Répercussions économiques possibles sur l’assurance de personnes de l’interdiction d’utiliser les renseignements génétiques
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Michael Hoy
Department of Economics and Finance, College of Management and Economics, Université de Guelph
Maureen Durnin
Mars 2012
Avis de non-responsabilité: Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles de l’auteur. Elles ne reflètent pas nécessairement celles du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
Sommaire
La question de savoir si les assureurs devraient avoir accès aux renseignements génétiques des personnes (c.-à-d. aux résultats de tests génétiques) ne fait certes pas l’unanimité. Les assureurs-vie, par exemple, souhaitent traiter ces renseignements comme toute autre information médicale pour pouvoir déterminer plus précisément la classe de risque des proposants. En revanche, plusieurs personnes et groupes d’intérêt, invoquant le risque d’atteinte à la vie privée et de discrimination, pensent qu’il s’agit là de renseignements auxquels les assureurs ne devraient pas avoir accès.
Les divergences d’opinion quant au bien-fondé d’une interdiction réglementaire empêchant les assureurs d’avoir accès aux résultats de tests génétiques de proposants témoignent des différences sur le plan des valeurs et des croyances à l’égard des répercussions concrètes d’une telle interdiction. La population en général et les groupes d’intérêt préoccupés par cette question appuient généralement une telle interdiction pour éviter les atteintes à la vie privée et la discrimination. Quant aux assureurs, ils sont d’avis que les renseignements génétiques ne devraient pas être traités autrement que toute autre information médicale qui les aide à évaluer le risque de santé et de mortalité. Ils croient que si les consommateurs peuvent leur cacher des renseignements pertinents sur le plan actuariel, les assureurs seront désavantagés et risqueront des pertes imprévues. Ils se sont aussi dits inquiets du fait qu’une telle interdiction puisse faire grimper les primes d’assurance et freiner l’achat d’assurance. Les économistes et les actuaires appellent ce phénomène l’antisélection.
Du point de vue des assureurs, le recours aux hypothèses actuarielles pour estimer la répartition des pertes liées aux assurés, et ainsi leurs portefeuilles de risque, est considéré comme crucial pour s’assurer que les primes sont établies à un niveau qui leur permettra de maintenir une solvabilité adéquate et ainsi d’assurer la protection des clients qui présentent une réclamation. Les compagnies d’assurance doivent aussi être en mesure d’offrir un rendement raisonnable à leurs actionnaires.
Il semble clair, toutefois, que les assureurs n’ont pas besoin d’utiliser toutes les caractéristiques connues (ou potentiellement connues) des personnes pour établir les classes de risque les plus précises qui soient. Dans de nombreux cas, on ne peut pas classer parfaitement les personnes à cause de la complexité ou du coût de l’opération, ou parce qu’il est tout simplement impossible de connaître tous les facteurs de risque dont tous les proposants ont connaissance à leur égard. C’est pourquoi les méthodes de tarification ou de classification des assureurs ne sont pas fondées sur les primes actuariellement équitables selon la classe de risque, mais plutôt sur les primes de groupe actuariellement équitables. Les assureurs utilisent davantage ces renseignements dans certains marchés que dans d’autres, mais il semble que tous les marchés demeurent viables. Par exemple, les assureurs britanniques recourent davantage aux renseignements personnels que leurs homologues nord-américains pour évaluer le risque. Par ailleurs, même si les assureurs-vie de nombreux pays européens se voient interdire l’accès aux résultats de tests génétiques privés de leurs clients, aucune conséquence négative de quelque nature que ce soit ne semble s’être manifestée.
Pour qu’une méthode de classification du risque soit efficace tant pour les compagnies d’assurance individuelles que pour le rendement raisonnable de l’ensemble du marché, a) les assureurs d’un marché particulier doivent utiliser des classes de risque similaires et b) les proposants ne doivent pas passer sous silence beaucoup de renseignements personnels pertinents sur le plan actuariel dans le cadre d’un contrat d’assurance. Par exemple, lorsque les compagnies d’assurance-maladie privées d’Australie n’ont pas pu exiger des primes plus élevées à leurs clients âgés, ce sont les personnes âgées et à risque élevé, en nombre disproportionné, qui ont trouvé cette situation avantageuse. Ainsi, les personnes jeunes et en santé se sont tournées vers le régime d’assurance public, et le régime privé n’était alors plus viable. Ce résultat s’est produit à cause de la différence considérable quant au niveau de risque (fréquence des réclamations) que présentaient les personnes âgées. En d’autres termes, l’effet d’antisélection était important. Dans le contexte des résultats de tests génétiques, il semble qu’à l’heure actuelle, le nombre de personnes passant sous silence des renseignements suffisamment pertinents sur le plan actuariel quant au risque de santé ou de mortalité ne soit pas assez élevé pour que l’interdiction de l’utilisation de ces renseignements par les assureurs ait des conséquences sérieuses ou même perceptibles sur le marché. Bien entendu, il faut faire preuve de circonspection et ne pas écarter la possibilité que se produise un effet d’antisélection important au fil des ans à mesure que la quantité de renseignements génétiques augmente.
Même si on accepte la prévision selon laquelle une interdiction réglementaire de l’utilisation par les assureurs des résultats de tests génétiques ne nuirait pas vraiment au marché de l’assurance sur le plan de la rentabilité et de la tarification, la question de savoir si cette interdiction est souhaitable sur le plan économique et sur le plan social demeure entière. Sont examinées dans le présent rapport les répercussions économiques et sociales possibles d’une telle interdiction sous l’angle de diverses échelles de valeurs et sous diverses perspectives pragmatiques. Il s’agit de la théorie économique du bien-être, selon laquelle l’analyse économique doit tenir compte des facteurs sociaux dans leur ensemble.
Nous concluons qu’à l’heure actuelle et à court terme, l’interdiction d’utiliser les renseignements génétiques n’aurait pas vraisemblablement de répercussions négatives sur les assureurs ou sur la viabilité du marché de l’assurance (par exemple, assurance-vie). Bien qu’il ne soit pas de notre ressort de recommander l’imposition ou non d’une interdiction, il convient de noter que cette dernière rassurerait la population quant à la protection de la vie privée et atténuerait ses inquiétudes à l’égard d’éventuelles difficultés à souscrire une police d’assurance-vie si les résultats à un test génétique annonçaient de « mauvaises nouvelles ». Il semble qu’imposer cette interdiction réglementaire non seulement ne nuirait pas au marché de l’assurance, mais serait aussi souhaitable sur les plans économique et social. Cependant, les récents progrès scientifiques à l’égard de la valeur prédictive des renseignements génétiques et de la fiabilité du dépistage génétique, la disponibilité accrue du séquençage du génome humain dit « à 1 000 $ » et l’expansion du marché des services de dépistage génétique offerts directement aux consommateurs ainsi que la réaction des assureurs, des consommateurs ou des intermédiaires financiers (par exemple, évolution du marché des règlements d’assurance-viatique ou du placement-vie) donnent à penser qu’il faudrait revoir cette conclusion au fil des ans si l’interdiction est imposée.
1. Introduction
Dans le présent rapport, nous examinons les possibles répercussions économiques et sociales d’interdire aux assureurs de personnes d’utiliser, au moment de déterminer la prime de nouveaux contrats d’assurance, quelque renseignement génétique que ce soit que peuvent posséder les clients. Nous analysons soigneusement bon nombre des diverses opinions sur la question épineuse de savoir si les assureurs devraient pouvoir fixer la prime (ou toute autre disposition contractuelle) d’une personne en fonction de ses résultats à un test génétique. Dans son rapport de 2012, Macdonald démontre de manière convaincante que la quantité de renseignements liés à des tests génétiques, que les personnes passeraient sous silence, n’est pas assez importante à l’heure actuelle pour représenter une menace à la viabilité financière des compagnies d’assurance. En outre, permettre aux personnes de garder pour elles ces renseignements ne saurait avoir une grande incidence sur la prime d’assurance moyenne ou sur la capacité du marché de l’assurance de protéger les personnes et les familles des risques financiers liés à la maladie ou au décès.
Toutefois, une telle évaluation actuarielle fondée sur la disponibilité actuelle des renseignements génétiques au sein de la population et sur la viabilité financière du marché de l’assurance, les assureurs devant se passer de ces renseignements pour le moment, ne permet pas en soi de déterminer si l’interdiction réglementaire de l’utilisation par les assureurs des résultats de tests génétiques est souhaitable tant sur le plan économique que sur le plan social. Dans le présent rapport, nous nous penchons sur les répercussions économiques et sociales possibles d’une telle interdiction sous l’angle de diverses échelles de valeurs et sous diverses perspectives pragmatiques (par exemple, les résultats économiques tant sur le plan des primes d’assurance que sur l’étendue de la couverture que voudront se procurer les personnes et les familles, risque de faire l’objet de discrimination ou d’être victime d’une atteinte à la vie privée si les assureurs ont accès à ces renseignements; l’hésitation possible des gens à subir des tests génétiques qui pourraient être utiles à la prise de décisions médicales). Après avoir examiné ces répercussions ainsi que d’autres considérations sociales et économiques d’ordre général, nous en arrivons à la conclusion qu’une interdiction réglementaire de l’utilisation des renseignements génétiques aux fins de l’assurance de personnes est non seulement viable sur le plan financier (ce qui confirme le point de vue de Macdonald), elle est aussi souhaitable sur les plans économique et social à court et à moyen terme pour un certain nombre de raisons.
