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Atelier sur la protection de la vie privée, la sécurité et les Jeux olympiques de 2010—Rapport sur le programme

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Adam Molnar, étudiant au doctorat
Faculté des sciences politiques, Université de Victoria

Atelier commandité par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et l’événement organisé par le département des sciences politiques de l’Université de Victoria

Juin 2009

Avis de non-responsabilité: Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles de l’auteur. Elles ne reflètent pas nécessairement celles du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.


Introduction

En février 2010, le Canada accueillera les Jeux olympiques d’hiver à Vancouver, en Colombie‑Britannique. Il s’agit d’un événement sans précédent sur le plan de la protection de la vie privée, car en plus de créer diverses pressions technologiques et institutionnelles et de représenter un défi extraordinaire en ce qui a trait à la sécurité, ces jeux soulèvent des questions au sujet de la protection de la vie privée et des autres libertés civiles. Le 2 février 2009, des experts du milieu universitaire, de la société civile, du secteur privé et du gouvernement se sont réunis à l’occasion d’un atelier sur la protection de la vie privée, la sécurité et les Jeux olympiques de 2010 pour discuter des répercussions sur la protection de la vie privée et la sécurité des Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver.

Les intervenants ont discuté de la mesure dans laquelle les représentants des secteurs public et privé, qui assurent la sécurité et la protection des infrastructures essentielles, tiennent compte de la protection de la vie privée. Des experts du milieu universitaire et des groupes de la société civile ont également discuté de l’héritage institutionnel des nouveaux appareils de sécurité et de surveillance utilisés au Canada, et plus localement à Vancouver et à Whistler, pour le droit à la vie privée des citoyens canadiens. Le rapport suivant résume les présentations et les discussions qui ont eu lieu pendant l’atelier.

Des représentants du Groupe intégré de la sécurité Vancouver 2010 de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), qui est chargé de la planification et de la gestion de la sécurité pendant les Jeux, avaient été invités à participer à l’atelier en tant que panélistes. Malheureusement, le Groupe a décliné l’invitation, puisqu’un exercice de sécurité d’envergure en prévision des Jeux était prévu pendant la semaine de l’atelier.

Mot d’ouverture de la commissaire à la protection de la vie privée du Canada

La commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart, fait une brève introduction dans laquelle elle souligne l’importance de la sécurité et de la protection de la vie privée, enjeux qui font partie des quatre grandes priorités stratégiques du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP). Si elle reconnaît que les Jeux olympiques sont une occasion unique pour le Canada de montrer la nature luxuriante de la Colombie-Britannique et la cordialité de ses habitants, Mme Stoddart est toutefois consciente des défis majeurs que pose l’événement en matière de sécurité pour les organismes de sécurité et d’application de la loi.

Mme Stoddart aborde ensuite, d’un point de vue historique, les difficultés en matière de sécurité publique que présentent les Jeux olympiques. Les événements tragiques des Jeux olympiques de Munich en 1972, où onze personnes ont été tuées par des terroristes, ou, plus récemment, des Jeux d’Atlanta de 1996, où deux personnes ont été tuées et plus de 100 autres blessées, ont contribué à l’héritage olympique et influencé la mise en œuvre d’une politique sur la sécurité.

Toutefois, au-delà de ces circonstances passées et des défis que posent les exigences de sécurité à grande échelle, les Jeux olympiques offrent également des possibilités supplémentaires trop souvent ignorées pour la région hôte. Mme Stoddart ajoute que les Jeux olympiques de 2010 sont une occasion pour le Canada de montrer les valeurs essentielles qui définissent ce que nous sommes et quels rapports entretiennent les citoyens entre eux, avec leur gouvernement et le reste du monde.

Dans ce contexte, une des valeurs importantes à transmettre et à défendre est le droit à la vie privée. Mme Stoddart pose donc la question suivante aux participants de l’atelier : comment pouvons‑nous établir un équilibre entre les exigences en matière de sécurité et la protection de la vie privée?

