La Commission des libérations conditionnelles refuse de traiter des demandes d’accès à l’information sur la suspension de casiers
Plainte présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi)
Résumé
- Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le Commissariat) a reçu deux plaintes concernant un refus d’accès déposées contre la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) dans le contexte d’individus postulant à un poste d’autorité ou de confiance auprès de personnes vulnérables.
- La première plainte se rapporte à des demandes d’accès à des renseignements personnels déposées en vertu de la Loi par une entreprise tierce de vérification des antécédents exerçant ses activités au Canada (l’entreprise). L’entreprise représente des individus ayant recours à ses services de vérification de la suspension de leur casier. En invoquant l’alinéa 22(1)b) de la Loi, la CLCC a indiqué qu’elle ne traiterait plus les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier émanant de l’entreprise compte tenu des exigences énoncées à l’article 6.3 de la Loi sur le casier judiciaire (LCJ).
- La deuxième plainte a trait aux préoccupations suscitées par le fait que la CLCC oblige les demandeurs à fournir des données d’identification supplémentaires avant d’accepter de traiter les demandes d’accès à l’information sur la suspension de leur casier présentées en vertu de la Loi.
Aperçu de l’enquête
- Le 24 février 2016, le Commissariat a fait parvenir à la CLCC un rapport de conclusions préliminaire (rapport préliminaire) exposant sa compréhension des faits et son point de vue préliminaire et invitait la CLCC à lui faire part de toute observation supplémentaire concernant les plaintes examinées.
- En réponse à notre rapport préliminaire, la CLCC a donné un aperçu des répercussions de nos conclusions préliminaires sur la LCJ et sur les organisations du portefeuille de la Sécurité publique. Elle nous a demandé de revoir notre point de vue sur ces questions. La CLCC a par ailleurs fait valoir d’autres arguments pour justifier son refus de communiquer des renseignements personnels en vertu de l’alinéa 22(1)b).
- Le Commissariat reconnaît que la vie privée des demandeurs et la protection de leurs renseignements personnels constituent une priorité pour la CLCC. Toutefois, après avoir pris connaissance des observations des parties et examiné les faits, nous estimons que la CLCC a commis une erreur en invoquant l’alinéa 22(1)b) de la Loi pour justifier son refus de traiter les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier présentées par l’entreprise. À cet égard, la CLCC n’a pas montré à notre satisfaction que la communication de l’information demandée dans les circonstances pouvait raisonnablement nuire à l’application de la LCJ. En outre, à notre avis, les données d’identification supplémentaires exigées par la CLCC pour traiter une demande d’accès à l’information sur la suspension du casier présentée en vertu de la Loi ne se limitent pas aux renseignements nécessaires pour bien identifier un demandeur. Nous concluons donc que les plaintes sont fondées.
- À la lumière de nos conclusions, nous avons recommandé à la CLCC, en application de l’article 35 de la Loi, de ne plus invoquer l’alinéa 22(1)b) de la Loi pour refuser de traiter les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier présentées par un individu ou par l’entreprise au nom d’un individu ayant recours à ses services de vérification de la suspension du casier. Elle pourrait toutefois l’invoquer dans les cas où le demandeur et l’individu dont le dossier de la condamnation a été suspendu pourraient être la même personne, mais où il est impossible de confirmer l’identité du demandeur sans ses empreintes digitales ou d’autres renseignements sur ses antécédents judiciaires. Nous avons en outre recommandé à la CLCC de limiter la quantité et le type d’information qu’elle exige et recueille aux renseignements nécessaires pour bien identifier le demandeur. Nous lui avons également recommandé de traiter à nouveau les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier qui lui ont été présentées par l’intéressé lui-même en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
- Dans sa réponse au Commissariat en date du 7 décembre 2016, la CLCC a déclaré ne pas accepter toutes nos recommandations. Elle a informé le Commissariat qu’elle continuerait de traiter les demandes de renseignements présentées directement par l’intéressé, comme elle le faisait avant le dépôt des plaintes, et que le demandeur serait tenu de fournir une photocopie d’un document validant leur identité ainsi que son numéro du Système d’empreintes digitales (SED), le numéro de référence de la CLCC ou une copie de son casier judiciaire. La CLCC a ajouté que la demande sera réputée abandonnée si le demandeur ne peut ou ne veut pas lui fournir ces éléments.
- On trouvera ci-après les motifs sur lesquels reposent nos conclusions et nos recommandations.
Méthode d’enquête
- Au cours de notre enquête, nous avons recueilli les observations des plaignants et de la CLCC, et examiné les cadres et les instruments législatifs, réglementaires, stratégiques et procéduraux pertinents. Le 8 juin 2016, les enquêteurs du Commissariat ont rencontré des représentants de la CLCC, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et de Sécurité publique Canada à la demande de ces derniers. Le 23 juin 2016, le Commissariat a reçu les observations écrites en réponse au rapport de conclusions préliminaire. La réhabilitation, les suspensions de dossiers de condamnation et les vérifications des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables (VAPV) comportent de nombreux volets, mais notre analyse et nos commentaires se limitent à la situation particulière en question.
- Le présent rapport résume les faits et les observations formulées par les parties et présente les conclusions de l’enquête menée par le Commissariat.
Contexte
Vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables
- La VAPV est une vérification approfondie du casier judiciaire ayant pour but premier de permettre à des organisations de vérifier les antécédents de postulants à un poste d’autorité ou de confiance auprès d’enfants, de personnes âgées ou d’autres personnes vulnérables.
