Affaires autochtones et Développement du Nord Canada recueille à tort des renseignements à partir de la page Facebook personnelle d’une militante pour les droits des Premières Nations
L’idée fausse selon laquelle les gens renoncent à leur droit à la vie privée en affichant des renseignements à leur sujet sur Facebook semble malheureusement toujours circuler dans les milieux gouvernementaux.
Des fonctionnaires d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) et du ministère de la Justice Canada ont invoqué cet argument pour justifier leur collecte, depuis des années, de renseignements personnels affichés par la militante pour les droits des Premières Nations de premier plan, Cindy Blackstock, sur sa page Facebook personnelle.
À la suite d’une enquête officielle, le Commissariat a cependant rejeté l’argument. Nous avons conclu que le fait que des renseignements personnels soient accessibles sur Internet ne leur enlève pas leur caractère personnel.
Nous avons recommandé que les deux ministères cessent de consulter les renseignements personnels de Mme Blackstock qui sont affichés sur sa page Facebook et sur d’autres sites de médias sociaux, à moins qu’ils puissent démontrer que la consultation de ces renseignements est en lien direct avec des activités gouvernementales légitimes. Nous avons aussi recommandé la destruction des renseignements personnels recueillis antérieurement en l’absence d’un tel lien direct.
Enfin, nous avons recommandé à AADNC et au ministère de la Justice Canada d’établir et de mettre en œuvre des politiques et des lignes directrices internes régissant la collecte, par leurs employés, de renseignements personnels sur des sites de médias sociaux et la limitant aux renseignements ayant un lien direct avec leurs programmes ou activités.
Les deux ministères ont accepté toutes ces recommandations.
Contexte
Mme Blackstock a déposé une plainte au Commissariat dans laquelle elle affirmait que les deux ministères fédéraux avaient contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels en procédant à une collecte systématique et délibérée de ses renseignements personnels à des fins non liées directement à une activité ou à un programme gouvernemental.
La plainte portait plus précisément sur trois activités différentes :
- la surveillance furtive de ses discours publics et la distribution de rapports détaillés de ses commentaires à grande échelle dans les deux ministères;
- l’accès répété à son dossier de statut d’Indienne dans la base de données du gouvernement, même si personne ne mettait en doute ce statut;
- la consultation et la surveillance répétées de ses fils de nouvelles dans les médias sociaux, en particulier de sa page Facebook personnelle, et la distribution à grande échelle, au sein des deux ministères, de rapports sur l’information qu’elle avait affichée en ligne.
Mme Blackstock a aussi soutenu que ces atteintes à sa vie privée étaient liées à la poursuite judiciaire relative aux droits de la personne intentée contre le gouvernement fédéral par son employeur. Dans ce litige, on allègue que le financement inéquitable des services d’aide à l’enfance dans les réserves équivaut à de la discrimination.
Constatations
Après une enquête longue et approfondie, le Commissariat n’a tiré aucune conclusion sur la première activité, car, dans ce cas, l’information provenant des discours publics de la plaignante ne constituait pas des « renseignements personnels » aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous avons jugé que la plainte à propos de la deuxième activité était non fondée en raison de l’absence de preuves.
Toutefois, nous avons conclu que la plainte ayant trait à la surveillance des médias sociaux était fondée.
En février 2010, les deux ministères ont commencé à surveiller les sites et les fils de nouvelles des médias sociaux liés à la plaignante, notamment Twitter, YouTube, BlogSpot, Alertes Google et trois pages Facebook distinctes administrées par la plaignante.
Notre enquête a révélé que deux des pages Facebook n’étaient pas de nature personnelle, mais plutôt consacrées essentiellement aux affaires de l’organisation des Premières Nations qui employait la plaignante, ainsi qu’à une campagne pour soutenir la plainte relative aux droits de la personne.
La troisième page, toutefois, avait été classée par Facebook comme une « page personnelle » et contenait de l’information sur les amis, les opinions personnelles, les compétences et le lieu de résidence de la plaignante, ce qui constitue clairement des renseignements personnels en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Selon notre enquête, les fonctionnaires des deux ministères savaient très bien qu’ils consultaient et compilaient des renseignements personnels sur la plaignante, et qu’ils ne se limitaient pas aux renseignements liés à son employeur ou à la campagne sur les droits de la personne. Aux termes de la Loi, des restrictions sur la collecte de renseignements personnels s’appliquent, que ceux-ci soient accessibles au public ou non.
La principale restriction prévoit que les renseignements ainsi recueillis doivent être liés directement à un programme ou à une activité du gouvernement. Nous avons conclu dans notre enquête que les renseignements personnels recueillis ne présentaient pas de liens évidents avec l’élaboration de politiques par AADNC, comme l’affirmait le Ministère, ou avec la poursuite relative aux droits de la personne qui inquiétait beaucoup le ministère de la Justice.
De plus, le manque de transparence entourant la collecte de renseignements personnels sur la page Facebook de la plaignante par les deux ministères fédéraux semblerait contrevenir à l’esprit, sinon à la lettre, de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
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