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Document de consultation intitulé « Renforcer le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes »

Mémoire du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada dans le cadre de la consultation publique du Ministère des Finances

Mars 2012


Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP) est heureux d’avoir l’occasion de commenter le document de consultation intitulé « Renforcer le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes ».

Le CPVP a souvent formulé des commentaires sur la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) et le Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Il s’est présenté devant le Sénat en 2000 pour formuler des commentaires à propos du projet de loi à l’origine du régime, il a pris part à l’examen quinquennal de la LRPCFAT et s’est présenté devant le Sénat pour faire des observations à propos du projet de loi C-25, qui a eu pour effet d’accroître considérablement le nombre d’organismes visés par la LRPCFAT et les types de transaction devant faire l’objet d’un examen minutieux et de rapports. En 2011, nous avons fait des commentaires sur les modifications proposées aux dispositions du Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes concernant la vérification de l’identité.

Par suite de l’adoption du projet de loi C-25, le CPVP s’est vu conférer le mandat de procéder à un examen biennal des mesures prises par le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) pour protéger les renseignements qu’il reçoit ou qu’il recueille, et de présenter au Parlement les résultats de ces examens. Nous avons publié notre premier examen en 2009 — voir http://www.priv.gc.ca/information/pub/ar-vr/ar-vr_fintrac_200910_f.cfm. Nous procédons actuellement à notre deuxième examen.

Depuis notre première comparution en 2000 au sujet du projet de loi C‑22, Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, nous avons exprimé de façon constante un certain nombre de préoccupations au sujet du régime :

  • La loi exige qu’au moins 300 000 entités déclarantes recueillent des renseignements personnels dont elles n’ont pas besoin à des fins commerciales, procèdent à des évaluations subjectives et hypothétiques en fonction des transactions de leurs clients.
  • Le CANAFE recueille des quantités importantes d’information au sujet des personnes, ce qui lui permet de créer un profil complet du comportement et de la vie d’une personne. En date du 31 mars 2011, celui-ci avait reçu plus de 145 millions de signalements de la part d’entités déclarantes.
  • La menace d’imposer une amende pour l’omission de présenter un signalement incite les entités à communiquer un trop grand nombre de renseignements. L’examen du CANAFE que nous avons demandé en 2009 a révélé que ce dernier a reçu et conservé davantage de renseignements que ce qui est autorisé par la loi. Par exemple, nous avons trouvé des cas de signalement excessif de déclarations d’opérations douteuses (DOD) qui ne correspondaient pas au seuil fixé, selon lequel de telles opérations doivent être signalées lorsqu’on a des motifs raisonnables de soupçonner qu’elles sont liées au recyclage des produits de la criminalité ou au financement d’activités terroristes.
  • La portée du régime a été élargie de façon importante depuis 2000, mais il a été très difficile pour le CPVP et pour d’autres observateurs d’évaluer la gravité des problèmes que la loi vise à régler, de déterminer si les changements qui ont été apportés au régime étaient nécessaires et d’évaluer l’efficacité globale de la loi. Dans de nombreux cas, les changements apportés à la Loi ont été justifiés par le besoin de donner suite aux recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) plutôt que par des lacunes dans la loi qui ont été clairement définies.
  • Le régime n’est pas transparent. Le public a une compréhension limitée du régime, et les personnes ne peuvent pas demander l’accès à leurs renseignements personnels détenus par le CANAFE.

Tel que mentionné précédemment, il est très difficile d’évaluer l’efficacité du régime. Nous comprenons qu’une partie de la difficulté est liée à la nature illicite et cachée du recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes. Toutefois, nous avons été étonnés de constater que l’Évaluation décennale du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristesNote de bas de page 1 n’aborde pas directement cette question. Les auteurs de l’évaluation n’ont pu affirmer que ce qui suit à propos de l’efficacité :

« Le Régime a vraisemblablement contribué à la mise en place d’un contexte hostile au RPC‑FAT et(ou) qui a dissuadé le RPC‑FAT. [Il semble que le régime] a réduit la rentabilité du crime et la probabilité d’activités terroristes [en dissuadant le RPC et le FAT]. »

Ils ont également conclu que, compte tenu du manque de données, il était impossible de rendre compte de l’évolution au fil du temps du nombre d’enquêtes entraînant le dépôt d’accusations ou des condamnations pour RPC.

