Résultats réels — Vol. 1
La recherche innovatrice pour protéger les droits relatifs à la vie privée
Commissariat à la protection de la vie privée du Canada
Avril 2013
No de cat. : IP51-5/2013F
ISSN : 2291-5044
Introduction
De l’utilisation d’un téléphone intelligent pour transférer des fonds au passage d’une carte pour pénétrer dans nos bureaux, la technologie est omniprésente dans toutes les tâches de notre quotidien.
Ces avancées technologiques rendent notre vie un peu plus facile, mais du même coup elles créent et donnent accès à une grande quantité de données – les gens que nous fréquentons, nos habitudes, ce que nous aimons et n’aimons pas.
Comment nos renseignements sont-ils utilisés pour orienter les décisions qui nous concernent, nous et les gens qui nous entourent? Savons-nous comment mieux protéger nos renseignements personnels dans le monde moderne? Quelle incidence la technologie a-t-elle sur notre vie privée?
Des résultats réels
Le Programme des contributions du Commissariat à la protection de la vie privée finance des recherches indépendantes de pointe et des projets de sensibilisation portant sur la protection de la vie privée et visant à générer de nouvelles idées, approches et connaissances au sujet de la vie privée au Canada. Non seulement ces projets font progresser le savoir collectif sur les questions liées à la protection de la vie privée et à la surveillance, mais ils offrent également de vrais résultats de recherche tangibles que les Canadiennes et les Canadiens peuvent utiliser pour prendre des décisions éclairées concernant la protection de leur propre vie privée.
Les projets présentés ici constituent un échantillon de la recherche indépendante novatrice et de pointe que le Commissariat appuie depuis le lancement du Programme des contributions en 2004.
Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada
Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (Commissariat) a pour mission de protéger et de promouvoir le droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. En vertu de son mandat, le Commissariat a la responsabilité de surveiller le respect de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui s'applique au secteur public fédéral, et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
À titre de défenseur du droit à la vie privée au Canada, le Commissariat a pour mandat de sensibiliser le grand public et de favoriser la compréhension des droits en matière de protection de la vie privée de plusieurs façons, notamment par l’entremise de la recherche. Par le truchement de son Programme des contributions, le Commissariat finance la recherche qui relève de la LPRPDE.
Identités volées, vies volées
Après avoir entendu trop d’histoires « tragiques », Darrell Evans a décidé de lutter contre le vol d’identité — le « crime parfait, sans violence et extrêmement lucratif »
Auteurs : Darrell Evans et ses collègues de la Freedom of Information and Privacy Association (FIPA) de la Colombie Britannique
Enjeu clé en matière de protection de la vie privée : Le vol d’identité figure parmi les crimes sans violence les plus graves et dont la fréquence augmente le plus rapidement en Amérique du Nord. Les victimes subissent des conséquences dévastatrices — qu’il s’agisse de finances réduites à néant, de mauvaise cote de crédit, de titres de propriété perdus ou de faux casiers judiciaires. La plupart du temps, elles doivent se débrouiller toutes seules dans le dédale des recours possibles.
Objectif de la recherche : Avec le soutien du Programme des contributions du Commissariat, la FIPA a réalisé une étude approfondie du problème que constitue le vol d’identité principalement au Canada, y compris les enjeux juridiques et la protection offerte par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). Le rapport comportait un ensemble de recommandations pour améliorer la protection contre le vol d’identité au Canada.
Résultats de la recherche : Le rapport est devenu une lecture indispensable pour quiconque s’intéresse de près aux obligations des entreprises en ce qui concerne le vol d’identité ou désire comprendre comment la LPRPDE peut servir à protéger l’intérêt des consommateurs, notamment par le dépôt d’une plainte en vertu de la LPRPDE. Plus récemment, il a mené à la création du Centre de soutien aux victimes de vol d’identité du Canada, une organisation de bienfaisance nationale dont le but est d’apporter un soutien aux victimes, réelles et potentielles, de fraude et de vol d’identité.
Même si la Freedom of Information and Privacy Association de la Colombie Britannique, mieux connue sous l’acronyme « FIPA », a été créée à l’origine pour étudier certaines questions relatives aux droits des citoyens en matière d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels au Canada, et pour proposer des mesures législatives afin de protéger ces droits, cela n’a pas empêché son directeur général, Darrell Evans, d’être outré par les appels téléphoniques qu’il a commencé à recevoir de la part de gens ayant des histoires étrangement semblables.
« Des gens nous appelaient : ils avaient complètement perdu le contrôle de leur vie parce que la confidentialité de leurs renseignements personnels avait été mise en péril », raconte Darrell Evans, qui a pris sa retraite l’an dernier après vingt deux années de service à titre de directeur de la FIPA.
« C’était des cas tragiques où des individus ont perdu leur emploi, ont vu leur réputation détruite ou se sont retrouvés dans une situation financière extrêmement difficile. Bon nombre d’entre eux étaient pris dans un cauchemar “ kafkaïen ” dont il semblait pratiquement impossible de sortir. »
Les plaintes étaient diverses et portaient sur ce que M. Evans décrit comme des « abus de renseignements personnels », notamment l’ajout de renseignements faux ou périmés sur des personnes dans des dossiers du gouvernement ou d’entreprises, la communication illégale de renseignements confidentiels de nature psychiatrique, médicale et financière, la transmission de « faits » non vérifiés à des fonctionnaires par des voisins malveillants et le vol pur et simple de renseignements personnels.
M. Evans a écouté avec effroi les plaignants décrire leur arrestation illégale, la perte de leur emploi ou de leurs prestations gouvernementales, leur combat pendant des années pour faire reconnaître le traitement injuste subi de la part de fonctionnaires ou leur stigmatisation à tout jamais pour un acte qu’ils n’avaient pas commis.
Il a aussi commencé à entendre des histoires de plus en plus nombreuses concernant le vol d’identité. Après l’usurpation de leurs renseignements personnels, de nombreuses victimes découvraient que leurs comptes bancaires avaient été vidés, que leurs cartes de crédit avaient été utilisées jusqu’à la limite pour des achats qu’ils n’avaient pas faits et, dans quelques cas, que leur maison était grevée d’importantes hypothèques.
Des victimes piégées dans un « tissu de mensonges »
« Les quelques programmes mis en place par le gouvernement et le secteur privé offraient de l’information générale et la possibilité de signaler les vols et les abus de renseignements personnels », se rappelle M. Evans, « mais c’était bien loin de l’aide dont avaient besoin les victimes pour commencer à se dépêtrer du bourbier de mensonges dans lequel ils se trouvaient. »
M. Evans a senti qu’il devait absolument faire quelque chose.
« Notre idée consistait à documenter la nécessité d’une réforme complète afin de combler les vides juridiques qui ont permis la croissance du vol d’identité et des autres abus de renseignements personnels. Nous voulions aussi un programme pratique, ou même un atelier juridique, où l’on pourrait s’occuper de cas et guider les gens à travers les étapes complexes pour corriger leurs renseignements et réparer les torts subis par le vol de leur identité. »
M. Evans et ses collègues de la FIPA ont toutefois estimé qu’ils devaient d’abord faire des recherches pour en savoir davantage sur les droits individuels existants dans le cadre des lois, des politiques, des normes et des pratiques de gestion.
Soutenue par un financement accordé dans le cadre du Programme des contributions du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, la FIPA a réalisé une étude approfondie sur le vol d’identité. PIPEDA and Identity Theft: Solutions for Protecting Canadians est une évaluation exhaustive de l’ampleur du problème au Canada.
« Le crime parfait, non violent et très lucratif »
Le rapport explique aussi en détail les méthodes de vol d’identité, les questions de droit lors de poursuites, les mesures législatives prises aux États‑Unis et la protection qu’offre la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) au Canada. La conclusion du rapport comporte un ensemble de recommandations visant à améliorer la protection contre le vol d’identité au pays.
En décrivant le vol d’identité comme le « crime parfait, non violent et très lucratif », le document a touché dans le mille.
« Le rapport s’est révélé la ressource la plus populaire sur le site Web de la FIPA — et de loin », fait remarquer M. Evans.
Il est également devenu le point de départ du lancement d’une conférence intitulée « Privacy and ID Theft », organisée par la FIPA et coparrainée par le Commissariat. C’est pendant la conférence qu’a vraiment pris forme l’idée de créer un centre de ressources pour aider les victimes de vol d’identité.
Après la conférence, M. Evans et ses collègues de la FIPA ont demandé avec succès une subvention auprès du Fonds des victimes du ministère de la Justice, afin de réaliser une étude de faisabilité et d’élaborer un plan d’activités en vue de la mise sur pied d’un centre de soutien complet aux victimes, d’un programme de sensibilisation et d’un organisme de recherche.
Aider les victimes
Officiellement lancé en 2012, le Centre de soutien aux victimes de vol d’identité du Canada est une organisation de bienfaisance nationale dont le but est d’apporter un soutien aux victimes, réelles et potentielles, de fraude et de vol d’identité. Il offre gratuitement aux Canadiennes et Canadiens victimes de vol d’identité des conseils d’experts ainsi qu’une boîte à outils. Le Centre cherche actuellement à obtenir un financement à long terme pour pouvoir poursuivre ses activités.
