Une communication à Interpol soulève des préoccupations concernant la transmission électronique des renseignements personnels
Plainte présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi)
Le plaignant dans cette affaire allègue que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aurait communiqué ses renseignements personnels de façon inappropriée à son pays d’origine.
Plus précisément, le plaignant soutient que l’ASFC aurait communiqué ses renseignements personnels au haut-commissariat du Canada au Ghana, qui les aurait ensuite utilisés pour communiquer avec l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) à Lagos, au Nigéria, ainsi qu’avec les autorités nigérianes pour vérifier de l’information sur ses antécédents criminels.
Résumé des faits
Il a été établi dans le cadre de notre enquête que le plaignant avait présenté une demande d’asile à l’aéroport international Montréal Trudeau le 3 novembre 2007.
Dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu’il a rempli à l’appui de sa demande d’asile, le plaignant a indiqué craindre la persécution du gouvernement nigérian en raison de son appartenance au Mouvement pour l’actualisation de l’État souverain du Biafra (MASSOB), un mouvement sécessionniste pour l’instauration d’un État indépendant du Biafra. À l’appui de sa demande, le plaignant a également produit une décision de la Haute Cour de l’État d’Imo, district judiciaire d’Orlu, République fédérale du Nigéria, datée du 19 décembre 2005 (le jugement).
Selon ce jugement, le plaignant a été jugé in abstentia et déclaré coupable de trahison en application du code criminel de la République fédérale du Nigéria pour avoir participé à des activités en tant que membre du MASSOB. Il a été condamné à la prison à perpétuité. Le jugement a été signé par un juge de la Haute Cour de l’État d’Imo le 19 décembre 2005.
Selon les observations de l’ASFC, d’autres documents soumis par le plaignant à l’appui de sa demande d’asile sont faux ou ont été obtenus de manière frauduleuse. Par exemple, le plaignant a lui même déclaré que le passeport allemand qu’il avait utilisé pour entrer au Canada appartenait à une tierce personne. L’ASFC soutient aussi que la carte de marin qu’il a fournie aurait été obtenue frauduleusement. Elle a également confirmé, grâce à une analyse d’expert, que le permis de conduire présenté par le plaignant était un document contrefait.
Il a été confirmé dans le cadre de notre enquête que le 4 février 2009, des responsables de l’ASFC au Canada ont formulé une demande afin de vérifier l’authenticité du jugement présenté par le plaignant à l’appui de sa demande d’asile.
Un agent d’exécution de l’Unité de sécurité et des crimes de guerre de l’ASFC à Montréal, au Québec, a envoyé un courriel au premier secrétaire et agent d’intégrité des mouvements migratoires (AIMM) du haut-commissariat du Canada au Ghana, à Accra (le haut-commissariat) pour lui demander de l’aide relativement à la vérification du document en question.
L’ASFC a confirmé que l’AIMM du haut-commissariat était un employé de l’ASFC à l’époque. Une copie du courriel a également été envoyée à une personne pour laquelle il a été confirmé par l’ASFC qu’il s’agissait d’un avocat à la Direction de l’immigration du ministère de la Justice Canada.
Le courriel indique clairement que ni le statut ni l’emplacement du sujet demandant l’asile ne doivent être communiqués durant le processus de vérification. L’agent d’exécution de l’ASFC a fourni les détails suivants dans son courriel à l’AIMM du haut-commissariat : le nom du plaignant, le numéro de dossier du greffe, la référence du jugement, la date du jugement ainsi que le nom et les coordonnées de l’avocat du plaignant au Nigéria.
Dans sa réponse, l’AIMM du haut-commissariat a indiqué qu’il serait plus facile de procéder à la vérification si l’ASFC pouvait transmettre le ou les documents en question.
Il a été confirmé dans le cadre de notre enquête que l’agent d’exécution de l’ASFC à Montréal a fourni une copie du jugement au haut-commissariat afin d’en faire vérifier l’authenticité.
Nous confirmons que par la suite, soit le 25 février 2009, l’AIMM du haut-commissariat a communiqué par écrit avec INTERPOLNote de bas de page 1. La lettre était adressée au commissaire de police, section INTERPOL, service des enquêtes criminelles de la police, Alagbon Close, Ikoyi, Lagos, et demandait l’aide d’INTERPOL pour la vérification de l’authenticité du jugement daté du 19 décembre 2005 et signé à la Haute Cour de l’État d’Imo, dans l’affaire entre l’État et le plaignant.
Plus particulièrement, la lettre demandait d’indiquer par écrit si le jugement était authentique et précisait qu’une copie du jugement avait été envoyée à INTERPOL par courriel.
Nous avons confirmé que le courriel dont il est question dans la lettre adressée à INTERPOL a été envoyé le 25 février 2009 par l’adjoint à l’AIMM de l’Unité de l’intégrité des mouvements migratoires du haut-commissariat.
Le courriel a été envoyé à l’adresse ncblagos@yahoo.co.uk, soit l’adresse de courriel générale du Bureau central national (BCN) d’INTERPOL à Lagos, au NigériaNote de bas de page 2.
