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Santé Canada démontre que les renseignements personnels qu’il recueille ont un lien direct avec l’administration de son Programme des services de santé non assurés

Plainte présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels

Le 12 mars, 2018

Résumé

  1. Le plaignant allègue que Santé Canada exigeait que les Premières Nations et les Inuits fournissent plus de renseignements personnels que ce qui est nécessaire pour le traitement des demandes de paiement de services médicaux dans le cadre du Programme des services de santé non assurés (SSNA). Selon le plaignant, la collecte de renseignements personnels par Santé Canada allait au-delà de ce qui est nécessaire aux fins de l’administration du Programme des SSNA.
  2. La plainte a été déposée au nom de plus de 20 médecins (les médecins). Leurs inquiétudes portaient sur deux pratiques précises, à savoir :
    1. la prétendue exigence que les médecins fournissent des renseignements détaillés sur leurs patients aux fins de l’approbation des médicaments remboursés;
    2. la prétendue exigence que les médecins fournissent des renseignements relatifs au diagnostic de patients cherchant à obtenir des services de transport pour raison médicale et d’orientation vers un spécialiste.
  3. L’allégation concernant les services de transport pour raison médicale et d’orientation vers un spécialiste a fait l’objet d’un rapport distinctNote de bas de page 1.
  4. Quant à la question de la collecte de renseignements des patients en vue de l’approbation des médicaments sur ordonnance, Santé Canada a déclaré que le Ministère ne recueille que les renseignements nécessaires à l’offre d’une assurance-médicaments dans le cadre du Programme des SSNA.
  5. Après avoir examiné les observations présentées par les deux parties et consulté les médecins, nous avons conclu que l’aspect de la plainte concernant les médicaments n’est pas fondé. Les raisons qui sous-tendent cette conclusion sont énoncées ci-dessous.

Portée et méthodologie

  1. Le plaignant a également soulevé des préoccupations quant à la capacité de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi) de protéger les renseignements personnels médicaux des Premières Nations et des Inuits comparativement aux lois provinciales sur la protection des renseignements personnels liés à la santé. Ces préoccupations ne relèvent pas du champ de notre enquête.
  2. Dans le cadre de notre enquête, nous avons examiné ce qui suit :
    • le mandat de Santé Canada et du Programme des SSNA;
    • les renseignements personnels que Santé Canada recueille dans le cadre de l’administration du Programme des SSNA;
    • un échantillon de formulaires relatifs à l’assurance-médicaments que fournissent les médecins;
    • les observations présentées par les deux parties.
  3. Au cours de notre enquête, nous avons consulté les médecins praticiens. Bien que des observations officielles appuyant la plainte aient été fournies par le cabinet du plaignant, nous avons aussi tenu compte des préoccupations des médecins quant au respect de la vie privée des patients et à leurs répercussions sur la vie privée des collectivités des Premières Nations et des Inuits.

Enjeux et faits pertinents

Le Programme des SSNA

  1. Le Programme des SSNA de Santé Canada est un programme national qui fournit aux membres inscrits des Premières Nations et aux Inuits reconnus vivant au Canada une couverture des services de santé nécessaires qui ne sont pas offerts dans le cadre de régimes privés ou de programmes sociaux et de santé des provinces et territoires. Les prestations couvertes par le Programme des SSNA comprennent certains médicaments sur ordonnance et les médicaments en vente libre, les soins dentaires et les soins de la vue, l’équipement et les fournitures médicaux, le counseling en santé mentale et le transport en vue d’obtenir des soins médicaux qui ne sont pas offerts dans la réserve ou la collectivité de résidence de la personne.
  2. Afin d’appuyer l’évaluation des demandes de paiement déposées en vertu du Programme des SSNA et de coordonner le traitement de ces demandes avec les programmes de santé provinciaux, territoriaux et privés, Santé Canada recueille des renseignements personnels sur les personnes qui présentent une demande de prestations couvertes dans le cadre du Programme des SSNA.
  3. Les renseignements personnels recueillis par Santé Canada en vertu du Programme des SSNA sont obtenus principalement des fournisseurs de services de santé au nom des patients. Ces fournisseurs de services comprennent les médecins, les membres du personnel infirmier, les pharmaciens, les optométristes, les dentistes, les psychologues, les travailleurs sociaux et les services de transport pour raison médicale.