« Les piètres pratiques de protection de la vie privée et le non-respect répandu à l’égard des renseignements personnels sont des problèmes permanents », indique M. Evans. « Le vol d’identité et les abus de protection des renseignements personnels continuent de croître. »
Le Centre de soutien aux victimes de vol d’identité du Canada fait certainement ce qu’il peut pour aider les victimes à reprendre le contrôle de leurs renseignements personnels et de leur vie.
Qu’est-ce que le vol d’identité?
Le « vol d’identité » se produit lorsqu’un imposteur utilise les renseignements personnels d’une personne à son insu ou sans son consentement dans le but de commettre une fraude. Les cas vont de la falsification de chèques personnels et au vol de numéros de carte de crédit à des arnaques sophistiquées où les fraudeurs adoptent la personnalité de quelqu’un d’autre pour voler des biens et avoir accès au crédit disponible — comptes bancaires, comptes de carte de crédit et même des titres de propriété.
Lorsqu’un individu obtient et recueille les renseignements personnels de quelqu’un d’autre à des fins frauduleuses, il commet un crime grave. Le 8 janvier 2010, le projet de loi S‑4 [Loi modifiant le Code criminel (vol d’identité et inconduites connexes)] a été adopté, rendant illégale la possession de renseignements sur l’identité d’une autre personne à des fins criminelles.
Êtes-vous une victime?
Vous pourriez être victime de vol d’identité si quelqu’un utilise votre nom, votre numéro d’assurance sociale (NAS), votre numéro de carte de crédit ou tout autre type de renseignement personnel vous concernant à votre insu.
Vous a-t-on volé votre identité? Voici ce à quoi vous devez faire attention :
- Vous vous rendez compte que quelqu’un a fait une demande de crédit en utilisant votre nom et adresse, à votre insu et sans votre consentement.
- Vous recevez un appel ou une lettre qui vous annonce que votre demande de crédit a été acceptée ou refusée, alors que vous n’avez jamais présenté une telle demande.
- Vous recevez des relevés de carte de crédit ou d’autres factures pour des comptes que vous ne vous souvenez pas d’avoir ouverts.
- Vous ne recevez plus vos relevés de carte de crédit ou d’autres relevés et factures par la poste, comme c’était habituellement le cas.
- Vous recevez un appel téléphonique d’une agence de recouvrement pour un compte impayé à votre nom que vous n’avez jamais ouvert.
Boîte à outils de la victime
Le Centre de soutien aux victimes de vol d’identité du Canada a créé une boîte à outils complète pour aider les Canadiennes et les Canadiens qui sont confrontés au problème accablant et grandissant qu’est le vol d’identité. La boîte à outils peut être téléchargée à partir du site Web du Centre.
Un crime trop peu souvent signalé
Selon les dernières statistiques du Centre antifraude du Canada (CAFC), le nombre de victimes de fraude d’identité au Canada a diminué en 2011, mais les pertes totales en argent ont augmenté.
Le CAFC, anciennement Phonebusters, a été mis sur pied à la suite d’efforts concertés de la GRC, de la Police provinciale de l’Ontario (OPP) et du Bureau de la concurrence du gouvernement fédéral. Depuis sa création en 1993, le Centre est devenu le guichet unique de signalement des fraudes au pays.
Toutefois, selon le McMaster eBusiness Learning Centre, très peu de cas de fraude d’identité sont signalés à la police (13 %), aux agences d’évaluation du crédit (6 %) ou au CAFC (0,5 %). Même si les chiffres sont peu élevés, le CAFC a pourtant recensé plus de 22 000 cas de vol d’identité au Canada en 2011.
Montant total des pertes en dollars déclarées par les victimes canadiennes d’une fraude liée à l’identité, en 2009-2011 :
2009 | 2010 | 2011 | |
---|---|---|---|
Perte totale en dollars déclarée | 10,9 M$ | 9,6 M$ | 13,2 M$ |
Nombre des victimes | 14 740 | 18 284 | 17 002 |
Centre antifraude du Canada |
Quelques chiffres sur le vol d’identité
Comme le vol d’identité est trop peu souvent signalé, des statistiques exactes et récentes sur ce type de crime sont difficiles à trouver. Les crimes varient en gravité et en type, et il faut parfois des années à une personne pour se rendre compte qu’elle est une victime. Mais même les quelques statistiques disponibles indiquent qu’il s’agit d’un crime de plus en plus fréquent qui force les malheureuses victimes à consacrer énormément de temps et d’argent pour obtenir réparation.
- Coût estimatif à payer sur le marché noir pour obtenir les renseignements figurant sur la carte de crédit d’une personne : De 1 à 6 $
The-Cyber-Crime Black Market, Panda Security, 2010 - Nombre de Canadiennes et de Canadiens ayant déclaré avoir été victimes de vol d’identité en 2011 : 22 000
Centre antifraude du Canada - Montant déclaré perdu par les Canadiennes et les Canadiens touchés par le vol d’identité en 2011 : 13 000 000 $
Centre antifraude du Canada - Coût combiné estimatif par année que représente le vol d’identité pour les consommateurs, les banques, les sociétés émettrices de carte de crédit, les magasins et les autres entreprises en Amérique du Nord : 2,5 milliards de dollars
Conseil canadien des bureaux d’éthique commerciale - Pourcentages estimatifs de cas de vol d’identité signalés respectivement :
- Police : 13 %
- Agences d’évaluation du crédit : 6 %
- Centre antifraude du Canada : 0,5 %
- Nombre de Canadiennes et de Canadiens qui ont déjà été victimes de vol d’identité : 1 sur 6
Sondage national d’opinion publique du Commissariat diffusé en 2010 - Pourcentage des répondants au sondage qui avaient l’impression que leurs renseignements personnels étaient davantage menacés qu’il y a dix ans : 60 %
Sondage national d’opinion publique du Commissariat diffusé en 2010 - Pourcentages estimatifs de la fraude relative à la carte de crédit par téléphone et par vol dans la boîte aux lettres
- Téléphone : 10 %
- Boîte aux lettres : 7 %
Ressources du CPVP
Liste de vérification concernant le vol d’identité
Ressources en ligne sur le vol d’identité et la fraude
L’« espion » qui m’aime
Les parents canadiens envahissent couramment la vie privée de leurs enfants en ligne. S’agit-il simplement de bonnes pratiques parentales, ou est ce que la nouvelle culture d’hypervigilance va trop loin?
Qui : Jane Tallim, codirectrice exécutive d’HabiloMédias
Enjeu clé en matière de protection de la vie privée : Internet fait désormais partie de la vie des jeunes Canadiens, tout comme la cyberintimidation et une surveillance accrue de leurs activités en ligne par leurs parents et par les écoles. Les parents et les enseignants peuvent-ils aider les enfants à acquérir de bonnes habitudes et à se protéger dans le cadre de leurs interactions en ligne, ou sont-ils trop occupés à prendre des mesures pour restreindre leur accès à Internet?
Objectif de la recherche : Afin de mieux comprendre la manière dont les jeunes Canadiens utilisent Internet et en profitent, Mme Tallim et ses collègues d’HabiloMédias, de concert avec des intervenants de l’Université d’Ottawa, ont animé des groupes de discussion composés d’adolescents et de préadolescents, de parents et d’enseignants. Financée par le Programme des contributions du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP), la recherche constitue la phase III de l’étude intitulée Jeunes Canadiens dans un monde branché, l’enquête la plus exhaustive sur le rôle d’Internet dans la vie des enfants et des adolescents canadiens. Les conclusions dégagées lors des groupes de discussion servent en outre de base à une enquête nationale auprès d’environ 12 000 adolescents et préadolescents.
Résultats de la recherche : Le rapport élaboré à l’issue de la recherche fait état des « expériences vécues par les jeunes Canadiens », qui sont beaucoup plus résilients que ne le croient les parents et les administrations scolaires. Le rapport définit, à l’intention des enseignants, des pratiques exemplaires qui peuvent contribuer à l’apprentissage dans les écoles branchées d’aujourd’hui, et indique comment les parents peuvent aider les jeunes à acquérir les compétences en matière de littératie numérique nécessaires pour naviguer avec succès dans le cyberespace. L’étude Jeunes Canadiens dans un monde branché a marqué un tournant décisif pour la compréhension de la manière dont les jeunes Canadiens utilisent Internet; les chercheurs et les organismes gouvernementaux s’appuient sur cette étude et la citent largement.
Lorsqu’HabiloMédias a commencé à examiner l’attitude des parents quant à la manière dont leurs enfants utilisent Internet, les parents étaient débordants d’enthousiasme et d’optimisme.
« En 2000, le Web représentait un avenir plein de promesses, se souvient Jane Tallim, codirectrice exécutive d’HabiloMédias. Les parents croyaient qu’il aiderait leurs enfants à tirer leur épingle du jeu dans une économie du savoir. »
Pour leur part, les jeunes affirmaient qu’Internet était un lieu où ils pouvaient échapper à la surveillance de leurs parents pour explorer leurs intérêts et discuter sous le couvert de l’anonymat.
« Pour eux, c’était un endroit qui leur appartenait », observe Mme Tallim.
De l’optimisme à la frustration
Lorsque l’organisation, dont les bureaux se situent à Ottawa, a publié le rapport de la deuxième phase de l’étude Jeunes Canadiens dans un monde branché, en 2005, le ton avait considérablement changé.