- La VAPV comprend une recherche dans le Dépôt national des casiers judiciaires tenu par la GRC, entre autres dans les dossiers criminels associés à des infractions sexuelles à l’égard desquelles l’individu a été réhabilité et les banques de données d’enquête et de renseignement de sécurité du Centre d’information de la police canadienne (CIPC), ainsi que dans les systèmes de gestion des dossiers du service de police des localités où le demandeur a résidé.
- Le processus de VAPV est régi par l’article 6.3 de la LCJ, qui prévoit une exception à la règle générale de non-communication des casiers associés à des infractions à l’égard desquelles l’individu a été réhabilité comme le précise le paragraphe 6(2) de la LCJ. L’article 6.3 autorise la communication d’information concernant les casiers associés à des infractions sexuelles à l’égard desquelles l’individu a été réhabilité. En vertu de cet article, l’information peut être communiquée à des personnes ou des organisations responsables du bien-être d’enfants, de personnes âgées ou d’autres personnes vulnérables lorsqu’un individu postule à un poste (rémunéré ou à titre bénévole) qui le placerait en situation d’autorité ou de confiance vis-à-vis de ces personnes.
- La VAPV peut être effectuée uniquement par le service de police de la localité où réside le demandeur ou par un organisme autorisé, qui doit être convaincu que la demande de VAPV répond aux critères énoncés dans la LCJ. Si le poste convoité n’a aucun lien avec des personnes vulnérables, le service de police ou l’organisme autorisé refusera de traiter la demande ou offrira plutôt une vérification ordinaire du casier judiciaire. S’il y a un lien entre le poste et des personnes vulnérables, le service de police ou l’organisme autorisé doit envoyer les empreintes digitales du postulant à la GRC, qui effectuera alors une recherche dans sa base de données pour déterminer si l’individu a obtenu une suspension de son casier associé à une infraction figurant à l’annexe 2 de la LCJ. Le cas échéant, il revient au ministre de la Sécurité publique de décider si la suspension du casier sera communiquée dans le contexte de la candidature au poste.
- Dans plusieurs provinces et territoires, il faut attendre plusieurs semaines, voire des mois avant que la VAPV puisse être menée à bien. Ce délai peut entraîner la perte d’un emploi, d’occasions de bénévolat ou de placement étudiant.
L’entreprise et ses services de vérification de la suspension du casier
- L’entreprise offre des services de vérification des antécédents qui comprennent des vérifications du casier judiciaire et de l’information détenue par les services de police locaux. Devant la nécessité d’offrir aux Canadiens une solution de remplacement des VAPV, l’entreprise a mis au point un outil de vérification multiservice pour les individus à la recherche d’un emploi auprès de personnes vulnérables. Cet outil comporte trois volets : la vérification du casier judiciaire, une demande de renseignements auprès des services de police locaux et la vérification de la suspension du casier.
- Dans le cadre du volet de vérification de la suspension du casier de l’outil de vérification multiservice utilisé par l’entreprise, celle-ci dépose auprès de la CLCC une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels afin de savoir si une réhabilitation ou une suspension du casier a été accordée pour une condamnation et pourrait être communiquée en vertu de la LCJ.
Résumé de l’enquête
Résumé des demandes présentées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des réponses de la CLCC
- En quelques mois, l’entreprise a présenté à la CLCC, au nom de ses clients ou de demandeurs, plusieurs centaines de demandes en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ces demandes visaient à obtenir une copie de la preuve de la réhabilitation ou de la suspension du casier accordé au demandeur, ou encore une confirmation qu’aucune réhabilitation ni suspension du casier ne lui a été accordée. L’entreprise demandait également à la CLCC de faire parvenir les résultats directement à ses partenaires des services de police au Canada.
- Au départ, la CLCC a accepté et traité au moins 170 demandes présentées en vertu de la Loi et en a accepté 400 autres aux fins de traitement, mais elle a par la suite refusé de traiter toute autre demande présentée par l’entreprise. Dans une lettre en date du 19 février 2015, la CLCC a informé l’entreprise qu’elle ne traiterait plus ces demandes ni aucune autre demande présentée sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels, en vertu de son alinéa 22(1)b), particulièrement si la demande est visée par l’article 6.3 de la Loi sur le casier judiciaire. De plus, la CLCC a indiqué qu’elle exigerait des éléments supplémentaires, y compris une photocopie d’un document validant l’identité du demandeur, ainsi que son numéro SED, le numéro de référence de la CLCC ou une copie de son casier judiciaire avant de traiter une de ces demandes. Enfin, la CLCC a fait savoir qu’elle communiquerait les renseignements personnels uniquement à l’intéressé ou directement au tiers autorisé à présenter la demande, pourvu qu’on lui ait fourni une preuve de consentement suffisante et qu’elle soit convaincue que le demandeur comprend bien les répercussions de son consentement.
- Par conséquent, de nombreux individus ayant recours aux services de vérification de la suspension de leur casier offerts par l’entreprise ont par la suite présenté eux mêmes directement à la CLCC une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ils ont alors demandé l’accès à tous les dossiers à leur nom se rapportant à une réhabilitation ou à une suspension du casier détenus dans le Fichier de renseignements personnels FRP PBC CLCC 030Note de bas de page 1.
- Toutefois, en réponse à ces demandes, la CLCC a insisté pour qu’on lui fasse parvenir une photocopie d’un document validant l’identité du demandeur (pièce d’identité valide émise par le gouvernement sur laquelle figurent le nom, la photo, la date de naissance et la signature) ainsi que le numéro SED du demandeur, le numéro de référence de la CLCC ou une copie de son casier judiciaire. La Commission a précisé que les demandes seraient réputées abandonnées si elle ne recevait pas ces éléments supplémentaires.
