nécessité, mais aussi d’un investissement judicieux.

Le droit fondamental à la vie privée

Le droit à la vie privée est un droit fondamental. C’est le premier pilier de ma vision et je l’ai répété à chaque occasion qui s’est présentée au cours de l’année depuis ma nomination au poste de Commissaire à la protection de la vie privée.

Selon moi, la vie privée fait partie de tout ce que nous faisons, et le droit de protéger nos renseignements personnels — l’information sur qui nous sommes, ce que nous faisons, où nous allons et ce en quoi nous croyons — est essentiel à notre dignité.

Les conclusions de certaines enquêtes récentes du Commissariat illustrent bien ceci : pouvoir décider s’il y a lieu de communiquer des renseignements nous concernant, dans quelles circonstances et de quelle manière est un droit essentiel. Cela est d’autant plus vrai dans le monde de plus en plus numérique qui est le nôtre aujourd’hui.

L’enquête du Commissariat sur Tim Hortons l’année dernière a permis de décrire comment l’application de l’entreprise suivait les déplacements des utilisateurs même lorsque celle-ci n’était pas utilisée, et ce, à l’insu ou sans le consentement de ces derniers.

En début d’année, nous avons publié les résultats de notre enquête sur la communication par Home Depot de renseignements personnels à Facebook lorsque ses clients optaient pour un reçu électronique lors de leur passage à la caisse.

Nous avons conclu que cette pratique constituait une infraction à la loi en matière de protection des renseignements personnels, en partie parce qu'il est peu probable que les clients de Home Depot se soient attendus à ce que leurs renseignements personnels soient communiqués à un tiers, comme Facebook, simplement parce qu’ils avaient choisi de recevoir un reçu électronique plutôt qu’un reçu imprimé.

Depuis la publication de nos conclusions, le Commissariat a appris que plusieurs autres détaillants se seraient livrés à des pratiques semblables. Nous avons communiqué avec ces entreprises et sommes en train de voir comment elles pourront satisfaire aux attentes découlant de notre enquête.

Les organisations ne devraient pas banaliser l’utilisation des renseignements personnels. Tenir compte de la protection des renseignements personnels dès le départ, cela veut dire, d’une part, prendre des mesures pour s’assurer qu’en tant qu’organisation, vous faites preuve de clarté et de transparence avec les clients au sujet des fins pour lesquelles leurs renseignements personnels sont recueillis, utilisés et communiqués, et, d’autre part, obtenir un consentement valable de ceux-ci au préalable.

Non seulement c’est exigé par la loi, mais c’est aussi un investissement important dans la confiance que les Canadiennes et les Canadiens accordent aux entreprises et à l’économie numérique.

En 2019, le Commissariat a mené une enquête conjointe avec le Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique sur les pratiques de Facebook en matière de protection de la vie privée.

L’enquête a été menée à la suite d’une plainte selon laquelle une société britannique d’experts-conseils, Cambridge Analytica, a eu accès à des données privées de millions d’utilisateurs de Facebook sans leur consentement, afin de les utiliser pour réaliser une modélisation psychographique à des fins politiques.

Facebook a contesté les conclusions de l’enquête et n’a pas accepté de donner suite à nos recommandations. En février 2020, nous avons donc déposé un avis de demande auprès de la Cour fédérale en vue d’obtenir une ordonnance pour que Facebook corrige ses pratiques de traitement des renseignements personnels conformément à la loi canadienne en la matière dans le secteur privé.

Facebook a présenté une demande de contrôle judiciaire distincte pour contester l’enquête et la décision du Commissariat.

Après la tenue d’audiences en début d’année, la Cour fédérale a rejeté les deux demandes le mois dernier.

Vendredi dernier, j’ai annoncé que le Commissariat portait en appel cette décision, car l’affaire soulève d’importantes questions quant à l’interprétation et à l’application des lois sur la protection des renseignements personnels au Canada, lesquelles gagneraient à être clarifiées par la Cour d’appel fédérale.

Les enjeux au cœur de ces affaires sont étroitement liés au droit fondamental à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens et à leur capacité de participer en toute confiance à notre société numérique.

Ils montrent également comment la confiance peut être facilement ébranlée lorsque la vie privée n’est pas suffisamment prise en compte et protégée.

Peu importe ce que vous faites – que vous soyez en train d’acheter un café, de passer à la caisse d’un magasin ou de discuter en ligne avec des amis, vous devez avoir la certitude que vos renseignements personnels sont protégés. Vous voulez choisir quels renseignements sont communiqués, dans quelles circonstances et avec qui.