« Les parents se disaient frustrés par la réalité, c’est-à-dire par le fait qu’ils devaient gérer l’utilisation de la technologie par leurs enfants, explique Mme Tallim. Ils se plaignaient du fait que leurs enfants perdaient leur temps en ligne, avec la messagerie instantanée et les jeux vidéo. Ils devaient continuellement négocier l’utilisation que leurs enfants faisaient de l’ordinateur. C’était devenu un aspect négatif de la dynamique familiale. »
Avance rapide jusqu’en 2011 : les médias sociaux faisaient désormais partie de la donne, et les membres du dernier groupe de parents interrogés par les chercheurs d’HabiloMédias étaient alors carrément effrayés. La perspective favorable des parents interviewés dix ans auparavant avait été supplantée par une culture de paranoïa et d’hypersurveillance.
« Les parents d’aujourd’hui ont largement dépassé l’étape de la frustration », souligne Mme Tallim, qui a collaboré avec la chercheuse principale Valerie Steeves, de l’Université d’Ottawa, dans le cadre de la troisième et plus récente phase du projet de recherche, financé par le CPVP. « Ils doivent composer avec de multiples messages provenant des médias et des écoles selon lesquels leurs enfants sont vulnérables aux cyberprédateurs et à la cyberintimidation. Ils doivent faire face au fait que la technologie représente un danger pour leurs enfants. »
La « perte de contrôle » engendre la crainte et la vigilance
Toujours craintifs, les parents étaient devenus sans le vouloir des espions dans leur propre maison.
« Ils insistent pour devenir les "amis" de leurs enfants sur Facebook, ou demandent avec instance à des membres de leur famille d’"espionner" leurs enfants en ligne et de leur faire un rapport, affirme Mme Tallim. Ils parcourent en secret les pages de leurs enfants sur les médias sociaux, vérifient l’historique du navigateur sur leur ordinateur et "fouinent" dans leurs messages textes et leurs courriels. »
Pendant ce temps, les préadolescents et les adolescents interrogés dans le cadre du projet de recherche déclaraient amèrement que la surveillance constante de leurs parents et de l’école était devenue le « prix d’admission » qu’ils devaient payer pour utiliser Internet et les médias sociaux.
Alors, qu’est-ce qui a poussé les parents à se transformer en « commandos secrets » dans une nouvelle culture de surveillance sur Internet?
« Lorsque la technologie a évolué – et que les enfants ont commencé à disposer de plusieurs points d’accès à Internet et aux médias sociaux – les parents se sont mis à avoir l’impression de perdre le contrôle, explique Mme Tallim. Il ne s’agissait plus de restreindre l’accès à un seul ordinateur de bureau installé dans le salon. Il fallait aussi composer avec les téléphones intelligents, les tablettes, ainsi que les appareils et les consoles de jeux. Les parents se sentent dépassés. »
Mais la vigilance des parents n’est elle pas souhaitable? Après tout, un parent responsable ne veut-il pas protéger ses enfants contre les dangers éventuels, comme la cyberintimidation?
« Il y a une différence entre protéger les enfants contre les dangers et les protéger contre les risques », observe Mme Tallim.
« Oui, [la cyberintimidation] existe, et il faut en parler; cependant, les enfants sont beaucoup plus résilients que nous ne le croyons. »
Repenser le rôle de la surveillance
Malgré les craintes parentales, les jeunes règlementaient largement leurs propres comportements pour éviter et gérer la cyberintimidation, et demandaient les conseils de leurs parents au besoin. Les adolescents et les préadolescents interrogés dans le cadre de la troisième phase du projet décrivent des codes de conduite en ligne sévères, et des conséquences tout aussi sévères en cas d’infractions à ces codes.
« Ironiquement, les jeunes nous ont affirmé que la cyberintimidation était plus facile à gérer que les comportements méchants hors ligne parce que l’intimidateur laisse une trace numérique, observe Mme Tallim. Les jeunes se sentaient capables de faire face aux intimidateurs et d’exiger des comptes de leur part, et affirmaient que leurs amis pourraient les appuyer en ligne.
« Nous devons repenser le rôle de la surveillance, et favoriser la confiance et la communication entre les adultes et les enfants, qui sont essentielles pour aider ceux-ci à aborder d’un point de vue critique les relations et le contenu en ligne, insiste Mme Tallim. Il existe une rhétorique considérable au sujet des jeunes et d’Internet. Nous devons nous assurer que les interventions en matière de politiques et d’éducation sont fondées sur les expériences des jeunes Canadiens. Ces interventions devraient trouver écho chez les jeunes et doter ceux-ci des outils nécessaires pour gérer les différentes facettes de leur vie en ligne. »
Mme Tallim croit finalement qu’une culture de surveillance et de crainte - « la vie dans un bocal à poisson » – sape la capacité des enfants d’acquérir des compétences en matière de littératie numérique, qu’elle considère comme « des aptitudes de réflexion critique et des qualités de bon citoyen ». Comme elle nous le rappelle judicieusement, « vous n’êtes pas obligés d’envahir la vie privée de vos enfants pour la protéger. »
Selon les enseignants, les élèves ne sont pas « critiques » à l’égard de l’information en ligne
Pour la première fois depuis qu’HabiloMédias a lancé son projet de recherche « Jeunes Canadiens dans un monde branché » en 2000, les enseignants ont été interrogés au sujet du rôle que joue la technologie numérique dans leur vie et dans leur pratique professionnelle.
Selon le rapport Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase III : La perspective des enseignants, peu de professions, dans notre société, ont été aussi touchées par l’émergence des technologies numériques que celle de l’enseignement : des cellulaires en classe à l’utilisation de Wikipédia et d’autres ressources en ligne dans le cadre des travaux de cours, en passant par la nécessité d’intégrer les technologies de l’information et des communications (TIC) à diverses disciplines, toutes les facettes de la vie professionnelle des enseignants ont changé.
Une constatation étonnante est liée au fait que les capacités des élèves relativement à Internet sont souvent largement surestimées. Comme l’affirme un enseignant du secondaire de la région de l’Atlantique, « Je ne crois pas que tous les élèves soient versés en matière d’Internet. Je pense qu’ils se limitent à très peu d’outils sur Internet, et qu’ils ne connaissent pas toutes les possibilités. Ils sont confinés à une utilisation particulière et ne s’en éloignent pas… Je suis toujours étonné par le manque de connaissances des élèves en ce qui concerne la recherche et la navigation en ligne. »
En outre, de nombreux enseignants se sont dits préoccupés par l’absence d’esprit critique des élèves à l’égard de l’information qu’ils trouvent en ligne. Un enseignant du primaire du Nord a décrit un projet de recherche en classe dans le cadre duquel des élèves de cinquième année qui étudiaient le mythe du Sasquatch avaient été dupés par un site Web visiblement conçu comme un canular humoristique.
Mais quel point les enseignants ont-ils soulevé le plus souvent? Bon nombre ont affirmé qu’ils ne pouvaient pas utiliser pleinement les médias numériques en classe parce qu’ils n’avaient pas accès à des services comme Twitter, Skype et YouTube. L’accès à ces services était généralement interdit par l’administration de l’école ou par une politique du conseil.
– Adaptation de « Jeunes Canadiens dans un monde branché », phase III : La perspective des enseignements »
Vivre au vu et au su de tous : la protection de la vie privée en ligne du point de vue des enfants, des parents et des enseignants
Adolescents et préadolescents | Leurs parents | Leurs enseignants |
---|---|---|
« Les parents sont bien intentionnés, mais ils nous dérangent. » « Ma mère n’arrête pas de me dire "Tu es sur Facebook! Arrête! Fais tes devoirs". Alors, je l’enlève de mes amis. » « Oui, c’est la plus grande crainte de mon père; il veut donc connaître mes mots de passe pour tout ce que je fais. Il a peur de la cyberintimidation; il doit donc les avoir tout le temps. » |
« Je surveille tout, jusqu’à son cellulaire, tout. » « Elle a été très ouverte avec moi sur tout, parce que je lui ai dit que dès que ce n’est pas ouvert, ou si elle ment, ou encore si j’apprends quelque chose par l’entremise de mes [espions], c’est fini. »” « J’ai des nièces [qui]… lui écrivent, ou même qui m’appellent et me disent "euh, dis-lui de changer… son mur, son statut, etc.", donc c’est bien. » |
« Nous leur retirons leur téléphone, et ils le récupèrent tout de suite. Qu’avons-nous [accompli]? » « Les politiques scolaires concernant les technologies me frustrent beaucoup… un des avantages les plus importants de l’accès à Internet en classe… est la capacité de communiquer avec d’autres personnes en temps réel, mais en fait nous n’avons pas accès à Skype. » « … malheureusement, [les élèves] doivent avoir la possibilité de faire de mauvais choix autant que des bons choix… Et ils ont besoin d’adultes qui soient pour eux des alliés protecteurs et bienveillants… qui les aident… à tirer des leçons de leurs erreurs. » |
Qu'en pensez-vous?
Comme les enfants apprennent à accepter une surveillance constante en ligne - « la vie dans un bocal à poisson » - pourront-ils acquérir les compétences en matière de littératie numérique nécessaires pour naviguer dans leurs cyberespaces?