Selon Mme Stoddart, la responsabilité d’assurer la sécurité et la protection pendant les grands événements devrait être tempérée par les valeurs de notre société de manière à respecter le droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. C’est pourquoi le droit à la vie privée doit être respecté, notamment lorsque les menaces pour la sécurité s’intensifient, comme c’est le cas pour de grands événements comme les Jeux olympiques. Mme Stoddart reconnaît que certaines situations requièrent que la protection de la vie privée cède la place à des enjeux plus importants comme la santé publique, la sécurité des consommateurs ou la sécurité nationale. Mme Stoddart insiste toutefois sur le fait que ce sacrifice ne devrait être demandé aux citoyens que lorsque le résultat promis est effectivement susceptible d’être atteint. En outre, n’oublions pas que cette option ne devrait être envisagée qu’en l’absence d'autres solutions plus respectueuses de la vie privée et qui permettraient d’atteindre le même objectif.

Mme Stoddart ouvre l’atelier en évoquant l’« héritage » des Jeux olympiques de 2010 à Vancouver, thème également abordé par le dernier panel. L’histoire nous enseigne que les Jeux olympiques et les grands événements laissent souvent en héritage des systèmes de surveillance de la sécurité à grande échelle qui demeurent en place après l’événement. Décrivant l’héritage des Jeux d’Athènes de 2004 en matière de sécurité, Mme Stoddart souligne les intérêts divergents entre deux organismes publics : l’autorité grecque de protection des données, qui avait décidé que les caméras de télévision en circuit fermé installées pour l’occasion pourraient être utilisées après les jeux à des fins de surveillance de la circulation automobile, et la police, qui voulait utiliser les 350 caméras en circuit fermé à des fins beaucoup plus larges comme la surveillance des citoyens, notamment pendant les rassemblements et les manifestations populaires.

Pour conclure, Mme Stoddart cite le dernier rapport annuel concernant la Loi sur la protection des renseignements personnels préparé par le Commissariat : « Dans notre démocratie, il semble que ce soient nos bonnes intentions qui nous poussent vers une société de surveillance. » Mme Stoddart souligne la nécessité de veiller à ce que la sécurité aux Jeux olympiques de Vancouver, bien qu’elle soit importante, ne nous pousse pas irrémédiablement dans cette voie.

Elle termine en disant que ce sont des activités comme l’Atelier sur la protection de la vie privée, la sécurité et les Jeux olympiques de 2010 qui permettront de veiller à ce que les Jeux témoignent non seulement du savoir-faire organisationnel et des prouesses sportives des Canadiennes et des Canadiens, mais qu’ils reflètent également l’esprit innovateur et les valeurs démocratiques qui animent nos politiques, malgré un environnement hautement protégé.

Premier panel : Sécurité, vie privée et événements majeurs – Vancouver 2010

Pendant sa présentation, la modératrice et commissaire adjointe à la protection de la vie privée, Me Chantal Bernier, rappelle les paramètres juridiques établis par la Cour suprême du Canada pour trouver l’équilibre entre les exigences du droit à la vie privée et celles liées à la sécurité. Elle explique d’abord que le droit à la sécurité peut avoir préséance sur le droit à la vie privée, mais uniquement dans certaines conditions (nature du risque perçu, conséquences possibles de l’inaction, disponibilité de mesures de rechange et probabilité que la menace se concrétise). Me Bernier explique ensuite que toute intrusion à la vie privée doit être justifiée par des objectifs valables, évalués en fonction des attentes raisonnables quant à la vie privée, et ajoute que ces attentes raisonnables varient selon le contexte.

Le contexte actuel donne un nouveau sens aux Jeux olympiques de 2010 et aux questions qu’ils suscitent quant à la sécurité et à protection de la vie privée. Pour prendre en compte les questions de protection de la vie privée que soulèvent les mesures de sécurité prévues pour les Jeux olympiques de 2010 à Vancouver, il faut se poser quelques questions de gouvernance et de sécurité.

Gouvernance :

  • Comment le droit à la vie privée sera-t-il encadré en ce qui a trait aux renseignements recueillis sur les Jeux olympiques?
  • Quelle formation sur la protection de la vie privée la GRC donne-t-elle à ses agents et comment évitera-t-elle de créer des précédents à partir d’un événement exceptionnel comme le sont les Jeux?
  • Avec qui les renseignements (personnels?) seront-ils partagés? Les gouvernements étrangers et les entreprises privées de sécurité y auront-ils accès?
  • Quels seront les protocoles d’échange de renseignements?

