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Projet de loi C-54 : Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques

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Notes de comparution devant le Comité permanent de l'industrie

Le 18 mars 1999
Ottawa (Ontario)
Bruce Phillips
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(Le texte prononcé fait foi)


Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître une fois de plus afin de discuter certaines propositions d'amendement du projet de loi C-54 faites par le gouvernement.

Je ne veux pas étirer les remarques préliminaires. Cependant, il y a plusieurs clauses posant problème ou qui sont ambiguës, et qui méritent votre attention. Certaines sont traitées dans une lettre envoyée au Comité, que vous avez peut-être déjà reçue. Néanmoins, il vaut la peine de les reprendre.

En premier lieu, j'aimerais exprimer ma satisfaction relativement au processus général et aux amendements dans leur ensemble. Je suis particulièrement heureux de constater qu'on reconnaît, qu'on appuie et qu'on accepte de plus en plus le rôle de l'ombudsman dans ce processus.

Passons maintenant aux faits.

Article 2 : Définition de « activité commerciale »

Ma première recommandation - je sais que je me répète - est que le projet de loi explique ce qu'on entend par « activité commerciale ». Je sais qu'on a essayé d'en élargir la définition, mais il en résulte une tautologie. Je demande simplement ceci : un examen médical est-il une transaction « commerciale » – l'achat ou l'échange d'une liste de donateurs par un organisme de charité sont-ils des transactions commerciale – le service rendu par un avocat lorsqu'il rédigera un testament est-il une transaction « commerciale » – Bref, le projet de loi vise-t-il les professions libérales et le secteur à but non lucratif – Il devrait être clair; si nous ne répondons pas à ces questions maintenant, le commissaire à la protection de la vie privée devra le faire plus tard, peut-être en obtenant un avis juridique dispendieux aux frais des contribuables.

Article 2 : Définition de « renseignement personnel »

Par contraste, la définition de « renseignement personnel » est exhaustive et utile. Je félicite particulièrement le gouvernement pour y avoir introduit de la souplesse en visant la collecte des renseignements qui ne sont pas nécessairement enregistrés. Cela permet de contester certaines pratiques, comme la présence de caméras vidéo dans les salles d'essayage même lorsque la surveillance n'est pas enregistrée.

Article 3 : Objet - la « personne raisonnable »

J'avoue ma perplexité devant la mention, dans la clause 3 (l'objet), de ce qu'une « personne raisonnable » estimerait acceptable dans les circonstances. Après de longues discussions, nous avons conclu que ce terme ne l'emporte pas sur les principes prévus dans l'annexe, que c'est plutôt l'inverse. Néanmoins, ce n'est qu'avec l'expérience que nous verrons les résultats. Il est entendu, comme le disent les avocats, que je saisirais la recommandation formulée par plusieurs témoins, soit limiter la collecte, l'utilisation et la communication à ce qui est « légitime ainsi que justifiable et raisonnablement prévu dans les circonstances ».

Alinéa 7(1)d) : renseignement « auquel le public a accès »

Un amendement de l'alinéa 7(1)d) permet la collecte d'un « renseignement réglementaire auquel le public a accès ». Ce qu'on entend par « auquel le public a accès » et la question de savoir si une telle notion ouvre la porte à toute utilisation non liée de renseignements semblent évidents, mais constituent un terrain miné. L'examen des livres dans les locaux d'une organisation à une fin liée est fort différent de la publication sur Internet de la base de données complète des contribuables d'une municipalité ou de la remise des listes de certificats d'immatriculation à des agents de vente directe.

Les individus peuvent avoir un intérêt légitime à la restriction de la communication de renseignements personnels, même les plus simples comme le nom et l'adresse. Les allées et venues d'un conjoint battu est un exemple malheureux.

Alinéa 7(3)f) : Communications à des fins de recherche

L'alinéa 7(3)f) tente d'introduire plus de rigueur dans la communication des renseignements à des fins de recherche. J'applaudis à cette initiative, mais deux autres mesures devraient être prises. Tout d'abord, l'alinéa devrait limiter ce type d'utilisation et de communication aux études dont l'objet de la recherche ne peut raisonnablement être réalisé grâce à des données non nominatives. Un grand nombre de projets de recherche scientifique et érudite n'ont pas besoin des noms des individus pour tirer des conclusions fiables. L'alinéa devrait également interdire toute autre communication de renseignements sous une forme permettant d'identifier les individus. Le libellé de l'alinéa 8(2)j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels peut être un modèle utile.