Le courriel a été envoyé en copie conforme à l’AIMM du haut-commissariat ainsi qu’à une autre adresse Yahoo!, confirmée par l’ASFC comme étant l’adresse d’un détective responsable des demandes d’aide au BCN d’INTERPOL.
Dans le corps du courriel, l’adjoint à l’AIMM écrit qu’il communiquera de temps à autre avec le bureau du détective au nom de l’Unité de l’intégrité des mouvements migratoires du haut-commissariat du Canada à Accra, au Ghana, concernant la vérification de documents nigérians. Il demande aux destinataires de consulter la demande de vérification d’un jugement de la Cour du Nigéria fournie en pièce jointe. Une copie du jugement était jointe au courriel.
Un courriel de suivi a ensuite été envoyé à l’agent d’exécution de l’ASFC à Montréal qui avait initialement formulé la demande de vérification. Il a été envoyé par l’AIMM du haut-commissariat le 25 février 2009 et confirme qu’une demande a été faite à INTERPOL pour la vérification de l’authenticité du jugement.
Il a été confirmé dans le cadre de notre enquête que le plaignant s’est vu accorder le statut de personne protégée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) le 26 mars 2009.
Le 16 décembre 2010, INTERPOL a fait parvenir une lettre de réponse au haut-commissariat dans laquelle elle indique que, selon son analyse, le jugement est un document contrefait. Une copie du rapport de la Cour confirmant que le jugement n’a pas été rendu par le tribunal en question et que le juge nommé dans le jugement n’a jamais présidé ce tribunal a été jointe à la lettre.
Dans ladite lettre, rédigée sur du papier à en tête d’INTERPOL, il est indiqué qu’au Nigéria, la falsification de documents est un délit grave et que le bureau souhaiterait que lui soient fournis tous les renseignements pouvant l’aider à appréhender et à poursuivre l’auteur du document contrefait.
La lettre contient aussi des excuses pour la réponse tardive à la demande de renseignements du haut-commissariat, et elle est signée par le chef, Planification, recherche et statistique/liaison, pour le commissaire de police, BCN d’INTERPOL au Nigéria, force de police du Nigéria, service des enquêtes criminelles (annexe).
Compte tenu du fait que le plaignant a obtenu le statut de personne protégée après avoir fait, directement ou indirectement, dans sa demande d’asile, une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, nous avons confirmé que le ministère de la Sécurité publique avait déposé le 23 février 2011, en vertu de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), une demande d’annulation de la décision de la CISR d’accueillir la demande d’asile du plaignant.
Bien que d’autres mesures aient été prises par la suite relativement au statut d’immigrant du plaignant, notamment des procédures connexes devant la Cour fédérale, le Commissariat n’a fait état que des mesures pertinentes dans le contexte de l’examen de cette plainte.
Observations du plaignant
Comme il est indiqué au paragraphe 2 du présent rapport, le plaignant allègue que l’ASFC aurait communiqué sans consentement ses renseignements personnels, y compris une copie du jugement soumis avec sa demande d’asile, au haut-commissariat, à INTERPOL et aux autorités nigérianes.
Le plaignant soutient que les autorités nigérianes auraient communiqué avec son avocat et son frère relativement à ses allées et venues et a présenté les documents suivants à l’appui de ses allégations :
Une copie d’une lettre de son avocat datée du 19 novembre 2010, dans laquelle ce dernier l’informe qu’une personne cherchant à vérifier le jugement de 2005 en lien avec le plaignant lui a rendu visite à son bureau dans l’État d’Imo. L’avocat allègue que la personne en question aurait voulu négocier un accord avec lui et qu’en échange, elle aurait renvoyé un rapport positif concernant le plaignant au haut-commissariat du Canada à Accra.
Une copie d’une lettre du service de police du Nigéria datée du 2 décembre 2010 dans laquelle l’avocat du plaignant aurait été convoqué à une entrevue sur les allées et venues du plaignant. Selon cette lettre, un agent de l’intégrité des mouvements migratoires du haut-commissariat du Canada à Accra aurait confirmé que le plaignant se trouvait au Canada et avait demandé l’asile politique.
Une copie d’une lettre du service de police du Nigéria datée du 16 août 2012 qu’aurait reçue l’avocat du plaignant relativement à l’entrevue susmentionnée. Dans cette lettre, l’avocat aurait été avisé que sa non collaboration à l’appréhension du sujet [le plaignant] constituait une indication claire de parjure et allait à l’encontre de la loi de la République fédérale du Nigéria.
Une copie du courriel que le plaignant a reçu de son frère le 18 novembre 2010. Ce dernier y allègue qu’une personne prétendant être un agent de police de Lagos travaillant à l’ambassade du Canada au Ghana lui aurait rendu visite chez lui, dans le village de Ndiowerre, à Orlu, dans l’État d’Imo. La personne en question aurait voulu vérifier un jugement de la Cour en lien avec le plaignant.
Nous avons confirmé qu’en février 2012, le plaignant a exprimé directement au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ses inquiétudes concernant son statut d’immigrant et la présumée divulgation inappropriée de renseignements personnels à son pays d’origine.