Par ailleurs, le respect du droit à la vie privée est essentiel parce que ce droit sous-tend de nombreuses autres libertés fondamentales et en permet la pleine jouissance – des droits démocratiques à la liberté d’expression, en passant par le droit d’être protégé contre la discrimination.

Ces dernières années, nous avons pu en observer de nombreux exemples au Canada et dans le monde entier : des enjeux de vie privée ont été soulevés dans des domaines aussi variés que le droit à l’avortement, l’ingérence dans les élections, les interactions avec la police et les pratiques publicitaires.

En 2019, le Commissariat et ses homologues internationaux à l’Assemblée mondiale pour la protection de la vie privée ont déclaré, dans une résolution, que « la protection de la vie privée est une condition préalable aux autres libertés des citoyens ainsi qu’un droit fondamental à la démocratie […] ».

Cette description est conforme à l’interprétation de longue date de la Cour suprême du Canada, selon laquelle les lois sur la vie privée ont un statut quasi constitutionnel. Elle est également conforme aux instruments juridiques internationaux, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui ont reconnu le droit fondamental à la protection de la vie privée.

La protection de la vie privée est aussi étroitement liée à de nombreux enjeux d’intérêt public importants.

Pour n’en citer que quelques-uns : la lutte contre le blanchiment d’argent, la lutte contre l’esclavage moderne, la sécurité nationale et les télécommunications.

En tant que société, il est impératif que nous disposions des outils et des capacités nécessaires pour réaliser ces objectifs d’intérêt public importants. Et en protégeant le droit fondamental à la vie privée, nous devons aussi veiller à ne pas faire obstacle à ces objectifs par inadvertance.

Il est possible de concilier la protection de la vie privée et d’autres intérêts concurrents très importants. Il n’est pas nécessaire de favoriser l’intérêt public ou l’innovation au détriment de la vie privée.

Nous devons tous, quel que soit notre rôle, unir nos efforts pour faire en sorte que le droit fondamental à la vie privée soit protégé tout en atteignant les autres objectifs importants d’intérêt personnel et public.

Il ne s’agit pas ici de choisir une option et d’exclure l’autre, ou encore d’un jeu à somme nulle.

Droit des enfants à la vie privée

Cela est tout particulièrement vrai en ce qui concerne les enfants, qui utilisent Internet à un âge toujours plus précoce chaque année, que ce soit pour l’école ou pour communiquer avec leurs amis.

Nous sommes déjà en présence de la première génération d’enfants nés dans un monde où le numérique fait partie de la réalité quotidienne.

En tant que parent, c’est une réalité avec laquelle je dois composer, et en tant que Commissaire à la protection de la vie privée, c’est une question que je prends très au sérieux.

Nous voulons que les enfants puissent profiter de la technologie et être actifs en ligne, mais qu’ils le fassent en toute sécurité et sans craindre d’être ciblés ou manipulés, ou encore de subir un préjudice.

La semaine dernière, la Brookings Institution a publié un exposé de politique sur les effets négatifs que les entreprises de médias sociaux peuvent avoir sur la santé mentale des mineurs, qui sont souvent confrontés à l’intimidation et au harcèlement sexuel en ligne sur ces plateformes.

Les jeunes sont également moins à même de comprendre et de réaliser les conséquences à long terme d’un consentement à la collecte de leurs données. C’est pourquoi ils ont besoin de mesures de sécurité encore plus importantes en matière de protection de la vie privée.

Le Commissariat a récemment annoncé qu’il mènera une enquête conjointe sur TikTok en collaboration avec les organismes responsables de la protection de la vie privée en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec.

Nous examinerons les pratiques de l’organisation pour établir si elles sont conformes aux lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels. L’enquête portera particulièrement sur ses pratiques de protection des renseignements personnels en ce qui concerne les jeunes utilisateurs, notamment pour établir si l’entreprise a obtenu un consentement valable de la part de ceux-ci pour la collecte, l’utilisation et la communication de leurs renseignements personnels.

Nous avons le pouvoir et le devoir d’en faire davantage pour protéger la vie privée des enfants. Ce sera d’ailleurs l’une de mes principales priorités au cours de la prochaine année.

Intelligence artificielle et quatrième révolution industrielle

Conserver une longueur d’avance sur les progrès technologiques en constante évolution est l’un de mes principaux axes de travail, en particulier pour ce qui est de l’intelligence artificielle (IA) et de l’IA générative.