Sécurité :

  • Quelles méthodes prévoit-on utiliser pour recueillir les renseignements?
  • Quels types de renseignements seront recueillis?
  • Quelles personnes ou quels groupes seront visés par la collecte de renseignements?
  • Comment seront gérées les attentes en matière de protection de la vie privée?

Avant de laisser la parole au premier panel, la commissaire adjointe Bernier termine en insistant sur le fait que le rôle du Commissariat à la protection de la vie privée dans le cadre des Jeux doit être de responsabiliser les instances gouvernementales tout en reconnaissant les difficultés soulevées par les questions de sécurité.

Ouvrant le premier panel, le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique, M. David Loukidelis, insiste sur certains défis de taille auxquels sont confrontées les institutions chargées des questions de sécurité et de protection de la vie privée dans le contexte des Jeux olympiques de Vancouver 2010. M. Loukidelis reconnait que ces difficultés, exceptionnelles étant donné l’importance du facteur temps avant, pendant et après cet événement majeur, concernent aussi bien les organismes d’application de la loi que les commissariats à la protection de la vie privée. En ce qui a trait aux organismes d’application de la loi, M. Loukidelis souligne l’importance de se conformer à un cadre de gestion de la protection de la vie privée, qu’il s’agisse de l’élaboration de politiques ou des pratiques à adopter. En ce qui a trait au rôle du CPVP, M. Loukidelis mentionne que la nature multipartite des questions de sécurité et de protection de la vie privée soulevées par la tenue des Jeux pose des défis de taille pour la collaboration entre les institutions et leur surveillance. Le commissaire signale par exemple qu’une approche intégrée des opérations de sécurité qui englobe simultanément les champs de compétences locaux, provinciaux et fédéraux (approche qui est au cœur de la stratégie de sécurité nationale) nécessite, pour protéger la vie privée des citoyens, que plusieurs mécanismes institutionnels de grande envergure fonctionnent à l’unisson. Ainsi, M. Loukidelis insiste sur la nécessité d’assurer la coordination entre les différents intervenants de façon à encadrer les mécanismes de supervision nécessaires à l’occasion d’un événement ponctuel et à tenir compte du lien entre la transparence et le respect de la vie privée. En d’autres mots, un cadre de surveillance multipartite devrait être mis en place avant, pendant et après les Jeux olympiques de 2010. En conclusion, le commissaire aborde la question de la protection de la vie privée après les Jeux, insistant sur le retour aux « règles habituelles » en ce qui a trait à l’utilisation subséquente des équipements de sécurité et de surveillance installés pour les Jeux, comme les caméras de télévision en circuit fermé.

Mme Claire de Grasse prend ensuite la parole pour aborder le rôle de la société Bell Canada dans la prestation de services de sécurité aux Jeux olympiques de Vancouver. Ces services se divisent en deux initiatives principales liées aux mécanismes d’échange de données qui permettent aux exploitants d’infrastructures essentielles d’échanger de l’information avec les organismes de secourisme opérationnel. Bell offre des solutions de TI aux organismes gouvernementaux ainsi qu’au Groupe intégré de la sécurité Vancouver 2010, créant un réseau entre les premiers intervenants de façon à faciliter la mise en œuvre des mesures de protection des infrastructures essentielles.

Mme de Grasse souligne que les employés de Bell respectent des codes de conduite en matière de confidentialité des renseignements personnels qui sont conformes aux règles habituelles de partage de données. Mme de Grasse donne l’exemple des modèles d’échange de données présentés par Bell Canada et qui restreignent l’accès aux réseaux, aux dispositifs de stockage et aux autorisations de sécurité grâce à un processus d’ouverture de session et de signature. Toutes les données enregistrées doivent par ailleurs être détruites après les Jeux de Vancouver même si, comme le fait remarquer Mme de Grasse, Bell Canada ne traite pas directement les renseignements personnels des citoyens. L’examen par Bell Canada du réseau de TI qui servira pendant les Jeux permettra à l’avenir de guider les premiers intervenants et les autres organismes publics qui mettent en œuvre des stratégies de protection des infrastructures essentielles.