Dans sa lettre de réponse, datée du 27 avril 2012, le ministre souligne que des vérifications auprès d’INTERPOL sont effectuées de façon régulière. Il précise également que, selon la jurisprudence canadienne, lorsque des renseignements sont compilés aux fins de l’application de la LIPR, la divulgation de ces renseignements à un État étranger en vue de prendre une décision à cet égard — notamment à savoir si le demandeur est exclu de la définition de réfugié — constitue un usage compatible en vertu de la Loi.
Dans sa lettre, le ministre mentionne également deux décisions de la Cour fédérale concernant le plaignant : le rejet de la demande d’autorisation de contrôle judiciaire du plaignant sollicitant une mesure de redressement par le biais d’un mandamus pour ordonner au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de traiter la demande de résidence permanente du plaignant (juillet 2011); et le rejet d’une requête visant à empêcher le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de poursuivre le traitement d’une demande visant à annuler la décision d’accorder au plaignant le statut de réfugié (janvier 2012).
Dans sa lettre, le ministre évoque aussi une demande de contrôle judiciaire d’un présumé abus de pouvoir discrétionnaire commis par les défendeurs, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et l’Agence des services frontaliers du Canada (2014 CF 34), par suite de la divulgation de renseignements personnels au gouvernement du Nigéria, en contravention de la LIPR. Le demandeur a sollicité une ordonnance interdisant aux défendeurs de communiquer tout autre renseignement au gouvernement du Nigéria. En janvier 2014, la Cour fédérale a rejeté la demande pour défaut de compétence, étant donné que le plaignant n’avait pas demandé l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire, conformément aux exigences de la LIPR.
Au cours de l’enquête, le plaignant a présenté au Commissariat plusieurs observations pour appuyer ses allégations. Toutes les déclarations ont été évaluées et les éléments de preuve jugés pertinents dans le contexte de l’enquête sont décrits dans le présent rapport.
Observations de l’ASFC
L’ASFC soutient qu’elle a transmis au haut-commissariat du Canada au Ghana une demande de vérification de l’authenticité du jugement dans le but d’exécuter la LIPR aux fins de détermination du statut de réfugié et de préservation de l’intégrité du système d’immigration. Cette demande était motivée par le fait que d’autres documents sur lesquels était fondée la demande d’asile du plaignant étaient des faux ou avaient été obtenus par des moyens frauduleux.
Conformément au paragraphe 7, l’ASFC a d’abord transmis les renseignements sur le plaignant aux représentants du haut-commissariat le 4 février 2009, afin de leur fournir l’information contextuelle concernant le document à vérifier.
Les seuls renseignements contenus dans le courriel étaient le nom du plaignant, le numéro de dossier de la Cour, la référence du jugement, la date du jugement, ainsi que le nom et les coordonnées de l’avocat du plaignant au Nigéria. À la demande des représentants du haut-commissariat, une copie du jugement leur a été fournie dans le but précis de leur permettre de vérifier son authenticité.
Dans son courriel, l’agent d’exécution avait expressément précisé que le haut-commissariat ne devait pas divulguer le statut du demandeur et où il se trouve, compte tenu de sa demande d’asile. La phrase suivante figurait en lettres majuscules au dessus et au dessous du corps du message : « Ne pas divulguer le statut et la localisation du sujet. Demandeur d’asile. » Selon l’ASFC, il n’était pas nécessaire de divulguer la raison pour laquelle l’individu était au Canada ou son statut de demandeur d’asile pour solliciter une vérification du jugement.
L’ASFC soutient que seuls elle, le haut-commissariat du Canada au Ghana et le BCN d’INTERPOL du Nigéria ont participé au processus de vérification de l’authenticité du jugement. L’ASFC a transmis le jugement au haut-commissariat, et celui ci s’est ensuite tourné vers le BCN d’INTERPOL pour obtenir de l’aide. Aucune autre partie n’est intervenue dans ce processus, y compris l’État d’Imo ou les autorités nigérianes.
L’ASFC a confirmé auprès des représentants du haut-commissariat du Canada au Ghana que le détective à qui le courriel et le jugement ont été envoyés était un employé d’INTERPOL au moment où la demande d’aide a été transmise. Ce dernier était responsable de la coordination des demandes d’aide au BCN d’INTERPOL, à Lagos. Selon l’ASFC, le détective a chargé un collègue de répondre à la demande de vérification.
L’ASFC soutient en outre qu’il est pratique courante chez les agents de liaison de l’ASFC de communiquer avec des fonctionnaires de gouvernements étrangers dans certaines régions d’Afrique par le biais de fournisseurs de services de courriel commerciaux comme Yahoo!, étant donné que de nombreux pays n’ont pas leurs propres services de courriel. L’ASFC est d’avis que communiquer par courriel est une pratique acceptable lorsque les renseignements personnels ne sont pas vraiment de nature délicate. Selon l’ASFC, le jugement n’était pas considéré comme étant de nature particulièrement délicate, car s’il avait été authentique, il aurait figuré dans les archives publiques.
L’ASFC atteste qu’elle a fourni le jugement au haut-commissariat du Canada au Ghana aux fins de vérification de son authenticité. Étant donné que le gouvernement du Canada n’entretient pas une relation bilatérale solide avec le gouvernement du Nigéria, l’ASFC s’attendait à ce le haut-commissariat utilise, en son nom, une autre méthode pour vérifier l’authenticité du jugement. Dans les circonstances, l’ASFC affirme qu’une demande d’aide au BCN d’INTERPOL, à Lagos, était considérée comme le meilleur moyen pour effectuer la vérification, tout en assurant une incidence minimale sur l’individu.