L’évaluation recommande que le ministère des Finances procède à un sondage d’opinion publique afin de déterminer la mesure dans laquelle le public est au courant de la menace posée par le RPC-FAT et du régime de lutte contre ces crimes. Nous soutenons cette recommandation.

La LRPCFAT et la LPRPDE

En plus du mandat que nous confère la Loi sur la protection des renseignements personnels par rapport aux ministères et organismes du gouvernement fédéral, nous avons aussi un mandat aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). La LPRPDE s’applique à tous les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués par des organismes dans le cadre d’activités commerciales, sauf dans les provinces où il existe une loi jugée essentiellement similaire à la LPRPDENote de bas de page 2. La LPRPDE ou une loi provinciale essentiellement similaire s’applique à la plupart des organismes qui doivent fournir des renseignements au CANAFE, voire à l’ensemble de ceux-ci.

La LPRPDE et les lois provinciales essentiellement similaire imposent un certain nombre d’obligations aux organismes et offrent aux particuliers un droit d’accès général à leurs renseignements personnelsNote de bas de page 3. Plus précisément, la LPRPDE énonce que les organismes ne peuvent recueillir que les renseignements personnels nécessaires aux fins déterminées par l’organisme.

Bien que la LPRPDE autorise expressément les organismes à recueillir, à utiliser et à communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée si la loi l’exige, ceux-ci doivent tout de même respecter certaines limites quant à la collecte et à la communiquer de ces renseignements. La LRPCFAT ne les soustrait pas à cette obligation. Cela place les organismes dans une situation malaisée, dans la mesure où ils doivent tenter d’établir un juste équilibre entre les exigences imposées par chacune de ces deux lois.

Toutefois, comme la LRPCFAT accorde au CANAFE le pouvoir d’imposer des sanctions administratives pécuniaires pour défaut de signalement, il existe un fort incitatif qui peut pousser les organismes à un signalement excessif. Il est difficile pour le CPVP de surveiller les signalements excessifs puisqu’il peut seulement procéder à une vérification d’un organisme au titre de la LPRPDE si la commissaire « a des motifs raisonnables de croire que celle-ci a contrevenu » à la Loi. Le signalement excessif par des organismes visés par des lois provinciales régissant le secteur privé ne relève absolument pas de notre mandat.

C’est une question dont il faut s’occuper. Le gouvernement devrait envisager des solutions pour régler ce problème.

Le document de consultation

Le document de consultation contient un nombre important de propositions, et les auteurs demandent des commentaires sur un grand nombre de questions. Toutefois, nous ne sommes pas en position de faire des commentaires significatifs sur nombre de ces questions. Par exemple, les auteurs du document demandent aux institutions financières de formuler « des commentaires sur les mesures de sécurité qui sont comprises dans les relevés bancaires fournis électroniquement et qui permettraient de déterminer l’authenticité d’un tel relevé ».

Nos commentaires porteront essentiellement sur quatre questions qui suscitent des préoccupations liées à la protection de la vie privée.

Éliminer le seuil pour les virements électroniques de fonds

Actuellement, les entités déclarantes doivent signaler au CANAFE tout virement électronique de fonds (VEF) de 10 000 $ ou plus provenant de l’étranger ou envoyé à l’extérieur du Canada.

D’après la proposition 2.1, le gouvernement envisage d’éliminer le seuil de 10 000 $. En conséquence, les institutions financières, les casinos et les banques d’épargne devraient signaler tous les virements électroniques de fonds provenant de l’étranger ou envoyés à l’extérieur du pays.

Pour justifier cette proposition, les auteurs du document de consultation mentionnent le rapport provisoire du Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme et le rapport final de la Commission d’enquête relative aux mesures d’investigation prises à la suite de l’attentat à la bombe commis contre le vol 182 d’Air India. Les deux rapports laissent entendre que le seuil de 10 000 $ ne permet pas nécessairement de détecter les cas de financement d’activités terroristes. Le rapport concernant l’attentat d’Air India laisse entendre que :

« Les sommes en cause dans le financement du terrorisme sont souvent beaucoup plus modestes que dans le cas du blanchiment de capitaux. […] Les techniques qui peuvent s’avérer efficaces pour détecter le blanchiment de capitaux, par exemple le ciblage des opérations de 10 000 $ ou plus, peuvent ne pas convenir dans le cas du financement du terrorisme. » (Vol. 1, p. 187‑188)

L’élimination du seuil applicable aux virements électroniques de fonds internationaux ferait beaucoup augmenter le nombre de VEF signalés au CANAFE. Nous nous serions attendus à ce que le document de consultation fournisse une estimation de l’incidence de ce changement, mais il ne contient aucun renseignement sur les répercussions de l’élimination du seuilNote de bas de page 4. À notre avis, les répercussions seraient énormes. Aussi, l’élimination du seuil semble être une mesure totalement excessive par rapport aux recommandations du GAFI.

