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Tracer un chemin vers une meilleure protection: L'établissement et la mise en oeuvre des priorités stratégiques de protection de la vie privée du Commissariat

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Allocution prononcée à un dîner des chefs des organismes fédéraux

Le 15 octobre 2015
Ottawa (Ontario)

Allocution prononcée par Daniel Therrien
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(Le texte prononcé fait foi)


Introduction

Lors de mon allocution, je parlerai surtout de la démarche entreprise par le Commissariat afin d’établir et de mettre en œuvre ses priorités stratégiques pour la protection de la vie privée. Ces priorités serviront à orienter notre travail au cours des cinq prochaines années.

J’aborderai plusieurs facettes de cet exercise, soit :

  • la méthode que nous avons utilisée pour établir ces priorités – entre autres, en consultant les intervenants et le public;
  • ce que nous avons entendu;
  • les priorités que nous avons retenues;
  • les activités que nous entreprenons en lien avec ces priorités; et
  • les stratégies que nous mettrons en œuvre pour atteindre nos objectifs.

Je parlerai aussi brièvement des mesures que nous prenons pour nous assurer de canaliser nos ressources de manière à aller dans le sens des priorités.

Ainsi, j’espère vous aider à mieux comprendre les éléments qui orienteront le travail du Commissariat au cours des années qui viennent et vous donner une bonne idée des préoccupations du public concernant la protection de la vie privée.

Notre objectif

Au départ, notre démarche s’articulait autour d’un objectif central primordial : amener les Canadiens à exercer un meilleur contrôle sur leurs renseignements personnels. En fait, cet objectif est au cœur de la vision que j’ai défini dès le début de mon mandat en juin 2014.  

Le contexte

Par conséquent, j’ai jugé que l’une de mes premières tâches devrait être de consulter les Canadiens, pour déterminer quelles sont leurs préoccupations les plus urgentes concernant la protection de la vie privée, et dans quels domaines ils éprouvent le besoin de reprendre un certain contrôle.

Il va sans dire que la technologie a progressé à pas de géant au cours de la dernière décennie et que les efforts de protection de la vie privée doivent suivre le rythme.

Arrêtons-nous un instant à un seul fait : en 2007, la société Apple lançait le iPhone sur le marché. En 2015, plus de 1,4 million d’applications avaient été développées pour cet appareilNote de bas de page 1.

Au cours de la même période, le nombre d’abonnés aux services mobiles a augmenté, passant d’un peu plus de 19 millions à près de 29 millions au CanadaNote de bas de page 2.

Un autre fait : 90 % des données dans le monde aujourd’hui ont été créées au cours des deux dernières annéesNote de bas de page 3.

Ce que nous avons entendu

Pour établir nos priorités, nous nous sommes tournés vers les Canadiens de tout le pays en organisant des groupes de discussion.

Nous avons également tenu des tables rondes dans cinq villes du Canada et discuté avec 155 intervenants des secteurs public et privé, d’établissements universitaires, d’organisations de la société civile et de regroupements de consommateurs.

À cet égard, j’aimerais remercier pour leur participation certains organismes représentés ici aujourd’hui, entre autres le Bureau de la concurrence, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Nous voulions connaître les questions de protection de la vie privée qui étaient les plus importantes pour les participants, savoir pourquoi, et déterminer les mesures particulières qui pouvaient être prises pour avoir la plus grande incidence et par qui elles devraient être prises – particuliers, organisations, organismes de réglementation ou législateurs.

Notre démarche nous a permis de mieux comprendre les préoccupations des différents groupes et nous a donné une bonne idée des domaines où nous devrions concentrer nos efforts pour tirer le maximum de nos ressources.

J’aimerais maintenant vous parler des principaux thèmes qui sont ressortis de ces discussions.

Le consentement

Les lois canadiennes sur la protection de la vie privée sont fondées sur la capacité des individus à exercer un contrôle sur leurs renseignements personnels–et cette capacité repose quant à elle sur la qualité du consentement.

Les personnes et les organisations consultées ont toutes exprimé leurs préoccupations concernant le consentement. Plusieurs intervenants ont souligné que les politiques de protection de la vie privée des compagnies – ce que vous lisez avec de cliquer « J’accepte » - étaient souvent des énoncés de nature juridique longs et incompréhensibles. Évidemment, ces personnes veulent être mieux informées de la façon dont leurs renseignements personnels seront utilisés et par qui.

Parfois, les politiques manquent effectivement de clarté parce qu’elles sont formulées de manière à protéger les organisations plutôt qu’à informer les utilisateurs. Mais ce n’est pas le seul facteur en cause.

Parfois, l’avis donné aux individus est insuffisant parce que les organisations qui recueillent des renseignements personnels ne connaissent pas au moment de la collecte toutes les façons dont elles pourraient utiliser ces renseignements plus tard.