Mme Michael Vonn, de la British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA), conclut le premier panel en abordant plusieurs inquiétudes des citoyens et des visiteurs des basses-terres continentales en ce qui concerne la protection de la vie privée dans le cadre des mesures de sécurité et des Jeux olympiques d’hiver de 2010.

Mme Vonn attire d’abord l’attention sur la restructuration, pendant les événements majeurs, de certains espaces publics en « zones de sécurité » surréglementées. Citant le plan d'activités annuel du service de police de Vancouver pour 2009, elle souligne la possibilité d’une hausse des fouilles avec consentement, y compris l’interception de véhicules et les contrôles de routine des citoyens dans les espaces publics. Mme Vonn fait remarquer que, parmi ceux qui consentent à une fouille, plusieurs ne connaissent pas leurs droits en de telles circonstances. Elle soulève ensuite la question de savoir si ces fouilles se feront vraiment « avec consentement » ou si elles seront effectuées de manière plus autoritaire. Mme Vonn se dit aussi inquiète de l’absence de règles claires pour encadrer le pouvoir des policiers de fouiller véhicules et passants, la manière dont s’effectueront ces fouilles et le processus décisionnel menant ou non à la fouille d’une personne ou d’un véhicule, dont on ne sait s’il se fondera sur des motifs d’ordre juridique communément reconnus plutôt que sur le lieu d’interception.

Mme Vonn fait aussi remarquer à ce sujet que l’une des stratégies opérationnelles élaborées par le service de police de Vancouver prévoit un retour des Beat Enforcement Teams (BET) à leur rôle initial de façon à rendre la présence policière plus manifeste et à lui permettre de concentrer ses efforts sur le maintien de l’ordre public. Dans le quartier centre-est de Vancouver, le droit à la vie privée de la population est clairement atteint par la surréglementation des espaces publics appelés à devenir des zones de sécurité. Mme Vonn insiste sur le fait que les tactiques qui envahissent la vie privée toucheront indument les résidants les plus vulnérables du quartier, dont plusieurs vivent dans la crainte d’être forcés de déménager pour faire place aux Jeux. Aussi directement touchées sont les personnes qui utilisent les sites sécuritaires d’injection et qui apportent leur drogue afin de se piquer en toute sécurité sous supervision médicale.

Enfin, Mme Vonn rappelle que beaucoup de membres de la communauté Britannia de Vancouver se disent préoccupés de l’impact que pourraient avoir les mesures de sécurité entourant les Jeux olympiques de 2010 sur leur collectivité. Bon nombre des 400 signataires de la pétition contre les Olympiques ont dit être inquiets des effets des Jeux sur la vie privée, révélant ainsi l’étendue de l’inquiétude des communautés locales quant aux mesures de surveillance et de sécurité. Ces appréhensions sont aussi celles de tous les regroupements qui critiquent les Jeux et qui, selon Mme Vonn, « n’ont d’autre intention que celle d'exercer leur droit constitutionnel d’exprimer une opinion » [traduction]. Mme Vonn conclut en soulignant que, vu leur ampleur, les mesures de surveillance et de sécurité sont un problème central des enjeux liés à la protection de la vie privée qui découlent des Jeux olympiques de Vancouver.

Les interrogations engendrées par la présentation de Mme Vonn, et des autres intervenants en général, concernent d’abord le flou juridique entourant les fouilles aléatoires dans les zones dites « d’exclusion » établies à l’occasion d’événements majeurs. On reconnait qu’aucune autorisation légale explicite n’encadre le pouvoir des policiers dans ces conditions, et même que la jurisprudence est floue à ce sujet puisque les fouilles dans ces zones peuvent être considérées comme acceptables en vertu de la doctrine de la compétence accessoire des policiers. À ce flou vient s’ajouter la question de la différence entre une fouille avec consentement et une fouille forcée. La question de la définition exacte de fouille avec consentement est soulevée et un participant fait remarquer que, pendant les fouilles, la consultation par les policiers des numéros enregistrés dans un téléphone cellulaire n’est pas sans précédent. Il est suggéré plus tard qu’afin de parer au manque d’encadrement juridique des fouilles en zone d’exclusion, les organismes chargés de l'application de la loi fassent connaître à l’avance les zones où la surveillance sera accrue.