Dans un pays multiculturel comme le Canada, un grand nombre d’immigrants de fraîche date envoient régulièrement de l’argent à des membres de leur famille et à des amis dans d’autres pays. La très grande majorité de ces VEF représentent probablement des sommes très inférieures au seuil de 10 000 $. Le fait d’éliminer le seuil forcerait donc le signalement de VEF anodins, comme des transferts de fonds à des enfants qui étudient ou voyagent à l’étranger.

La justification invoquée pour l’abaissement du seuil (pour inclure des virements de sommes moindres qui pourraient être associés au financement d’activités terroristes) fait ressortir l’un des problèmes liés au fait de combiner au sein d’une même loi des dispositions de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et de lutte contre le financement d’activités terroristes, et d’utiliser une approche unique pour les deux régimes.

Même s’il est vrai que l’abaissement du seuil permettrait de détecter plus de cas de financement d’activités terroristes, cette mesure aurait une conséquence importante et involontaire : le signalement d’un grand nombre de transactions tout à fait légales. Le document de consultation ne présente aucun élément de preuve qui porte à croire que le seuil doit être abaissé pour lutter contre le recyclage des produits de la criminalité.

Accès prépayé

Le document de consultation analyse les risques potentiels associés au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes que pose l’accès prépayé. L’accès prépayé englobe notamment les cartes-cadeaux des commerces de détail, les cartes prépayées émises par des institutions financières qui peuvent être utilisées pour retirer des fonds au guichet automatique d’une banque et les dispositifs de paiement mobiles. D’après le document de consultation :

« Un produit financier est considéré comme un produit d’accès prépayé s’il offre la possibilité aux consommateurs d’y verser des fonds qui peuvent ensuite être utilisés pour faire des achats et, dans certains cas, accéder à de l’argent comptant ou transférer de l’argent d’une personne à une autre. Les produits d’accès prépayés ne comprennent pas les produits de crédit ou de débit. »

Le document mentionne deux types de risques généraux : l’anonymat que procurent les produits d’accès prépayés, et le fait qu’ils permettent de transporter d’importantes sommes d’argent de façon plus discrète que si c’était de l’argent comptant.

Le document propose deux façons potentielles d’atténuer les risques éventuels de recyclage des produits de la criminalité et de financement d’activités terroristes que posent les produits d’accès prépayés (propositions 2.2 et 2.3) :

  • imposer un devoir de vigilance à l’égard de la clientèle aux fournisseurs (commerces de détail, réseaux de paiement ou institutions financières) relativement aux instruments d’accès prépayés;
  • élargir la définition d’instrument monétaire pour la déclaration des mouvements transfrontaliers des espèces au titre du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets pour qu’elle inclue les produits d’accès prépayés.

Le document ne contient pas beaucoup de détails sur la portée éventuelle de la première mesure. L’imposition d’un devoir de vigilance à l’égard de la clientèle entraînerait la collecte d’un plus grand nombre de renseignements personnels. Compte tenu de la popularité des cartes prépayées offertes comme cadeau et utilisées pour payer de petits achats comme des cafés, le fait d’exiger que les fournisseurs obtiennent des renseignements permettant d’identifier la personne constituerait une initiative énorme et intrusive. Cela pourrait obliger un nombre encore plus élevé d’organismes — y compris des commerces de détail — à assumer un devoir de vigilance à l’égard de la clientèle et recueillir des renseignements personnels dont ils n’ont pas besoin à des fins commerciales internes. Ces renseignements devraient être entreposés dans des bases de données, ce qui poserait des risques supplémentaires en matière de protection de la vie privée. Enfin, cela pourrait créer un mécanisme qui permettrait de suivre à la trace les personnes qui utilisent des dispositifs d’accès prépayés, puisqu’on présume que les renseignements recueillis pour pouvoir observer le devoir de vigilance à l’égard de la clientèle seraient associés à des dispositifs ou des cartes d’accès prépayés précis.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les administrations qui ont essayé d’imposer des exigences d’identification pour l’achat d’appareils de communication prépayés ont fait face à bien des difficultés.