De plus, l’ASFC affirme qu’aucun représentant du haut-commissariat ne s’est rendu dans l’État d’Imo, au Nigéria, ou n’a communiqué avec les autorités nigérianes au sujet du plaignant. Par ailleurs, l’ASFC soutient qu’INTERPOL n’a pas effectué de visites sur place pour vérifier l’authenticité du jugement en son nom. Les vérifications ont été réalisées par l’entremise du registre central ou par téléphone.
L’ASFC soutient que la demande d’aide pour vérifier l’authenticité du jugement se limitait au document lui même. Aucun renseignement additionnel sur le plaignant, son avocat ou l’un de ses associés n’a été fourni à INTERPOL.
En outre, la demande d’aide indiquait clairement que les renseignements étaient communiqués aux fins de vérification de l’authenticité du document. L’article 10 du Règlement d’INTERPOL sur le traitement des données précise expressément que les BCN ne doivent pas utiliser à des fins secondaires les renseignements fournis à des fins de coopération policière internationale. Selon l’ASFC, les pays membres d’INTERPOL sont assujettis à la constitution de l’organisation et aux règlements s’y rattachant et ne peuvent donc utiliser les renseignements fournis dans le cadre d’une demande d’aide à des fins secondaires. Toute utilisation ou divulgation subséquente des renseignements par le BCN, à Lagos, constituerait une infraction au cadre de gouvernance d’INTERPOL.
L’ASFC soutient que l’agent d’exécution savait que le pays d’origine du plaignant était le Nigéria. La divulgation du jugement par l’agent de l’ASFC au haut-commissariat et, subséquemment, par le haut-commissariat au BCN d’INTERPOL du Nigéria ne constitue pas une communication illicite. La demande de vérification a été soumise parce que d’autres documents présentés par le plaignant à l’appui de sa demande d’asile étaient des faux ou avaient été obtenus par des moyens frauduleux.
L’ASFC est d’avis que le consentement du plaignant n’était pas nécessaire pour communiquer ses renseignements personnels, y compris la copie du jugement, au haut-commissariat en vue de vérifier l’authenticité du jugement. La divulgation de ces renseignements est autorisée en vertu de la LIPR aux fins de détermination du statut de réfugié et constitue un usage compatible aux termes de l’alinéa 8(2)a) de la Loi.
Au cours de notre enquête, nous avons également examiné un affidavit signé par l’agent d’exécution de l’ASFC qui a envoyé la demande initiale de vérification au haut-commissariat. L’affidavit a été assermenté le 29 août 2012. Nous avons aussi examiné les réponses de l’agent d’exécution faites sous serment le 11 octobre 2012, lors de l’interrogatoire par écrit du plaignant.
Dans l’affidavit, l’agent d’exécution atteste que les seuls renseignements qui ont été communiqués au haut commissariat au sujet du plaignant sont ceux contenus dans le jugement de la Cour. Le jugement en question ne contenait aucun renseignement concernant la famille du plaignant ou son avocat.
L’affidavit comprend également les déclarations d’un conseiller en immigration du haut-commissariat. Ce dernier confirme que le document envoyé à INTERPOL est le jugement du tribunal de l’État d’Imo indiquant les chefs d’accusation portés contre le plaignant, son âge, le quartier où il habitait, ainsi que son rang au sein du MASSOB. Il confirme également qu’aucun autre document n’a été fourni à INTERPOL et que le jugement ne contient aucune référence à l’avocat du plaignant au Nigéria.
Par ailleurs, le conseiller en immigration confirme que les résultats de la vérification faite par INTERPOL ont été reçus par la poste presque deux ans après l’envoi de la demande initiale. Selon le surintendant principal d’INTERPOL, les demandes du Canada sont au bas de la liste des priorités d’INTERPOL.
L’agent d’exécution confirme que le jugement a été transmis au haut-commissariat et que celui ci l’a ensuite envoyé au BCN d’INTERPOL du Nigéria, et ce, avant que soit rendue la décision de la Section de la protection des réfugiés de la CISR concernant la demande d’asile du plaignant.
En outre, même si INTERPOL a indiqué dans sa lettre de réponse que la falsification d’un document constituait une infraction grave au Nigéria et que tout renseignement pouvant l’aider à appréhender et à poursuivre l’auteur du document contrefait serait apprécié, l’agent d’exécution atteste que ni le haut-commissariat ni l’ASFC n’ont donné suite à cette demande.
À la demande du Commissariat, qui souhaitait obtenir toute procédure ou ligne directrice pertinente concernant les vérifications de cette nature effectuées en collaboration avec le pays d’origine et INTERPOL, l’ASFC a fourni une copie de la procédure intitulée ENF 13 — Accès au CIPC et gestion des mandats et procédure d’INTERPOL (la procédure).
L’ASFC a cependant précisé que cette procédure n’était pas encore en vigueur lorsque la demande a été transmise au haut-commissariat; elle n’a donc pas été prise en compte lors de la demande initiale. L’ASFC a confirmé que la procédure est entrée en vigueur en mai 2013.
