Sélection de la langue

Recherche

Les droits de la personne

Cette page Web a été archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Notes pour une allocution commissaire à la protection de la vie privée du Canada devant le Comité permanent des droits de la personne et condition des personnes handicapées

Le 21 novembre 1996
Ottawa, Ontario

Bruce Phillips
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(Le texte prononcé fait foi)


Il y a sept ans, un professeur d'université très talentueux maintenant commissaire à la protection de la vie privée et de l'information de la Colombie-Britannique, David Flaherty, a publié un livre sur la protection de la vie privée dans "Les sociétés de surveillance". Le professeur Flaherty soutenait que la surveillance à laquelle les Occidentaux étaient de plus en plus soumis par l'entremise des banques de données maintenues par le secteur privé et le secteur public, avait affecté leur qualité de vie. Comme l'a si bien résumé le professeur Flaherty, nos sociétés technocrates parviennent à réaliser ce que George Orwell n'a pu qu'imaginer quant à ce qui risquait de se produire après la seconde guerre mondiale.

La tendance se maintenant, l'ajout d'exigences pour une sécurité personnelle plus poussée, pour un accroissement de l'efficacité et pour l'atteinte de plus grands profits, tous ces facteurs contribuent à repousser la vie privée dans ses derniers retranchements.

Quoique familiers avec cette rengaine, j'estime nécessaire de répéter ce message en raison de ce qu'il implique pour notre vie privée à tous et j'espère que vous vous joindrez à moi pour en examiner l'enjeu, tant pour les individus que pour la société, de laisser s'échapper ce droit à la vie privée si durement acquis.

Permettez-moi de vous rappeler certains exemples illustrant comment la surveillance est déjà bien enchâssée dans nos existences.

un amendement au Code criminel en septembre 1996 autorise le gouvernement à demander à un juge la permission de recourir à un appareil électronique afin de suivre les mouvements d'une personne. Cet appareil peut être utilisé si l'on a des soupçons raisonnables à l'effet que cette personne peut commettre une offense grave contre quelqu'un d'autre, et ce même si la supposée victime n'est pas identifiée. En fait la personne sous surveillance n'aurait même pas à être accusée ou reconnue coupable d'une offense quelconque.

  • une entreprise de marketing direct vend la liste de quelque 80 millions de foyers américains regroupés par ethnie. Au nombre des 35 groupes identifiés, nous retrouvons les Arméniens et les Juifs. Les renseignements offerts comprennent tant le nombre d'enfants que les éventails d'âge. On s'imagine la satisfaction du groupe terroriste qui parviendrait à mettre la main sur une telle liste.
  • En Colombie-Britannique le programme Pharmanet emmagasine dans un registre tous les dossiers d'ordonnances et jumelle celles-ci aux noms des personnes. Les résidents de cette province n'ont pas l'option de figurer ou non à cette collecte gouvernementale de renseignements médicaux qui pourraient s'avérer de nature délicate. Mis sur pied au départ pour prévenir l'ordonnance de médicaments non compatibles responsables d'un bon nombre des admissions hospitalièresl, ces renseignements peuvent être transmis, y compris aux forces policières, à des fins totalement autres que médicales.
  • Un autre service accessible sous Internet permets de retracer chacune des 160 millions de personnes demeurant aux États-Unis avec adresses, numéros de téléphones, nom des personnes vivant sous le même toit, dates de naissances ainsi qu'une liste pouvant comporter jusqu'à dix voisins.
  • En vue de détecter les fraudeurs, Ressources humaines Canada entend jumeler aux demandes d'assurance-chômage les déclarations faites aux douanes par les voyageurs. Les voyageurs n'ont pas été avertis que ces formulaires seraient utilisés à une autre fin, soit la détection de déclarations d'assurance-chômage frauduleuses.
  • les autorités militaires américaines ont commencé à recueillir des échantillons d'ADN de deux millions d'Américains à son service en vue de faciliter l'identification de victimes lors de conflits. Cependant ces échantillons d'ADN seraient également mis à la disposition des forces policières pour des enquêtes criminelles. Ce faisant, on donne ainsi instantanément accès à ce qui n'aurait jamais été accessible autrement, soit une banque de données constituée d'environ deux millions d'individus innocents.
  • au Royaume-Uni quelque 200,000 caméras de surveillance sont utilisées. Dans au moins une ville, elles ont été installées dans des quartiers résidentiels et sont à même de surveiller l'intérieur des maisons. Plusieurs de ces caméras sont dotées de d'objectifs télescopiques puissantes et peuvent percer l'obscurité.
  • parmi d'autres appareils de surveillance, il y a ceux qui, permettent de sentir vos bagages pour détecter du matériel de contrebande, ceux qui permettent de balayer à travers les vêtements pour identifier la présence d'armes à feu et de drogues et ce dans un rayon de 12 pieds plus, ceux qui permettent d'observer toute source d'activité à travers les mûrs d'édifices et ceux qui une fois programmés, reconnaissent votre voix sur les ondes et permettent de recueillir vos conversations téléphoniques. Toutes ces technologies sont en opération sans même que vous vous en doutiez..