Pendant une autre discussion, des représentants de la Pivot Legal Society se disent inquiets du manque de consultation formelle entre les responsables de l'application de la loi ou de la sécurité et des associations communautaires, ce qui a causé la diminution de la confiance des associations dans ces institutions. Il semble que l’approche informelle adoptée par les agents d'application de la loi ait plutôt été perçue par les représentants de la société civile comme une méthode d’infiltration plutôt que comme une tentative réelle d’organiser un processus de consultation officiel. Finalement, certaines inquiétudes sont soulevées concernant les mécanismes de reddition de comptes par les entreprises privées chargées de la sécurité pendant les Jeux olympiques de 2010.

Deuxième panel : Protection des infrastructures essentielles et héritage des grands événements

Le thème du deuxième panel est centré autour de la protection des infrastructures essentielles et de l’héritage des grands événements. La réunion commence par une brève introduction par le modérateur, M. Colin Bennett, et est suivie des présentations de messieurs Kevin Haggerty, Chris Shaw et Harry Hiller.

Pour lancer la deuxième réunion d’experts, M. Kevin Haggerty fait remarquer qu’il est parfois difficile de comparer la sécurité en place à l’occasion de différents grands événements, car les contextes sont différents; néanmoins, une observation minutieuse permet de reconnaître plusieurs points communs. La présentation de M. Haggerty aborde quatre grands thèmes : 1) les grands événements dans l’optique des mesures de sécurité à la suite des événements du 11 septembre 2001; 2) les grands événements et le complexe industriel axé sur la sécurité; 3) la conception d’une politique de sécurité nationale et de surveillance dans le contexte des grands événements; 4) l’importance d’améliorer les politiques à la suite des leçons tirées des grands événements.

D’abord, M. Haggerty souligne que la sécurité, la surveillance et les grands événements doivent être compris dans l’optique des événements du 11 septembre. Cette optique est caractérisée par un virage vers des services de police axés sur le renseignement, ce qui comprend l’anticipation (par l’évaluation des menaces et des risques) d’événements catastrophiques potentiels (et qui risquent de ne jamais survenir). Dans ce contexte, la planification de la sécurité pour les grands événements suppose une planification en vue de plusieurs éventualités ou, en d’autres termes, une planification dont la portée est infinie. Penser à l’impensable et planifier en conséquence est un immense défi pour les responsables de la sécurité et M. Haggerty fait valoir que la portée infinie de la planification ne présente souvent qu’une seule contrainte : le montant des fonds disponibles.

Ensuite, M. Haggerty attire l’attention sur ce qu’il appelle le « complexe industriel axé sur la sécurité » [traduction]. À la suite d’autres grands événements, nous avons pu assister à une augmentation substantielle de l’utilisation des technologies de la sécurité et de la surveillance, qui servent souvent de précurseur à la transformation de la sécurité nationale et des organismes d’application de la loi. Les Jeux olympiques de 2010 à Vancouver, en particulier, sont un point de convergence pour les grandes entreprises spécialisées dans les technologies et la sécurité qui veulent montrer leurs marchandises. M. Haggerty mentionne que les technologies et les services offerts comprennent les systèmes de télévision en circuit fermé, les technologies biométriques, la localisation par satellite, le balayage du corps par imagerie radioscopique, l’IRF, les bases de données intégrées mises à jour en temps réel, les services d’agences privées de sécurité, ainsi que le matériel militaire. Il insiste également sur le fait que l’utilisation de ces moyens technologiques se poursuit souvent après la fin des grands événements. Par exemple, il mentionne comment les services de police d’Athènes ont obtenu un réseau de TI entièrement opérationnel et une formation poussée sur les opérations de la sécurité technique à la suite des Jeux de 2004.

M. Haggerty explique comment les grands événements peuvent façonner les politiques de sécurité nationale et de surveillance. Il donne pour exemple le Royaume-Uni, où des documents gouvernementaux montrent que les représentants du gouvernement comprennent que l’opposition du grand public aux pratiques et aux infrastructures de sécurité et de surveillance dans leur communauté peut être réduite dans des circonstances exceptionnelles, comme les événements d’envergure. C’est-à-dire qu’un événement comme les Jeux olympiques peut réduire les craintes par rapport aux atteintes à la vie privée, ce qui fournit la base justificative et normalisatrice nécessaire pour l’instauration d’une surveillance routinière au quotidien.