Pour en savoir plus
Visualiser les rapports :
- Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase III : La perspective des enseignants
- Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase III : Discuter de la vie en ligne entre parents et jeunes
Consulter le site Web d’HabiloMédias : www.habilomedias.ca
Ressources du CPVP
Bande dessinée romanesque pour les jeunes : Branchés et futés : Internet et vie privée
Document de recherch du Commissariat sur la surveillance des jeunes : Les technologies de surveillance appliquées aux enfants
Ma réputation numérique bien en main
Le comportement en ligne des adolescents peut les suivre partout où ils vont.
Photos révélatrices, information sensible, situations compromettantes – les adolescents et les préadolescents semblent vivre dangereusement sur Internet. Et même s’ils savent que cela comporte des risques, ils continuent d’afficher du contenu délicat sur le Web.
Une trousse pédagogique a donc été créée pour les aider à protéger leur vie privée, et par extension, leur réputation numérique, ainsi que pour les inciter à adopter des pratiques saines en matière d’affichage de photos et de divulgation de renseignements personnels en ligne.
Produite par L’Association sur l’accès et la protection de l’information (AAPI) et financée par le Programme des contributions du CPVP, la trousse offre aux professeurs du premier cycle des écoles secondaires des documents interactifs visant à susciter des discussions sur la protection de la vie privée et des renseignements personnels en ligne.
« Grâce à leur expérience professionnelle et personnelle, nos membres connaissent bien les conséquences des nouvelles technologies, notamment des médias sociaux, sur la protection de la vie privée », explique Danielle Corriveau, avocate à l’AAPI, une association professionnelle qui compte plus de 500 membres, principalement des agents de la protection de la vie privée. « Nous sommes également conscients qu’il existe un paradoxe fondamental entre le désir des adolescents de communiquer et la nécessité de protéger leur vie privée. »
Pour créer la trousse, l’AAPI n’a pas suivi une approche descendante. Un groupe de jeunes a participé au projet, guidé par une équipe de spécialistes formée d’un conseiller pédagogique, d’un avocat capable d’expliquer les droits relatifs à la protection de la vie privée, d’un blogueur jeunesse, d’un graphiste qui a conçu les personnages ou « avatars » de la trousse et de la directrice générale de l’AAPI, Mme Linda Girard, qui a dirigé le projet.
« Nous avons demandé aux jeunes participants de formuler des commentaires sur tous les aspects du projet, par exemple les activités et les avatars, pour nous assurer que la trousse trouve un écho chez les jeunes », déclare Mme Corriveau.
La trousse a déjà été largement distribuée dans les écoles secondaires québécoises – à ce jour, 40 commissions scolaires sur 72 en ont demandé des exemplaires. L’AAPI se prépare aujourd’hui à en élaborer une version bilingue, qui sera distribuée dans l’ensemble du Canada.
Pour accéder à d’autres ressources, conseils et renseignements ou pour commander la trousse « Développement de saines pratiques dans la diffusion de son image et de ses renseignements dans le Net », consultez le site Web de l’AAPI ou composez le 418 624 9285.
Pour en savoir plus
Ressources du CPVP
Que pouvez-VOUS faire pour protéger votre réputation en ligne? (vidéo)
Dévoilés
Au moment où la disponibilité de données en masse augmente et où le prix des analyses diminue, les renseignements sur la santé dits « dépersonnalisés » pourraient ils être ramenés à leur état initial pour être divulgués au public?
Qui : M. Khaled El Emam, professeur agrégé à la Faculté de médecine, titulaire de la chaire de recherche sur les données électroniques en matière de santé à l’Université d’Ottawa et chercheur principal à l’Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario (CHEO).
Enjeu clé en matière de protection de la vie privée : Les renseignements personnels sur la santé sont de plus en plus souvent divulgués à des fins commerciales, de recherche, de santé publique et de politiques. Dans notre nouvelle ère marquée par la numérisation des dossiers médicaux, il est plus facile que jamais de recueillir et de communiquer des renseignements. Comment faire alors pour minimiser les risques d’atteinte à la sécurité et éviter de révéler – accidentellement ou pas – des renseignements personnels de nature délicate?
Sujet de la recherche : Grâce aux fonds obtenus dans le cadre du Programme des contributions du CPVP, M. El Emam et ses collègues ont réalisé une série d’études pour déterminer les différentes méthodes de repersonnalisation des données personnelles anonymisées ou « dépersonnalisées ». La recherche avait pour but d’élaborer des principes, des mesures et des méthodes visant à minimiser la possibilité d’identifier de nouveau les personnes dans les dossiers accessibles au public.
Résultats de la recherche : Les résultats de la recherche ont été publiés dans un rapport influent intitulé Élaboration de directives sur la dépersonnalisation des renseignements personnels sur la santé pour l'ensemble du Canada, à partir duquel un manuel pratique sur la dépersonnalisation des données publiques a été créé à l’intention des agents de la protection de la vie privée, des décideurs, des avocats et des autres gardiens de données qui participent à la communication et à la publication de données publiques.
Le manuel a connu un tel succès qu’il a donné naissance à un ouvrage de 400 pages intitulé Guide to the De-Identification of Personal Health Information, qui devrait être publié en mai 2013 par CRC Press, une filiale du groupe Taylor & Francis. M. El Emam a également conçu une série complémentaire de modules de formation qui est aujourd’hui utilisée dans des villes des quatre coins de l’Amérique du Nord.
Le rapport est également à l’origine de la création d’une entreprise du secteur privé dérivée, Privacy Analytics, qui développe des logiciels spécialisés pour aider les gouvernements, les fournisseurs de soins de santé et les entreprises commerciales à minimiser les risques de repersonnalisation des données personnelles anonymes.
Cette histoire a été si souvent racontée qu’elle fait maintenant partie du folklore du secteur de l’informatique.
En 1997, une informaticienne de l’Université Harvard, Latanya Sweeney, a réussi à repersonnaliser les dossiers médicaux détenus par le gouverneur du Massachusetts, William Weld, en reliant les données médicales dépersonnalisées des patients à un registre public d’électeurs.
Ce faisant, elle a également démontré qu’il était possible d’identifier individuellement environ 87 % des Américains à l’aide de seulement trois données : la date de naissance, le sexe et le code postal.
La révélation de Mme Sweeney a causé une onde de choc partout en Amérique du Nord et a donné lieu à d’importants changements dans les pratiques et la réglementation en matière de dépersonnalisation aux États-Unis et au Canada, y compris à l’ajout de nouvelles dispositions à la Health Insurance Portability and Accountability Act (HIPAA) des États-Unis.
Pour anonymiser ou « dépersonnaliser » des données, il faut les dépouiller des renseignements qui permettraient de les associer à une personne. Par exemple, dans les projets de recherche en santé, les données sont dépouillées des renseignements qui pourraient permettre d’identifier les patients ou les participants à la recherche.
La communication de données peut offrir des avantages importants. En effet, les données constituent une ressource précieuse dans divers secteurs clés de la santé, notamment l’exécution de programmes et la prestation de services de santé, la gestion du système de santé et des programmes cliniques, et la surveillance et la recherche en santé publique.
Cependant, malgré l’amélioration des lois et des pratiques en matière de protection des renseignements personnels, il subsiste une crainte selon laquelle des informaticiens intrépides, des pirates informatiques enhardis ou des entreprises commerciales cherchant à servir leurs propres intérêts « attaquent », c’est à dire repersonnalisent, des renseignements personnels d’ordre médical.
La crainte de voir leurs renseignements personnels dévoilés déclenche un changement d’attitude chez les patients
Selon M. Khaled El Emam, professeur agrégé à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, tous les Canadiens devraient être inquiets face aux reportages alarmants des médias sur les atteintes à la protection des données et à l’augmentation des pressions exercées en ce qui a trait à la communication des renseignements personnels.
« Lorsque les gens s’inquiètent de la manière dont leurs renseignements personnels d’ordre médical sont utilisés, ils perdent confiance dans les professionnels de la santé et dans le système de soins de santé, fait remarquer M. El Emam. Nous savons que les patients changent alors d’attitude, c’est à dire qu’ils mentent à leur médecin ou paient comptant pour obtenir des services dans un établissement privé. Ils se mettent à s’autotraiter et à s’automédicamenter pour éviter que certains renseignements soient ajoutés à leur dossier médical. Tout cela mine la confiance du public. »
La réparation des dommages causés par les atteintes à la protection des données coûte également cher en temps et en argent
« Les organisations sont tenues par la loi d’aviser toutes les personnes touchées. Les coûts peuvent se chiffrer en millions de dollars. Aux États Unis, des amendes peuvent être infligées et les frais de litige éventuels sont élevés. Les atteintes à la protection des données peuvent créer des dommages irrévocables à la réputation des organisations responsables. »
En revanche, M. El Emam met en garde contre la « surdramatisation », dans les médias, d’un grand nombre des risques de la dépersonnalisation. Ce que les médias ne disent pas, c’est que les garde fous qui auraient dû être mis en place n’existaient pas dans la plupart des cas.
De nombreux incidents d’atteinte à la protection des données révèlent des problèmes de non-conformité aux normes
« Certaines attaques ont été fructueuses, explique M. El Emam, mais en examinant attentivement les derniers incidents survenus, on s’aperçoit que les personnes responsables de la dépersonnalisation des données n’avaient pas respecté les normes en vigueur. On peut comparer la situation à quelqu’un qui ne cuirait pas suffisamment des aliments, tomberait malade puis accuserait les aliments. Le problème vient de la manière dont les aliments ont été cuits. Dans bien des cas d’atteinte à la protection des données, les gardiens des données connaissaient mal les normes [de dépersonnalisation] existantes ou les suivaient de manière trop laxiste. »
Pour combler les lacunes grandissantes en matière de connaissance et d’application des normes, M. El Emam a dirigé un projet de recherche financé par le Programme des contributions du CPVP afin de comprendre dans quelle mesure les données « dépersonnalisées » peuvent être repersonnalisées.