Les robots conversationnels comme ChatGPT, Bing ou Bard de Google nous offrent des possibilités époustouflantes. Certains les ont comparés à l’ouverture d’une boîte de Pandore. Mais nous devons nous assurer que les risques que pose l’utilisation de tels outils, qui ont une grande incidence sur la vie privée, sont pris en compte de manière appropriée.

Nous devons tenir compte des répercussions sur la vie privée et des préoccupations que suscitent les biais algorithmiques. Nous devons souligner la nécessité d’établir un cadre juridique clair et solide pour réglementer l’utilisation de ces outils. Voilà en quoi consiste l’innovation responsable.

En septembre dernier, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique (ETHI) de la Chambre des communes a réalisé une étude sur la technologie de reconnaissance faciale et a demandé un moratoire sur son utilisation jusqu’à ce qu’elle puisse être examinée par les tribunaux ou par le Commissariat.

J’ai accueilli favorablement le rapport du Comité, qui confirme le besoin urgent de réglementer adéquatement les technologies ayant une incidence sur la vie privée, telles que la reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle, de manière à protéger et à promouvoir le droit fondamental des Canadiennes et des Canadiens à la vie privée.

En avril, le Commissariat a annoncé qu’il avait ouvert une enquête sur l’entreprise qui est à l’origine de ChatGPT afin d’établir si ses pratiques sont conformes aux lois canadiennes en matière de protection de la vie privée.

Le Commissariat surveille le fonctionnement de ces technologies et étudie celles-ci ainsi que d’autres nouvelles technologies afin de prévoir leurs répercussions éventuelles sur la vie privée et de promouvoir les technologies d’amélioration de la confidentialité.

Les répercussions sur la vie privée de la technologie de l’IA constituent également un sujet d’intérêt mondial. Nous continuerons de collaborer avec nos partenaires nationaux et internationaux à cet égard.

Collaboration nationale et internationale

Le Commissariat collabore avec des autorités de protection des données au Canada et à l’étranger, tant en ce qui concerne les questions de politique relatives à la protection des renseignements personnels que l’application de la loi.

Nous collaborons avec nos collègues provinciaux et territoriaux dans le cadre d’enquêtes conjointes et pour établir des orientations stratégiques. Celles-ci sont essentielles dans un monde où les autorités chargées de l’application des lois sur la protection des renseignements personnels sont collectivement confrontées à un nombre croissant de plaintes et à des enjeux de plus en plus complexes.

Mes collègues provinciaux et territoriaux et moi-même avons aussi publié une résolution sur l’identité numérique. Au moment d’annoncer cette résolution, j’ai déclaré que la conception et l’exploitation d’un écosystème d’identité numérique constituent une occasion en or de démontrer comment l’innovation et la protection de la vie privée peuvent coexister.

Nous sommes tous conscients des avantages d’un système qui permettra aux entreprises et aux gouvernements de confirmer l’identité des individus et d’effectuer des transactions en ligne avec un haut degré d’efficacité et de confiance, et qui permettra aux individus de profiter de la commodité et de la rapidité qui sont offertes.

Mais nous devons également reconnaître que si les projets d’identité numérique et les cadres qui les soutiennent ne répondent pas à des normes élevées en matière de protection de la vie privée, de sécurité, de transparence et de responsabilité, ils ne seront pas considérés comme étant suffisamment fiables pour être largement adoptés, et les avantages ne se concrétiseront pas.

La circulation transfrontalière de données constitue un autre domaine d’intérêt mondial.

Lors de la table ronde des autorités de protection des données et de la vie privée du G7 qui s’est tenue l’été dernier à Bonn, la discussion a porté sur la question de la « libre circulation des données en toute confiance », soulignant la nécessité de renforcer la confiance des consommateurs en garantissant des normes internationales élevées en matière de protection pour les données qui circulent au-delà des frontières, avec le droit à la vie privée et à la protection des données comme principe directeur.

Je me réjouis à l’idée de poursuivre ces discussions avec mes collègues du G7 dans quelques semaines à Tokyo, sous la présidence japonaise.

En tant qu’organisme de réglementation de l’une des économies numériques les plus avancées au monde, le Commissariat joue un rôle de premier plan dans les discussions concernant les enjeux numériques et encourage l’adoption de normes plus strictes en matière de protection des données dans le monde entier.

Il est important que la loi canadienne sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé soit interopérable avec d’autres lois, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale, afin de faciliter et de réglementer les échanges commerciaux où sont utilisées des données personnelles. De telles lois servent à donner l’assurance aux citoyens que leurs données sont protégées de façon semblable lorsqu’elles franchissent les frontières.

Le Commissariat s’efforce également d’accroître la coopération et la collaboration entre les sphères réglementaires.