En plus d’examiner les observations présentées par l’ASFC dans le cadre de l’enquête, le Commissariat a fourni un résumé des faits préliminaire (le résumé des faits) à l’ASFC le 30 septembre 2014. Ce document avait pour but de donner l’occasion à l’ASFC de vérifier l’exactitude des faits tels que le Commissariat les a compris et de demander des précisions sur un certain nombre d’observations de l’ASFC.
L’ASFC a répondu au résumé des faits au moyen de deux ensembles d’observations que le Commissariat a reçus les 15 janvier et 13 février 2015.
Application de la Loi
Dans notre évaluation, nous avons pris en considération les articles 3, 7 et 8 de la Loi.
L’article 3 de la Loi définit ainsi les renseignements personnels : Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille; les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé; tout numéro identificateur qui lui est propre; ses empreintes digitales ou son groupe sanguin; ses opinions personnelles, etc.
L’alinéa 7a) de la Loi précise que, à défaut du consentement de l’individu concerné, les renseignements personnels relevant d’une institution fédérale ne peuvent servir qu’aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution de même que pour les usages qui sont compatibles avec ces fins.
La Loi précise que les renseignements personnels ne peuvent être communiqués qu’avec le consentement de l’individu — paragraphe 8(1) — ou conformément à l’un des cas d’autorisation énumérés au paragraphe 8(2) de la Loi.
Analyse
Les renseignements communiqués par l’ASFC dans le but de vérifier l’authenticité d’un jugement produit par le plaignant — y compris une copie du jugement indiquant le nom du plaignant, son âge, le quartier où il habitait, son rang au sein du MASSOB et les chefs d’accusation et la déclaration de culpabilité — sont clairement des renseignements personnels, aux termes de l’article 3 de la Loi.
Il s’agit de déterminer si l’ASFC est contrevenue à l’article 8 de la Loi dans cette affaire pour ce qui est de la communication sans consentement des renseignements personnels du plaignant au haut-commissariat à Accra, au Ghana, qui a ensuite communiqué cette information à INTERPOL dans le but de lui demander son aide pour vérifier l’authenticité du jugement.
Les paragraphes suivants présentent notre analyse et nos constatations fondées sur les éléments de preuve recueillis dans le cadre de notre enquête.
La communication des renseignements personnels du plaignant aux fins de vérification de l’authenticité d’un document dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié constitue un usage compatible en vertu de l’alinéa 8(2)a) de la Loi
Notre enquête a confirmé que, le 4 février 2009, des représentants de l’ASFC au Canada ont présenté une demande afin de vérifier un jugement de 2005 produit par le plaignant à l’appui de sa demande d’asile.
L’ASFC soutient que cette mesure a été prise étant donné que d’autres documents soumis par le plaignant à l’appui de sa demande d’asile étaient faux ou avaient été obtenus de manière frauduleuse. La demande de vérification du jugement a été faite en vertu de la LIPR aux fins de l’octroi de l’asile.
Notre examen a confirmé que la demande d’aide initiale a été faite par un représentant de l’ASFC à Montréal au haut-commissariat à Accra, au Ghana. La demande initiale a été envoyée par courriel et renfermait les détails du jugement de même que des renseignements sur l’avocat du plaignant. Il était indiqué clairement dans le courriel que ni le statut ni le lieu de l’intéressé ne devaient être divulgués durant le processus de vérification. De plus, le premier courriel ne comportait aucune pièce jointe.
En réponse à la demande, le haut-commissariat a demandé une copie du jugement afin de pouvoir faire la vérification. Nous avons confirmé qu’une copie du jugement avait été acheminée au haut-commissariat. D’après les preuves dont nous disposons, nous sommes convaincus qu’aucun autre document ou renseignement concernant le plaignant n’a été acheminé au haut-commissariat.
Le 25 février 2009, l’AIMM au haut-commissariat a envoyé une lettre à INTERPOL pour demander une vérification de l’authenticité du jugement. Il était indiqué dans sa lettre qu’une copie du jugement était jointe à un courriel également envoyé à INTERPOL. Nous confirmons que le courriel a été envoyé à la même date à l’adresse de courriel générique du BCN d’INTERPOL à Lagos, au Nigéria, avec copie conforme à l’AIMM au haut-commissariat et à un détective qu’on a confirmé être un employé d’INTERPOL au moment auquel la demande d’aide a été faite. Une copie du jugement était jointe à ce courriel.
En fonction de ce qui précède, la communication des renseignements dont il est question ci-dessus s’est faite en deux étapes. Tout d’abord, il y a eu communication de l’ASFC au Canada au haut-commissariat d’Accra, au Ghana et deuxièmement, il y a eu communication du haut-commissariat à INTERPOL. Notre enquête a confirmé que l’ASFC était responsable de ces deux divulgations.
Dans le cas qui nous occupe, l’ASFC a cherché à vérifier l’authenticité du document présenté par le plaignant dans le but d’étayer son allégation de crainte bien fondée de persécution dans son pays d’origine. Selon l’ASFC, la demande a été faite parce qu’il avait été établi que plusieurs autres documents présentés par le plaignant dans le cadre de sa demande d’asile étaient faux ou avaient été obtenus de manière frauduleuse.