Avec des collègues de l’Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario (CHEO) et l’approbation du Comité d’éthique de la recherche, M. El Emam a tenté de repersonnaliser des données dépersonnalisées et à évaluer les failles des protocoles de sécurité.
« Le but était de comprendre le déroulement de la repersonnalisation et les risques liés à la réussite des activités de repersonnalisation. Grâce aux connaissances acquises, nous avons pu élaborer des techniques de dépersonnalisation plus efficaces. »
Le rapport de recherche intitulé Élaboration de directives sur la dépersonnalisation des renseignements personnels sur la santé pour l’ensemble du Canada décrit en détail les principes, les mesures et les méthodes qui peuvent être utilisés pour gérer les risques d’atteinte à la vie privée qui sont associés à la divulgation de données. Si elles sont suivies correctement, ces directives peuvent maintenir à un faible niveau le risque de repersonnalisation des renseignements dans les dossiers accessibles au public et minimiser le risque de divulgation par inadvertance de renseignements personnels de nature délicate.
Combler les lacunes relatives aux normes pour prévenir la divulgation abusive de données
Le rapport a servi de fondement à un manuel pratique sur la dépersonnalisation des données publiques. Le manuel est destiné aux agents de la protection de la vie privée, aux décisionnaires, aux avocats et aux autres gardiens de données qui participent à la communication et la publication de données publiques.
« Notre objectif consiste à fournir aux gardiens de données des outils pour choisir les meilleures méthodes de divulgation de leurs données, mais également pour garantir la protection des renseignements personnels », explique M. El Emam.
Le manuel a connu un tel succès qu’il a donné naissance à un ouvrage de 400 pages intitulé Guide to the De-Identification of Personal Health Information, qui devrait être publié en mai 2013. M. El Emam a également conçu une série complémentaire de modules de formation qui est utilisée dans des villes des quatre coins de l’Amérique du Nord. Dans le but de rejoindre un vaste public sur une courte période, le cours sera dispensé en partenariat avec d’autres cabinets de services professionnels locaux et internationaux.
La recherche empirique originale a également permis à M. El Emam et à ses collègues de créer une entreprise dérivée, Privacy Analytics, dont les logiciels offrent des fonctions de masquage et de dépersonnalisation des données.
« Il s’agit du seul outil intégré de masquage et de dépersonnalisation sur le marché aujourd’hui, et du seul outil qui intègre une approche fondée sur les risques. Nos clients utilisent cet outil pour masquer et dépersonnaliser les données avant de les divulguer à des fins secondaires. »
Un « voisin curieux motivé » peut accéder à des renseignements personnels sur la santé
Armé seulement de renseignements généraux, un intrus hautement motivé pourrait il accéder à vos données médicales personnelles?
« Oui, fait valoir M. Khaled El Emam, si les données ne sont pas dépersonnalisées efficacement avant d’être communiquées à d’autres parties. »
Au cours des dernières années, M. El Emam s’est servi de divers ensembles de données pour repersonnaliser des données avec un degré de certitude relativement élevé.
Pour citer un exemple bien connu, dans le cadre d’un projet de recherche approuvé par un comité d’éthique, M. El Emam et ses collègues ont examiné soigneusement les dossiers d’ordonnances du Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario (CHEO) afin d’évaluer le risque lié à la repersonnalisation d’un ensemble de données demandé par un courtier en données commerciales.
Le courtier en données prévoyait entreprendre un projet d’analyse comparative des divers indicateurs des ensembles de données de l’hôpital, tout en fournissant des services d’analyse pour les pratiques de prescription et les dosages. Le CHEO était disposé à participer au projet, à condition que les risques pour la vie privée soient bien gérés. Par conséquent, avant de communiquer les données, le CHEO a demandé à M. El Emam d’évaluer concrètement les risques pour la protection de la vie privée.
En se servant de données recueillies par le CHEO au cours d’une période de six mois, l’équipe de recherche de M. El Emam a créé la même disposition d’enregistrement que celle qui est utilisée par l’un des courtiers en données commerciales du Canada. Selon les constatations de l’équipe, qui ont été publiées dans la revue IEEE Security and Privacy, 99,6 % des données étaient uniques, y compris l’âge, le sexe et la RTA* ainsi que les dates d’admission et de congé, ce qui pourrait compromettre la vie privée des patients.
Selon l’article de la revue, « …le voisin curieux d’un patient qui serait déterminé à trouver de l’information sur l’état de santé de ce dernier, par exemple, disposerait de suffisamment de renseignements généraux pour repérer le dossier d’ordonnance unique et déterminer les médicaments prescrits au patient de même que le diagnostic de ce dernier. » [Traduction]
L’équipe a ensuite décidé de faire un test supplémentaire et a demandé à des collègues travaillant à l’extérieur de l’hôpital s’ils connaissaient un patient ayant été admis pendant la période de six mois correspondant aux données utilisées.
Il s’avère qu’un des collègues savait que l’enfant d’un voisin avait été admis en raison d’une infection grave pendant la période en question. Le collègue connaissait le sexe, le groupe d’âge et la RTA de l’enfant. Une recherche dans la base de données au moyen de ces critères a permis d’établir une correspondance avec un seul dossier, dont on a pu confirmer ultérieurement qu’il s’agissait de celui du patient.
« Il s’agit là d’un exemple concret illustrant comment un voisin ou toute autre personne motivée pourrait se servir de connaissances générales au sujet d’un patient, les mettre en correspondance avec des variables dans le dossier d’ordonnance pour repersonnaliser efficacement le patient, et ainsi obtenir des renseignements sensibles sur l’état de santé de ce dernier », indique l’article. [Traduction]
Grâce aux travaux de M. El Emam, le CHEO a modifié les données avant leur communication afin de les rendre « défensivement dépersonnalisées », et ajouté des exigences supplémentaires prévoyant des vérifications de la sécurité et de la protection de la vie privée, dans le but de prévenir le risque d’une repersonnalisation possible des données des patients.
Note de la rédaction : Tous les ensembles de données repersonnalisées dont il est question dans le présent récit sont demeurés confidentiels, et le projet de recherche a été approuvé par un comité d’éthique.
Source: El Emam, K. et Kosseim, P. « Privacy Interests in Prescription Data, Part 2, Patient Privacy », IEEE Security and Privacy.
* RTA signifie « région de tri d’acheminement », ce qui correspond aux trois premiers caractères du code postal.
Pour en savoir plus
- Consulter un résumé du rapport : Managing the Risk of Re-identification for Public Use Files [en anglais seulement]
Souriez, on vous regarde!
Alors que l’emploi des caméras de surveillance prend de l’ampleur au Canada, une organisation s’est donné pour mandat de « surveiller les surveillants ».
Qui : David Lyon, directeur du Surveillance Studies Centre et co-chef du Surveillance Camera Awareness Network (SCAN) de l’Université Queen’s.
Enjeu clé en matière de protection de la vie privée : La surveillance par caméras prend rapidement de l’ampleur au Canada. Chaque jour, des images de nous sont saisies à de nombreuses reprises. Est-ce que nous avons consenti à ce que des images de nous soient prises et quels sont les effets sociaux non intentionnels de ce phénomène?
Sujet de la recherche : M. Lyon a dirigé la première enquête systématique sur la surveillance par caméras au Canada. Préparé à l’intention du public et des décideurs, le rapport financé par le CPVP se penche sur les attitudes des Canadiens à l’égard de la surveillance par caméras et il souligne différentes questions clés en ce qui a trait à la vie privée.
Résultats de la recherche : Les questions soulevées dans le rapport se sont imposées comme des sujets brûlants dans le cadre d’un atelier de deux jours sur la surveillance par caméras au Canada organisé par le SCAN. Le rapport et l’atelier ont donné lieu à un ouvrage sur la surveillance par caméras, « Eyes Everywhere: The Global Growth of Camera Surveillance », publié par M. Lyon avec la collaboration d’Aaron Doyle et de Randy Lippert. Le financement versé par le CPVP a permis de réaliser le rapport de recherche et l’atelier, qui a en outre servi de plate-forme de lancement au Surveillance Studies Centre (SSC), un noyau mondial de la recherche sur l’expansion des pratiques en matière de surveillance qui fait office de chef de file dans son domaine.
Vous vous réveillez un peu plus tard qu’à l’habitude. Vous ne prenez donc pas votre café du matin et vous sautez dans votre voiture, qui est stationnée à l'endroit habituel dans le stationnement souterrain de votre immeuble à condominiums.
En chemin, vous décidez de vous acheter un café à la hâte. Vous remarquez la présence d’un guichet automatique à proximité du café et vous faites alors un retrait d’argent.
De retour dans votre voiture, vous êtes distrait, car vous avez renversé du café sur votre pantalon : vous passez alors sur un feu jaune sans le vouloir. Vous traversez sans pépin, mais vous décidez de garder les yeux sur la route et vous entrez dans le stationnement des employés. Vous marchez d’un pas rapide et traversez l’atrium, vous prenez l’ascenseur et vous arrivez enfin à votre poste de travail.