- Dans des réponses plus récentes, la CLCC a en outre informé les demandeurs que certaines entreprises offrant des vérifications du casier judiciaire et des vérifications des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables aiguillent les postulants vers la CLCC dans le cadre de leur processus. Elle a souligné qu’elle ne participait pas aux VAPV et que ces entreprises ne devraient pas aiguiller leurs clients vers elle dans le cadre de leur processus. La Commission a ajouté qu’elle ne serait pas en mesure de traiter les demandes des individus qui n’avaient jamais été reconnus coupables d’une infraction criminelle ou qui n’avaient jamais présenté de demande de réhabilitation ou de suspension de leur casier.
- Pour les besoins des plaintes susmentionnées, nous avons examiné la réponse transmise par la CLCC à l’entreprise le 19 février 2015, ses nouvelles exigences ainsi que les réponses de la CLCC aux individus lui ayant présenté directement une demande de vérification de la suspension de leur casier en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Observations formulées par l’entreprise
Application de l’alinéa 22(1)b) par la CLCC
- Dans sa plainte et ses observations adressées au Commissariat, l’entreprise a affirmé que la CLCC avait commis une erreur en invoquant l’alinéa 22(1)b) de la Loi pour justifier son refus de fournir l’information demandée. Elle a fait valoir que l’on ne pouvait inférer sur une base théorique aucun préjudice potentiel en vertu de cet alinéa, qu’il devait y avoir une attente raisonnable de préjudice probable et que la CLCC n’avait pas expliqué en quoi ni pourquoi on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la communication de l’information demandée donne lieu à un préjudice. L’entreprise estime qu’il est inapproprié pour la CLCC d’invoquer l’alinéa 22(1)b), sans expliquer en quoi le processus de vérification de la suspension du casier causerait un préjudice en lien avec l’article 6.3 de la LCJ. Elle a ajouté que le volet de vérification de la suspension du casier de l’outil de vérification multiservice ne contournait pas le processus de vérification des antécédents en vue d’un travail dans un secteur vulnérable énoncé à l’article 6.3 de la LCJ.
Renseignements supplémentaires exigés par la CLCC
- L’entreprise a reconnu que la CLCC avait certains droits lorsqu’il s’agit de demander des données d’identification supplémentaires afin de faciliter le traitement des demandes qu’elle reçoit. De façon générale, l’entreprise n’avait rien à redire quant aux renseignements supplémentaires que la CLCC souhaitait recevoir. Elle a aussi reconnu que la CLCC, en tant que dépositaire de l’information demandée, avait beaucoup à dire en ce qui concerne la méthode de communication et les individus ou organisations auxquels l’information sera communiquée. Elle n’a pas contesté le point de vue de la Commission selon lequel celle-ci communiquera l’information uniquement à l’individu ayant présenté la demande et non à des services de police tiers partenaires de l’entreprise.
- Cependant, l’entreprise a affirmé que la CLCC insistait pour recevoir des renseignements personnels en sachant que le demandeur ne les possédait probablement pas (p. ex. son numéro SED, le numéro de référence de la CLCC ou une copie de son casier judiciaire), dans le but de mettre fin aux demandes de renseignements personnels présentées en vertu de la Loi. Selon elle, cette information n’est pas nécessaire pour permettre à la CLCC d’effectuer une recherche dans le Système de pardon et de suspension du casier, et le nom et la date de naissance d’un individu sont suffisants pour traiter les demandes. L’entreprise considère par ailleurs que dans les cas très rares où une recherche révèle des documents se rapportant à deux casiers distincts pour des individus ayant le même nom et la même date de naissance (ou dans des cas exceptionnels où il y a plusieurs noms identiques), il serait approprié de demander une pièce d’identité avec photo. En résumé, la plupart des Canadiens n’ont pas en leur possession les renseignements supplémentaires demandés par la CLCC ou ils n’y ont pas facilement accès et la quantité de renseignements demandés ne se limite pas aux renseignements personnels nécessaires pour répondre à une demande présentée en vertu de la Loi.
Observations initiales de la CLCC
Droit d’accès
- Selon la CLCC, les demandes de vérification de la suspension du casier présentées par l’entreprise visent à confirmer une hypothèse négative, c’est-à-dire l’absence de suspension du casier. Elle a soutenu que la Loi a pour objet d’accorder aux individus un droit d’accès aux renseignements les concernant qui existent et qui relèvent d’une institution fédérale. La Commission a fait remarquer que la grande majorité des individus qui ont recours aux services de vérification de la suspension du casier offerts par l’entreprise n’ont aucun casier suspendu associé à une infraction sexuelle.
Application de l’alinéa 22(1)b) par la CLCC
- Dans ses observations à l’intention du Commissariat, la CLCC a aussi mentionné que le volet de vérification de la suspension du casier de l’outil de vérification multiservice utilisé par l’entreprise contourne le processus de VAPV prévu par la LCJ. Plus précisément, elle est d’avis que l’administration, l’application et l’intégrité de la LCJ en souffriraient si des individus invoquaient les dispositions générales sur l’accès prévues par la Loi pour déroger aux dispositions plus précises et plus restrictives de la LCJ concernant la communication de renseignements portant sur la suspension du casier. Selon elle, on ne peut faire abstraction des dispositions de la LCJ lorsqu’un individu dépose une demande d’accès en vertu de la Loi et l’application de l’alinéa 22(1)b) dans ce cas respecte le principe juridique selon lequel des lois apparemment divergentes devraient être interprétées de façon harmonieuse.