Nous examinons ensuite les changements éventuels qui pourraient nous mener à revoir ces conclusions à long terme. Il est de plus en plus facile pour une personne d’obtenir de l’information sur son patrimoine génétique. Le coût de plusieurs tests génétiques est en chute libre. De nombreux « initiés » croient qu’il sera bientôt possible de séquencer le génome complet d’une personne pour 1 000 dollars ou moins. Le marché des services de dépistage génétique offerts directement aux consommateurs connaît une forte croissance, où les entreprises prétendent être en mesure d’offrir à leurs clients de l’information importante sur leur patrimoine génétique ainsi que sur ses incidences possibles sur leur mode de vie et leur état de santé. L’accès accru des gens à leurs propres renseignements génétiques pourrait, au fil du temps, faire sérieusement basculer l’équilibre à l’égard de cette information entre les acheteurs et les vendeurs, ce qui représenterait un risque accru d’antisélection.
De plus, il est difficile d’évaluer la signification future et la valeur prédictive des renseignements tirés des tests génétiques. Nul doute que d’autres liens seront établis entre des gènes dits pathologiques et les divers risques de santé et de mortalité auxquels seront exposés ceux qui ont ces gènes. De tels liens pourraient se révéler de plus en plus importants à mesure que le milieu de la médecine comprend mieux la relation entre les prédispositions génétiques à diverses maladies et d’éventuelles mesures préventives comme l’adoption de modes de vie particuliers et la surveillance médicale (comme les décisions sur la fréquence des coloscopies et des mammographies). Une fois que le lien entre les gènes et les maladies sera mieux compris et que la valeur prédictive des renseignements génétiques sera améliorée, il faudra peut-être revoir la présente évaluation des effets de l’interdiction réglementaire de l’obtention et de l’utilisation par les assureurs des résultats de tests génétiques.
Enfin, l’industrie de l’assurance elle-même pourrait modifier le type de contrats offerts (par exemple, rééquilibrer les contrats d’assurance-vie à court terme et à long terme) et les intermédiaires financiers tiers, comme les compagnies de règlement d’assurance-viatique, pourraient se multiplier pour offrir à ceux qui sont considérés comme représentant un « risque trop élevé » l’option de racheter leur police d’assurance-vie pour un rendement financier immédiat. Ces futurs développements pourraient aggraver certaines des répercussions économiques négatives de l’interdiction réglementaire à l’étude.
Dans la prochaine section, nous présentons les positions de base défendues par les consommateurs et les assureurs quant au bien-fondé de l’interdiction réglementaire. À la section 3, nous exposons les principales réactions que pourraient avoir les assureurs si l’accès aux résultats de tests génétiques subis par les proposants leur était interdit. Suit à la section 4 une brève analyse de la disponibilité actuelle des renseignements génétiques et une évaluation de son incidence sur la viabilité financière du marché de l’assurance. Les répercussions de l’interdiction sur le marché sont analysées à la section 5 sous l’angle de diverses échelles de valeurs et sous diverses perspectives pragmatiques, y compris les préoccupations au sujet de l’atteinte à la vie privée et de la discrimination, de l’efficience économique et du bien-être collectif en général. Quant à la section 6, elle porte sur les développements éventuels en ce qui a trait à la disponibilité des renseignements génétiques, sur le coût des tests génétiques et sur la façon dont le marché de l’assurance pourrait réagir à ces changements. Enfin, nous présentons nos conclusions dans la dernière section.
2. Positions défendues
Consommateurs
Pour connaître les diverses préoccupations à l’égard de l’utilisation des renseignements génétiques, il est utile d’examiner tout d’abord les arguments présentés par l’organisme parapluie regroupant les organisations qui s’opposent directement au dépistage génétique par les assureurs. La Coalition canadienne pour l’équité génétique (CCEG, http://www.ccgf-cceg.ca/fr/about-ccgf) défend une position commune au nom de plusieurs organisations canadiennes :
- Société canadienne de la SLA
- Société Alzheimer du Canada
- Fondation canadienne de la fibrose kystique
- Centre de médecine moléculaire (UBC)
- CORD (Canadian Organization for Rare Disorders)
- Fondation Fighting Blindness
- Société Huntington du Canada
- Fondation canadienne du rein
- Dystrophie musculaire Canada
- NF Canada
- Cancer de l’ovaire Canada
- Ostéoporose Canada
- Société Parkinson Canada
- Association de spina-bifida et d’hydrocéphalie du Canada
- Fondation canadienne du syndrome de la Tourette
Selon la CCEG, le dépistage génétique mène à de la discrimination génétique. Elle soutient, en citant l’UNESCO, que les renseignements à caractère génétique constituent des « renseignements uniques, personnels et de nature privée » et qu’ils ne devraient pas être utilisés d’une manière discriminatoire ayant pour but ou pour effet « de porter atteinte aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales ou à la dignité humaine […] » (UNESCO, Déclaration internationale sur les données génétiques humaines, 2003). La CCEG affirme, d’une part, qu’au Canada, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) vise la protection des renseignements personnels des individus, mais elle avance, d’autre part, que le gouvernement canadien devra « équilibrer les forces en jeu et mettre en place des mécanismes dans le cadre desquels les sociétés d’assurance peuvent continuer à exploiter leurs activités convenablement tout en fournissant leurs services à la population canadienne avec équité et justice ». La coalition conclut que « [d]ans un avenir prévisible, l’interdiction de la discrimination génétique ne serait pas préjudiciable au secteur des assurances et ne pénaliserait pas les titulaires d’une police d’assurance individuelle ».
En fait, la plupart des pays européens ont déjà imposé un moratoire sur le dépistage génétique aux fins d’assurance de personnes. (L’Union européenne interdira l’utilisation du sexe comme classe de risque dans le domaine de l’assurance en 2012 et pourrait bientôt interdire l’utilisation de l’âge dans les évaluations du risque.) Les gouvernements de ces pays sont sensibles à l’opinion publique. Ils pensent que la population s’oppose fortement à ce que les compagnies d’assurance imposent quelque dépistage génétique que ce soit. Certains philosophes associent cette réticence des gens à voir leur ADN « révélé » à leur souhait de protéger le caractère privé de leur moi le plus intime. Selon Paul Root Wolpe (1997, p. 217), les gènes sont, dans un sens, notre moi véritable, bien plus que la face que nous présentons au monde : ils sont notre essence même, notre identité fondamentale. En se reportant à Dorothy Nelkin (auteure de La mystique de l’ADN), il affirme que nous avons attribué un caractère biologique à ce que constitue l’âme, l’essence de chaque personne, qui peut nous créer de nouveau et qui incarne tout ce que nous sommes (Wolpe, 1997, p. 217). Les grands quotidiens participent également aux débats à l’égard de cette question et publient souvent des articles qui, selon ces journaux, sensibilisent la population aux conséquences négatives éventuelles de l’utilisation des renseignements génétiques. À la une du Globe and Mail du 1er janvier 2012 figurait un article de Carly Weeks intitulé « Health insurance and “genetic discrimination”: Are rules needed? », où il écrit ce qui suit :
Les progrès dans le domaine de la science médicale nous permettent de comprendre de mieux en mieux les fondements génétiques des maladies, ce qui ouvrirait la voie à de nouveaux traitements ou thérapies. Un nombre croissant de spécialistes craignent toutefois que ces progrès pourraient comporter des conséquences fâcheuses imprévues pour la population, comme de permettre aux assureurs et aux employeurs d’utiliser ces renseignements pour refuser à quelqu’un de l’assurer ou de l’indemniser. [traduction]
En fait, selon une étude de Hall et Rich (2007) effectuée auprès de conseillers en génétique, 84 % de ces conseillers disent à leurs patients que le dépistage génétique les expose au risque de faire l’objet d’une éventuelle discrimination de la part des assureurs.