C’est d’autant plus vrai en raison de l’accroissement des mégadonnées (big data). En fait, à une époque où les analyses et les algorithmes trouvent de nouvelles utilisations possibles de données qui ne sont même pas encore créées ou imaginées à l’heure actuelle, de nombreux participants – surtout du secteur privé – ont demandé s’il était réaliste de chercher à obtenir un consentement ponctuel en échange de renseignements personnels.

Les préoccupations associées à la surveillance

La surveillance exercée par le gouvernement constitue une autre préoccupation clé qui est ressortie des discussions avec les personnes et les intervenants.

Les personnes acceptaient généralement une certaine surveillance exercée par le gouvernement pour assurer la sécurité nationale et prévenir les actes criminels.

Toutefois, lorsqu’on les interrogeait sur la surveillance de leurs comunications, plusieurs se sont dits préoccupés qu’on établisse leur profil à leur insu et ils s’inquiétaient de la violation des droits et libertés qui pouvait en découler.

Plusieurs ont réclamé une transparence accrue de la part des autorités pour rassurer le public et gagner sa confiance.

Les participants nous ont également encouragés à faire preuve d’un leadership fort dans ces dossiers, en particulier au sujet du projet de loi C-51, qui depuis est devenu loi.

La circulation des données dans un monde sans frontières

Les participants ont également exprimé diverses préoccupations concernant l’absence de frontières dans l’économie numérique actuelle.

Les personnes sont généralement mal à l’aise à l’idée que l’on transmet leurs renseignements personnels à l’extérieur du Canada et considèrent que les lois des autres pays protègent moins la vie privée.

De leur côté, les organisations ont fait part de leurs préoccupations concernant le manque d’harmonisation des lois sur la protection de la vie privée à l’échelle internationale – et le fardeau qu’elles subissent du fait qu’elles sont réglementées par plusieurs agences à travers le monde.

Le corps comme source d’information

Bon nombre d’experts se sont dits très préoccupés par les risques d’atteinte à la vie privée associés aux nouvelles technologies comme les appareils médicaux et les accessoires que l’on porte sur soi visent à mesurer notre activité physique.

Ils ont souligné que l’émergence d’analyses puissantes permettrait d’utiliser des renseignements très personnels à de nombreuses fins secondaires, par exemple les assurances et de nombreuses autres utilisations que nous ne pouvons même pas encore imaginer.

Le droit à l’oubli

Les participants ont aussi parlé des défis et des conséquences liés à l’existence d’un passé numérique.
Plusieurs intervenants ont demandé au Commissariat d’examiner plus en profondeur les questions touchant le droit à l’oubli.

Les groupes vulnérables

Par ailleurs, tant les intervenants que les participants aux groupes de discussion ont affirmé que certains groupes étaient particulièrement exposés aux menaces qui planent sur la vie privée.

Par exemple :

  • les jeunes font face à des risques plus élevés d’atteinte à leur réputation en raison de la nature et de l’abondance des renseignements personnels qu’ils communiquent en ligne;
  • personnes âgées, qui sont parfois novices dans l’utilisation des technologies numériques.

Ce que nous avons décidé

Après avoir analysé et pris en compte ce que nous avions entendu, nous avons établi quatre priorités stratégiques pour la protection de la vie privée :

  • l’économie des renseignements personnels;
  • la surveillance du gouvernement;
  • la réputation et le respect de la vie privée; et
  • le corps comme source d’information.

La première priorité, soit l’économie des renseignements personnels, porte sur la marchandisation des renseignements personnels et l’élaboration de nouveaux modèles d’affaires articulés autour de l’utilisation de mégadonnées, de l’Internet des objets et des services mobiles. Notre objectif est ici de renforcer la protection de la vie privée et la confiance des gens pour qu’ils puissent participer avec assurance à l’économie innovante du numérique.

À court terme – c’est-à-dire le printemps prochain –, nous produirons un document de travail faisant état des divers problèmes que pose le modèle de consentement actuel.

Nous examinerons les solutions possibles, comme les codes de pratique de l’industrie et d’autres formes d’autoréglementation; une responsabilisation accrue, ce qui, d’après certains, attribue davantage la responsabilité à ceux qui sont en mesure d’évaluer le risque; et une réglementation renforcée, y compris la délimitation de « zones interdites » où les renseignements personnels devraient toujours être protégés.

À moyen terme, nous déterminerons les améliorations qui pourraient être apportées au modèle en place, nous appliquerons les solutions qui relèvent de notre compétence et nous recommanderons les modifications législatives nécessaires.

Dans le cadre de la deuxième priorité, soit la surveillance du gouvernement, nous consacrerons d’importantes ressources aux activités de conformité pour nous assurer que la communication d’information rendue possible en vertu de nouvelles lois est conforme à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous présenterons nos conclusions aux parlementaires et au public. Si nous constatons des problèmes ou des lacunes, nous recommanderons des mesures pour améliorer les politiques ou la législation.

Notre objectif ultime est de contribuer à l’adoption et à l’application de lois et d’autres mesures qui ont manifestement pour effet de garantir tant la sécurité nationale que la protection de la vie privée.