Médicaments à usage restreint

  1. Les médicaments couverts par le Programme des SSNA figurent sur la Liste des médicaments. Cette liste est compilée par Santé Canada sur avis du Comité canadien d’expertise sur les médicaments, par l’intermédiaire du programme commun d’évaluation des médicaments de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, de l’Examen pancanadien des médicaments oncologiques et du Comité consultatif sur les médicaments et les approches thérapeutiques du Programme des SSNA.
  2. Trois catégories de médicaments sont accessibles par l’entremise du Programme des SSNA : les médicaments couverts sans restrictionNote de bas de page 2, les médicaments à usage restreintNote de bas de page 3 et les exceptionsNote de bas de page 4. Les formulaires utilisés pour demander le remboursement des médicaments à usage restreint sont au centre de cette plainte. Santé Canada recueille des renseignements au moyen de formulaires relatifs aux médicaments à usage restreint afin de déterminer si les critères d’admissibilité à un médicament sont respectés. Selon Santé Canada, le Programme des SSNA compte plus de 250 formulaires relatifs aux médicaments à usage restreint, chaque médicament à usage restreint ayant son propre formulaire.

Position du plaignant

  1. Selon le plaignant, certains formulaires relatifs aux médicaments à usage restreint recueillent des renseignements personnels non nécessaires pour l’évaluation d’une demande de remboursement pour médicaments sur ordonnance dans le cadre du Programme des SSNA.
  2. Nous avons consulté les médecins qui ont formulé des observations au nom du plaignant. Ils soutiennent que, dans de nombreux cas, Santé Canada demande des renseignements sur le diagnostic précis dans les formulaires relatifs aux médicaments à usage restreint alors que, selon eux, des questions d’ordre général suffiraient à démontrer que les critères d’admissibilité sont remplis. Les médecins ont fourni plusieurs exemples de formulaires qui exigent des renseignements précis. Par exemple, dans l’un des formulaires, on demandait le « nombre d’articulations enflées » dans le cas d’un médicament utilisé pour traiter l’arthrite. Ils soutiennent que Santé Canada n’a pas besoin de connaître le nombre exact d’articulations enflées pour déterminer si une personne est admissible au médicament. Les critères cliniques liés au médicament indiquent plutôt que c’est pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde grave avec un nombre égal ou supérieur à cinq articulations enflées (gras ajouté). Selon les médecins, il devrait être suffisant d’indiquer que le patient se situe dans la plage requise – nombre égal ou supérieur à cinq articulations enflées – plutôt que de spécifier le nombre exact d’articulations enflées. Les médecins ont fourni plusieurs exemples de formulaires qui demandaient des renseignements précis plutôt que l’échelle indiquée dans les critères cliniques.

Position de Santé Canada

  1. Nous avons fourni à Santé Canada les formulaires indiqués par les médecins et lui avons demandé d’expliquer la collecte de renseignements pour chaque champ de données. Santé Canada a affirmé que les champs de données sont fondés sur les critères et les conditions cliniques définis par les comités d’examen des médicamentsNote de bas de page 5 composés de pharmaciens et de médecins. Santé Canada a fait valoir que les comités d’examen des médicaments suivent une approche qui repose sur des données probantes et tiennent compte des connaissances médicales et scientifiques actuelles, de la pratique clinique courante, de la prestation des soins de santé et des besoins en matière de santé de populations clientes particulières.
  2. Dans sa réponse, Santé Canada a expliqué la raison de la collecte des renseignements demandés pour chaque champ de données figurant sur lesdits formulaires. Par exemple, en ce qui concerne le formulaire relatif au médicament contre l’arthrite, Santé Canada a fourni l’explication ci-dessous pour ce qui est de l’exigence d’indiquer le nombre d’articulations enflées.

    Le nombre exact d’articulations enflées est nécessaire pour déterminer s’il y a eu une amélioration calculée de >20 % entre le début du traitement et le renouvellement du médicament (une plage ne peut être utilisée pour calculer ce qui suit : le nombre exact d’articulations [et d’autres paramètres particuliers] est nécessaire pour l’évaluation). De l’information est demandée au début (lorsque le patient commence le traitement) et lorsque le traitement est renouvelé, habituellement au bout d’un an… Les thérapies biologiques comme [celle-ci] ne devraient se poursuivre que chez les patients qui répondent au traitement en fonction de paramètres objectifs. Si ce n’est pas le cas, il convient de choisir un autre traitement qui sera sûr pour le patient et rentable pour le système des soins de santé dans son ensemble, y compris les organismes payeurs des régimes d’assurance-médicaments publics. La Société canadienne de rhumatologie a examiné ces formulaires et est d’avis que les renseignements demandés sont à la fois raisonnables et nécessaires pour assurer le suivi des patients et l’optimisation des ressources. [Traduction]

Dispositions applicables de la Loi

  1. Afin de rendre notre décision, nous avons tenu compte des articles 3 et 4 de la Loi. Nous avons aussi tenu compte des politiques, des directives et des lignes directrices pertinentes publiées par le gouvernement du Canada concernant le traitement des renseignements personnels, dont la Directive sur les pratiques relatives à la protection de la vie privée du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Bien que cette directive ne soit pas juridiquement contraignante, elle peut, à titre d’instrument de politique obligatoire, s’avérer utile pour déterminer et évaluer les obligations fédérales en matière de traitement des renseignements personnels.
  2. L’article 3 de la Loi définit les renseignements personnels comme des renseignements qui, quels que soient leur forme et leur support, concernent un individu identifiable.
  3. Selon l’article 4 de la Loi, les renseignements personnels que peut recueillir une institution fédérale sont ceux qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activités.