Bien que la Privacy Rights Clearing House, en anglais seulement) soit une organisation américaine sans but lucratif, sa mission, en quelques mots, consiste à aider les consommateurs à protéger et à gérer leurs renseignements personnels, souvent sous forme électronique. Il incombe notamment à cette organisation d’afficher la liste des atteintes importantes à la sécurité des renseignements personnels, y compris dans les organisations du secteur de la santé. Son service d’assistance téléphonique reçoit les questions et les plaintes des consommateurs. Dans un discours prononcé dans le cadre d’une conférence sur la gestion des dossiers médicaux électroniques, la directrice de la Privacy Rights Clearing House, Beth Givens, a affirmé ce qui suit :
Plusieurs des cas les plus graves en matière d’atteinte à la vie privée révélés par le service d’assistance téléphonique sont le fait d’erreurs, de négligence et de manque de jugement de ceux qui traitent les renseignements personnels. Dans certains cas, cette atteinte à la vie privée est liée aux mesures de sécurité inadéquates lors du traitement des renseignements personnelsNote de bas de page 1. [traduction]
La Privacy Rights Clearing House considère que le codage médical effectué par le Medical Information Bureau (Bureau de renseignements médicaux), organisation qui possède les renseignements médicaux codés aux fins d’assurance de 15 millions d’Américains et de Canadiens, constitue un problème éventuel sérieux quant à la mauvaise utilisation des renseignements médicaux. Compte tenu de toutes ces informations sur les inquiétudes possibles suscitées par le recours, abusif ou non, au dépistage génétique, il n’est pas surprenant que des consommateurs « raisonnables » répugnent à accepter de subir des tests génétiques. Les services de dépistage génétique offerts directement aux consommateurs pourraient également un jour être source de préoccupation, car les résultats des tests ne seront pas conservés dans les dossiers médicaux des patients, mais plutôt dans les bases de données des entreprises qui proposent ces services, ce qui constitue un autre risque possible d’atteinte à la vie privée.
Assureurs
Certains des arguments défavorables sont invoqués par l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) et l’Institut canadien des actuaires (ICA). Les assureurs n’exigent pas actuellement de dépistage génétique pour évaluer le risque. Ils demandent toutefois l’accès à tout renseignement génétique existant ainsi qu’à des antécédents médicaux familiaux qui pourraient sans doute être considérés comme des renseignements génétiques. Selon l’ACCAP, il est « très important que les assureurs vie et maladie puissent obtenir et utiliser tous les renseignements pertinents sur l’état de santé du proposant afin de pouvoir adéquatement classer et tarifer le risque à assurer ». Toujours selon cette association, le contrat d’assurance est une convention « de bonne foi » qui, de par sa nature même, exige des parties de faire preuve de transparence pour tout élément pertinent au contrat afin que ce dernier soit conclu sur une base de « symétrie d’information » entre l’assureur et l’assuré. L’association cite le code de déontologie de l’industrie, selon lequel les assureurs doivent « respecter le droit à la vie privée des clients en utilisant les renseignements personnels obtenus sur ces derniers uniquement à des fins permises et en ne les divulguant qu’à des personnes autorisées ».
L’ACCAP poursuit en affirmant que la LPRPDE assure l’application de cette position éthique. Le point de vue de l’association sur l’avenir du dépistage génétique dans le marché de l’assurance est présenté dans son énoncé de position sur les tests génétiques (document de référence de l’ACCAP, avril 2010) : « L’industrie estime qu’il est très important de demeurer sensible au besoin d’assurer la confidentialité des renseignements génétiques. En outre, l’industrie continuera à surveiller l’évolution de la recherche en génétique ainsi que dans d’autres domaines afin de maintenir ses connaissances à jour, notamment quant aux avantages éventuels des renseignements génétiques sur l’efficacité des soins de santé et sur l’espérance de vie. Il importe d’évaluer soigneusement toute nouvelle information dans le domaine de la génétique afin de s’assurer que les renseignements utilisés par l’industrie sont fiables et pertinents, compte tenu des fins auxquelles ils peuvent servir. Une attention constante est essentielle pour que les pratiques de l’industrie demeurent saines et acceptables et que tout changement proposé, particulièrement en ce qui concerne d’éventuelles restrictions, soit fondé sur des faits et non sur des suppositions. »
Quant à l’Institut canadien des actuaires (ICA), qui conseille les compagnies d’assurance sur le risque et l’incertitude, il affirme qu’il a notamment pour mandat de susciter des débats sur la place publique sur le rapport entre la génétique et l’assurance. L’ICA soutient que les actuaires, encadrés par des normes de pratique professionnelles strictes et forts de leurs compétences en analyse financière fondée sur des données fiables et suffisantes, évaluent les classes de risque et déterminent les primes par suite d’analyses bien étayées (Institut canadien des actuaires, Énoncé sur les tests génétiques et l’assurance, novembre 2000, www.actuaires.ca). Selon l’ICA, la protection de la vie privée est cruciale et toute information obtenue par les assureurs ne doit être utilisée que pour le motif visé initialement et ne doit être communiquée à quiconque sans le consentement écrit du proposant. L’institut poursuit en affirmant que les proposants « devraient avoir le choix de se soumettre à un test génétique s’ils le souhaitent et [qu’]il ne faudrait pas les y obliger ». Il insiste sur le fait que la fiabilité et la pertinence des résultats du dépistage génétique seront rigoureusement prouvées. Bien que dans son analyse de la protection de la vie privée l’ICA prévoie que l’industrie de l’assurance, dans son utilisation future des renseignements génétiques, devra veiller à ce que les « besoins sociétaux en matière d’équité » soient équilibrés en fonction de la « nécessité de classifier les risques », l’institut adopte en définitive la même position que celle de l’ACCAP :
L’ICA n’appuie ni les tests génétiques obligatoires aux fins de l’assurance ni la [communication] des résultats des tests sans l’autorisation de la personne concernée. Cependant, l’ICA est d’avis que si les résultats des tests génétiques sont disponibles, il conviendrait que les deux parties à un contrat d’assurance en soient informées (à savoir le titulaire de la police et l’assureur). (Institut canadien des actuaires, Énoncé sur les tests génétiques et l’assurance, novembre 2000, www.actuaires.ca.)
Dans un article du Wall Street Journal du 10 janvier 2012 sur une avancée intéressante dans le domaine du dépistage génétique, Life Technologies Corp. allègue qu’avant la fin de l’année, l’entreprise dévoilera un appareil qui pourra séquencer le génome complet d’une personne. Les résultats seront disponibles en moins d’une journée et coûteront 1 000 $. Auparavant, il en coûtait 3 000 $ et les résultats n’étaient connus qu’au bout d’une semaine environ. Ce progrès scientifique est considéré comme des plus avantageux pour la recherche médicale et l’évolution de la médecine, mais comme le séquençage complet du génome d’une personne coûte de moins en moins cher, au point où il devient très abordable, il semble que les préoccupations des compagnies d’assurance quant à la rupture d’équilibre entre les assurés et les assureurs à l’égard des renseignements génétiques soient de plus en plus fondées.
3. Répercussions possibles d’une interdiction réglementaire sur le marché de l’assurance — Principes fondamentaux
Il importe de comprendre de manière plus générale comment les assureurs pourraient réagir à une interdiction réglementaire de l’utilisation de renseignements pertinents à l’évaluation du risque. Étant donné que les assureurs se font concurrence pour attirer les clients, il est dans leur intérêt d’avoir une clientèle représentant dans l’ensemble le risque le plus faible possible. Si les assureurs se voient interdire d’utiliser des renseignements pertinents sur le plan actuariel pour fixer les primes des différentes classes de risques (suivant les différents risques génétiques), ils pourraient alors avoir recours à des moyens indirects et subtils d’obtenir le meilleur groupe possible de clients (par exemple, sous l’angle du coût prévu des réclamations que l’assureur devra assumer). Les compagnies d’assurance qui s’y prendront bien feront davantage de profits. Les autres se retrouveront avec tant de clients coûteux « à risque élevé » qu’elles pourraient subir des pertes financières et même devenir insolvables. Cette situation ne serait pas souhaitable ni pour l’effectif de quelque compagnie d’assurance que ce soit, ni pour les investisseurs (actionnaires), ni pour les consommateurs. Dans la présente section, nous exposons comment une telle interdiction se répercuterait sur le marché de l’assurance.
Interdire aux assureurs d’utiliser des renseignements pertinents sur le plan actuariel pour fixer les primes de contrats d’assurance engendre une situation d’asymétrie de l’information qui, selon les économistes et les actuaires, pourrait dans certains cas mener à l’antisélectionNote de bas de page 2. L’asymétrie de l’information signifie simplement qu’une partie à un contrat (le proposant) possède de l’information pertinente à l’égard de l’issue du contrat (réclamations prévues) à laquelle l’autre partie (l’assureur) ne peut pas avoir accès ou dont l’utilisation lui est interdite. La situation de l’antisélection se produit parce que si la prime d’assurance est la même pour tous, les personnes à risque élevé seront plus nombreuses que celles à faible risque à acheter un certain type ou produit d’assurance ou encore une assurance dont la couverture est plus importante. Cette situation devrait se produire si la prime est la même pour tous les clients, alors que certains d’entre eux savent qu’ils présentent un risque plus élevé que la moyenne. Le produit est plus intéressant et souhaitable pour ces clients à risque élevé que pour les clients à faible risque, car ils ont plus de chances de tirer profit du contrat (c’est-à-dire faire une réclamation). On appelle antisélection découlant de la réglementation la situation où les acheteurs d’assurance possèdent des renseignements pertinents sur le plan actuariel auxquels il est interdit aux assureurs d’avoir accès, au titre d’un règlement. Voici deux stratégies possibles que les assureurs peuvent adopter pour pallier l’impossibilité d’utiliser ces renseignements :
a. Mutualisation du risque
Une des stratégies que pourraient adopter les assureurs dans une telle situation est celle de la mutualisation du risque. Un assureur qui ne peut pas déterminer qui sont les personnes à faible risque et celles présentant un risque élevé peut tout simplement mettre les risques en commun et établir une prime assez élevée pour couvrir les coûts prévus. Prenons l’exemple suivant qui montre l’effet de l’antisélection lorsque les assureurs mutualisent le risque et exigent la même prime d’assurance à tous, où les personnes sachant présenter un risque ne sont pas distinguées des autres.