C’est une journée normale dans la vie d’un Canadien sans histoire.
Mais attention : avez-vous pensé de sourire chaque fois que votre image a été saisie par une caméra de télévision en circuit fermé? Dans votre stationnement, au guichet automatique, à proximité des feux de circulation et à votre bureau?
Augmentation du nombre de caméras
Chaque jour, nos images sont saisies à de nombreuses reprises, la plupart du temps sans qu’on le sache et sans notre consentement.
La surveillance par caméras prend rapidement de l’ampleur au Canada. On ne trouve plus uniquement des caméras de télévision en circuit fermé dans les banques, les aéroports et les installations militaires : elles sont désormais installées par une foule d’organismes publics, de sociétés privées et, de plus en plus, par des intérêts publics et privés, aux carrefours, aux entrées des immeubles, dans les centres commerciaux, dans les stationnements, dans les transports en commun, dans les taxis, dans les ascenseurs, etc.
Le coût de l’installation et de la surveillance de caméras de télévision en circuit fermé est habituellement justifié par la volonté de protéger les biens et de prévenir les actes criminels.
Toutefois, selon David Lyon, directeur du Surveillance Studies Centre et co chef du Surveillance Camera Awareness Network (SCAN) de l’Université Queen’s, on ne dispose que de peu de résultats de recherches probants selon lesquels la surveillance par caméras contribue à prévenir les actes criminels, ainsi qu'à réagir à ceux-ci et à faire enquête, mais de nombreuses preuves convaincantes démontrent que cette surveillance empiète sur la vie privée de citoyens ordinaires et présente des risques accrus pour les groupes marginalisés.
« Au cours des dix dernières années, on a remarqué une hausse constante de l’utilisation de caméras dans des lieux publics au Canada, particulièrement en zone urbaine. Cette hausse a été inférieure à celle observée au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Chine, et nous nous méfions davantage des nouvelles technologies et méthodes de surveillance, mais le nombre de caméras a tout de même grimpé en flèche depuis leur apparition dans les années 1970. », indique M. Lyon.
Les images floues et granuleuses en noir et blanc qu’on pouvait voir dans les émissions de télévision axées sur le crime sont chose du passé. Aujourd’hui, les caméras de télévision en circuit fermé sont en général des appareils haute définition et elles peuvent pivoter, filmer une salle en panoramique et faire un zoom.
Aucune « solution miracle » pour prévenir les actes criminels
M. Lyon avance que la prolifération des caméras de surveillance de haute technologie entraîne de graves problèmes de respect de la vie privée.
Il ajoute, « Est-ce que ce type de surveillance respecte les lignes directrices en matière de respect de la vie privée? Est-ce que ces caméras comportent un panneau adéquat qui informe les citoyens de leur présence? Est-ce que le consentement a été donné? Quelles images sont saisies par ces caméras? »
Grâce au financement obtenu du Programme des contributions du CPVP, le SCAN a préparé un rapport intitulé A Report on Camera Surveillance in Canada, qui constitue la première enquête systématique de la situation au Canada.
Même si le rapport reconnaît qu’une certaine utilisation de caméras de surveillance « peut être justifiée », il met quand même les Canadiens en garde contre le risque que les caméras soient perçues comme une « solution miracle ».
M. Lyon a ainsi indiqué : « Notre recherche a révélé que les criminels n’étaient pas découragés; ils sont tout simplement passés à d’autres régions. Ainsi, on n’a pas prévenu les actes criminels, ils se sont plutôt déplacés. »
Les chercheurs ont également constaté que si des opérateurs de caméras sont à l’œuvre, ils ont tendance à accorder une plus grande attention aux membres des groupes minoritaires et aux autres « indésirables » présumés, pour veiller à ce que les « bonnes » personnes utilisent certains lieux.
Accepter l’omniprésence des caméras
Ces questions se sont imposées comme des sujets brûlants lors d’un atelier de deux jours organisé par le SCAN afin de donner suite au rapport et d’explorer plus à fond la surveillance par caméras au Canada.
« Nous avons réuni un groupe de personnes qui connaissent bien le sujet afin d’avoir une discussion fondée sur les faits et de cerner les principales tendances qui prévalent au Canada et dans d’autres pays. Un débat animé a porté sur le fait qu’il existe peu de preuves indiquant que la surveillance par caméras permet de prévenir les actes criminels, mais qu’on observe tout de même une hausse du nombre de caméras qui sont manifestement utilisées à cette fin. »
Les présentations données lors de l’atelier ont servi à produire un ouvrage, qui a été très bien accueilli, sur la surveillance par caméras, « Eyes Everywhere: The Global Growth of Camera Surveillance », publié par M. Lyon avec la collaboration d’Aaron Doyle et de Randy Lippert. Il s’agit du premier ouvrage international sur le développement de la surveillance par caméras. Bien qu’il porte particulièrement sur la situation au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis, il examine en outre la situation du Brésil, de la Chine, du Japon, du Mexique, de l’Afrique du Sud et de la Turquie.
Le SCAN s’est également servi des résultats de l’atelier de recherche pour mettre sur pied le Surveillance Studies Centre. La mission de ce centre consiste à faire progresser le domaine des études sur la surveillance, en dépassant largement le cadre de la surveillance par caméras.
« Nous avons été parmi les premiers à nous pencher sur les technologies de surveillance fixes et mobiles, notamment les téléphones intelligents et la reconnaissance automatique de plaques d’immatriculation (cette étude a également été financée par le CPVP). Nous examinons en outre les nouveaux contrôles frontaliers, la croissance rapide des drones de surveillance au Canada, les réseaux sociaux et les méthodes de surveillance des données. »
« Nous nous attaquons à tout l’éventail des technologies de surveillance » a affirmé M. Lyon « et il ne cesse de s'élargir ».
Mauvais signe : Des panneaux sur la télévision en circuit fermé inadéquats dans quatre municipalités canadiennes
Les directives et les politiques canadiennes sur la protection de la vie privée suggèrent habituellement d’utiliser des panneaux pour obtenir un consentement éclairé de la part du public dans les cas de surveillance au moyen de caméras non-dissimulés.
Toutefois, à la suite d’une étude de cas réalisée dans quatre municipalités de l’Ontario, le SCAN a révélé, dans un rapport financé par le CPVP que, même lorsque des panneaux étaient en place pour aviser les gens qu’ils risquaient d’être captés par la caméra, ce qui était rare, cette méthode ne respectait pas les exigences fondamentales établies :
- les avis indiquant de quelle façon le public pouvait obtenir des renseignements supplémentaires (demandes au titre de l’accès à l’information, numéros de téléphone, sites Web) étaient rares ou mal rédigés;
- l’emplacement du panneau indiquant la surveillance par caméras était, dans bien des cas, dans la mire de la caméra de surveillance;
- l’utilisation réelle ne correspondait souvent pas aux buts communiqués au public par le responsable ou l’organisation qui avait mis en place la surveillance;
- les mentions du pouvoir légal correspondant étaient souvent peu évidentes ou masquées;
- on ne tenait aucun compte des besoins particuliers des personnes ayant une déficience visuelle ou de la difficulté à lire.
– adapté du document « A Report on Camera Surveillance in Canada », Surveillance Camera Awareness Network (SCAN), Université Queen’s
Le saviez-vous?
La « surveillance des données » est un terme relativement récent qui est utilisé pour désigner les méthodes de surveillance de la traçabilité des données créées à la suite des achats par carte de crédit, des appels téléphoniques mobiles et de l'utilisation d'Internet et des réseaux sociaux.
Qu’en pensez-vous?
Lorsqu’on leur demande leur opinion sur la surveillance par caméras, certains répondent ceci : « si vous n’avez rien fait de mal, vous n’avez rien à craindre ». Est-ce qu’ils ont raison?
Pour en savoir plus
Lire les rapports :
- Un rapport sur la surveillance par caméras au Canada : tendances actuelles : Première partie [en anglais seulement]
- Un rapport sur la surveillance par caméras au Canada : tendances actuelles : Deuxième partie [en anglais seulement]
Voir le programme de l’atelier :
- La vidéosurveillance au Canada : atelier de recherche [en anglais seulement]
Ressources du CPVP
Document d’orientation sur la surveillance vidéo secrète dans le secteur privé
Atelier sur la protection de la vie privée, la sécurité et les Jeux olympiques de 2010
De chair et de sang
Il est déjà assez difficile de protéger les renseignements génétiques des adultes qui consentent à ce que leurs échantillons biologiques soient conservés dans des biobanques et qui peuvent prendre des décisions pour eux-mêmes. Mais comment protéger les renseignements génétiques des enfants dont les parents ont autorisé leur don de tissus?
Qui : Les professeures Bartha Knoppers et Denise Avard, Département de génomique et de politique, Université McGill
Enjeu clé en matière de protection de la vie privée : Les parents peuvent autoriser le dépôt et l’entreposage d’échantillons de tissus de leur enfant et des données connexes dans des biobanques pédiatriques à des fins de recherche. Étant donné que les enfants concernés n’ont pas atteint l’âge de consentement, comment les parents, les chercheurs et les comités d’éthique de la recherche peuvent-ils s’assurer que les renseignements génétiques de nature délicate de l’enfant ne seront pas utilisés ou communiqués indûment – à court terme, mais également à plus long terme?