Analyse et conclusions

Les renseignements personnels des individus sont-ils en jeu?

  1. Les renseignements en question sont le nom et les renseignements médicaux des individus. Ces données sont considérées comme des renseignements personnels en vertu de la Loi.

Santé Canada a-t-il contrevenu aux dispositions de la Loi concernant la collecte de renseignements personnels en recueillant les renseignements demandés dans les formulaires relatifs aux médicaments à usage restreint?

  1. Notre enquête n’a pas examiné tous les formulaires relatifs aux médicaments à usage restreint. Nous nous sommes limités à un échantillon représentatif constitué des formulaires indiqués par les médecins.
  2. L’article 4 de la Loi exige que les renseignements personnels recueillis par une institution fédérale soient ceux qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activités. Santé Canada est responsable de l’administration du Programme des SSNA. La fourniture des médicaments figurant sur la Liste des médicaments à usage restreint relève du Programme des SSNA.
  3. Les renseignements en question sont recueillis dans le but d’évaluer les demandes de remboursement des médicaments à usage restreint. Dans notre analyse, nous nous sommes demandés si Santé Canada avait démontré un lien direct entre les renseignements recueillis et le but de la collecte. Pour chaque champ de données que nous avons indiqué, Santé Canada a précisé le but de la collecte desdits renseignements dans le cadre de l’évaluation des demandes de règlement en question.
  4. Nous avons également demandé à Santé Canada de démontrer qu’il lui est nécessaire de recueillir les renseignements en question aux fins de l’administration du Programme des SSNA. Pour chaque champ de données que nous avons indiqué, Santé Canada a fourni une explication fondée sur des éléments probants quant à la nécessité d’obtenir les renseignements personnels en question.
  5. Par conséquent, nous sommes d’avis que Santé Canada a démontré que la collecte des renseignements personnels en question était conforme aux dispositions de la Loi.

Conclusion

  1. À la lumière de ce qui précède, cet aspect de la plainte n’est pas fondé.

Autres questions

  1. Au cours de notre enquête, les médecins ont soulevé un certain nombre de questions liées à la prestation de soins de santé destinés aux Premières Nations et aux Inuits. Une préoccupation en particulier avait trait au temps pris pour approuver les demandes de prestations. Les médecins ont soutenu que la collecte de renseignements non nécessaires a mené à des situations où les patients n’ont pas eu accès rapidement au traitement. Bien que ces questions dépassent la portée de notre enquête, nous avons néanmoins fait part de la préoccupation au personnel de Santé Canada travaillant au Programme des SSNA.
  2. En réponse à ces questions, Santé Canada a fait valoir qu’il avait mis en œuvre un processus d’examen accéléré pour certains médicaments. Santé Canada s’est engagé à continuer à travailler avec son responsable du traitement des demandes afin d’accroître le nombre de médicaments pouvant être approuvés par le processus simplifié. Nous encourageons Santé Canada à continuer de collaborer avec son responsable des demandes de paiement ainsi qu’avec les intervenants des collectivités des Premières Nations et des Inuits dans le but de répondre rapidement aux demandes de prestations.
  3. Les médecins ont aussi fait part des préoccupations exprimées par certains patients au sujet de la façon dont Santé Canada conserve, utilise et communique les renseignements médicaux. Par exemple, certains patients qui ont besoin de médicaments pour la santé mentale se sont dits inquiets du fait que le gouvernement fédéral recueille, conserve et utilise des renseignements sur leur santé mentale. Ces préoccupations dépassent la portée de notre enquête; elles témoignent toutefois de l’importance que les personnes accordent à conserver le contrôle sur leurs renseignements personnels. Bien que le principe du contrôle individuel sur ses renseignements personnels ne soit pas unique au Programme des SSNA, il est particulièrement pertinent compte tenu de la nature délicate des renseignements personnels en jeu.
  4. Pour donner suite à ces préoccupations, nous encourageons Santé Canada à engager un dialogue avec les bénéficiaires du Programme des SSNA pour expliquer les pratiques qui ont cours dans le traitement des renseignements personnels. À notre avis, en étant plus transparent sur la façon dont il recueille, conserve, utilise et communique les renseignements personnels, Santé Canada permet aux bénéficiaires du Programme des SSNA d’exercer un contrôle sur leurs renseignements personnels.
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