Supposons un marché potentiel de l’assurance-vie dont le segment à risque élevé et celui à faible risque sont d’égale proportion. Par souci de simplicité, supposons une assurance-vie à terme de 10 ans pour des personnes âgées de 40 ans au moment de prendre leur décision d’acheter de l’assurance. Supposons en outre qu’au cours de cette période de 10 ans, la probabilité que meurent les personnes à risque élevé soit de 0,05 (5 % de chances), et dans le cas des personnes à faible risque, de 0,03 (3 % de chances)Note de bas de page 3. Si un nombre égal de personnes à risque élevé et à faible risque se procurent le même niveau de protection, disons 200 000 $, le coût prévu des réclamations sera donc la probabilité moyenne de perte de 0,04 (soit (0,05 + 0,03) / 2) fois le niveau de protection, ce qui équivaut à 8 000 $ (soit 0,04 x 200 000 $). Ce calcul donne la prime d’assurance actuariellement équitable fondée sur la probabilité moyenne, pondérée selon la population, que les personnes des deux types de risque présentent une demande d’indemnité.
Si les assureurs pouvaient exiger des primes différentes selon qu’il s’agit de personnes à risque élevé ou à faible risque, ils demanderaient vraisemblablement une prime plus élevée aux premières parce qu’elles présentent une probabilité de perte plus élevée, et vice versa dans le cas des personnes à faible risque. Ainsi, le coût d’une protection de 200 000 $ serait de 10 000 $ (soit 0,05 x 200 000 $) pour les personnes à risque élevé et de 6 000 $ (soit 0,03 x 200 000 $) pour les personnes à faible risque. Il s’agit de la méthode de l’établissement de la prime actuariellement équitable selon la classe de risque. Fait à remarquer, si aucune restriction n’empêchait d’exiger des primes différentes aux personnes à risque élevé et à celles à faible risque, on pourrait s’attendre à ce que les assureurs le fassent. En fait, si une compagnie d’assurance ne le faisait pas et évaluait à 8 000 $ le coût de l’assurance tant pour les personnes à risque élevé que pour celles à faible risque, toute autre compagnie d’assurance concurrente pourrait alors proposer aux personnes à faible risque la même protection à un coût moindre, disons 7 000 $, et tout de même réaliser un profit appréciable. Cette dernière stratégie séduirait toutes les personnes à faible risque. La compagnie d’assurance exigeant une prime uniforme perdrait de l’argent, car elle se retrouverait seulement avec des personnes à risque élevé, avec un coût prévu de 10 000 $ pour chacun des contrats souscrits pour seulement 8 000 $.
Supposons maintenant qu’une nouvelle loi interdit à tous les assureurs d’exiger des primes différentes aux personnes à risque élevé et à celles à faible risque. Tous les assureurs exigeraient alors de tous leurs clients la même prime de 8 000 $ pour une protection de 200 000 $ (prime actuariellement équitable fondée sur la probabilité moyenne pondérée selon la population), somme qui couvrirait le coût prévu des réclamations. Toutefois, comme la probabilité que les personnes à risque élevé meurent est plus importante, le contrat a en fait une plus grande valeur pour elles. Par conséquent, on peut s’attendre à ce qu’elles soient plus nombreuses à souscrire un tel contrat ou même à se procurer un niveau de protection plus important. Supposons qu’au bout du compte, les personnes à risque élevé se procurent un niveau de protection de 300 000 $, tandis que celles à faible risque ne demandent qu’un niveau de protection de 100 000 $, et que la prime est de 4 000 $ par tranche de 100 000 $ de protection pour les deux classes de risque (établie à partir de 8 000 $ pour une protection de 200 000 $). Dans cette situation, il y a déséquilibre dans la pondération de la prime d’assurance totale en faveur des clients à risque élevé. La prime uniforme appropriée qui couvrira le coût prévu devrait être pondérée selon un facteur de ¾ pour les personnes à risque élevé et de ¼ pour celles à faible risque étant donné que ce sont les poids relatifs du niveau de protection demandé. Ainsi, la prime actuariellement équitable après mutualisation du risque ne devrait pas être établie selon un rapport de 50/50 (personnes à risque élevé/à faible risque) du coût prévu fondé sur la probabilité moyenne pondérée, mais plutôt selon un rapport de 75/25 (poids plus important accordé aux personnes à risque élevé). La prime par dollar d’assurance qu’il faudra demander pour couvrir le coût prévu des réclamations est donc de (0,75 x 0,05) + (0,25 x 0,03) = 0,045 $, soit 4 500 $ (et non 4 000 $) par tranche de 100 000 $ de protection. La prime d’assurance doit être plus élevée que celle actuariellement équitable fondée sur la probabilité moyenne pondérée selon la population parce que les personnes à risque élevé se procurent plus d’assurance que celles à faible risque.
Le phénomène de l’antisélection mis en lumière par cet exemple mène à deux résultats qui préoccupent les actuaires, les assureurs et les économistes. Premièrement, le fait que les personnes à risque élevé achètent plus d’assurance que celles à faible risque lorsque la prime est uniforme se traduit par une hausse de la prime d’assurance moyenne. Dans cet exemple, lorsque les deux classes de risque se voient exiger des primes différentes en fonction du risque qu’elles présentent, la prime d’assurance moyenne est de 4 000 $ par tranche de 100 000 $ de protection, tandis que si une prime équivalente est prescrite par la loi, la prime d’assurance moyenne pourrait s’élever à 4 500 $ par tranche de 100 000 $ de protection par exemple. Deuxièmement, les personnes à faible risque se procurent moins d’assurance lorsque la prime est uniforme (mais plus élevée pour elles) que lorsqu’elle est établie selon la classe de risque (leur prime étant moindre dans ce cas du fait que la probabilité qu’elles fassent une demande d’indemnité est plus faible). Par conséquent, les personnes à faible risque pourraient être moins portées à s’assurer et assurer leurs personnes à charge adéquatement si la prime est uniforme. C’est ainsi que l’antisélection compromet l’efficacité du marché de l’assurance comme moyen pour les personnes de gérer leurs risques.
Toutefois, si les assureurs adoptent tous la même stratégie de mutualisation du risque pour « bien fixer la prime », ils ne s’exposeront pas à la ruine. En fait, leurs résultats pourraient être aussi bons s’ils sont forcés à exiger la même prime à tous que s’il leur était permis d’établir des primes différentes en fonction du niveau de risque. Ils sont toutefois aux prises avec la difficulté de déterminer quelle prime uniforme est requise au juste pour couvrir le coût prévu des réclamations dans la situation où les personnes dont le niveau de risque diffère se procureront vraisemblablement des niveaux de protection différents. En outre, il est possible que le marché dans son ensemble se contracte si un bon nombre de personnes à faible risque le quittent ou si elles réduisent considérablement leur niveau de protection. Dans notre exemple hypothétique, cette situation serait à juste titre préoccupante si la prime uniforme est sensiblement plus élevée que celle qui serait actuariellement équitable pour ces personnes à faible risque. Dans l’exemple hypothétique, la différence de prime était effectivement appréciable (4 500 $ plutôt que 4 000 $, soit 12,5 % de plus). L’aspect important des renseignements génétiques — du moins à l’heure actuelle — est que seulement une faible proportion de la population a connaissance de résultats de tests génétiques qui révèlent qu’ils représentent un risque « élevé ». Ainsi, les poids relatifs qu’il faut intégrer à la formule de calcul de la prime uniforme seront fortement orientés vers la classe de risque faible ou « typique » de la population, ce qui est clair dans la publication de Macdonald (2012). Néanmoins, on peut s’attendre à au moins un faible effet de l’antisélection sur la prime lié au fait d’interdire aux assureurs l’accès aux résultats de tests génétiques subis par quiconque ainsi qu’à une très modeste baisse de l’achat d’assurance par les personnes à faible risque.
b. Contrats séparateurs
Les compagnies d’assurance peuvent adopter un deuxième type de stratégie si leurs clients potentiels possèdent des renseignements sur leur niveau de risque auxquels l’accès est interdit aux assureurs. Comme les personnes à risque élevé accordent plus d’importance à la couverture d’assurance que les personnes à faible risque, un assureur pourrait proposer une gamme de contrats aux niveaux de protection et aux primes variés. Dans le cas où seules deux classes de risque existent, seulement deux contrats seraient proposés. Le contrat destiné aux personnes à risque élevé offrirait une protection étendue et serait assorti d’une prime actuariellement équitable pour cette classe de risque. L’autre contrat, destiné aux personnes à faible risque, offrirait une protection moindre et serait assorti d’une prime actuariellement équitable pour cette classe de risque. Il est possible d’encourager les personnes de chaque classe de risque à se procurer la police d’assurance « appropriée ». Les personnes à risque élevé préfèrent nettement avoir une protection étendue et sont donc disposées à « payer ce qu’il faut » pour en bénéficier.