Certaines des mesures décrites ci-dessus peuvent sembler bénéfiques, d'autres un peu absurdes, d'autres encore peuvent paraître peu nocives à premier abord et enfin certaines vous font frissonner.

Regardons d'un peu plus près certaines de ces mesures de surveillance en apparence bénéfiques, telles les caméras de surveillance. Il est difficile d'argumenter qu'une seule caméra de surveillance dans un garage sous-terrain constitue en soi une grave menace pour la vie privée. En fait elle peut contribuer à prévenir des gestes criminels, rassurer les gens lorsqu'ils pénètrent dans le garage et aider à capturer de criminels.

Cependant, lorsque le nombre de caméras augmente au point où il nous est impossible de mener une vie normale loin de l'oeil vigilant d'une caméra, la surveillance commence à inhiber l'activité humaine. Au cours de vos tables rondes vous avez entendu Simon Davies comparer l'utilisation à grande échelle de caméras de surveillance à un mandat de fouille valide s'appliquant à toute la population. Ce genre de surveillance non-réglementée est alarmant dans une société qui se targue de limiter les pouvoirs d'intrusion de l'état dans nos vies. Nous semblons vouloir nous rendre à la technologie en échange de bénéfices douteux. Est-ce que les caméras de surveillance réduisent réellement le crime ou ne font-elles que le déplacer à des endroits non surveillés – Et si nous mettons chaque endroit sous surveillance, ne construisons-nous pas un goulag ?

Qu'en est-il de ces appareils mentionnés précédemment qui peuvent fouiller les gens ou espionner dans leurs résidences sans leur consentement – Nous pouvons comprendre lorsqu'il s'agit d'un terroriste. Mais est-ce acceptable pour tout le monde – L'état n'a pas besoin d'un mandat pour utiliser ces appareils. Cependant un agent de police aurait presque certainement besoin d'un mandat pour fouiller physiquement votre personne ou votre domicile.

Le juge La Forest, dans sa décision de la Cour suprême du Canada R. v. Silveira note le principe d'inviolabilité du domicile, principe que même le roi ne peut pas outrepasser sans l'autorité d'un mandat. Ce même principe existe en tant que protection pour l'individu contre l'état. Il accorde à la personne une certaine vie privée et une certaine tranquillité contre la grande puissance de l'état.

Comment notre Cour suprême réagira-t-elle contre les technologies qui permettent à l'état de voir à travers les murs d'une maison si longtemps protégé contre des intrusions arbitraires ?

La technologie à l'arrière de la société de surveillance telle qu'on la connaît aujourd'hui modifie la nature même des relations humaines. Elle menace l'existence d'un droit humain fondamental durement acquis, soit le droit à sa vie privée. Un long chemin a été parcouru depuis les temps ou notre demeure était sacrée et ou le corps d'une personne lui appartenait. Nous semblons malheureusement emprunter la mauvaise voie.

Qu'est-ce que la vie privée –

La vie privée n'est pas une notion abstraite qui intrigue les universitaires, déconcerte les étudiants et ne présente aucun intérêt pour le commun des mortels. Au contraire, les ingérences dans notre vie privée ont des conséquences concrètes bien tangibles. Elles déterminent notre façon de vivre. Les limites de notre vie privée personnelle définissent dans une large mesure celles de notre liberté. Comme le juge La Forest, de la Cour suprême, l'a dit dans l'arrêt Duarte, en 1990 : «Il est reconnu depuis longtemps que la liberté de ne pas être obligé de partager nos confidences avec autrui est la marque certaine d'une société libre».

Le professeur Alan Westin de la Columbia University est tout aussi affirmatif en décrivant la vie privée comme au coeur de la liberté dans un pays moderne.