Paragraphe 8(5) : Droits

Je passe maintenant à la question des droits, au paragraphe 8(5). Permettez-moi d'exprimer mon opinion dès le départ : les justiciables ne devraient pas avoir à payer pour faire respecter leur vie privée, et l'accès aux renseignements les concernant fait partie intégrante de ce droit. Cela étant dit, je reconnais que l'organisation peut avoir à engager des coûts pour respecter ses obligations, mais je m'inquiète de l'incapacité apparente de quantifier ces coûts.

Je suis satisfait de constater que l'annexe prévoit, relativement à l'accès, « des droits minimes ». Je vais garder ce point à l'oil.

Article 14 : Audience de la Cour

L'article 14, sur les audiences de la Cour, nous donne un répit. Au mieux, je le décrirais comme maladroit, et je m'explique. Le projet de loi établit clairement le droit du plaignant à saisir la Cour de questions comme la collecte, l'utilisation ou la communication inappropriées de renseignements. Il confère également au commissaire le droit de saisir la Cour de la plainte d'un plaignant. Mais il n'établit pas clairement le droit du commissaire à saisir la Cour d'une affaire en l'absence d'une plainte. Il est vrai que le commissaire pourrait de son propre chef porter plainte, enquêter, se faire rapport - et se donner l'autorisation de saisir la Cour, mais c'est un processus plutôt tortueux.

La procédure d'appel n'est une affaire courante pour le Commissariat. Depuis les 15 ans que nous existons, nous n'avons intenté des procédures que dans quelques causes. Mais face à des abus flagrants et à de l'obstruction, le commissaire à la protection de la vie privée a besoin des outils de dernier recours.

Article 24 : Fonction d'information du commissaire

J'apprécie la réponse du projet de loi à notre plus important problème en matière de vie privée, l'ignorance. L'article 24 oblige le commissaire à informer les individus et les organisations de ce droit fondamental. L'intention est là, mais les moyens financiers non. Les membres connaissent déjà le coût de fonctions comme la recherche, la rédaction, la traduction et la diffusion. Le Commissariat vit dans un état d'anorexie fiscale depuis si longtemps que j'ai peur que nos estomacs collectifs se rebellent à la vue d'un repas complet. Peu importe ce que dit la loi, s'il n'y a aucune ressource pour y donner suite, elle sera inutile. Pour reprendre l'expression du courtier en immeubles, ce dont nous avons besoin, ce sont « des ressources, des ressources et encore des ressources ».

Article 25 : Pouvoir de délégation du ministre de l'Industrie

Enfin, point que l'on peut considérer comme le plus important, je voudrais vous faire part de ma réserve relativement à l'article 25. Cet article confère au ministre de l'Industrie (avec l'approbation du gouverneur en conseil) le pouvoir de déléguer les obligations et les pouvoirs du commissaire à la protection de la vie privée aux commissaires provinciaux ou à tout autre fonctionnaire homologue. Un agent provincial peut être parfois plus près de la base dans le cas d'une plainte de compétence fédérale (par exemple, une entreprise de camionnage de la C.-B. qui fait également affaire en Alberta), mais la décision de déléguer devrait incomber au commissaire à la protection de la vie privée, et uniquement à celui-ci.

L'octroi de ce pouvoir au ministre de l'Industrie entraîne le risque que de puissants intérêts commerciaux exercent des pressions sur le ministre afin qu'il délègue des questions relevant de la compétence du commissaire fédéral, à une province ayant des mesures de protection moins rigoureuses. Point encore plus dangereux, ce pouvoir de délégation érode l'indépendance du commissaire fédéral et, par conséquent, son statut de haut fonctionnaire du Parlement. Ayant choisi la charge d'ombudsman comme organisme de surveillance de la loi, le législateur doit veiller à ce qu'absolument rien ne vienne éroder son indépendance. Rien ne sera plus préjudiciable à ce projet de loi que des soupçons que l'ombudsman fonctionne sous l'oil vigilant du gouvernement et qu'au premier faux pas, il peut être dépouillé de son pouvoir d'enquête.

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