Dans le cadre de la troisième priorité, soit la réputation et le respect de la vie privée, nous travaillerons à renforcer la culture numérique au sein des populations vulnérables. Nous nous pencherons également sur le droit à l’oubli et d’autres mécanismes de recours. En somme, notre objectif consistera à créer un environnement où les gens pourront se servir d’Internet pour explorer leurs intérêts sans craindre que leur trace numérique n’entraîne un traitement injuste.

En ce qui a trait au corps comme source d’information, notre objectif sera de faire la promotion du respect de la vie privée et de l’intégrité du corps humain comme véhicule de nos renseignements personnels les plus intimes.

À court terme, il sera primordial d’effectuer une analyse du contexte pour les applications et les technologies numériques en place et nouvelles dans le domaine de la santé, comme les applications de conditionnement physique et les moniteurs de fréquence cardiaque.

Nous prévoyons tester ces nouveaux produits dans notre propre laboratoire de technologie afin de mieux comprendre leurs répercussions sur la vie privée.

Cette initiative va dans le sens de notre objectif à moyen terme consistant à élaborer, à l’intention des entreprises canadiennes de technologie numérique dans le domaine de la santé et des concepteurs d’applications, entre autres, des lignes directrices sur la façon d’intégrer des mesures de protection de la vie privée dans leurs nouveaux produits ou services tout en évitant certaines zones interdites.

Notre façon de procéder

Pour progresser sur le front de ces priorités, nous concentrerons nos activités sur cinq stratégies transversales :

  • étudier des moyens novateurs et technologiques de protéger la vie privée;
  • augmenter la responsabilisation et promouvoir une bonne gouvernance en matière de protection de la vie privée;
  • prendre en compte le fait que la vie privée n’a pas de frontières;
  • accroître notre rôle d’éducation du public;
  • accorder une attention particulière aux groupes vulnérables.

Ces nouvelles priorités et stratégies définissent de manière concrète la voie que notre organisation compte tracer pour atteindre l’objectif primordial que j’ai mentionné un peu plus tôt, c’est-à-dire amener les Canadiens à exercer un meilleur contrôle sur leurs renseignements personnels.

Les diverses directions du Commissariat travaillent à des projets précis découlant de chaque priorité et comportant des objectifs à court, moyen et long terme dont la haute gestion devra rendre compte. Nous entendons ainsi obtenir des résultats concrets pour les Canadiens.

Pour appuyer ce travail de façon durable, nous revoyons les crédits budgétaires attribués aux directions pour nous assurer que les activités à l’appui des nouvelles priorités bénéficient d’un financement adéquat. Cela sous-entend une redistribution des ressources en fonction des besoins.

Sur le plan opérationnel, les priorités guideront nos décisions concernant le travail que nous entreprenons.
Ainsi, les priorités influenceront le choix des enquêtes que nous ouvrirons à l’initiative du commissaire, les activités de sensibilisation du public et de recherche que nous mènerons et les audits que nous lancerons.

Conclusion

En conclusion, je tenais à vous parler aujourd’hui de l’établissement de nos priorités pour vous donner une idée de nos orientations stratégiques et des principales mesures opérationnelles que nous prendrons pour les cinq prochaines années.

Si vous souhaitez en savoir plus sur cette démarche et sur ce que nous avons appris, je vous invite à vous rendre sur notre site Web pour consulter le rapport sur le sujet que nous avons affiché en ligne en juin dernier.

Je voulais aussi souligner que notre orientation est guidée par les préoccupations soulevées non seulement par le Commissariat, mais aussi par une vaste gamme d’intervenants des secteurs public et privé, de la société civile ainsi que par des Canadiens à titre particulier.

Nous avons pris des mesures pour savoir ce que les Canadiens pensent de la protection de la vie privée. Aujourd’hui, je peux vous affirmer que ce sujet les préoccupe énormément de toute évidence et que la protection de leurs renseignements personnels leur tient à cœur.

Dans une société et une économie fondées sur l’information, les enjeux et les préoccupations concernant la vie privée revêtent plus d’importance que jamais.

Qu’il s’agisse d’une jeune entreprise technologique mettant au point une nouvelle application mobile ou d’un organisme fédéral élaborant un nouveau programme, il est de plus en plus crucial de respecter la vie privée pour gagner et conserver la confiance du public.

Un cas majeur d’atteinte à la vie privée ou de mauvaise utilisation des données peut causer beaucoup de tort à toute organisation. Mais n’oublions pas une chose : c’est généralement par nécessité, et non par choix, que les Canadiens fournissent aux institutions fédérales des renseignements personnels les concernant.

C’est pourquoi bien des gens estiment que le gouvernement a une obligation de diligence accrue; le risque d’atteinte à la réputation associé à ce genre d’incidents est souvent élevé dans le cas des institutions fédérales.

La protection de la vie privée est donc un enjeu stratégique de plus en plus important pour les organisations comme la vôtre. Et le respect de la vie privée constitue de plus en plus un élément fondamental pour établir et maintenir un lien de confiance avec le public.

Je vous remercie.

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