Dans un autre sens, la vie privée nous protège contre les assauts physiques, comme les agressions ou les fouilles policières. Ce peut être aussi la protection de nos biens, comme notre résidence, ainsi que le droit de ne pas être épié par des caméras ou des dispositifs d'écoute électronique, ou encore d'être protégé contre les chercheurs. Bref, ce peut être notre droit de refuser de voir d'autres s'approprier notre personnalité. Enfin, la vie privée recoupe aussi l'information. Le rapport du groupe de travail à l'origine de la loi sur la protection de la vie privée a noté que cette notion d'information découle de la présomption que tous les renseignements concernant une personne lui appartiennent fondamentalement et qu'il lui revient de statuer sur leur communication ou leur conservation.

Par ailleurs, la vie privée n'est pas un bien inépuisable. Une fois violée, elle ne peut ni être reconquise ni régénérée. On n'a qu'à penser au prince Charles et à la princesse Diana, les protagonistes d'un des romans-savons favoris de la planète. Croyez-vous que l'un ou l'autre peut récupérer l'intimité perdue suite à l'interception de leurs conversations téléphoniques – De même, croyez-vous que les séropositifs puissent recouvrer le contrôle d'un renseignement personnel aussi délicat, une fois celui-ci dans l'arène publique – Et comment la dame dont les tests d'ADN révèlent qu'elle est porteuse du gène de la maladie de Huntingdon peut-elle espérer décrocher un emploi ou obtenir de l'assurance-vie – Comment quelqu'un peut-il reprendre le contrôle de ses renseignements personnels une fois ceux-ci interceptés sur l'autoroute de l'information ?

Qu'est-ce qui protège notre vie privée –

Au cours des dernières 50 années, la vie privée s'est taillé une place aux côtés des autres droits de la personne au chapitre des conventions internationales, des lois constitutionnelles des lois fédérales et provinciales et des codes d'éthique professionnels. Nos tribunaux ont de plus en plus abordé la question des droits à la vie privée des Canadiens.

La Déclaration universelle des droits de l'homme (à laquelle adhère le Canada) précise que chacun a le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et prévoit que « nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. »

Le Canada adhère également aux Lignes directrices de l'OCDE préconisant des normes minimales pour le traitement de l'information. Cependant, à l'encontre des protections internationales qui reconnaissent des droits étendus à la vie privée, les Lignes directrices, tout comme la Loi sur la protection des renseignements personnels, protègent seulement un aspect de la vie privée, soit celui ayant trait aux renseignements personnels.

Le Canada assure aussi une certaine protection de la vie privée, peut-être pas par la reconnaissance d'un droit explicite dans la Charte, mais sûrement par le biais d'interprétations judicieuses.L'article 7 accorde à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Enfin, l'article 8 accorde à chacun le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

La jurisprudence pertinente à l'interprétation de la Charte est essentiellement de nature criminelle, mais la Cour suprême a clairement laissé entendre que ce texte s'applique aussi aux questions de vie privée qui n'ont rien à voir avec la justice pénale. Ainsi, dans un jugement récent, le Juge La Forest a renforcé ce point en précisant que l'article 8

« ...établit la démarcation entre les droits de l'état et les droits du citoyen et non pas seulement ceux de l'accusé. C'est un droit reconnu dont nous jouissons tous. Il est important pour tous et non seulement pour un accusé, que la police (ou plus dangereux encore, les représentants de l'état), ne pénètrent pas dansdes lieux privés sans mandat. »

Néanmoins, devant les récentes menaces à la vie privée, nos lois sont sérieusement perméables. Le Québec est la seule province a eu imposé au secteur privé un régime législatif de protection des données personnelles.

En outre, nos lois ont pris du retard face aux avances technologiques. Nous sommes confrontés à l'absurde d'une situation où l'écoute électronique de quelqu'un sans le consentement de l'une des personnes écoutées est considéré une infraction au code criminel alors que la surveillance vidéo de la même personne ne constitue pas une offense criminelle tant qu'on n'ignore ce qui se dit.

Éléments problèmes

Du point de vue législatif, il existe tout un réseau complexe de mécanismes imparfaits de défense de la vie privée. En soi cela n'est pas un obstacle insurmontable. Cependant, toute une brochette d'éléments se liguent pour nuire à l'efficacité de la protection de la vie privée au Canada.

Le premier facteur est l'opinion publique ou plutôt l'apparent revirement de l'opinion publique vers ce qu'on pourrait cyniquement qualifier de "sécurité personnelle à tout prix et sécurité à n'importe quel prix". La vie privée est accusée de nuire à l'application efficace de la loi ou de mettre en danger la sécurité publique. Naturellement cela ne reflète pas la réalité mais le processus est beaucoup plus complexe.