- Selon la Commission, compte tenu de la nature des documents visés, pour répondre à une demande présentée en vertu de la Loi, elle devrait vérifier l’identité du demandeur de la même façon qu’elle le fait actuellement pour la vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables, qui peut comporter la vérification de bases de données par les services de police locaux et des empreintes digitales par la GRC. Il s’agit selon elle d’un processus « essentiel pour s’assurer que l’information susceptible d’être communiquée concerne la bonne personne ». Par ailleurs, comme ces vérifications prennent au moins 120 jours, soit plus que le délai maximum de 60 jours prévu à l’article 15 de la Loi, il est impossible de se conformer à la Loi et de suivre le processus de VAPV prévu par la LCJ.
Demande de renseignements supplémentaires par la CLCC
- En ce qui concerne les renseignements supplémentaires qu’elle exige, la CLCC a affirmé qu’ils sont nécessaires pour confirmer l’identité du demandeur et s’assurer que celui-ci a demandé à la CLCC une décision concernant une suspension de son casier. Plus particulièrement, compte tenu de la nature des documents visés, la CLCC doit, pour répondre aux demandes, vérifier l’identité du demandeur de la même façon qu’elle le fait actuellement pour la vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables, qui peut comporter la vérification de bases de données par les services de police locaux et des empreintes digitales par la GRC. Cette procédure prend beaucoup plus que le délai maximum de 60 jours prévu à l’article 15 de la Loi.
Rapport préliminaire
- Comme il est mentionné au paragraphe 4 du présent rapport, le Commissariat a présenté à la CLCC en février 2016 un rapport préliminaire exposant son point de vue préliminaire et invitant la CLCC à lui faire part de toute observation supplémentaire concernant les plaintes examinées.
- Le rapport préliminaire faisait valoir notre point de vue sur la question de savoir si la Loi autorise un individu à demander la confirmation que le document visé par une demande d’accès en particulier n’existe pas. Nous nous sommes aussi penchés sur le recours à l’alinéa 22(1)b) par la CLCC pour justifier son refus de traiter des demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier présentées par l’entreprise au nom d’un individu ayant recours à ses services de vérification de la suspension du casier ainsi que sur les renseignements supplémentaires exigés par la CLCC.
Observations supplémentaires formulées par le CLCC
- Dans sa réponse à notre rapport préliminaire en date du 23 juin 2016, la CLCC a formulé d’autres observations pour expliquer son refus de communiquer des renseignements personnels en application de l’alinéa 22(1)b).
- Elle a soulevé quatre points clés :
- Le modèle de vérification proposé par l’entreprise (le demandeur) contreviendrait aux dispositions de la LCJ interdisant la communication de l’existence d’un casier dans lequel une suspension a été ordonnée. Cette communication irait à l’encontre de l’objet fondamental de la LCJ, soit donner la possibilité aux contrevenants respectueux des lois depuis un certain temps d’aller de l’avant sans continuer de subir les conséquences d’une condamnation pour une infraction criminelle.
- Les demandes en question présentées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels visent à obtenir un éventail de renseignements beaucoup plus large que ceux qui seraient communiqués dans une vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables, c’est-à-dire tout renseignement personnel que détient la CLCC au sujet d’un postulant à un poste relativement à une suspension de son casier qui a été ordonnée en lien avec toute infraction et non uniquement une infraction de nature sexuelle.
- Il est important de savoir si le « consentement » de l’individu à qui se rapportent les renseignements est valide dans ce contexte. Avant d’évaluer plus en détail la candidature de candidats à un poste, on leur demande de signer un formulaire et de renoncer à leur droit à la vie privée sans avoir la possibilité de prendre connaissance de l’information qui serait communiquée et sans avoir été pleinement renseignés sur son utilisation, sa conservation et sa communication prévues.
- L’utilisation des renseignements proposée par le demandeur contrevient aux lois sur les droits de la personne. Les lois fédérales, provinciales et territoriales en la matière interdisent la discrimination fondée sur l’existence d’un dossier de condamnations criminelles pour lesquelles une suspension du casier a été accordée. Il est donc inapproprié que le demandeur utilise le droit d’accès prévu par la Loi pour obtenir des renseignements que celle-ci lui interdit d’utiliser à ses fins commerciales principales, du moins dans certaines provinces ou certains territoires.
Conclusions
Un individu peut-il présenter une demande d’accès à des renseignements personnels en vertu de la Loi dans le but de confirmer que la CLCC n’a aucune information pertinente concernant une suspension de son casier?
- Dans le cadre de notre enquête, nous avons d’abord tenté de déterminer si un individu pouvait présenter une demande en vertu de la Loi pour confirmer si des renseignements personnels existent ou non.
Application
- Pour parvenir à nos conclusions, nous nous sommes fondés sur les articles 12, 13, 14 et 16 de la Loi ainsi que sur le paragraphe 8(1) du Règlement sur la protection des renseignements personnels (Règlement).
- L’article 12 de la Loi accorde aux individus le droit d’accès aux renseignements personnels les concernant qui relèvent d’une institution fédérale. La Loi précise en outre la manière dont l’institution doit répondre à une demande d’accès présentée en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi.
- L’article 13 de la Loi et le paragraphe 8(1) du Règlement énoncent les exigences à respecter pour présenter une demande d’accès à des renseignements personnels.
- En vertu de l’article 14 de la Loi, le responsable de l’institution fédérale à laquelle est présentée une demande de communication de renseignements personnels est tenu, sous réserve de toute prolongation de délai, d’aviser par écrit le demandeur si l’institution communiquera en tout ou en partie des renseignements personnels et, le cas échéant, de procéder à la communication.
