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Déclaration du commissaire à la protection de la vie privée du Canada sur son rapport annuel de 2020-2021 au Parlement

Le 9 décembre 2021

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien, a prononcé la déclaration suivante lors d’une conférence de presse.

(Le texte prononcé fait foi)


Bonjour.

Comme certains d’entre vous le savent, mon mandat à titre de commissaire prendra fin en juin. Il s’agit donc de mon dernier rapport annuel au Parlement.

Depuis le début de mon mandat, en 2014, le Commissariat s’efforce de faire progresser la protection de la vie privée, en publiant des documents d’orientation, par exemple sur le consentement valable et la réputation en ligne, et en menant des enquêtes. Ces enquêtes ont fait ressortir à quel point les menaces pour nos droits sont bien réelles. Il peut s’agir de menaces à nos droits démocratiques, comme dans le dossier Facebook et Cambridge Analytica, ou de surveillance de masse, comme dans le dossier Clearview. Généralement, nos tentatives afin de mieux protéger les droits se sont butées à d’importantes lacunes dans nos lois.

Dans les lois fédérales sur la vie privée, nos valeurs comme société et nos droits fondamentaux − en place parfois depuis des siècles − ne sont pas adéquatement protégés. Cette situation doit changer, d’où le titre du présent rapport : Projeter nos valeurs dans nos lois – Les fondements d’une innovation responsable.

Il ne fait aucun doute que l’économie moderne dépend de la valeur des données, et cette dépendance est appelée à croître. La pandémie nous a aussi fait prendre conscience que les technologies numériques peuvent servir le bien commun.

Si l’on veut instaurer une économie durable après la pandémie, une économie qui profite à tous, ce qui est l’objectif principal du gouvernement selon le Discours du Trône, il faudra faire une utilisation responsable des données personnelles.

Je suis d’accord avec l’intention du défunt projet de loi C-11, qui consistait à donner aux organisations une plus grande souplesse dans l’utilisation des renseignements personnels, même sans consentement, si des intérêts commerciaux légitimes le justifient.

Cette souplesse devrait cependant s’exercer dans un cadre fondé sur les droits qui reconnaît le droit fondamental à la vie privée. Une plus grande souplesse devrait également s’accompagner d’une plus grande responsabilité de la part des entreprises.

Nous n’avons pas besoin de plus d’autoréglementation. Ce dont nous avons besoin, c’est de plus de réglementation, c’est-à-dire l’adoption démocratique de normes objectives et connaissables, appliquées par des institutions désignées démocratiquement – comme le Commissariat à la protection de la vie privée − qui peuvent veiller à ce que les organisations soient véritablement responsables.

La protection de la vie privée et la croissance économique ne sont pas des valeurs contradictoires. Au contraire, il ne peut y avoir de croissance durable sans la confiance des consommateurs, et il ne peut y avoir de confiance sans la protection des droits.

Les pays qui sont des leaders en matière d’innovation l’ont déjà compris. Le Canada devrait emboîter le pas.

Un nouveau Parlement offre la possibilité d’adopter de nouvelles lois adaptées au XXIe siècle.

Tel est le message que j’ai formulé dans des lettres transmises récemment au premier ministre, à des ministres et aux chefs de partis siégeant à la Chambre des communes.

Ces lettres décrivent des enjeux clés dont il faudrait tenir compte dans la conception de nouvelles lois :

  • favoriser l’innovation responsable;
  • adopter un cadre fondé sur les droits;
  • accroître la responsabilité des entreprises;
  • adopter des principes similaires dans les lois applicables aux secteurs public et privé − étant donné le recours de plus en plus fréquent aux partenariats public-privé, comme nous l’avons constaté par exemple dans le dossier Clearview;
  • veiller à ce que les lois canadiennes soient interopérables, tant au niveau international qu’au niveau national;
  • adopter des recours rapides et efficaces, notamment en consentant au Commissariat le pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires à l’encontre des contrevenants et d’imposer des sanctions pécuniaires importantes lorsque la situation le justifie.

Le régime canadien de protection de la vie privée tire de l’arrière par rapport aux lois de bon nombre de ses partenaires commerciaux dans le monde. D’ailleurs, ce régime tire aussi de l’arrière ici même au pays, puisque des provinces interviennent pour combler les lacunes.

Le Parlement fédéral devrait suivre l’exemple des trois provinces les plus populeuses du pays, qui ont fait des propositions en faveur d’une innovation numérique responsable dans un cadre juridique qui reconnaît la vie privée comme un droit de la personne.

Le projet de loi 64 au Québec, adopté en septembre, et le récent livre blanc publié en juin en Ontario, exposent tous deux une approche fondée sur les droits et proposent d’élargir la portée de leurs lois dans le domaine.

Un rapport parlementaire de la Colombie-Britannique publié cette semaine présente des recommandations similaires.

Bien que ces initiatives soient excellentes, elles ne dispensent pas le gouvernement fédéral de la responsabilité de veiller à ce que tous les Canadiens soient protégés de cette manière.

Une loi fédérale qui permettrait d’atteindre cet objectif rassurerait les citoyens en leur garantissant une protection semblable dans tout le pays.

Elle profiterait également aux organisations commerciales en établissant des normes interopérables, en réduisant les coûts de conformité et en augmentant la compétitivité.

Comme société, nous devons projeter nos valeurs dans nos lois sur le numérique.

Nos citoyens ne s’attendent à rien de moins de la part de leurs institutions publiques.

C’est à cette condition que la confiance en l’économie numérique, abîmée par de nombreux scandales, reviendra.

Nous accueillons favorablement de récentes observations du premier ministre et du ministre Champagne, qui cadrent avec l’approche que nous préconisons.

Plus précisément, que nous avons besoin d’un cadre réglementaire qui reflète les valeurs canadiennes, et que les avantages de participer à l’espace numérique ne doivent pas se réaliser au détriment des droits des citoyens.

Récemment, le ministre Champagne a confirmé qu’un projet de loi fédéral serait probablement déposé l’année prochaine, ce qui est une très bonne chose.

Il a aussi précisé que ce projet de loi abordera la question des algorithmes, au cœur de l’intelligence artificielle.

Ces outils technologiques sont utiles, ils sont la voie de l’avenir, mais ils sont opaques, et ils sont d’une importance cruciale dans la protection de la vie privée.

La réforme législative devrait donc en priorité donner au Commissariat le pouvoir d’inspecter de manière proactive les pratiques relatives à ces technologies, pour s’assurer qu’elles sont appliquées de façon conforme aux valeurs et aux droits des Canadiens.

Les Canadiens veulent être mieux protégés lorsqu’ils participent à l’économie numérique. Le Commissariat compte collaborer avec le gouvernement et le Parlement dans l’établissement de nouvelles lois qui les protègent efficacement.

Je répondrai volontiers à vos questions.

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