La deuxième suggestion, qui consiste à élargir la définition d’« effet » pour qu’elle englobe les produits d’accès prépayés, serait moins intrusive mais entraînerait aussi d’importants problèmes en matière de protection de la vie privée, si elle entraînait, par exemple la fouille d’appareils mobiles quand des personnes traversent une frontière.

Si le gouvernement estime qu’il doit atténuer le risque associé à l’expansion des produits d’accès prépayés, nous recommandons fortement que le gouvernement envisage des mesures qui n’entraînent pas la collecte de renseignements personnels, la création de bases de données ou des fouilles intrusives.

Dans son rapport publié en octobre 2010 et intitulé « Money Laundering Using New Payment Methods » (recyclage des produits de la criminalité à l’aide de nouvelles méthodes de paiement), le GAFI semble indiquer que, même sans la mise en œuvre de :

« procédures rigoureuses d’identification et de vérification, [...] le risque posé par un produit qui offre l’anonymat peut être atténué efficacement par d’autres mesures, comme l’imposition de limites de valeurs (p. ex., limites applicables au montant ou à la fréquence des transactions) ou la mise en œuvre de systèmes de surveillance stricts. » [traduction]

Augmentation de la quantité de renseignements contenus dans les divulgations du CANAFE

L’une des mesures de protection intégrées à la loi est le fait qu’elle limite l’information que le CANAFE peut fournir aux organismes d’application de la loi et aux autres autorités. Pendant l’examen du projet de loi C‑22 par le Comité des finances de la Chambre des communes en 2000, Roy Cullen, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, a assuré au Comité que :

« la collecte, l’utilisation et la communication de l’information par le Centre se feront de manière strictement contrôlée. Seule une quantité déterminée et restreinte des renseignements qui seront transmis au Centre sera communiquée aux services de police et à d’autres organismes compétents, et seulement à certaines conditions préétablies. L’information qui pourra alors être divulguée se limitera à des renseignements clés permettant l’identification des suspects, comme le nom de la personne en cause, le numéro du compte utilisé, le montant de l’opération et le lieu où elle a été effectuée, et certains autres renseignements de ce genreNote de bas de page 5. »

Toutefois, ces mesures de protection se sont affaiblies graduellement quand la Loi a été modifiée pour permettre au CANAFE de communiquer davantage d’information à un plus grand nombre de ministères et d’organismes.

Initialement, la Loi visait uniquement à lutter contre le recyclage des produits de la criminalité. On en a ensuite élargi la portée pour qu’elle s’applique au problème très différent du financement des activités terroristes. Puis, on en a de nouveau élargi la portée, ce qui permet au CANAFE de communiquer de l’information au Centre de la sécurité des télécommunications pour s’acquitter de son mandat et à la GRC, au SCRS, à l’Agence du revenu du Canada, à l’Agence des services frontaliers du Canada et à Citoyenneté et Immigration à des fins d’enquête et, présumément, de poursuites dans les cas de fraude, d’évasion fiscale et d’autres infractions.

Les propositions 4.1 à 4.7 suggèrent d’élargir encore davantage le pouvoir du CANAFE de communiquer de l’information :

  • 4.1 propose d’élargir la liste actuelle des renseignements désignés que le CANAFE peut communiquer aux organismes d’application de la loi et aux organismes de renseignement;
  • 4.2 permettrait au CANAFE d’accroître la quantité d’information fournie dans les produits de renseignement qu’il transmet en vertu de l’article 58 de la LRPCFAT, notamment l’identité de personnes et d’entités étrangères;
  • 4.3 et 4.4. permettraient à l’ASFC et au CANAFE de communiquer des renseignements supplémentaires sur les organismes de bienfaisance;
  • 4.5 exigerait que le CANAFE communique à l’ASFC des renseignements relatifs à des infractions de recyclage des produits de la criminalité et de financement d’activités terroristes si ces renseignements étaient aussi utiles dans un cas d’infraction en matière d’exportations illégales;
  • 4.6 exigerait que le CANAFE communique des renseignements désignés à l’ASFC lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils seraient utiles aux fins du contrôle de l’accès des personnes et des biens en direction ou en provenance du Canada qui sont une menace à la sécurité nationale;
  • 4.7 permettrait au CANAFE de communiquer à une force policière des renseignements qui pourraient être utiles dans une enquête afin d’écarter tout danger imminent de blessure ou de mort.