En nous servant des suppositions formulées dans notre exemple hypothétique ci-dessus, supposons en outre qu’un assureur pourrait offrir deux contrats. Le premier, destiné aux personnes à risque élevé, offrirait une protection étendue (police de 200 000 $) et la prime serait actuariellement équitable selon leur classe de risque, soit 10 000 $, et le second, destiné aux personnes à faible risque, offrirait une protection moindre (par exemple, 100 000 $) et la prime serait actuariellement équitable selon leur classe de risque, soit 4 000 $. On peut raisonnablement s’attendre à ce que les personnes à risque élevé préfèrent la première police d’assurance et que les personnes à faible risque optent pour la seconde, ce qui signifie que chaque personne paiera le coût actuariel en fonction de sa classe de risque même si l’assureur ne peut avoir accès aux renseignements cachés (résultats de tests génétiques)Note de bas de page 4. Comme les deux polices sont proposées à tous les consommateurs, il semble qu’aucune discrimination ne soit exercée. Toutefois, au bout du compte, comme les personnes à risque élevé se retrouvent à payer une prime plus élevée, il serait possible de faire valoir qu’elles font ainsi « effectivement » l’objet de discrimination à l’égard de la tarification, et par ailleurs, comme les personnes à faible risque paient une prime moindre, mais se retrouvent à se voir offrir une protection moins importante, on pourrait prétendre qu’elles font ainsi « effectivement » l’objet de discrimination à l’égard de la couverture.
Pour que cette stratégie de contrats séparateurs soit efficace, l’assureur doit être en mesure d’offrir l’exclusivité, c’est-à-dire que les assurés éventuels ne peuvent souscrire qu’un seul contrat avec un seul assureur. Cette pratique est courante pour de nombreux types d’assurance, y compris l’assurance-automobile ainsi que l’assurance-maladie et l’assurance-invalidité en général. Ce n’est toutefois pas le cas de l’assurance-vie. En outre, la protection offerte aux personnes à faible risque est plutôt limitée lorsque les contrats sont distincts en comparaison de celle offerte lorsque le risque est mutualisé, alors la première protection sera privilégiée seulement si la réduction de la prime d’assurance destinée aux personnes à faible risque est assez importante pour compenser le niveau de protection moindre. Ici encore, selon la disponibilité actuelle des renseignements génétiques, la prime de groupe ne serait pas beaucoup plus élevée que la prime actuariellement équitable des personnes à faible risque et, par conséquent, il n’est pas prévu à l’heure actuelle que se livrent à une concurrence les assureurs qui proposeraient une gamme de contrats selon la classe de risque, déterminée par l’assureur ou par le proposant.
Par ailleurs, même si les personnes à faible risque pouvaient bénéficier d’une protection moindre si les assureurs exigeaient des primes différentes selon la classe de risque (c’est-à-dire fondées sur les résultats de tests génétiques), la baisse du niveau de protection ne devrait pas être très importante et préoccupante.
4. Disponibilité actuelle des renseignements génétiques et viabilité financière du marché de l’assurance
Actuellement, seul un petit nombre de personnes possèdent des renseignements génétiques précis sur elles-mêmes, lesquels ne portent que sur une partie de leur génome et ne concernent que certains risques de santé et de mortalité. Par exemple, quelqu’un qui a subi un test de dépistage d’un des gènes BRCA (gènes du cancer du sein) ne saura rien des autres risques génétiques (par exemple, prédisposition au cancer du côlon) auxquels il est exposé. Comme l’explique Macdonald (2012, section 3.1), les troubles génétiques qui intéressent les assureurs appartiennent à deux catégories fondamentales : les troubles monogéniques (parfois appelés maladies monogéniques) et les maladies multifactorielles (ou complexes), où plusieurs facteurs génétiques et non génétiques entrent en jeu. La maladie de Huntington est un exemple de trouble monogénique. Ces troubles n’affectent habituellement que très peu de personnes, quoique, bien entendu, le nombre de ces personnes ne soit pas entièrement négligeable dans le contexte de l’assurance. Les maladies multifactorielles présentent un risque plus élevé — à un niveau tout de même raisonnable — que les maladies monogéniques. Les connaissances sur les nombreuses maladies multifactorielles ne sont encore que fragmentaires (voir Antonarakis et Bechmann, 2006). Du point de vue médical, il est souvent considéré comme utile de savoir qu’on est porteur du gène d’une maladie multifactorielle, car on peut influer sur l’apparition de la maladie en changeant son mode de vie ou en recevant des soins médicaux (par exemple, si quelqu’un est porteur du gène prédisposant au diabète de type 2, il peut retarder ou même empêcher l’apparition de cette maladie en modifiant son alimentation et son mode de vie).
Quel est donc le lien entre ces différentes catégories de troubles génétiques et l’analyse économique du présent rapport? Si quelqu’un est porteur du gène de la maladie de Huntington, il a peu de chances de célébrer son 60e anniversaire de naissance. Ainsi, une personne en bonne santé mais porteuse de ce gène, aura beaucoup plus de chances de mourir avant que ne soit échu son contrat d’assurance-vie à terme de 10 ans si elle y souscrit à 50 ans. On pourrait donc penser qu’interdire aux assureurs d’avoir accès à cette information pèserait considérablement sur l’efficacité du marché de l’assurance. Les personnes porteuses du gène de la maladie de Huntington pourraient se procurer beaucoup d’assurance, ce qui ferait augmenter la prime de tous. Cependant, ce gène est rare. Macdonald (2012, section 3.2) mentionne les résultats d’exercices de simulation selon lesquels la surprime ne serait tout au plus que de 3 % par suite d’une interdiction réglementaire, interdiction qui permettrait à tous ceux qui sont porteurs d’un gène responsable de quelque maladie monogénique que ce soit, pas seulement de la maladie de Huntington, de cacher ce renseignement. Ce type de surprime n’aurait pas un effet notable sur la quantité d’assurance que se procureraient les personnes à faible risque (c’est-à-dire celles qui ne sont pas porteuses de ce type de gène).
Quant aux maladies multifactorielles, les personnes à risque élevé sont celles porteuses de gènes de prédisposition à des maladies courantes comme les cardiopathies, le diabète, etc. Chacun de ces gènes de prédisposition peut être lié à un risque modérément élevé de mortalité et, par ailleurs, les renseignements à l’égard de ces gènes pourraient s’accumuler au fil du temps au sein de la population. Cependant, comme l’a fait remarquer Macdonald, dans l’état actuel des connaissances et à court ou à moyen terme, la quantité de renseignements génétiques disponibles sur ce type de gènes a peu de chances de poser un risque sérieux d’antisélection pour l’industrie de l’assurance. Bien que de nombreuses personnes soient porteuses d’un ou deux de ces gènes et que d’autres soient porteuses de plusieurs d’entre eux, chacun des ces gènes a une incidence bien moindre sur le risque de mortalité qu’un gène comme celui de la maladie de Huntington. Par conséquent, même s’il était permis aux personnes de passer sous silence de tels renseignements, elles ne seraient pas portées à acheter une quantité d’assurance beaucoup plus grande que le feraient les personnes qui ne sont pas porteuses de ce type de gènes. Il semble donc que l’interdiction pour les assureurs de recourir aux résultats de tests génétiques pour évaluer le risque n’aurait pas de répercussions négatives sur la viabilité du marché de l’assurance à l’heure actuelle. Nous examinons ci-après les répercussions économiques et sociales générales de l’interdiction réglementaire sous divers angles et étudions la manière dont elles pourraient évoluer au fil du temps.
5. Évaluation économique de l’interdiction réglementaire
5.1 Protection de la vie privée
La protection de la vie privée présente de nombreux avantages — à la fois intrinsèques et instrumentaux — qui seraient rehaussés si l’accès aux résultats des tests génétiques des personnes était interdit aux assureurs. Le génome ou ensemble du matériel génétique représente, fondamentalement, l’identité même d’une personne. La possibilité que d’autres aient accès à ces renseignements est profondément inquiétante pour bien des gens, et plus le nombre d’endroits où ces renseignements sont conservés est grand, plus le sentiment intrinsèque de vulnérabilité de la vie privée est exacerbé. Le fait d’interdire aux assureurs de recueillir et d’utiliser des renseignements génétiques contribuerait assurément à atténuer de telles inquiétudes et à rétablir l’état de bien-être individuel associé à la valeur directe ou intrinsèque de la protection de la vie privée (c’est-à-dire la valeur de la protection de la vie privée en soi — voir Rosenberg, 2000).