- Selon l’article 16 de la Loi, en cas de refus de communication de renseignements personnels, l’institution doit mentionner dans l’avis prévu à l’alinéa 14a) que le document n’existe pas, ou préciser la disposition de la Loi sur laquelle se fonde le refus ou sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si les renseignements existaient.
Analyse
- Nous estimons qu’une demande d’accès émanant d’un individu qui veut obtenir de l’information sur une réhabilitation ou une suspension du casier le concernant et visée par le FRP CLCC PPU 010 répond aux exigences d’une demande d’accès en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi. En règle générale, le demandeur est autorisé à recevoir les documents pertinents ou à savoir s’ils existent ou non, sous réserve de quelques exceptions mentionnées expressément dans la Loi. Selon l’article 16 de la Loi, une institution qui refuse l’accès à des renseignements personnels peut mentionner que le dossier n’existe pas. Cette disposition renforce le point de vue selon lequel une demande peut être valide sans pour autant donner lieu à la production des documents pertinents. Aucune disposition de la Loi ne va dans le sens de la position de la CLCC selon laquelle la Loi a pour objet d’accorder aux individus le droit d’accès à des renseignements personnels qui existent réellement et que, par conséquent, un demandeur n’a pas le droit de savoir qu’il n’existe aucun renseignement personnel le concernant.
La CLCC a-t-elle appliqué adéquatement l’exception prévue à l’alinéa 22(1)b) de la Loi afin de refuser les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier dans le contexte de la plainte?
- Dans le cadre de notre enquête, nous avons examiné le recours par la CLCC à l’alinéa 22(1)b) de la Loi pour justifier le refus de traiter les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier présentées par l’entreprise.
Application
- Pour parvenir à nos conclusions, nous nous sommes fondés sur l’alinéa 22(1)b) de la Loi ainsi que sur les articles 6 à 6.4 de la LCJ.
- La Loi prévoit plusieurs exceptions au droit d’accès prévu à l’article 12. En vertu de l’alinéa 22(1)b), le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés si leur divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou au déroulement d’enquêtes licites. Il s’agit d’une exception discrétionnaire et il incombe aux institutions fédérales de prouver que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que la communication des renseignements demandés cause un préjudice.
- Les articles 6 à 6.4 de la LCJ et le Règlement sur le casier judiciaire dictent la façon de traiter les renseignements personnels concernant la suspension du casier.
- Les articles 6 et 6.1 énoncent les cas où il est interdit de communiquer les renseignements personnels ayant trait à la suspension du casier.
- L’article 6.3 de la LCJ crée une exception à la règle générale de non-communication des casiers associés à des infractions à l’égard desquelles l’individu a été réhabilité en vertu du paragraphe 6(2) de la LCJ. Il autorise la communication d’information concernant les casiers associés à des infractions sexuelles à l’égard desquelles l’individu a été réhabilité. En vertu de cet article, l’information peut être communiquée à des individus ou à des organisations responsables du bien-être d’enfants, de personnes âgées ou d’autres personnes vulnérables lorsqu’un individu postule à un poste (rémunéré ou à titre bénévole) qui le placerait en situation d’autorité ou de confiance vis-à-vis de ces personnes.
- L’application de la LCJ est par ailleurs appuyée par plusieurs instruments réglementaires, stratégiques et procéduraux. Certains de ces instruments ont pour but de renforcer des dispositions de la LCJ comme telle, tandis que d’autres visent à fournir une interprétation de certains articles ou à donner une orientation pratique aux personnes qui doivent mettre en œuvre la LCJ ou s’y conformer. Ces instruments sont, entre autres :
- Règlement sur le casier judiciaire;
- Directive ministérielle sur la divulgation par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de renseignements sur les antécédents judiciaires (Directive ministérielle de la GRC);
- Politique de divulgation de renseignements sur les antécédents judiciaires (Politique de divulgation du CIPC). Cette politique régit la communication de renseignements sur les antécédents judiciaires obtenus par l’intermédiaire du système du CIPC.
- Les instruments mentionnés au paragraphe 49 donnent de l’information, mais ils ne s’appliquent pas en soi aux demandes de renseignements personnels. En fait, les demandes présentées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels sont régies par la Loi et son règlement d’application. Il convient toutefois de souligner que, selon la Directive ministérielle de la GRC, l’information sur la suspension du casier peut notamment être communiquée aux « personnes autorisées à recevoir une copie de leur propre dossier en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels ».
Analyse
Préjudice à l’application de la LCJ
- Dans ses observations au Commissariat, la CLCC a fait valoir que le fait de permettre à un individu d’avoir accès à l’information sur la suspension de son casier ou de lui confirmer qu’il n’existe aucun document pertinent, porterait atteinte au mécanisme de communication de l’information sur la suspension du casier prévu par la LCJ. Essentiellement, la CLCC a soutenu qu’il y avait une incompatibilité générale entre la Loi et la LCJ, que la LCJ devrait prévaloir, car elle s’applique expressément à la situation, et que l’effet préjudiciable sur l’application de la LCJ se répercute aussi sur le plan de l’application générale des deux lois.
- D’après nous, il y a risque d’incompatibilité uniquement lorsque la communication d’information en vertu de la Loi pourrait enfreindre l’interdiction prévue à l’article 6.3 de la LCJ de communiquer l’information sur un casier suspendu à une personne autre que l’intéressé, à moins que le ministre de la Sécurité publique n’ait autorisé la communication en vertu de l’article 6.3 de la LCJ. Toutefois, comme nous l’expliquons ci-après, il est possible de remédier à cette incompatibilité.
