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Communication des renseignements personnels d’une soignante à un contrevenant

Une femme s’est plainte que le Service correctionnel du Canada (SCC) ait fourni une quantité considérable de renseignements personnels la concernant à un contrevenant dont elle prenait soin.

Cette femme fournit à son domicile des soins palliatifs aux personnes âgées et aux gens ayant des besoins particuliers. Le SCC a procédé à une évaluation de la plaignante afin de déterminer si sa résidence constituait un établissement adéquat où placer des contrevenants ayant des besoins particuliers. Des agents du SCC ont visité son domicile, effectué une entrevue détaillée, rédigé un rapport de placement dans une maison privée et ont ensuite approuvé l’usage des services de l’établissement. Par la suite, la femme a accepté d’accueillir un contrevenant à qui la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) venait d’accorder une semi-liberté. Le contrevenant devait être placé dans un établissement possédant les ressources pour traiter ses troubles physiques et mentaux tout en respectant les modalités de la libération conditionnelle. Le SCC estime que le contrevenant est un agresseur d’enfants impénitent et qu’il risque de récidiver.

Après approbation, le contrevenant a été confié aux soins de la femme et il a écrit à cette dernière pour lui dire qu’il avait vu son rapport de la CNLC et qu’il était conscient de ses problèmes. Le jour suivant son arrivée au domicile de la plaignante, il a sorti son carnet d’adresses dans lequel il avait inscrit le nom et les numéros de téléphone de deux des références que la femme avait données au SCC. Il a également présenté une copie complète du rapport de placement dans une maison privée – un document que la femme n’avait elle-même jamais vu. Le rapport contenait des renseignements sur les membres de la famille de la femme – dont des renseignements au sujet de mauvais traitements à l’enfance, ses antécédents matrimoniaux et son état civil actuel, et ses antécédents en matière d’études et de travail.

Bouleversée par les révélations du contrevenant, la plaignante a contacté les agents de libération conditionnelle du bureau local du SCC. Ils ont accepté qu’elle sorte le rapport de la chambre du contrevenant et qu’elle masque les noms et numéros de téléphone de ses références dans le carnet d’adresses.

L’enquête a permis de démontrer que les responsables du SCC avaient d’abord eu l’intention de placer le contrevenant dans un autre établissement, mais qu’ils avaient dû modifier leur plan. Ils avaient donc dû obtenir l’autorisation de la CNLC pour changer d’établissement. La situation particulière du contrevenant ainsi que le niveau de soins qu’il nécessitait ont incité les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles à demander des renseignements additionnels au sujet du placement en résidence privée. Le SCC a remis le rapport de placement à la CNLC ; le rapport a été transmis aux membres de la Commission qui ont ensuite approuvé le changement d’établissement. L’enquêteur était convaincu que le contrevenant n’avait communiqué les renseignements à quiconque.

Ce qui était en cause était de savoir si le SCC avait contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels en remettant son rapport au contrevenant. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) oblige la Commission à faire part au contrevenant des renseignements qui ont permis de prendre une décision à son sujet. Toutefois, il est possible de présenter l’essentiel des renseignements ou encore un résumé de ceux-ci. La LSCMLC autorise aussi la Commission « à refuser la communication de renseignements au délinquant, dans la mesure jugée strictement nécessaire » (paragraphe 144(4)) si la communication peut mettre en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou compromettre la tenue d’une enquête en vertu de la loi.

L’enquête a clairement établi que seuls les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles qui devaient prendre une décision en regard à la demande avaient lu le rapport de placement. Personne d’autre à la Commission n’avait lu le rapport intégral, donc personne ne connaissait exactement la quantité et la nature des renseignements personnels qu’il contenait. La CNLC a affirmé que le SCC était responsable d’assurer la communication légitime de l’information au contrevenant. Les responsables de la CNLC ont de plus maintenu qu’en faisant part au contrevenant de « l’essentiel » du rapport, le SCC aurait respecté toutes les exigences de la loi. Malheureusement, personne au SCC n’avait lu le rapport avant de le remettre au contrevenant ; ces personnes non plus, donc, n’en connaissaient pas le contenu.

De l’avis du CPVP, cette affaire est extrêmement troublante, compte tenu des antécédents du contrevenant, de la nature des renseignements personnels que contenait le rapport, et du fait que le contrevenant résidait chez la plaignante. Le Commissariat a reconnu que la CNLC et le SCC subissaient des pressions pour placer le contrevenant en résidence le plus rapidement possible et que la communication des renseignements ne dissimulait aucun motif malveillant. Néanmoins, nous avons été consternés d’apprendre que les renseignements personnels de la femme avaient été communiqués pour la simple raison que personne n’avait pris le temps de lire le rapport. Ces renseignements personnels n’auraient jamais dû être communiqués. La Loi sur la protection des renseignements personnels est en vigueur depuis 1983 et les fonctionnaires fédéraux se font constamment rappeler leur obligation de protéger les renseignements personnels.

Le Commissariat a conclu que le SCC avait gravement enfreint le droit à la confidentialité de la plaignante ; la plainte était fondée. Malheureusement, la Loi sur la protection des renseignements personnels ne prévoit aucun recours ou motifs de révision judiciaire pour les cas de communication inappropriée de renseignements personnels.

Après ce litige, le SCC s’est engagé à ne plus fournir les rapports de placement à la CNLC.

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