En outre, cette interdiction renforcerait d’importants avantages instrumentaux découlant de la protection de la vie privée. Les gens se disent souvent inquiets des futurs problèmes qui pourraient survenir au moment de faire une demande d’assurance, qu’il s’agisse d’une hausse de prime ou d’un refus de couverture, si les compagnies d’assurance avaient accès aux résultats des tests génétiques qu’ils ont passés en vue de prendre de meilleures décisions quant aux soins de santé. Sans interdiction, certains pourraient décider de ne pas obtenir un test génétique qui serait par ailleurs utile, de peur de se voir imposer des primes plus élevées ou de ne plus pouvoir obtenir d’assurance. Interdire aux assureurs d’utiliser les renseignements génétiques pourrait aider à apaiser ces préoccupations et à réduire l’effet dissuasif chez ceux qui hésitent à subir un dépistage génétique quand l’information pourrait par ailleurs se révéler précieuse dans la prise d’importantes décisions touchant la santé (par exemple, accroître la fréquence des mammographies dans le cas des personnes porteuses d’une mutation d’un gène BRCA1/2). De tels avantages sont courants pour de nombreux gènes associés à des maladies multifactorielles. Les renseignements génétiques peuvent non seulement améliorer le bien-être des personnes, mais aussi accroître l’efficience du système de soins de santé global et en réduire les coûts (voir Filipova et Hoy, 2009).
Par contre, certains ne voudront pas connaître les possibles résultats négatifs de tests génétiques pour des raisons émotionnelles. Une telle réaction est plus fréquente dans le cas du dépistage de gènes associés à des maladies monogéniques (les maladies essentiellement causées par l’anomalie d’un gène et pour lesquelles il n’existe aucun moyen de prévention efficace). Des études montrent que le droit individuel de ne pas connaître les résultats de tests génétiques est important pour de nombreuses personnes. Comme l’ont souligné Lemmens et ses collègues (2008) :
Il apparaît clairement que le fait d’obtenir de tels renseignements peut déclencher d’inquiétants effets psychologiques. Par exemple, dans le contexte de différents essais cliniques où des tests génétiques anonymes étaient offerts sans frais, Meiser et Dunn (2000) ont découvert que de 9 % à 20 % des personnes à risque demandaient à passer ces tests dans divers centres situés dans des villes du Royaume Uni et à Vancouver. Obtenir des renseignements sur une future maladie grave inévitable, c’est comme recevoir une condamnation à mort. Souvent, les gens préféreront tout simplement ne pas connaître l’information qui pourrait se répercuter défavorablement sur leurs choix de vie. Bien qu’il semble rationnel de vouloir savoir comment une importante activité de la vie sera touchée dans l’avenir, certains préféreront envisager un avenir où rien n’est déjà défini.
Mis à part le besoin de montrer leur assurabilité, bien des gens ne veulent pas être testés de cette façon. En l’absence d’interdiction réglementaire qui empêcherait les assureurs d’insister pour que leurs clients subissent un dépistage génétique, un autre droit serait menacé, à savoir le droit de ne pas connaître son patrimoine génétique.
5.2 Crainte de discrimination
Il existe deux façons prédominantes et opposées d’envisager la discrimination génétique dans le contexte de la tarification des contrats d’assurance : une perspective morale ou éthique et une perspective économique ou fondée sur les coûts. L’énoncé suivant décrit fort bien ce que nous qualifions de préoccupation morale à l’égard de la discrimination injuste :
Il est moralement inacceptable d’exercer de la discrimination contre un être moral (ou une classe d’êtres moraux) à moins que cet être (ou cette classe d’êtres) ne possède une propriété distinctive moralement pertinente. [traduction] (Pargetter et Prior, 1987, p. 129.)
Si la discrimination potentielle tourne autour des primes d’assurance, interdire l’utilisation des résultats de tests génétiques aux fins de la tarification différentielle en fonction du risque constituera un moyen efficace d’éviter la discrimination par les prix. En fait, si les assureurs qui ne peuvent utiliser les résultats de tests génétiques pour pratiquer une tarification différentielle regroupaient simplement différents types de risque, tous les acheteurs d’assurance devraient payer la même prime de groupe uniforme actuariellement équitable, pondérée selon la population ou la demande. Toutefois, pourrait-on soutenir, dans ce scénario, ceux qui présentent un risque faible sont injustement traités parce qu’ils doivent payer un prix par unité de couverture plus élevé qu’en l’absence d’interdiction. Ou alors, parce qu’ils sont moins incités à obtenir une protection adéquate pour eux mêmes et pour leurs personnes à charge, ils subissent une « discrimination par la quantité » injuste. Toutefois, étant donné les faibles écarts de prime auxquels on peut s’attendre en fonction de la disponibilité actuelle des renseignements génétiques, il n’y a probablement pas lieu de s’inquiéter.
Les porte-parole de l’industrie de l’assurance, les actuaires et les économistes voient souvent la discrimination d’un point de vue diamétralement opposé, illustré par la déclaration suivante :
La structure tarifaire d’un programme d’assurance sera considérée comme injustement discriminatoire si, sous réserve de contraintes pratiques, elle prévoit des différences de prime qui ne correspondent pas aux pertes prévues et aux dépenses moyennes, ou si les différences de coût moyen prévues n’entraînent pas de différences de prime. [traduction] (Williams, 1969, p. 211-212, non souligné dans l’original.)
Accepter ce point de vue revient à croire qu’une interdiction entraînerait une discrimination par les prix, mais que le fait de permettre aux assureurs d’utiliser les renseignements génétiques aiderait à éviter ce genre de discrimination, c’est-à-dire que le ratio du prix au coût différerait entre les deux types de risque dans un contexte d’interdiction. L’idée peut sembler dure, mais elle est en réalité plutôt compréhensible. Par exemple, supposons que deux personnes aient recours à un service de nettoyage pour leur maison respective. L’une d’elles a une maison facile à nettoyer, tandis que l’autre a des chats et des chiens, de sorte qu’il faut deux fois plus de temps pour nettoyer sa maison. La plupart des gens ne trouveraient sans doute pas injuste que la personne qui nettoie les deux maisons demande un prix plus élevé à l’occupant de la deuxième maison, parce que le coût du nettoyage serait supérieur. Or, il ne faut pas nécessairement accepter que ce même raisonnement s’applique à tous les fournisseurs et à tous les produits ou services. Une autre position raisonnable consisterait à penser qu’il faudrait néanmoins interdire aux assureurs d’imposer différentes primes à des personnes présentant des types de risque différents si cette interdiction était considérée comme socialement souhaitable dans le contexte particulier de l’assurance-vie et de l’assurance-maladieNote de bas de page 5. De plus, la nature de l’assurance signifie que les primes peuvent en réalité ne pas toujours correspondre précisément aux coûts attendus et donc que le degré approprié de différentiation que les prix devraient symboliser n’est pas aussi tranché que dans d’autres marchés. Cette observation est particulièrement vraie étant donné que les assureurs utilisent souvent une information imparfaite pour cataloguer les personnes dans des classes de risque — en particulier dans le cas des maladies génétiques multifactorielles, où les choix de vie non observés peuvent également affecter le risque.
5.3 Considérations actuarielles ou commerciales et efficience économique
L’industrie de l’assurance soutient que les assureurs devraient être autorisés à utiliser les résultats de tests génétiques pertinents du point de vue actuariel dont les assurés disposent. Dans le secteur privé, on s’attend généralement à ce que les contrats soient conclus de bonne foi, c’est-à-dire qu’aucune partie ne devrait passer sous silence les renseignements pertinents dont elle a connaissance. Il s’agit d’une position raisonnable, à tout le moins à première vue. Comme il a été dit plus tôt, si un nombre suffisant de personnes à risque élevé cachent cette information aux assureurs, le marché de l’assurance peut alors ne plus être aussi efficace pour protéger les personnes contre les risques financiers. Ainsi, les craintes concernant l’efficience favorisent généralement l’idée que les assureurs devraient avoir accès aux renseignements génétiques. Le raisonnement est le suivant : si les personnes peuvent cacher le type de risque qu’elles représentent, celles qui savent qu’elles présentent un risque plus élevé voudront souscrire une assurance d’un montant supérieur, et la hausse des primes qui en résultera incitera les personnes présentant un risque moins élevé à souscrire une assurance d’un montant inférieur. Dans le contexte de l’assurance-vie, c’est dire que certaines familles seront incitées à obtenir un niveau de protection trop bas et donc inefficient et feront peser un risque financier accru sur leurs personnes à charge potentielles. Cependant, cette éventualité ne semble pas susciter de graves préoccupations à l’heure actuelle.