- À cette fin, nous avons analysé trois scénarios qui pourraient se présenter à la CLCC lorsqu’elle reçoit des demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier visant un individu en particulier :
- La CLCC ne trouve aucune information pertinente à partir des données d’identification de base (c’est-à-dire le nom et la date de naissance).
- La CLCC trouve de l’information pouvant correspondre à la demande à partir des données d’identification de base et peut confirmer cette correspondance à l’aide de données d’identification supplémentaires (p. ex. numéro SED, numéro de référence de la CLCC ou copie du casier judiciaire du demandeur).
- La CLCC trouve de l’information pouvant correspondre à la demande à partir des données d’identification de base, mais ne peut confirmer cette correspondance sans obtenir des données d’identification supplémentaires (p. ex. numéro SED, numéro de référence de la CLCC ou copie du casier judiciaire du demandeur).
Scénario a) – La CLCC ne trouve aucune information pertinente à partir des données d’identification de base (c’est-à-dire le nom et la date de naissance).
- Comme nous l’avons établi précédemment dans le présent rapport, un demandeur est en droit de présenter une demande en vertu de la Loi afin de recevoir confirmation que les documents demandés n’existent pas. Le premier scénario s’appliquera probablement dans la majorité des situations auxquelles fera face la CLCC.
- Lorsqu’aucune information relevant de la CLCC concernant la suspension du casier n’a été trouvée concernant le demandeur, il n’y a aucun risque de préjudice à l’application de la LCJ. Par conséquent, cette loi ne pourrait être invoquée pour justifier l’application de l’alinéa 22(1)b) de la Loi. En vertu de la Loi, un demandeur serait en droit de recevoir une réponse indiquant que, à la lumière de l’information fournie, la CLCC n’a trouvé aucun document pertinent. Il n’y aurait ainsi aucune infraction à la LCJ puisqu’aucune information n’aurait été communiquée concernant la suspension d’un dossier de la condamnation.
- Par souci de clarté, la CLCC pourrait ajouter que sa réponse donne suite à une demande présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et qu’elle n’est pas le résultat d’une vérification certifiée des antécédants en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables, laquelle nécessite la vérification des empreintes digitales.
Scénario b) – La CLCC trouve de l’information pouvant correspondre à la demande à partir des données d’identification de base et peut confirmer cette correspondance à l’aide de données d’identification supplémentaires (p. ex. numéro SED, numéro de référence de la CLCC ou copie du casier judiciaire du demandeur).
- Lorsqu’il existe de l’information sur la suspension du casier du demandeur qui relève d’elle et que la correspondance a été confirmée, la CLCC peut communiquer l’information au demandeur en vertu de la Loi, sans enfreindre la LCJ. Cette pratique serait conforme aux procédures en vigueur.
Scénario c) – La CLCC trouve de l’information pouvant correspondre à la demande à partir des données d’identification de base, mais ne peut confirmer cette correspondance sans obtenir des données d’identification supplémentaires (p. ex. numéro SED, numéro de référence de la CLCC ou copie du casier judiciaire du demandeur).
- Dans les cas où la CLCC trouve un dossier de la condamnation suspendu pouvant correspondre au demandeur, mais où il est impossible de confirmer l’identité de du demandeur sans ses empreintes digitales ou d’autres renseignements sur ses antécédents judiciaires, la Commission serait justifiée de s’en remettre à l’alinéa 22(1)b) de la Loi. Dans ces circonstances, il y a manifestement un risque que l’information soit communiquée à un individu autre que celui dont le dossier de la condamnation a été suspendu, ce qui contreviendrait à la LCJ, à moins que le ministre de la Sécurité publique n’ait autorisé la communication.
Modèle de vérification de l’entreprise
- Dans ses observations à l’intention du Commissariat, la CLCC a soulevé des préoccupations concernant le modèle de vérification adopté par l’entreprise. Elle a fait valoir que ce processus conduirait à la communication de l’existence d’un casier dans lequel une suspension a été ordonnée dans le cas de tous les individus pour lesquels elle n’est pas en mesure d’affirmer qu’il n’existe « aucun renseignements ». D’après elle, cette pratique enfreindrait l’interdiction de communiquer cette information imposée dans la LCJ.
- À notre avis, la LCJ interdit la communication de renseignements personnels précis à tout individu autre que l’intéressé, mais la Loi confère un droit d’accès à l’information détenue ou non concernant un individu en particulier. Ce que l’individu décide de faire de cette information par la suite lui revient.
Portée de la demande
- La CLCC a fait valoir que les demandes présentées par l’entreprise en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels visent à obtenir de l’information ne se limitant pas aux renseignements nécessaires pour une VAPV. Elles engloberaient l’information concernant toutes les infractions pour lesquelles une suspension du casier a été ordonnée et non uniquement les infractions de nature sexuelle mentionnées à l’annexe 2 de la LCJ.
- Nous reconnaissons que les demandes présentées par l’entreprise en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels visent à obtenir un éventail de renseignements beaucoup plus large que ceux qui seraient communiqués dans une VAPV et que l’entreprise pourrait en limiter la portée à l’information relevant de la portée d’une VAPV. Toutefois, dans sa lettre à l’entreprise en date du 19 février 2015, la CLCC a indiqué qu’elle communiquerait l’information uniquement à l’intéressé ou à son représentant autorisé, pourvu qu’on lui ait fourni une preuve de consentement suffisante et qu’elle soit convaincue que le demandeur comprend bien les répercussions de son consentement, mais non à des services de police tiers partenaires de l’entreprise. Dans les cas où la réponse est envoyée à l’individu ayant présenté la demande, il reviendrait donc à ce dernier de décider de transmettre ou non l’information en question.