À cette fin, nous sommes convaincus que l’échange d’information avec des représentants du haut-commissariat au Ghana —qui étaient des employés de l’ASFC — avait pour but précis de solliciter de l’aide pour vérifier l’authenticité du jugement soumis par le plaignant dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié.
Nous estimons que les renseignements ainsi que la copie du jugement transmis au haut-commissariat étaient nécessaires et pertinents afin de situer le contexte de la demande.
Nous constatons toutefois que l’affidavit de l’agent d’exécution semble être une description étroite des faits dans cette affaire. Plus particulièrement, bien que nous soyons convaincus que le jugement ne renfermait aucun renseignement au sujet de la famille du plaignant ni de son avocat, nous tenons à souligner que le premier courriel envoyer par l’agent d’exécution au haut-commissariat renfermait effectivement des renseignements sur l’avocat du plaignant.
En nous fondant sur les observations de l’ASFC, nous sommes néanmoins convaincus que ces renseignements étaient nécessaires et pertinents afin de situer le contexte de la demande faite par l’ASFC à ses agents de liaison au haut-commissariat.
Nous sommes aussi convaincus que la communication subséquente par le haut-commissariat des renseignements personnels du plaignant à INTERPOL avait pour but précis de solliciter de l’aide pour vérifier l’authenticité du jugement. Nous estimons que la communication a été dûment limitée aux renseignements dont avait besoin INTERPOL pour vérifier l’authenticité du document, à savoir une copie du jugement.
L’enquête n’a révélé aucune preuve que des renseignements autres que ceux contenus dans le jugement ont été transmis à INTERPOL ni qu’INTERPOL a été informé par l’ASFC que la demande de vérification était faite dans le contexte de la demande d’asile au Canada faite par le plaignant.
En conséquence, nous sommes convaincus que la communication des renseignements personnels du plaignant au haut-commissariat et à INTERPOL était permise en vertu de l’alinéa 8(2)a) de la Loi, car elle était nécessaire au but original pour lequel les renseignements ont été recueillis par l’ASFC, soit aux fins de détermination du statut de réfugié et d’application de la LIPR.
Les procédures de l’ASFC pour la vérification de documents sont insuffisantes
Malgré ce qui précède, notre enquête nous a permis d’évaluer la façon dont les renseignements ont été communiqués et, en particulier, si la demande de vérification était régie par une procédure de l’ASFC.
Dans les observations présentées au Commissariat, l’ASFC a fourni une copie de sa procédure interne intitulée Accès au CIPC et gestion des mandats et procédure d’INTERPOL (la procédure). Bien que l’ASFC ait confirmé que la procédure n’était pas en vigueur au moment de la demande au haut-commissariat, elle a indiqué qu’elle était entrée en vigueur en mai 2013. Nous avons donc examiné la procédure et profitons de cette occasion pour fournir nos commentaires à l’ASFC.
À notre avis, la procédure semble porter précisément sur les demandes de vérification d’antécédents criminels, y compris ceux des demandeurs d’asile. La procédure énonce les motifs pour lesquels il faut effectuer des vérifications et elle précise que les demandes doivent être envoyées par la poste à l’attention des Services d’information et d’identité judiciaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Nous constatons dans cette affaire que la demande d’aide n’était pas une demande de vérification d’antécédents criminels, mais plutôt une demande de vérification de l’authenticité d’un jugement dans une instance criminelle. Par conséquent, il n’est pas clair si la procédure aurait régi ou non la communication des renseignements à INTERPOL dans le contexte de cette plainte, même si elle avait été en vigueur au cours de la période pertinente.
Il est néanmoins intéressant de mentionner que la procédure souligne que la prudence est de mise lorsqu’on demande l’assistance d’INTERPOL dans les cas de demandeurs d’asile. Comme l’indique la procédure, il faut limiter de telles demandes aux cas les plus graves uniquement et prendre toutes les mesures possibles pour éviter de créer un risque pour le plaignant ou sa famille.
Si nous sommes convaincus que la communication de renseignements à INTERPOL dans cette affaire était conforme à l’administration et à l’application de la LIPR, nous sommes néanmoins préoccupés par le fait que la demande d’aide n’ait peut-être pas été régie par une procédure de l’ASFC qui aurait établi les motifs et les limites d’une telle demande.
Préoccupations concernant la transmission électronique de renseignements personnels
L’ASFC s’attendait à ce que le haut-commissariat utilise une autre méthode afin de vérifier l’authenticité du jugement en son nom. La demande d’aide au BCN à Lagos était considérée comme étant le mécanisme le plus approprié pour ce faire en ayant une incidence minimale sur l’individu.
Selon notre enquête, la communication de la demande de vérification par le haut-commissariat au BCN d’INTERPOL a été faite par écrit — par lettre à l’attention du commissaire de police de la section d’INTERPOL et par courriel à l’attention d’un détective responsable de coordonner les demandes d’aide au sein du BCN d’INTERPOL.