Sujet de la recherche : Grâce au financement obtenu du Programme des contributions du Commissariat à la protection de la vie privée, l’équipe de recherche a entrepris une analyse approfondie de la protection de la vie privée et de la confidentialité dans les biobanques pédiatriques d’un point de vue opérationnel, juridique et éthique.
Résultats de la recherche : La recherche a donné lieu à l’élaboration de directives pour les biobanques pédiatriques et leur traitement des renseignements personnels. Le chef de projet a également créé une brochure facile à lire décrivant les résultats obtenus, qui a été distribuée aux comités d’éthique de la recherche, aux chercheurs en pédiatrie et dans divers lieux de rassemblement publics partout au pays.
Comme les biobanques peuvent stocker d’énormes quantités d’échantillons biologiques et de données démographiques et sur la santé– souvent pendant une longue période –, elles sont devenues une ressource importante pour les chercheurs. Mais quand il s’agit de protéger la vie privée des participants à la recherche pédiatrique, les directives sur les aspects juridiques et éthiques ne sont pas claires – laissant les chercheurs et les comités d’éthique de la recherche résoudre les dilemmes liés à la protection de la vie privée dans un certain contexte de vide juridique.
Les parents peuvent autoriser la participation d’un enfant à la recherche, mais, puisque les enfants n’ont pas encore atteint l’âge de consentement, sont-ils bien protégés contre le risque d’une utilisation ou divulgation non autorisée?
Bartha Knoppers, une avocate canadienne et professeure à l’Université McGill, a consacré des décennies à examiner les aspects juridiques et éthiques de la génétique, de la génomique et de la biotechnologie.
En sa qualité de directrice du Centre de génomique et politiques (CGP) de l’Université McGill, elle a mené une analyse exhaustive de la protection de la vie privée et de la confidentialité dans les biobanques pédiatriques afin d’aider les chercheurs et les comités d’éthique de la recherche à naviguer dans les eaux agitées entourant la protection de la vie privée en pédiatrie.
Qu’est-ce qu’une « biobanque »?
Le Canada devient un véritable chef de file dans le domaine des biobanques. Ce ne sont pas seulement de « gros réfrigérateurs », comme certains le pensent. Ce sont des collections d’échantillons biologiques, accompagnées de données, notamment des données médicales, biographiques et sociodémographiques. En fin de compte, les biobanques sont une ressource pour l’étude de différentes maladies chroniques (le cancer, le diabète et l’hypertension, par exemple), de différents processus de santé au fil du temps (le vieillissement) ou de différentes incidences environnementales sur les populations.
Bon nombre de ces études sont longitudinales; les chercheurs peuvent donc se pencher sur les différences dans les résultats au fil du temps. Par exemple, on peut avoir une cohorte à long terme qui est suivie pendant plus de 20 ans, avec des échantillons et d’autres tests demandés tous les cinq ans environ afin d’évaluer les changements.
Pourquoi avoir des biobanques pédiatriques? Les échantillons et les données des enfants et des adultes ne sont-ils pas similaires?
En dehors du fait qu’ils proviennent d’enfants, les échantillons et les données sont similaires. Cependant, parce qu’elles impliquent des enfants, qui sont plus vulnérables que les adultes, les biobanques pédiatriques font l’objet d’un contrôle beaucoup plus poussé que les autres biobanques.
Davantage de « partenaires » sont impliqués : il existe une relation tripartite entre les parents, qui sont présumés avoir les meilleurs intérêts de leurs enfants à cœur, les pédiatres, qui jouent un rôle actif dans la promotion de la santé des enfants, et les comités d’éthique de la recherche, qui se considèrent comme les protecteurs des enfants.
Les biobanques pédiatriques sont également beaucoup plus rares que les biobanques types parce que nous n’incluons pas les enfants dans la recherche aussi souvent que les adultes.
Est-ce une bonne chose que les biobanques pédiatriques soient beaucoup plus rares?
Je ne pense pas que ce soit forcément une bonne chose. Seule la recherche pédiatrique peut apporter des réponses aux maladies pédiatriques. Si nous n’incluons pas plus d’enfants dans la recherche, nous les privons de futurs traitements pour des maladies qui leur sont peut-être exclusives.
Étant donné qu’elles concernent des enfants, les biobanques pédiatriques doivent elles suivre des règles spéciales?
Elles sont visées par des restrictions spéciales. Par exemple, il faut mener une étude sur quelque chose qui a un intérêt direct ou indirect pour les enfants du même âge et dans le même état pathologique. Ainsi, certaines biobanques peuvent être spécialisées dans certains cancers ou allergies chez les enfants.
Il est également possible de recourir aux biobanques pédiatriques pour suivre la santé et le développement normaux des enfants au fil du temps. Toutefois, celles-ci ne sont pas acceptées partout. C’est une honte parce que comprendre le développement normal chez les enfants peut être aussi important que de comprendre les maladies chez les enfants, peut-être pas pour les générations immédiates, mais certainement pour les générations futures.
Y a-t-il d’autres restrictions?
Avec les enfants, nous sommes aussi beaucoup plus prudents en ce qui concerne les tests génétiques prédictifs – les cas où les chercheurs peuvent identifier une maladie ou affection qui pourrait se manifester lorsque l’enfant atteindra l’âge adulte.
Cela se produit de plus en plus souvent avec le séquençage du génome entier – les chercheurs sont à la recherche d’une chose mais font accidentellement une découverte susceptible d’influencer les décisions futures en matière de santé.
Les résultats de ce genre soulèvent des questions délicates. Les renseignements pourraient être bénéfiques pour l’enfant, mais nous donnons aux parents le choix de recevoir ce type de renseignements ou non en ce qui concerne leur enfant.
Est-il juste pour les parents de décider de ne pas recevoir les résultats imprévus de leur enfant?
Le problème, c’est que je ne suis pas sûre que les parents devraient exercer le « droit ne pas savoir » dans certaines circonstances. Certes, nous ne devrions pas accabler les enfants avec des résultats défavorables ou de l’information sur le risque avant l’âge adulte lorsque rien ne peut être fait. Mais si les chercheurs trouvent quelque chose de médicalement important, qui peut être traité ou prévenu pendant l’enfance, l’enfant ne devrait il pas avoir droit au traitement?
Le consentement renouvelé est-il une option – c.-à-d. obtenir le consentement des enfants quand ils deviennent des adultes capables d’exprimer leur propre désir de savoir ou de ne pas savoir?
En théorie, le consentement renouvelé est une solution. Mais en réalité, c’est impossible ou peu pratique, à l’exception des études longitudinales où la communication ultérieure avec les personnes est normale.
De nombreux chercheurs ne reçoivent un financement que pendant trois à six ans; une approche fondée sur le consentement renouvelé les obligerait donc à continuer de suivre les enfants une fois leurs projets terminés. Par ailleurs, les enfants se déplacent et il peut être difficile de les suivre jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de la majorité.
Le titre de votre projet de recherche est « Protection des renseignements personnels dans les biobanques pédiatriques canadiennes : évolution du contexte ». Qu’est-ce qui évolue?
Nous sommes à la croisée des chemins, il est donc difficile de le dire. Pour les générations à venir, l’information génomique sera probablement monnaie courante, presque comme la météo. Les personnes de la prochaine génération parleront sans doute ouvertement du fait qu’elles sont à risque de développer une maladie ou qu’elles ont un métabolisme plus rapide. Elles pourraient ne pas partager nos préoccupations en matière de protection de la vie privée. Notre souci de la confidentialité des données génétiques s’exprime-t-il dans le meilleur intérêt des générations futures? Ou bien ces générations verront-elles rétrospectivement notre prudence actuelle comme extrêmement paternaliste?
La professeure Knoppers et son équipe ont analysé trois enjeux clés en matière de protection de la vie privée liés à l’utilisation des biobanques pédiatriques au Canada :
- Renseignements personnels. Le terme « renseignements personnels » est souvent défini de façon très large et peut inclure les renseignements médicaux en général de même que les renseignements liés aux matériaux biologiques humains.
- Consentement. Il est généralement admis qu’il faut obtenir le consentement éclairé des particuliers dans la recherche concernant des sujets humains. Étant donné que les enfants n’ont pas la capacité juridique de consentir à leur participation à la recherche, le consentement des parents est nécessaire. Certaines lois en matière de protection de la vie privée reconnaissent explicitement le rôle des parents ou d’autres tuteurs reconnus légalement dans l’exercice des droits s’appliquant aux renseignements personnels des mineurs.
- Recherche. Compte tenu du fait que le consentement renouvelé peut parfois être impossible à obtenir dans un contexte de recherche, la législation en matière de protection des renseignements personnels contient souvent une renonciation par un comité d’éthique de la recherche qui donne aux chercheurs l’accès aux renseignements personnels en l’absence de consentement de la personne à qui les renseignements se rapportent.
— Tiré de « Protection des renseignements personnels dans les biobanques pédiatriques canadiennes : évolution du contexte »
Pour en savoir plus
Mémoire sur les orientations stratégiques - Consentement, respect de la vie privée et biobanques de recherche (coparrainé par Génome Canada et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada) .