Enfin, dans la lignée du sujet précédent, M. Haggerty fait observer que la politique en matière de sécurité et de surveillance mise en place pour les grands événements a des conséquences importantes au sens où elle lègue un héritage qui influencera l’évolution ultérieure de la politique. La sécurisation de grands événements dans le passé a entraîné ce que nous pouvons considérer comme un réseau mondial de spécialistes qui se consacrent exclusivement à l’élaboration de stratégies de sécurité et de surveillance pour les grands événements. Cet héritage politique est devenu la « référence » en matière de sécurité pour les grands événements, des modèles figés étant même fournis aux autres villes hôtes de tels événements.

Pour sa part, M. Chris Shaw commence sa présentation en faisant remarquer que ni le commissaire adjoint de la GRC, M. Bud Mercer, à la tête du Groupe intégré de la sécurité Vancouver 2010, ni M. Jim Chu, du service de police de Vancouver, ne sont présents à l’Atelier, ce qui signifie que les participants et les journalistes ne peuvent pas leur poser de questions sur les coûts de la sécurité pour les Jeux de 2010 ou les aspects de la sécurité qui touchent aux droits civils et au respect de la vie privée. M. Shaw reconnait que leur absence réduit le nombre d’options pour les journalistes et le public qui veulent obtenir de l’information sur ces sujets, leur dernier recours étant les entrevues et les demandes d’accès à l’information.

Ensuite, M. Shaw poursuit en discutant des problèmes liés à la présentation de demandes d’accès à l’information selon son expérience récente, soit les délais, les frais et les documents écrits. Il conclut que de tels obstacles suggèrent que ces instruments d’information sont moins efficaces que ce que l’on pourrait espérer pour montrer les agissements du gouvernement.

M. Shaw indique que l’absence de responsabilité et de transparence soulève des inquiétudes quant aux conséquences sur les droits civils. Il s’inquiète notamment du fait que ceux qui s’opposent activement aux Jeux olympiques sur la scène politique ont subi du « harcèlement ». Une solution qui permettrait d’éviter de tels incidents, sources de méfiance parmi les différents groupes, serait de tenir un forum sur les thèmes pertinents pour les groupes en cause.

En outre, M. Shaw exprime sa crainte que les activités de sécurité et de surveillance ne soient dirigées indument sur les personnes marginalisées et pauvres du quartier centre‑est de Vancouver d’ici aux Jeux de 2010.

M. Shaw traite ensuite du fait que les lois sur l’affichage en voie d’être adoptées à Vancouver pendant les Jeux visent davantage le respect des « droits » de marketing du COVAN et du CIO que des droits garantis par la Charte. Il mentionne que les règlements qui interdisent la pose de panneaux dans les espaces publics pendant les Jeux olympiques de 2010 contournent les libertés civiles des Canadiennes et Canadiens. À l’instar de nombreux participants à l’Atelier, M. Shaw se dit également inquiet de l’héritage des infrastructures de sécurité et de surveillance après la fin des Jeux. À la lumière de ces inquiétudes, il conclut sa présentation en précisant que les représentants du gouvernement et les citoyens devraient réclamer une plus grande responsabilité et l’assurance du respect des droits de la personne de la part des organismes gouvernementaux et des organismes d’application de la loi.

Le dernier participant au deuxième panel, M. Harry Hiller, propose une approche pour comprendre les conséquences des grands événements qui nous permet d’observer la sécurité et la protection de la vie privée d’un point de vue différent que celui proposé par les présentateurs précédents. Il souligne la dynamique urbaine et commerciale associée à la sécurité, à la protection de la vie privée et aux grands événements tout en précisant que les Jeux olympiques semblent diviser leurs défenseurs et leurs opposants, phénomène qu’il appelle la « division olympique » [traduction].