Dans le secteur privé, les interactions sont souvent assujetties à des règlements jugés d’intérêt public. Par ailleurs, les assureurs ne disposent généralement pas d’une information parfaite sur chaque personne, de sorte que toutes les personnes sont classées en groupes, au sein desquels le niveau de risque est hétérogène. L’introduction d’un renseignement additionnel comme le résultat d’un test génétique n’apportera vraisemblablement qu’une indication imparfaite du type de risque réel global d’une personne; le recours au dépistage génétique améliorera donc l’information, mais ne permettra pas de catégoriser parfaitement les personnes selon le risque qu’elles représentent. Dans la mesure où les règles du jeu sont les mêmes pour toutes les compagnies d’assurance, l’interdiction d’utiliser les résultats de tests génétiques, compte tenu du moins de la disponibilité actuelle de l’information, n’entraînera pas de graves soucis financiers pour l’industrie.
Les compagnies d’assurance se livrent habituellement concurrence sur le plan non seulement des prix, mais aussi de la qualité de leurs produits, des types de restrictions frappant les demandes d’indemnisation et des variables ou caractéristiques des personnes à utiliser pour la définition des classes de risque. Or, des changements peuvent survenir rapidement au fil du temps. Par exemple, dans le cas de l’assurance-automobile, il est récemment ressorti que la cote de crédit a une puissance prédictive importante lorsqu’il s’agit de placer les conducteurs dans différentes classes de risque. D’après Shaver (2011), qui se fonde sur des données américaines, même si la cote de crédit est reconnue comme une variable de classification puissante, seulement 31 % des compagnies d’assurance-automobile y avaient recours en 1999 et 63 % en 2006. Ainsi, de nombreux assureurs ne catégorisaient pas pleinement les risques, mais ont quand même survécu dans le marché. Cependant, quand suffisamment de compagnies utilisent une nouvelle variable de classification, les autres sont contraintes de suivre, à défaut de quoi elles attireront une part disproportionnée de clients présentant un risque élevé. Cet exemple donne à penser que si toutes les compagnies subissent les mêmes restrictions quant à l’utilisation d’une variable de classification — les résultats de tests génétiques, en l’occurrence — il n’y a pas vraiment lieu de s’inquiéter de leur viabilité financière.
5.4 Bien être collectif
Si l’analyse économique peut examiner le rendement du marché du point de vue de l’efficience, elle permet également d’évaluer la question sous l’angle de la répartition interpersonnelle du bien-être économique. L’idée consiste à trouver un équilibre entre les personnes dont le revenu augmentera et celles dont le revenu diminuera par suite d’un règlement donné et voir comment différentes personnes percevront ces conséquences. Dans le contexte du phénomène que nous étudions, à savoir l’utilisation ou la non-utilisation des renseignements génétiques par les assureurs, l’exercice est plutôt complexe. Il faut comparer la situation des personnes au moment où elles souscrivent un contrat d’assurance et la situation dans laquelle elles se retrouvent plus tard, quand une partie seulement des assurés (ou les membres survivants de leur famille dans le cas de l’assurance-vie) auront présenté des demandes d’indemnisation.
Avant que de tels renseignements ne soient disponibles, les personnes ne connaissent pas les résultats de tests génétiques qu’elles pourraient recevoir un jour. Elles savent qu’elles s’exposent à un risque relativement à la prime qu’elles devront verser si elles souhaitent souscrire une assurance dans l’avenir, éventualité souvent désignée sous le nom de risque de prime. Une telle situation est naturellement indésirable : par conséquent, dans cette optique, un règlement qui interdirait aux assureurs d’utiliser des renseignements génétiques irait dans le sens des intérêts privés et répondrait aux préoccupations sur le plan de l’équité. À partir du moment où les individus souscrivent un contrat d’assurance, une interdiction qui se traduit par une prime qui est la même pour tous a pour conséquence que les « quelques malchanceux » (ceux qui présentent un risque élevé) sont implicitement subventionnés par les « nombreux chanceux » (ceux qui présentent un risque faible), de sorte que l’interdiction améliore la répartition globale du bien-être dans une perspective d’équité. Certains pourraient même affirmer qu’il serait cruel de demander aux personnes à risque élevé, déjà défavorisées au chapitre de la santé et de la mortalité, de verser des primes supérieures à celles que paient les personnes à faible risque.
Après un certain temps, quand des demandes d’indemnisation auront été soumises pour les assurés décédés, les familles survivantes des assurés à faible risque qui avaient souscrit une assurance d’un montant moins élevé qu’ils ne l’auraient fait en l’absence d’interdiction se retrouvent en plus mauvaise situation en raison de leur couverture d’assurance inférieure. Cependant, d’après l’information connue à l’heure actuelle, le prix uniforme supérieur d’une unité de couverture entraîne une réduction peu importante de la protection des assurés à faible risque. Sous l’angle du bien-être collectif, il semble évident que, compte tenu de la disponibilité actuelle des renseignements génétiques, l’interdiction serait justifiée, voire souhaitable.
6. Évolution possible des conditions et des hypothèses de travail au fil du temps
D’après les données disponibles actuellement, nous avons conclu que l’utilisation des renseignements génétiques n’aura qu’une importance quantitative très modeste aux fins actuarielles. De plus, pour toutes les raisons pragmatiques discutées ci-dessus, l’interdiction d’utiliser des renseignements génétiques à des fins d’assurance peut, à notre avis, se révéler en fait économiquement et socialement souhaitable à l’heure actuelle. Il faudra toutefois revoir ces conclusions à long terme à la lumière des progrès à venir.
Les principaux facteurs à prendre en considération au moment de déterminer la valeur sociale potentielle d’une interdiction réglementaire qui empêcherait les assureurs d’avoir accès aux résultats de tests génétiques des personnes comprennent la fraction de la population qui dispose de tels renseignements et l’ampleur de l’accroissement du risque de mortalité ou du risque de santé qu’impliquent des résultats positifs à des tests génétiques. Les futurs progrès scientifiques qui influeront sur la pratique du dépistage génétique et la valeur prédictive des renseignements génétiques devront être suivis continuellement. De plus, à mesure que la disponibilité des renseignements génétiques s’accroît dans la population, le marché pourrait réagir d’une manière qui forcerait la réouverture du débat sur la façon dont les renseignements génétiques devraient être réglementés.
6.1 Disponibilité accrue et coût réduit du dépistage génétique
À peine une petite fraction des personnes disposent actuellement de résultats de tests génétiques pertinents sur le plan actuariel. Toutefois, comme il a été souligné précédemment dans le présent article, il se pourrait bien, dans un avenir pas trop lointain, que le décryptage (séquençage) du génome complet d’une personne puisse être réalisé pour à peine 1 000 $. Les services de dépistage génétique offerts directement aux consommateurs croissent également à grande vitesse. Comme les consommateurs ont accès à toujours plus de renseignements, l’asymétrie de l’information entre les acheteurs et les vendeurs d’assurance peut commencer à jouer plus radicalement et influer sur le comportement des acheteurs (les personnes à risque élevé achèteront plus d’assurance et celles à faible risque en achèteront moins), ce qui accroîtra le risque d’antisélection.
Par ailleurs, une meilleure accessibilité au dépistage génétique abordable et le surcroît de protection que conférerait une interdiction inciteraient un plus grand nombre d’acheteurs à passer des tests génétiques. Certaines personnes seraient plus disposées à passer ces tests pour prendre des décisions stratégiques concernant la protection dont elles ont besoin étant donné que, s’il y avait interdiction, elles ne pourraient être pénalisées si jamais la présence d’un risque élevé s’avérait dans leur cas. Si suffisamment de personnes se comportaient ainsi, les personnes à risque élevé se procurant une meilleure couverture et celles à faible risque, une couverture réduite, les primes d’assurance augmenteraient comme dans l’exemple hypothétique présenté à la section 3. Un effet de rétroaction s’ensuivrait, car certaines personnes voudraient découvrir si elles présentent un risque élevé afin de savoir si elles auraient avantage à s’assurer. Encore une fois, plus les personnes seront nombreuses à se comporter ainsi, plus les autres seront incitées à obtenir des renseignements génétiques pour prendre des décisions éclairées quant à la souscription d’une assurance, même si autrement elles aimeraient mieux ne pas connaître leur patrimoine génétique. Par conséquent, en ce qui concerne les effets d’une éventuelle interdiction ou absence d’interdiction, il est difficile de déterminer avec certitude ce qu’impliquera l’évolution des renseignements génétiques et si les effets seront dans l’ensemble favorables ou défavorables pour les personnes. Il est donc important que l’industrie et les décideurs demeurent vigilants et réévaluent les conséquences de toute interdiction dans l’avenir.
