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Affaires mondiales Canada n’a pas su démontrer ses pouvoirs en matière de collecte de renseignements personnels contenus dans les passeports diplomatiques

Plainte déposée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi)

Le 29 mars 2019

  1. Le plaignant alléguait qu’Affaires mondiales Canada (AMC) contrevient aux dispositions de la Loi qui traitent de la collecte lorsqu’il demande le retour des passeports diplomatiques contenant des renseignements liés à des déplacements personnels afin de mener une enquête administrative. Il prétend que selon les politiques et pratiques d’AMC, certains employés doivent utiliser exclusivement leur passeport diplomatique pour les déplacements personnels et professionnels à l’étranger, et que le fait de retourner le passeport diplomatique engendrait une collecte inappropriée de renseignements personnels de la part d’AMC.

Résumé de l’enquête

  1. Le plaignant était un employé d’AMC qui s’est vu remettre un passeport diplomatique du gouvernement du Canada et qui a été affecté à l’étranger.
  2. Le plaignant expliquait qu’AMC menait une enquête administrative et lui avait demandé son passeport diplomatique comme élément de preuve. Il a ajouté que, conformément aux politiques et pratiques d’AMC, il avait utilisé son passeport diplomatique pour des voyages personnels pendant son affectation à l’étranger. Par conséquent, son passeport diplomatique contenait des renseignements sur ses déplacements personnels (p. ex., visas, timbres des postes frontaliers, dates des déplacements personnels). AMC n’a pas accepté une photocopie des pages de son passeport diplomatique liées à ses déplacements professionnels et a insisté pour qu’il soumette son livret de passeport diplomatique original. Le plaignant a refusé de fournir le passeport diplomatique.
  3. AMC a indiqué que le passeport diplomatique est la propriété du gouvernement du Canada et qu’il peut demander qu’il lui soit remis en tout temps. Il a déclaré que, dans le présent cas, AMC avait le pouvoir de recueillir les renseignements sur les déplacements personnels du plaignant liés à des allégations d’inconduite. AMC n’a pas fourni de détail sur la nature de l’enquête administrative en question.
  4. De plus, AMC a fourni un exemplaire des instructions ministérielles émises par le ministre des Affaires étrangères le 31 janvier 2011, selon lesquelles il est mentionné au point 3 ce qui suit :

    [TRADUCTION]

    « Dans le cadre de voyages personnels, les voyageurs doivent utiliser leur passeport régulier (bleu), sauf dans les circonstances suivantes :

    3.2 compte tenu du principe voulant qu’une personne voyage avec un seul passeport canadien valide, une personne qui effectue un voyage personnel tout de suite après un voyage officiel (ou vice versa) est autorisée à utiliser son passeport spécial ou diplomatique pour l’ensemble du voyage;

    3.3 les titulaires de passeports spéciaux ou diplomatiques en poste à l’étranger (diplomates et leurs personnes à charge) sont autorisés à utiliser leur passeport spécial ou diplomatique s’ils voyagent à des fins personnelles pendant leur affectation. »

  5. Le Commissariat a essayé à plusieurs reprises, en vain, d’obtenir de l’information supplémentaire auprès d’AMC en ce qui a trait à son pouvoir de recueillir les renseignements personnels contenus dans le passeport diplomatique qui avait été utilisé à des fins de voyages personnels. Par exemple, nous avons tenté d’interroger AMC sur la nature de l’enquête administrative pour laquelle les renseignements relatifs aux voyages personnels étaient nécessaires.
  6. AMC n’a pas nié l’allégation du plaignant selon laquelle il exige de certains employés qu’ils utilisent leur passeport diplomatique pour leurs voyages personnels. En outre, il n’était pas en mesure de démontrer ou n’était pas disposé à démontrer au Commissariat que les titulaires d’un passeport diplomatique sont informés que les renseignements personnels peuvent être recueillis en ce qui concerne toute utilisation permise du passeport diplomatique pour des voyages personnels.

Application

  1. Pour rendre notre décision, nous avons examiné les articles 3 et 4 de la Loi.
  2. Selon l’article 3 de la Loi, les renseignements personnels s’entendent des renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment : les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille, à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé, à tout numéro qui lui est propre, à ses empreintes digitales ou à son groupe sanguin et à ses opinions personnelles, etc.
  3. Le passeport diplomatique renferme le nom du plaignant, sa date de naissance, sa citoyenneté, etc. Dans le présent cas, il contient également les antécédents de voyage personnels du plaignant. Ces données sont considérées comme des renseignements personnels aux termes de l’article 3 de la Loi.
  4. L’article 4 de la Loi stipule que « [l]es seuls renseignements personnels que peut recueillir une institution fédérale sont ceux qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activités ».
  5. AMC n’a pas réussi à démontrer au Commissariat la façon dont les antécédents de voyage personnels du plaignant étaient liés à l’enquête ou faisaient l’objet de l’enquête. Finalement, les renseignements personnels sur le plaignant n’ont pas été recueillis étant donné que celui-ci n’a pas retourné son passeport diplomatique comme l’avait demandé AMC.
  6. Cela étant dit, en raison du manque de coopération d’AMC dans le cadre de cette enquête, nous ne sommes pas en mesure de confirmer qu’il a le pouvoir de recueillir les renseignements au sujet des voyages personnels qui sont contenus dans le passeport diplomatique, car il nous est impossible de déterminer si les données recueillies sont directement liées à son activité ou programme opérationnel.
  7. Par conséquent, le Commissariat doit conclure qu’AMC n’a pas le pouvoir de recueillir les renseignements personnels contenus dans les passeports diplomatiques.

Conclusion

  1. Par conséquent, la plainte est fondée.

Recommandations

  1. En raison du caractère systémique potentiel de cette question et de l’incidence possible sur d’autres personnes, tout particulièrement les utilisateurs de passeports diplomatiques, nous recommandons qu’AMC prenne des mesures pour préciser les dispositions de ses politiques et pratiques relativement à l’utilisation personnelle des passeports diplomatiques et leurs incidences sur la vie privée.
  2. Nous recommandons également que les dispositions précisées soient diffusées et communiquées aux utilisateurs et aux personnes qui peuvent être concernés par l’utilisation du passeport diplomatique à des fins personnelles.
  3. Par exemple, AMC peut envisager d’informer les utilisateurs de passeports diplomatiques des fins auxquelles il peut recueillir des renseignements de voyage personnels liés à un programme ou une activité, en même temps qu’il les informe des utilisations permises décrites dans les instructions ministérielles.
  4. Nous demandons à AMC d’informer le commissaire à la protection de la vie privée dans les trente jours suivant la publication du présent rapport des conclusions, de toute mesure qu’il a prise, ou qu’il propose de prendre pour mettre en œuvre ces recommandations.
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