La division olympique va de pair avec une polarisation des groupes qui soutiennent les Jeux olympiques et de ceux qui s’y opposent. La plupart du temps, cette polarisation mène à un antagonisme et à des conflits puisque tant les défenseurs que les opposants s’embourbent parfois dans les stéréotypes et les généralisations. D’autres sont apathiques ou incertains et se laissent facilement entraîner d’un côté ou de l’autre selon les nouvelles du jour. M. Hiller fait valoir que, dans les deux cas, les Jeux olympiques deviennent un symbole de questions litigieuses plus diverses.

Par la suite, M. Hiller précise que les événements à grande échelle comme les Jeux olympiques de Vancouver contribuent à accorder une nouvelle priorité aux enjeux urbains, suscitent des débats sur la suite des choses, stimulent souvent le réaménagement urbain et constituent des instruments d’idéologies de promotion agressive pro-croissance économique. Par exemple, la mondialisation des marchés de capitaux entraîne l’émergence de grands événements comme occasions de promouvoir une région permettant d’attirer les investissements étrangers, le tourisme et les entrepreneurs. Étudier la sécurité, la surveillance et la protection de la vie privée sous cet angle révèle à quel point les pressions sont grandes pour que les Jeux se déroulent en harmonie. Des Jeux réussis permettent à la fois d’atteindre un objectif commercial et de montrer une image positive de la ville hôte et du pays hôte.

Si la « division olympique » est considérée dans le cadre de la promotion d’une région, la défense des grands événements peut être effectuée sur plusieurs fronts, que ce soit sur celui de l’entreprise privée, des sports, des arts, de la culture et de la justice sociale. Par exemple, les grands événements sont particulièrement utiles pour les personnes qui font la promotion de l’expansion urbaine et qui défendent des stratégies pro-croissance, lesquelles permettent le développement économique et la création d’emplois. Dans ce cas, les protestations seront réduites au minimum pour favoriser les intérêts du secteur privé et un fonctionnement harmonieux des espaces urbains commerciaux. Par opposition, certains groupes tenteront d’accroître les protestations à l’égard de la promotion d’une région pour augmenter la visibilité de certaines causes de justice sociale. Les Jeux olympiques sont une occasion unique pour l’émergence de conflits entre des groupes dont les objectifs s’opposent, ce qui implique des risques considérables sur le plan de la sécurité. Chaque point de vue fait ressortir le lien complexe entre les politiques de sécurité et de protection de la vie privée et les politiques économiques et intérêts du secteur privé, ou, en d’autres termes, les liens entre sécurité, protection de la vie privée et promotion d’une région bénéficiant d’une grande visibilité.

Conclusion : Aborder les multiples points de convergence entre la sécurité et la protection de la vie privée

L’Atelier se termine par une discussion sur la nécessité de traiter des multiples points de convergence entre la sécurité et le respect du droit à la vie privée dans le cadre des Jeux olympiques de 2010. Un des participants suggère que les mesures à prendre devraient comprendre une liste de questions que devrait approfondir le Commissariat à la protection de la vie privée. Les Jeux olympiques de Vancouver se tiendront dans moins d’un an et les nombreuses questions et inquiétudes soulevées dans le présent rapport nécessitent une attention immédiate.

En conclusion, l’Atelier sur la protection de la vie privée, la sécurité et les Jeux olympiques de 2010 a permis de rassembler avec succès l’expérience sur le terrain de personnes qui s’occupent de la sécurité et de la surveillance à l’occasion des Jeux olympiques de Vancouver et de celles qui effectuent des recherches à ce sujet. De nombreux représentants du gouvernement, de groupes de la société civile, du secteur privé et des milieux universitaires se sont réunis pour discuter. Les sujets qui opposaient autrefois différents organismes ont été abordés sous l’angle de la collaboration, ce qui a apporté un nouvel éclairage sur de nombreux défis et craintes par rapport à la sécurité et à la protection de la vie privée dans le contexte des Jeux olympiques de Vancouver. Cependant, comme il a été mentionné précédemment, les représentants de la GRC et d’autres organismes d’application de la loi n’ont malheureusement pas pu participer à l’Atelier à titre de panélistes. À la fin de l’Atelier, la commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, a réitéré l’importance de continuer à collaborer activement aux questions traitant de la sécurité, de la protection de la vie privée et des Jeux olympiques de Vancouver à la lumière du grand nombre de résultats positifs de l’Atelier.

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