Consentement
- La CLCC s’est demandé si le consentement de l’individu à qui se rapportent les renseignements est valide dans ce contexte. Elle a déclaré qu’il ne s’agit pas d’un consentement libre et éclairé, sans toutefois étayer cette affirmation. À son avis, les individus pourraient avoir l’impression qu’ils doivent se conformer au processus de l’entreprise afin que leur candidature à un emploi soit prise en considération. La CLCC a également fait valoir que les individus doivent renoncer à leur droit à la vie privée sans avoir la possibilité de prendre connaissance de l’information qui serait communiquée et sans avoir été pleinement renseignés sur son utilisation, sa conservation et sa communication par des tiers.
- Comme il a été mentionné précédemment dans le présent rapport, la CLCC a déclaré dans sa lettre en date du 19 février 2015 qu’elle communiquerait l’information uniquement à l’individu ayant présenté la demande ou à son représentant autorisé. Dans les cas où la réponse est communiquée à l’intéressé, il revient donc à ce dernier de transmettre l’information à l’entreprise ou à un ou plusieurs services de police tiers partenaires de l’entreprise. En pareil cas, il faudrait obtenir le consentement de l’individu pour amorcer la demande de renseignements personnels et un nouveau consentement distinct pour communiquer ces renseignements à l’entreprise ou aux services de police canadiens en question.
- En ce qui concerne les individus ayant présenté eux-mêmes directement à la CLCC une demande de vérification de la suspension de leur casier en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous constatons que l’entreprise les a avisés de ne pas demander cette vérification s’ils pensaient avoir déjà obtenu une réhabilitation ou une suspension de leur casier. L’entreprise leur a plutôt indiqué de se présenter à leur poste de police local pour demander une VAPV. Dans ces cas, il leur revenait de décider s’ils demanderaient une vérification de la suspension du casier ou une VAPV.
Violation des droits de la personne
- Dans ses observations, la CLCC a déclaré que la communication de l’existence d’un casier pour lequel une suspension a été ordonnée pourrait contrevenir aux lois sur les droits de la personne si un tiers utilisait cette information afin de pratiquer une discrimination contre le demandeur. Elle a fait valoir que les lois fédérales, provinciales et territoriales en la matière interdisent la discrimination fondée sur la communication d’information concernant un casier suspendu. Nous avons pris note des préoccupations soulevées par la CLCC, mais nous sommes en désaccord avec la Commission. Ni la LCJ ni les lois sur les droits de la personne n’interdisent à un individu de demander accès à de l’information le concernant en vertu de la Loi. Comme la CLCC le souligne dans ses observations, la LCJ et diverses lois sur les droits de la personne interdisent à un employeur éventuel de poser des questions concernant des condamnations pour lesquelles une suspension du casier a été accordée.
La CLCC oblige le demandeur à fournir une photocopie d’un document validant son identité ainsi que son numéro SED, le numéro de référence de la CLCC ou une copie de son casier judiciaire. Ces éléments sont-ils nécessaires afin de bien identifier le demandeur dans les circonstances?
- Dans le cadre de notre enquête, nous avons aussi examiné l’exigence imposée par la CLCC, qui réclame des renseignements supplémentaires pour traiter les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier présentées en vertu de la Loi.
Application
- Pour parvenir à nos conclusions, nous nous sommes fondés sur le paragraphe 8(2) du Règlement sur la protection des renseignements personnels.
- Le Règlement indique la procédure à suivre pour présenter une demande d’accès à des renseignements personnels en vertu de l’article 12 de la Loi. Selon le paragraphe 8(2) du Règlement, un individu qui présente une demande de renseignements personnels « doit fournir une preuve d’identité adéquate à l’institution fédérale en cause avant que les renseignements lui soient communiqués, et peut être tenu de se présenter en personne ».
- La Directive sur les demandes de renseignements personnels et de correction publiée par le Secrétariat du Conseil du Trésor (la Directive) offre une certaine interprétation de l’exigence énoncée à l’article 8 du Règlement.
- Selon la section 6.2.3 de la Directive, il incombe aux responsables des institutions fédérales ou à leurs délégués, entre autres, d’établir des procédures pour valider l’identité du requérant et l’autorisation d’une personne qui présente une demande au nom d’une autre personne et déterminer si le requérant est un citoyen canadien ou un résident permanent ou s’il est présent au Canada.
Analyse
- Selon le dernier point de vue exprimé par la CLCC, sans les éléments suivants, elle n’est pas en mesure de traiter une demande d’accès à l’information sur la suspension du casier présentée par un individu :
- une photocopie d’un document validant l’identité du demandeur (p. ex. pièce d’identité valide émise par le gouvernement sur laquelle figurent le nom, la photo, la date de naissance et la signature); et
- au moins un des éléments suivants :
- le numéro de référence de la CLCC correspondant au demandeur (numéro attribué à un individu lorsqu’il demande à la CLCC une réhabilitation ou une suspension de son casier);
- le numéro SED du demandeur; ou
- une copie du casier judiciaire du demandeur.
- Quand elle reçoit une demande non accompagnée de ces éléments, la CLCC répond qu’elle n’est pas en mesure de traiter la demande de l’individu à moins qu’il n’ait été reconnu coupable d’une infraction criminelle ou qu’il n’ait présenté une demande de réhabilitation ou de suspension de son casier.