Dans l’économie numérique d’aujourd’hui, avec l’émergence de modèles opérationnels et de plateformes axés sur les données, nous constatons des recoupements croissants entre la protection de la vie privée, la protection des consommateurs, les lois antitrust et d’autres sphères réglementaires.

En mars dernier, le Commissariat a présenté au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie des observations sur l’avenir de la réforme de la Loi sur la concurrence.

Comme les questions de concurrence et de vie privée se recoupent de plus en plus, je suis avec intérêt cet enjeu important.

Dans notre mémoire, nous avons recommandé que cette loi soit révisée afin de permettre une plus grande collaboration entre le Commissariat et le Bureau de la concurrence, en particulier dans le cadre d’examens, d’investigations et d’autres questions de conformité officielles.

L’économie numérique continue de rapprocher plusieurs sphères réglementaires. Cette économie exige une collaboration accrue entre les différents organismes, ainsi que des lois plus rigoureuses afin de pouvoir offrir la protection nécessaire à laquelle les Canadiennes et les Canadiens s’attendent à juste titre.

Nous continuons à chercher des moyens de collaborer plus étroitement avec nos collègues et nos partenaires réglementaires.

Il est également plus important que jamais que les organismes puissent bénéficier d’une prévisibilité réglementaire, en particulier dans des domaines comme les télécommunications, qui sont régies et surveillées par plusieurs organismes de réglementation.

L’objectif n’est pas nécessairement de réglementer davantage, mais de mieux réglementer, de sorte qu’il y ait une interopérabilité d’une frontière à l’autre et entre les sphères réglementaires.

Nous assistons également à l’émergence de tribunes interréglementaires dans d’autres pays, comme le Digital Regulation Cooperation Forum au Royaume-Uni, qui réunit des organismes de réglementation des secteurs de la protection de la vie privée, de la concurrence, des télécommunications et des finances pour échanger des renseignements et collaborer afin de protéger les droits numériques dans l’ensemble des sphères réglementaires.

La question est de savoir quelles seront les répercussions de la numérisation sur notre société, et comment nous pourrons veiller à ce que nos lois protègent nos valeurs et nos droits alors que le rythme du développement technologique s’accélère.

Réforme législative

D’abord, nous avons besoin de lois modernisées sur la protection de la vie privée qui sont neutres sur le plan technologique afin qu’elles puissent résister à l’épreuve du temps.

La loi canadienne sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, soit la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (ou LPRPDE), existe depuis 2000. En juillet prochain, ce sera le 40e anniversaire de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui s’applique aux institutions fédérales.

Je me tourne donc vers l’avenir et me prépare à une réforme législative.

Le gouvernement a franchi une étape importante dans la modernisation de la LPRPDE en déposant le projet de loi C-27, la Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique, qui a été renvoyé pour étude au Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes le mois dernier.

Mes observations et recommandations ont été rendues publiques par le Comité la semaine dernière, et j’ai hâte de pouvoir comparaître devant le Comité pour discuter de cet important projet de loi et donner mon avis sur la façon dont il peut et doit être amélioré davantage.

Dans notre mémoire, qui est publié sur notre site Web, j’affirme que le projet de loi C-27 est un pas dans la bonne direction et je formule 15 recommandations clés qui, selon moi, sont nécessaires pour renforcer le cadre législatif et protéger davantage la vie privée des Canadiennes et des Canadiens tout en soutenant l’économie numérique.

J’ai aussi trouvé encourageants les propos du ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable David Lametti, qui a précisé après le dépôt du projet de loi C-27 que la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, applicable au secteur public, ne saurait tarder.

Il sera important d’assurer une harmonisation, pour faire en sorte que les lois sur la protection des renseignements personnels des secteurs public et privé soient fondées sur les mêmes principes de protection de la vie privée – surtout en tenant compte de la présence accrue des partenariats public-privé.

Leadership et rôles collectifs

Les Canadiennes et les Canadiens se soucient plus que jamais de la protection de leur vie privée. La protection de la vie privée est un moyen de favoriser l’intérêt public et d’appuyer l’innovation et la compétitivité du Canada.

Plus les gens ont la certitude que leur droit à la vie privée est protégé, plus ils se sentiront en confiance pour participer librement à l’économie numérique, et plus ils seront fidèles aux organisations qui prennent des mesures pour protéger leur vie privée.