Conformément aux paragraphes 16 et 17 du présent rapport, nous soulignons que le courriel a été transféré à l’adresse de courriel générale du BCN d’INTERPOL à Lagos, au Nigéria, à ncblagos@yahoo.co.uk et a été envoyé en copie conforme à une adresse de courriel Yahoo! que l’on a confirmé comme étant celle d’un détective d’INTERPOL.
L’ASFC soutient qu’il est pratique courante chez les agents de liaison de l’ASFC de communiquer avec des fonctionnaires de gouvernements étrangers d’Afrique par le biais de fournisseurs de services de courriel commerciaux, étant donné que de nombreux pays n’ont pas leurs propres services de courriel. L’ASFC est d’avis que communiquer par courriel est une pratique acceptable lorsque les renseignements personnels ne sont pas vraiment de nature délicate. Selon l’ASFC, le jugement n’était pas considéré comme étant de nature particulièrement délicate, car s’il avait été authentique, il aurait été produit par le système judiciaire nigérian et aurait donc constitué un dossier public.
À titre d’institution assujettie à la Loi, l’ASFC doit prendre des mesures raisonnables afin de protéger les renseignements personnels sous son contrôle contre les risques comme l’accès, l’utilisation et la communication non autorisés des renseignements. Cela inclut donc la mise en œuvre de mesures aux fins du traitement, de la communication et de la transmission sécurisés des renseignements personnels.
Dans cette affaire nous soulignons que la demande d’aide a été envoyée à INTERPOL par courrier régulier ainsi que par courriel. À notre avis, le courriel n’est pas une méthode sécurisée ni fiable pour communiquer des renseignements personnels, en particulier par l’intermédiaire de fournisseurs de services de courriel commerciaux comme Yahoo! qui n’offrent pas un niveau raisonnable de protection des renseignements personnels, ni des mesures de protection telles que le chiffrement des données.
Nous soulignons également que l’évaluation de la nature délicate des renseignements personnels dépend grandement du contexte. La divulgation de renseignements personnels liés à un demandeur d’asile à son pays d’origine est souvent en soi de nature délicate puisque la demande d’asile de la personne doit être axée sur une crainte fondée de persécution dans son pays d’origine. En outre, même lorsque le contexte de la demande n’est pas divulgué, les fonctionnaires du pays d’origine peuvent déduire les raisons possibles pour une demande de ce genre.
Par conséquent, bien qu’il puisse être pratique courante de communiquer par courriel avec certains pays d’Afrique, il faut alors avoir en place des procédures de sécurité afin de minimiser tout risque pour les renseignements personnels communiqués, y compris l’évaluation du risque possible pour la sécurité de la personne qui demande la protection dans le cadre du programme pour les réfugiés du Canada.
Conformément au paragraphe 82 du présent rapport, nous soulevons une nouvelle fois la préoccupation selon laquelle il est possible que la demande d’aide dans cette affaire n’ait pas été régie par une procédure de l’ASFC qui aurait indiqué la manière acceptable d’effectuer la vérification.
Contact allégué par la force policière du Nigéria : hors du champ d’application du Commissariat
Le plaignant dans cette affaire a également allégué que les autorités nigérianes auraient communiqué avec son avocat et son frère relativement à ses déplacements et a fourni des documents à l’appui.
À ce titre, nous avons compris que les allégations du plaignant concernent aussi la divulgation secondaire possible par le BCN d’INTERPOL de renseignements personnels aux autorités nigérianes.
Bien que nous ayons évalué la preuve présentée par le plaignant dans cette affaire, nous soulignons que le Commissariat a le pouvoir d’examiner la divulgation de renseignements par l’ASFC à INTERPOL. Le Commissariat n’a pas autorité sur les pratiques de traitement des renseignements personnels d’INTERPOL ou de la force policière du Nigéria.
Néanmoins, nous constatons que l’ASFC a attesté qu’aucun représentant du haut-commissariat n’est allé dans l’État d’Imo au Nigéria, ni n’a communiqué avec les autorités nigérianes au sujet du plaignant. En outre, l’ASFC a fait valoir qu’INTERPOL n’a pas fait de voyage sur le terrain afin de vérifier le jugement en son nom.
L’ASFC a également insisté sur le fait que les pays membres d’INTERPOL sont liés par sa constitution et les règlements connexes, qui limitent l’utilisation à des fins secondaires de renseignements transmis dans le cadre d’une demande d’aide. Plus particulièrement, l’article 10 du Règlement d’INTERPOL sur le traitement des données limite précisément l’usage par les BCN des renseignements fournis aux fins de la coopération policière internationale dans un but secondaire.
Étant donné les observations du plaignant dans cette affaire selon lesquelles l’information en question pourrait avoir été utilisée à des fins secondaires, nous encourageons l’ASFC à discuter avec les Services d’information et d’identité judiciaire de la GRC — les représentants officiels d’INTERPOL au Canada — des options possibles lorsque des usages secondaires sont soupçonnés.
Conclusions
À la suite de notre enquête, nous sommes convaincus que la divulgation des renseignements personnels du plaignant dans cette affaire était conforme aux fins de leur collecte et que la divulgation est donc autorisée par l’alinéa 8(2)a) de la Loi.
Par conséquent, nous concluons que l’affaire est non fondée.