6.2 Meilleure compréhension des relations entre les gènes et les maladies et traitements possibles
Outre l’identification d’un plus grand nombre de gènes pathologiques et la détermination des risques associés à leur présence, on comprendra mieux les relations entre les gènes et les maladies, ainsi que la façon dont certaines variantes particulières d’un gène (allèles) interagissent avec les médicaments et les facteurs environnementaux, y compris les choix de vie que font les personnes. Il est fort possible que le nombre croissant de tests génétiques réalisés et une meilleure connaissance du risque de santé associé à certains gènes particuliers permettent au départ une meilleure prévisibilité du risque de mortalité et du risque de santé. Le milieu scientifique continuera assurément d’approfondir ses connaissances sur les relations entre les gènes et la santé. La thérapie génique pourrait même se perfectionner au point de traiter complètement bon nombre de maladies génétiques, de sorte que les personnes dotées de ce qu’on qualifie de mauvais gènes ne courraient pas un risque de santé plus élevé. De telles percées devraient atténuer les effets de la disponibilité croissante des renseignements génétiques abordés ci dessus à la section 6.1 et appuieraient le maintien d’une interdiction réglementaire.
6.3 Réactions possibles du marché à une interdiction réglementaire
Si une interdiction permanente d’utiliser les résultats de test génétiques était imposée, les assureurs pourraient trouver d’autres façons d’essayer d’éviter les clients qui présentent un risque élevé. Dans l’impossibilité d’utiliser les résultats de tests génétiques en vue d’établir la tarification de leurs produits, les compagnies d’assurance pourraient, si l’antisélection devient suffisamment prononcée, inclure des restrictions, par exemple ne pas permettre aux personnes atteintes de la maladie de Huntington de présenter des demandes d’indemnisation au titre d’une police d’assurance soins de longue durée. Cette observation donne à penser que, outre l’interdiction, il faudrait mettre en œuvre une forme de protection totale pour les contrats d’assurance, appelée « mandat » dans le cas des contrats d’assurance-maladie privés. Le degré d’innovation varie d’une entreprise à l’autre, et si une ou quelques entreprises se mettent à utiliser une nouvelle caractéristique individuelle pour établir les primes d’assurance, l’industrie peut suivre lentement ou rapidement. Ainsi, il n’est pas facile de prédire comment les compagnies d’assurance modifieront leur façon d’établir la tarification de leurs produits ou les autres caractéristiques de leurs polices.
Il est également possible que la multiplication des renseignements génétiques disponibles amène les consommateurs à utiliser différemment ces renseignements à des fins stratégiques. Les gens dont le risque de mortalité est extrêmement élevé pourraient souscrire de grosses quantités d’assurance, surtout s’ils peuvent obtenir immédiatement d’importantes sommes d’argent grâce à des règlements d’assurance-viatique. Le règlement d’assurance-viatique ou le placement-vie s’entend d’une opération dans laquelle un titulaire de police d’assurance-vie dont le risque de mortalité est substantiellement plus élevé que la moyenne vend sa police, à un pourcentage du capital assuré, à une compagnie ou tout autre tiers qui devient alors le bénéficiaire de la policeNote de bas de page 6. Supposons, par exemple, qu’une personne porteuse d’un gène pathologique a une probabilité de 80 % de mourir avant que sa police n’arrive à terme. Si cette personne décide que ses besoins financiers actuels sont plus importants que ceux des bénéficiaires de la police, elle peut vendre sa police à une société de règlement d’assurance-viatique pour une somme représentant, disons, de 50 à 80 % du capital assuré. Cette proposition peut sembler attrayante pour les deux parties. Qui plus est, si cette personne peut souscrire un nombre indéfini de polices d’assurance-vie en payant les mêmes primes que tout le monde (dans un contexte où les assureurs ne seraient pas autorisés à utiliser les renseignements génétiques), elle pourra tirer parti de sa situation presque sans limites. Même si l’idée de vendre d’énormes quantités d’assurance à une seule personne éveillerait probablement la méfiance d’un assureur, qui se douterait de la raison d’une telle demande, une personne peut souscrire de nombreux contrats d’assurance auprès de différents fournisseurs. Si bon nombre de personnes se comportent ainsi, les pertes des assureurs grimperont, car plus de polices dans l’ensemble seront vendues à des personnes présentant un risque élevé, lesquelles, sur-le-champ, vendront à profit ces polices à des sociétés de règlement d’assurance-viatique.
Ce genre de comportement était préoccupant dans les quelques années qui ont suivi l’apparition du VIH/sida. En effet, certaines personnes, qui avaient appris de mauvaises nouvelles à propos de leur espérance de vie à la suite d’un test de dépistage anonyme du sida, souscrivaient alors plusieurs polices d’assurance dont la prime était inférieure au prix actuariellement équitable. Ces personnes trouvaient alors immédiatement une possibilité d’arbitrage rentable en vendant les polices sur le marché secondaire (par exemple, à des sociétés spécialisées en règlement d’assurance-viatique ou en placement-vie). Les assureurs pouvaient simplement demander aux proposants s’ils savaient s’ils étaient porteurs du VIH, et le fait de taire une telle information pouvait entraîner la nullité du contrat. Cependant, la preuve n’était généralement pas facile à obtenir, étant donné le caractère anonyme des tests de dépistage. Dans le contexte d’un règlement qui interdirait aux assureurs d’utiliser les renseignements génétiques, le fait de cacher ces renseignements ne serait évidemment pas illégal, de sorte que la question pourrait devenir problématique.
7. Conclusions
La question de savoir s’il faudrait adopter un règlement pour interdire aux assureurs d’utiliser les renseignements tirés de tests de dépistage génétique en vue d’établir des primes d’assurance différentes est de plus en plus débattue au Canada. L’appréciation du bien-fondé d’un tel règlement dépend des valeurs qui sont importantes pour les personnes et des résultats que produirait vraisemblablement l’interdiction.
Dans le présent article, la quantité de renseignements génétiques pertinents dont disposent les acheteurs d’assurance est la caractéristique primordiale du cadre de négociation des contrats et peut influer sur la manifestation du phénomène de l’antisélection dans le marché. À son tour, cette situation touche, de manière fondamentale, la façon dont chacun des critères étudiés dans le présent article fonctionne comme point de repère utile pour aider les décideurs à évaluer le bien-fondé d’une interdiction réglementaire. Macdonald (2009, p. 4), passant en revue la littérature actuarielle (universitaire) existante, conclut que peu de données empiriques rigoureuses, voire aucunes, ne révèlent la présence d’antisélection, bien que ce phénomène soit certes difficile à étudier. Des exercices de simulation fondés sur les données génétiques et épidémiologiques de la population (voir Hoy et coll., 2003, et Hoy et Witt, 2007) ont également révélé, en gros, que le fait d’interdire aux assureurs d’utiliser les résultats de tests génétiques aux fins respectives de l’assurance-maladie et de l’assurance-vie aurait probablement peu de conséquences. Oster et ses collègues (2010) ont toutefois relevé de fortes indications de la présence d’antisélection dans le marché de l’assurance soins de longue durée parce que les individus possèdent des renseignements confidentiels sur leur situation de porteurs de la mutation MH (maladie de Huntington). Il semble prudent de dire que l’avenir est incertain à cet égard et qu’il faudra poursuivre les recherches empiriques en vue de contribuer à résoudre le débat entourant l’utilisation des renseignements génétique sur le marché de l’assurance.
Certains progrès éventuels pourraient réorienter le débat. Supposons que le fameux séquençage du génome à 1 000 $ devienne réalité et que le marché des services de dépistage génétique offerts directement aux consommateurs continue de prendre de l’expansion. La possibilité que les acheteurs d’assurance disposent de beaucoup plus de renseignements confidentiels peut s’accroître, et l’interdiction réglementaire peut finir par nuire au fonctionnement efficient du marché de l’assurance en raison de l’antisélection. Toutefois, ce n’est pas seulement le fait de connaître la séquence de l’ADN d’une personne qui est pertinent dans une perspective actuarielle, mais aussi le fait de comprendre les relations qui existent entre de tels renseignements et les différents niveaux de risque de santé et de risque de mortalité dans la population. De toute évidence, un tel degré de connaissance ne pourra s’obtenir sans une intensification marquée de la recherche médicale. Ainsi, même à moyen terme, il se pourrait bien qu’une interdiction ne crée pas de problèmes, même modérés, sur le marché de l’assurance du point de vue de l’efficience. Les prévisions à long terme sont en revanche beaucoup plus difficiles à faire.
En outre, si l’accessibilité des renseignements génétiques et leur valeur prédictive s’améliorent, les acheteurs et les vendeurs d’assurance pourraient au fil du temps modifier leur comportement d’achat et de vente en réaction à une interdiction. Le marché du règlement viatique pourrait se développer au point où les personnes présentant un risque élevé tireraient parti de leur capacité souscrire à une assurance à un prix inférieur à la valeur actuarielle du contrat et de la vendre à profit. De leur côté, les compagnies d’assurance pourraient, par exemple, ne plus permettre à certaines personnes ou catégories de personnes à risque élevé — comme celles qui finissent par succomber à la maladie de Huntington — de présenter des demandes d’indemnisation au titre d’une police d’assurance soins de longue durée et leur refuser la couverture quand le risque particulier se concrétise.
Par conséquent, si une interdiction devait être imposée, il faudrait examiner périodiquement le rendement du marché de l’assurance.
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