Le document fournit une justification très limitée de ces propositions. Il s’appuie essentiellement sur le fait que les renseignements supplémentaires seraient utiles pour les partenaires du régime. Le document n’explique pas en quoi ils seraient utiles, ni quels types de renseignements seraient utiles. Par exemple, la seule justification offerte pour la proposition 4.7 est qu’« il est également possible que les renseignements recueillis par le CANAFE soient utiles aux fins d’enquête lorsque la vie d’une personne est en danger ».

Avant d’élargir davantage la quantité de renseignements qui peuvent être transmis et le nombre d’organismes auxquels ils peuvent être fournis, le gouvernement devrait démontrer l’urgence d’appliquer ces propositions.

Si le CANAFE se voit accorder le pouvoir de communiquer davantage de renseignements à plus d’organismes, le gouvernement devrait envisager une surveillance accrue du CANAFE pour veiller à ce que ces divulgations soient appropriées. Une possibilité serait de mettre en place un processus indépendant d’examen des décisions du CANAFE de communiquer de l’information.

Élargir l’exigence relative au signalement des transactions douteuses

Actuellement, la loi exige que les entités déclarantes signalent les transactions douteuses, de même que les transactions financières qu’une personne a effectuées ou tenté d’effectuer et qui donnent à penser qu’il y a peut-être eu recyclage de produits de la criminalité ou financement d’activités terroristes.

Il s’agit de l’un des aspects les plus troublants de la Loi puisqu’il demande aux entités déclarantes de formuler des jugements à propos des motifs de leurs clients. Nous ne connaissons aucune autre loi qui impose une exigence semblable de cette ampleur. En 2010-2011, le CANAFE a reçu près de 60 000 signalements de transactions douteusesNote de bas de page 6.

Le document de consultation suggère qu’on modifie la LRPCFAT pour redéfinir les transactions douteuses afin d’inclure des activités entreprises aux fins d’une transaction financière qui laisse croire à du recyclage des produits de la criminalité ou au financement d’activités terroristes. Le document donne à penser que cela pourrait inclure une demande d’ouverture de compte si elle est considérée comme étant douteuse.

Le document laisse entendre qu’il s’agit d’une simple précision. Nous sommes préoccupés par le fait que cela augmenterait le risque de signalement excessif. Tel qu’il est mentionné précédemment, nous croyons que le gouvernement doit aborder le problème du signalement excessif avant de mettre en œuvre de nouvelles mesures qui exacerberaient le problème.

Conclusion

Comme nous l’avons dit plus tôt, nous avons un certain nombre de préoccupations au sujet des répercussions sur la vie privée du régime de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Les propositions contenues dans le document de consultation ne font qu’attiser ces préoccupations.

Nous comprenons que le recyclage des produits de la criminalité et le financement d’activités terroristes sont de graves problèmes et que le Canada doit honorer ses engagements à l’échelon international. Le document de consultation signale toutefois que le Canada se classe parmi le peloton de tête des membres du GAFI grâce à son régime pour ce qui est de la conformité aux normes du GAFI. Cela porte à croire que le Canada respecte déjà ses engagements internationaux et en fait peut-être même davantage.

Le CPVP est préoccupé par le fait qu’on élargit de nouveau la portée du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes sans qu’aucune évaluation claire n’ait été réalisée pour déterminer si ces modifications permettraient bel et bien de régler des problèmes nationaux. Nous pensons qu’il ne faut pas envisager d’apporter d’autres changements à la LRPCFAT sans démontrer l’urgence des problèmes qui devaient être réglés et sans prouver le caractère proportionnel et l’efficacité des mesures proposées.

Nous aimerions également soulever la question de la surveillance. Le document de consultation fait souvent allusion à la Commission d’enquête relative aux mesures d’investigation prises à la suite de l’attentat à la bombe commis contre le vol 182 d’Air India, mais il n’analyse pas l’une des principales recommandations de la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar. Le commissaire O’Connor a recommandé que le gouvernement élargisse l’examen indépendant, y compris l’enquête sur la plainte et l’examen ouvert de façon autonome, pour qu’il s’applique aux activités liées à la sécurité nationale de plusieurs organismes, dont le CANAFE. Même si notre rôle de vérification est important, il ne remplace pas une surveillance efficace et continue.

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