Nonobstant ce qui précède, nous profitons de l’occasion pour rappeler à l’ASFC ses obligations en vertu de la Loi afin d’assurer la protection continue des renseignements personnels divulgués en vue d’appliquer son mandat législatif aux termes de la LIPR — en particulier dans le contexte des demandes d’aide à des homologues internationaux comme INTERPOL.
Le respect de la Loi ne devrait pas entraver indûment l’ASFC dans l’exécution de ses activités d’application de la loi liées à l’immigration et aux réfugiés; toutefois, le pouvoir de l’ASFC de divulguer des renseignements personnels en vertu de la LIPR dans le cadre de ces objectifs doit être interprété à la lumière de ses obligations en vertu de la Loi afin d’éviter une divulgation à trop grande échelle de renseignements personnels.
Malgré la nature discrétionnaire de la décision en vertu de l’alinéa 8(2)a) de la Loi, dans le contexte de l’immigration et particulièrement dans le cas des demandeurs d’asile, le ministre a l’obligation de s’assurer que toute divulgation conformément à l’alinéa 8(2)a) est limitée et proportionnelle.
Bien que nous soyons convaincus que la divulgation de renseignements dans cette affaire se limitait de manière appropriée à l’information nécessaire afin qu’INTERPOL vérifie l’authenticité du document sur lequel se fondait le plaignant dans sa demande d’asile, nous sommes préoccupés par le fait que la demande d’aide n’était pas régie à l’époque par une procédure de l’ASFC.
Étant donné le risque potentiel que court un demandeur d’asile ou sa famille lorsque des renseignements personnels sont divulgués à son pays d’origine, une procédure de ce genre pourrait offrir de l’orientation quant aux circonstances qui justifient ces demandes d’aide, souligner l’importance de limiter l’information divulguée et résumer les méthodes acceptables pour la réalisation de ces vérifications — le tout dans le but de réduire le risque pour la personne touchée.
La divulgation de renseignements personnels dans le contexte des demandes d’aide à des homologues internationaux devrait avoir lieu conformément à des procédures claires et détaillées qui sont strictement appliquées afin de réduire au minimum le risque potentiel pour les demandeurs d’asile et les membres de leur famille, notamment celui d’alerter les autorités du pays d’origine du statut et de l’emplacement de la personne.
À cette fin, il faut adapter la manière dont la vérification est effectuée afin que le droit à la vie privée du demandeur soit respecté et que sa sécurité ne soit pas menacée par la divulgation. Cela inclut la prise en compte de la manière dont l’information est transmise (courriel, courrier régulier, etc.) ainsi que l’application de toutes les mesures de sécurité prescrites afin de garantir la sécurité de l’information durant et après la transmission.
Il va également sans dire qu’une orientation et une formation appropriées sont cruciales afin d’appuyer la mise en œuvre uniforme des procédures établies pour toutes les demandes d’aide. L’ASFC a l’obligation de s’assurer que ses agents de liaison à l’étranger sont au courant de ces politiques et de ces procédures et qu’ils les mettent en œuvre, y compris de la nécessité de faire preuve de prudence au moment de diffuser des renseignements de nature délicate liés aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
Conformément au paragraphe 97 du présent rapport, nous encourageons également l’ASFC à discuter avec la GRC des options de recours possibles lorsque des divulgations secondaires de renseignements personnels par INTERPOL ou ses BCN sont soupçonnées.
Nous sommes heureux que la procédure de l’ASFC, intitulée Accès au CIPC et gestion des mandats et procédure d’INTERPOL, soit maintenant en vigueur. Toutefois, nous encourageons l’ASFC à examiner la procédure en prenant en compte nos commentaires signalés dans les présentes dans le but de renforcer son processus de vérification, en particulier dans le contexte des demandes d’aide à des homologues à l’échelle internationale, comme INTERPOL.
Autre
Nous profitons de l’occasion pour commenter la durée requise pour conclure cette enquête. Nous voulons avant tout présenter nos excuses au plaignant étant donné que cela a pris plus de deux ans pour que nous achevions notre enquête et présentions nos conclusions.
Le Commissariat dépend de la communication rapide des observations par les institutions du gouvernement en tant qu’élément crucial de la réalisation de notre obligation de faire enquête sur les plaintes en vertu de la Loi.
Nous constatons qu’il a fallu une année pour que l’ASFC nous communique ses observations initiales en réponse à cette plainte. Nous reconnaissons qu’il se peut qu’un certain retard dans ce dossier soit attribuable aux consultations à l’échelle internationale requises par l’ASFC afin d’obtenir les renseignements pertinents que nous avons demandés. Nous savons également que l’ASFC a fait face à des défis en matière de ressources au cours de cette période.
Néanmoins, nous voulons insister sur l’importance de faire plus d’efforts afin de réduire le temps de réponse au Commissariat. Lorsque les institutions fédérales fournissent des réponses à nos demandes en temps opportun, cela renforce la transparence et la reddition de comptes en vue du traitement des renseignements personnels et aide les institutions à respecter leur obligation de s’assurer que les renseignements personnels ne sont ni utilisés ni divulgués de façon contraire à la Loi. Cela aide aussi à s’assurer que lorsque des questions sont soulevées, elles sont réglées rapidement.