- Nous sommes en désaccord avec le point de vue exprimé par la CLCC à cet égard. La Commission a fait la preuve que les données d’identification de base sont suffisantes pour lui permettre de traiter ces demandes. Selon les données probantes présentées au Commissariat, la CLCC a traité au moins 170 demandes et en a accepté environ 400 autres sans disposer de données d’identification supplémentaires. Elle exige la communication d’information que les demandeurs, dans la grande majorité des cas, ne seront pas en mesure de présenter. La CLCC empêche ainsi ces individus d’exercer le droit d’accès que leur confère la Loi sur la protection des renseignements personnels.
- Cela dit, nous reconnaissons pleinement que la CLCC joue un rôle important et qu’elle doit se protéger contre toute communication non autorisée. Dans les cas où de l’information trouvée par la CLCC donne à penser que le demandeur et l’individu dont le dossier de la condamnation a été suspendu pourraient être la même personne, la CLCC serait justifiée d’exiger des données d’identification supplémentaires pour infirmer ou confirmer la correspondance.
- Notre opinion concorde avec la Politique de divulgation de renseignements sur les antécédents judiciaires du CIPC, qui prévoit des vérifications à partir du nom et de la date de naissance lorsqu’aucune vérification certifiée des antécédants en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables n’est exigée.
- Ainsi, nous estimons que les éléments supplémentaires exigés par la CLCC pour traiter une demande présentée en vertu de la Loi en vue d’avoir accès à tout renseignement personnel se rapportant à la suspension du casier ne se limitent pas qu’aux renseignements nécessaires.
Conclusions
- Les paragraphes qui suivent énoncent les conclusions définitives du Commissariat concernant les deux plaintes déposées contre la CLCC.
- Premièrement, nous estimons que les dispositions de la Loi régissant l’accès autorisent généralement le demandeur à obtenir la confirmation que le document visé par sa demande d’accès n’existe pas.
- Deuxièmement, nous estimons qu’un préjudice éventuel à l’application de la LCJ ne peut être invoqué pour justifier l’application de l’alinéa 22(1)b) de la Loi dans les cas où la communication serait manifestement faite à l’individu dont le dossier de la condamnation a été suspendu.
- Troisièmement, lorsque le demandeur et l’individu dont le dossier de la condamnation a été suspendu pourraient être la même personne, mais qu’il est impossible de confirmer l’identité du demandeur sans ses empreintes digitales ou d’autres renseignements sur ses antécédents judiciaires, la CLCC serait justifiée de s’en remettre à l’alinéa 22(1)b). Dans ces circonstances, il y a manifestement un risque que l’information soit communiquée à un individu autre que celui dont le dossier de la condamnation a été suspendu, ce qui contreviendrait à la LCJ, à moins que le ministre de la Sécurité publique n’ait autorisé la communication.
- Enfin, nous estimons que les données d’identification supplémentaires exigées par la CLCC pour traiter une demande d’accès à l’information sur la suspension du casier présentée en vertu de la Loi ne se limitent pas qu’aux renseignements nécessaires en vertu de la Loi. Toutefois, comme il est mentionné au paragraphe précédent du présent rapport, si l’on constate au cours du traitement d’une demande que le demandeur et l’individu dont le dossier de la condamnation a été suspendu pourraient être la même personne, nous estimons qu’il serait alors raisonnable que la CLCC cherche à confirmer l’identité du demandeur en prenant les moyens appropriés.
- Nous concluons donc que les plaintes sont fondées.
Recommandations
- Dans une lettre en date du 12 septembre 2016, le Commissariat a présenté un Rapport de conclusions à la CLCC en application de l’article 35 de la Loi. On trouve dans ce rapport les détails de notre enquête, la justification de nos conclusions ainsi que nos recommandations. Dans notre rapport, nous avons également offert à la CLCC la possibilité d’y répondre et de faire état des mesures, le cas échéant, qu’elle a l’intention de prendre pour mettre en œuvre nos recommandations.
- À la lumière des résultats de notre enquête, nous avons formulé les recommandations suivantes à la CLCC :
- Nous avons recommandé à la CLCC de ne plus invoquer l’alinéa 22(1)b) de la Loi pour refuser de traiter les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier présentées par un individu ou par l’entreprise au nom d’un individu ayant recours à ses services de vérification de la suspension du casier. Elle pourrait toutefois l’invoquer dans les cas où le demandeur et l’individu dont le dossier de la condamnation a été suspendu pourraient être la même personne, mais où il est impossible de confirmer l’identité du demandeur sans ses empreintes digitales ou d’autres renseignements sur ses antécédents judiciaires.
- Nous avons recommandé à la CLCC de limiter la quantité et le type d’information qu’elle exige ou recueille aux renseignements nécessaires pour bien identifier le demandeur. Nous lui avons également recommandé de traiter à nouveau les demandes d’accès à l’information sur la suspension du casier qui lui ont été présentées par l’intéressé lui-même en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
- Dans sa réponse au Commissariat en date du 7 décembre 2016, la CLCC a déclaré qu’elle maintenait le point de vue exprimé dans ses observations écrites du 23 juin 2016 et qu’elle n’acceptait donc pas toutes nos recommandations. La CLCC nous a informés qu’elle continuerait de traiter les demandes de renseignements personnels présentées directement par l’intéressé, comme elle le faisait avant le dépôt des plaintes, et que le demandeur serait tenu de fournir une photocopie d’un document validant son identité ainsi que son numéro SED, le numéro de référence de la CLCC ou une copie de son casier judiciaire. Elle a ajouté que la demande sera réputée abandonnée si le demander ne peut ou ne veut pas lui fournir ces éléments.
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