Des « minis » créateurs de changement
Qu’arrive-t-il lorsqu’un groupe d’enfants de huit à dix ans est formé pour collaborer à la création d’un jeu axé sur la protection de la vie privée? Ils dépassent les attentes.
Qui : Kate Raynes-Goldie et David Fono, cofondateurs d’Atmosphere Industries, une organisation sans but lucratif du domaine de la conception de jeux établie au Canada et en Australie, et une équipe composée de jeunes Canadiens de huit à dix ans, Chris, Jordan, Kiri, Mary, Mitchell, Peter et Tinson.
Enjeu clé en matière de protection de la vie privée : On met souvent les enfants en garde au sujet du danger que représentent les « personnes inconnues » en ligne. Cependant, ils n’ont généralement pas l’occasion de mettre en pratique leurs compétences en matière de protection de la vie privée, par exemple pour déterminer les personnes ou les entreprises auxquelles ils devraient communiquer leurs renseignements et pour réfléchir de façon critique aux conséquences possibles de leurs choix.
Objectif du projet : L’équipe a utilisé le financement du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada pour collaborer avec un groupe d’enfants afin de déterminer des objectifs d’apprentissage liés au développement des compétences en matière de protection de la vie privée, et pour créer un jeu qui permet d’acquérir ce type de compétences d’une manière amusante.
Résultats : L’équipe a conçu un jeu de plateau « amélioré » (combinaison de tablette iPad et de jeu de plateau) afin d’aider les enfants à acquérir des compétences leur permettant de prendre des décisions de façon autonome en ce qui concerne la vie privée en ligne. Le jeu « The Watchers » peut être téléchargé gratuitement ou acheté sous forme de jeu de plateau « pré assemblé », avec une application Web connexe qui sert de guide à mesure que l’histoire se déroule. Un rapport de recherche d’accompagnement offre un aperçu des connaissances que possédaient déjà les enfants et les cocréateurs en matière de protection de la vie privée et de celles qui, selon eux, devaient être transmises aux autres enfants. En outre, les créateurs du jeu indiquent comment appuyer les enfants, en tant que coconcepteurs, dans le cadre du processus d’élaboration de jeux similaires.
Quelle est la première chose à éviter lorsque vous travaillez avec des enfants pour concevoir un jeu qui contribue au développement des compétences en matière de protection de la vie privée?
« N’utilisez pas les mots "protection de la vie privée" », dit en riant Kate Raynes Goldie, cofondatrice d’Atmosphere Industries, une organisation sans but lucratif du domaine de la conception de jeux primée établie au Canada et en Australie.
« Pour les enfants, ce terme est lourd de sens, mais vague, explique-t-elle. Je crois que la notion de protection de la vie privée est vague pour tout le monde; cependant, pour les enfants, elle évoque surtout le fait que des personnes qui, selon eux, ne savent pas nécessairement de quoi elles parlent, adoptent un ton condescendant pour les mettre en garde contre les dangers liés à Internet. »
Quelle est la deuxième chose à éviter?
« Ne sous-estimez pas la contribution des enfants au processus », déclare Mme Raynes Goldie, qui est aussi chercheuse et éducatrice spécialisée dans les jeux et les médias sociaux. « Faites-les participer directement à la création du jeu. »
Financée par le Programme des contributions du Commissariat, l’équipe du projet « Gaming Privacy » a adopté une approche novatrice : elle a collaboré avec des enfants non seulement pour réaliser le jeu, mais également pour déterminer les objectifs d’apprentissage qui s’y rattachent.
Plutôt que d’élaborer le jeu en vase clos, pour ensuite le lancer « dans le terrain de jeux » pour observer la réaction des enfants, l’équipe a travaillé avec ceux ci dès le départ.
« Cela peut sembler évident, mais les gens pourraient être étonnés de constater que les entreprises demandent rarement la collaboration des enfants pour concevoir des jeux qui ciblent des groupes d’âge plus jeunes, même des jeux éducatifs », observe Mme Raynes Goldie.
« C’est peut-être parce que cela comporte plus d’obstacles, avance-t-elle. Les parents doivent intervenir pour donner leur consentement et, comme nous menions également un projet de recherche, en plus de concevoir un jeu, nous devions obtenir l’autorisation du comité d’éthique de la recherche pour travailler avec les enfants. »
Alors pourquoi se donner tout ce mal?
« Les enfants sont très futés; cela en vaut la peine. De plus, la contribution qu’ils peuvent offrir trouve son écho auprès des autres jeunes. »
Mme Raynes-Goldie et ses collègues d’Atmosphere n’ont pas enseigné aux enfants à mémoriser des façons d’éviter le danger que représentent les « personnes inconnues ». Ils voulaient plutôt les aider à acquérir des compétences en matière de réflexion critique et de prise de décisions de façon autonome en ce qui a trait à la protection de la vie privée.
« Le mythe relatif au danger que représentent les « inconnus » a été essentiellement déboulonné, déclare Mme Raynes-Goldie. Les risques liés aux cyberprédateurs, bien qu’ils suscitent des préoccupations, sont en réalité minimes, et la plupart des enfants sont très sensibilisés à ces risques. En fait, les jeunes courent davantage le risque que leurs renseignements personnels soient compromis en ligne. »
Les joueurs peuvent s’exercer à déterminer les personnes ou les entreprises auxquelles ils devraient communiquer leurs renseignements, et à réfléchir de façon critique aux conséquences possibles de leurs choix.
« Étant donné tout ce qu’on entend au sujet des jeunes et de leur utilisation irresponsable d’Internet, les gens pourraient être étonnés par l’étendue de leurs connaissances en ce qui concerne les pratiques des entreprises en matière de marketing en ligne », affirme Mme Raynes-Goldie.
De nombreux enfants ont mentionné que les conditions de service étaient trop longues et compliquées, et qu’elles étaient destinées non pas à être lues et comprises, mais uniquement à protéger l’entreprise.
« Les enfants semblaient pouvoir faire la distinction entre les entreprises "cupides", qui les "marchandisent" aux fins de marketing ou de publicité, et les entreprises plus fiables », observe Mme Raynes-Goldie.
Après que les enfants aient collaboré avec l’équipe de projet pour déterminer les enjeux clés en matière de protection de la vie privée et les objectifs d’apprentissage, le processus de production a commencé. Les enfants ont reçu une formation sur la conception de jeux; ils ont proposé des idées concernant les paramètres et les scénarios, et ils ont contribué à la création des personnages du jeu, en leur donnant des noms comme « Petor la boule de poils », « Zombo le zombie laiteux » et « Kara la louve alpha ». Une artiste professionnelle a ensuite dessiné les différents personnages en s’inspirant de leurs croquis.
« Les enfants sont alors devenus nos clients. Nous leur présentions des concepts fondés sur leurs idées, et ils nous donnaient des directives et de la rétroaction », explique Mme Raynes-Goldie, qui souligne que l’équipe de projet a collaboré avec le laboratoire EDGE de l’Université Ryerson pour produire le jeu vidéo.
En mai 2012, le jeu « The Watchers » a été lancé comme un jeu de plateau « amélioré » (combinaison de tablette iPad et de jeu de plateau) qui peut être téléchargé gratuitement ou acheté sous la forme d’un produit « pré assemblé ». Une application Web connexe sert de guide à mesure que l’histoire se déroule.
« Les enfants sont certainement agacés par le discours relatif au danger que représentent les "inconnus". Ils s’intéressent davantage aux pratiques en ligne des entreprises et à la manière dont elles pourraient les toucher, affirme Mme Raynes Goldie. Le cyberpaysage évolue. Nous devons aider les enfants à résoudre les problèmes, mais nous devons aussi reconnaître davantage la contribution qu’ils peuvent apporter en vue de la résolution de ces problèmes », ajoute-t-elle.
Procurez-vous le jeu axé sur la protection de la vie privée!
Le jeu « The Watchers » se déroule dans une ville interdimensionnelle appelée Union City. Un organisme gouvernemental secret indépendant, composé des meilleurs agents de chacune des dimensions, est chargé de protéger la ville. L’équipe doit enquêter sur certains évènements mystérieux liés au réseau-réalité « amélioré » de la ville, « Hatnet », fondé sur des chapeaux. Dans le cadre des enquêtes, les joueurs se familiarisent avec un certain nombre de concepts liés à la protection de la vie privée dans le monde réel, et développent leurs compétences en matière de réflexion critique et d’évaluation des risques. Ils apprennent énormément au sujet de la protection de la vie privée, sans même devoir prononcer ces mots!
Pour en savoir plus
Pour de plus amples renseignements :
www.atmosphereindustries.com[en anglais seulement]
Télécharger le jeu :
www.watchersgame.com[en anglais seulement]
Ressources du CPVP :
Consoles de jeu et renseignements personnels : la vie privée en jeu
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Depuis 2004, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (Commissariat) fait progresser la connaissance et la sensibilisation relatives à la protection de la vie privée par le truchement de son Programme des contributions – un programme considéré comme l'un des meilleurs programmes de recherche existants sur la protection de la vie privée.
Le Programme des contributions est ouvert à toutes les institutions sans but lucratif qui souhaitent générer des idées, des connaissances et des approches pratiques nouvelles qui aideront les organisations ou les personnes à prendre des décisions éclairées en matière de protection de renseignements personnels. Toutes les propositions soumises sont évaluées en fonction de leur mérite au cours d’un processus d’examen interne et externe par des pairs.
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