Ainsi, les organisations qui tiennent compte des répercussions sur la vie privée au début de toute activité d’innovation ou de toute initiative, et qui font en sorte qu’il soit facile pour les Canadiennes et les Canadiens de choisir la protection de leur vie privée comme paramètre par défaut, constateront qu’en fin de compte, cette approche est plus rentable et plus efficace. Les coûts deviendront des investissements ou une mise de fonds pour établir une relation de confiance qui sera profitable à la fois pour les consommateurs et les entreprises, qui appuiera les politiques publiques et qui favorisera l’innovation.

C’est là que le Commissariat peut intervenir.

Nous jouons un rôle important de consultation et de promotion, et pouvons donner des conseils indépendants et spécialisés aux organisations qui prévoient lancer de nouvelles initiatives nécessitant la collecte ou l’utilisation de renseignements personnels.

Nous pouvons aider les organisations à être proactives et à prendre des mesures préventives pour éviter les plaintes dès le départ.

Le Commissariat continue également à fournir de l’information pertinente en temps opportun ainsi que des orientations générales aux entreprises sur son site Web et par l’intermédiaire de ses directions de services-conseils au gouvernement et à l’entreprise, et peut offrir des conseils ciblés pour aider les entreprises à cerner et à évaluer les répercussions sur la vie privée.

Que ce soit au moyen d’évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, qui constituent un outil essentiel pour s’assurer que les nouveaux programmes, les nouvelles politiques et les nouvelles technologies tiennent compte de la protection des renseignements personnels, ou par l’intermédiaire de consultations moins officielles, nous souhaitons créer une culture de protection de la vie privée où des mesures sont prises et des investissements sont faits en vue d’assurer et de renforcer la protection.

Le Commissariat constate que de plus en plus d’organisations demandent des conseils et des orientations sur leurs obligations. À l’approche d’une réforme de la loi dans le secteur privé, nous envisageons un besoin encore plus grand d’orientations cohérentes sur la façon dont les organisations pourront se conformer à une nouvelle loi fédérale sur la protection des renseignements personnels tout en participant pleinement à l’économie numérique.

Nous voulons également comprendre la réalité opérationnelle des organisations et les défis auxquels elles sont confrontées.

Il est important de connaître ce contexte, car cela nous aide à donner des orientations et des conseils éclairés.

Ce que j’espère, lorsque les organisations consulteront le Commissariat, c’est que nous serons satisfaits des mesures prises pour protéger la vie privée ou que nous serons en mesure de fournir des conseils qui permettront de rectifier le tir dès le départ.

Je suis convaincu que la tenue de ces consultations avec le Commissariat rassure les Canadiennes et les Canadiens sur le fait que leur vie privée est dûment prise en compte et qu’elle est protégée comme il se doit, ce qui renforce la confiance envers nos institutions.

Ce qui me permet de souligner le rôle important que vous jouez tous, en tant que dirigeants et experts de l’industrie, pour veiller à ce que la vie privée soit prise en compte dès le départ et à ce que ce travail important soit communiqué clairement à la population canadienne.

Vous devez prendre des mesures pour vous assurer qu’en tant qu’organisation, vous faites preuve de clarté et de transparence au sujet des fins pour lesquelles les renseignements personnels sont recueillis, utilisés et communiqués, et que vous obtenez un consentement valable au préalable.

Cela signifie que la collecte, l’utilisation, la conservation et la communication de renseignements personnels doivent être limitées à ce qui est strictement nécessaire et proportionnel pour atteindre les objectifs de votre organisation, laquelle doit faire preuve de transparence à cet égard.

Il faut donc former adéquatement les personnes qui traitent ces renseignements sur l’importance de protéger la vie privée, et mettre en place des mécanismes de contrôle pour assurer la responsabilité.

La bonne nouvelle, c’est que les ressources consacrées à la protection et à la promotion de la vie privée sont des investissements judicieux dans la sécurité des Canadiennes et des Canadiens et dans leur confiance envers les organisations.

Comme je l’ai déjà mentionné, il s’agit d’une mise de fonds en vue d’établir une relation de confiance qui sera profitable à la fois pour les investisseurs et les consommateurs alors que nous progressons vers une culture de protection de la vie privée.

Conclusion

Je me réjouis à l’idée de continuer à trouver des moyens de travailler ensemble – dirigeants de l’industrie, organismes de réglementation, consommateurs et citoyens – afin que les Canadiennes et les Canadiens puissent profiter en toute confiance des nombreux avantages et de la commodité qu’offre la technologie.

La vie privée n’est pas incompatible avec l’intérêt public. La vie privée et l’innovation peuvent coexister.

Des mesures rigoureuses de protection de la vie privée peuvent devenir un avantage concurrentiel.

Je vous souhaite à tous une excellente conférence.

Merci.

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