Le second élément est à la coqueluche de notre époque, soit l'exigence d'une efficacité gouvernementale accrue. Ainsi, les gouvernements cherchent à accroître leur efficacité tout en réduisant leurs dépenses. Objectifs fort louables certes, mais lorsqu'une crise surgit, trop souvent la première victime en bout de ligne est la vie privée des contribuables. Ainsi, les banques de données gouvernementales, regorgeant d'une masse d'information sur les citoyens, pourraient être vendues au secteur privé et équilibrer ainsi le coût des opérations gouvernementales. Les gouvernements pourraient devenir plus efficaces en mêlant et en couplant les données. On pourrait comparer les données de ceux qui voyagent à l'extérieur avec celles des prestataires d'assurance-chômage pour établir la disponibilité des récipiendaires à travailler. On pourrait aussi comparer les dossiers d'assurance-chômage à ceux de l'impôt sur le revenu afin de détecter les fraudeurs, échanger des renseignements avec les provinces afin de s'assurer que les gens n'abusent pas du bien-être social.

Le troisième élément qui nuit à la vie privée est la puissance de l'industrie de haute technologie et la rentabilité potentielle de ses produits. Qu'on pense par exemple aux gains monétaires découlant de lapersuasion du public que les vidéo-caméras sont des outils indispensables à la sécurité et à la protection des biens. Qu'on se penche sur les gains potentiels des tests biotechogiques si le gouvernement et le monde de l'industrie parvenaient à convaincre les employés et les clients qu'ils devraient subir des tests d'ADN.

Ces slogans publicitaires en faveur de ces technologies n'abordent nulle part la question du prix élevé et caché qui y est associé, soit votre vie privée. La puissance de ces industries et leur quête de profits font que les défenseurs de la vie privée moins bien financés crient dans le vide. Les commissaires à la protection de la vie privée, les organismes défenseurs des droits de la personne et les particuliers ne disposent pas des ressources financières nécessaires pour rivaliser avec des campagnes de publicité sophistiquées faisant l'éloge des vertus associées à la surveillance mais passant sous silence le sérieux des dommages causés à notre autonomie.

Notre société est éblouie par la technologie. Cette admiration fait que chaque nouveauté est perçue comme un jouet et non comme une arme potentielle advenant qu'elle tombe entre de mauvaises mains.

Les défenseurs de la vie privée ont aussi réalisé que l'existence d'une technologie intrusive ou d'une base de renseignements personnels encouragent le désir de pousser plus loin l'utilisation qu'on peut en faire. À l'instar du gaz qui prend de l'expansion jusqu'à remplir tout son contenant, les technologies potentiellement intrusives prendront de l'expansion en quête de nouvelles applications.

L'un des plus grands défis que nous devons relever est de reconnaître les menaces faites à la vie privée. Très rarement pouvons-nous identifier un incident isolé, un exemple de technologie ou une simple politique gouvernementale qui constitue une telle menace pour la société que le public sort de ses gonds pour protester. Les intrusions s'effectuent plutôt quotidiennement de manière insidieuse dans nos vies privées, une par une, petit à petit. Cependant dans les faits les résultats sont dramatiques et les dommages peuvent n'être perçus que trop tard après le fait.

Bien sûr, nous n'avons rien à cacher, mais là n'est pas la question. Même si vous n'avez rien à cacher, il n'en demeure pas moins que vous avez beaucoup à perdre. Vous avez votre autonomie, votre droit à l'anonymat et votre droit de mener vos affaires sans être molesté. D'ailleurs même si vous n'avez rien à cacher, la surveillance modifiera subtilement votre comportement. Que l'on enlève votre vie privée, et vous perdez votre dignité et le contrôle de votre existence.

Prévoir l'extinction de la vie privée

J'ai tenté d'identifier seulement certains défis plutôt sombresméritant qu'on protège la vie privée au seuil de l'an 3000. Mais qu'en est-il des solutions – Je ne vais pas vous laisser qu'avec une longue diatribe sans remèdes.

Il faut avant, combler les lacunes des diverses lois régissant la vie privée. En particulier, le Canada a besoin de lois-cadre pour chapeauter les pratiques de gestion des renseignements dans le secteur privé. Sauf au Québec, il n'y a pas dans notre pays de loi générale de protection des données applicable au secteur privé. L'engagement du ministre de la Justice à soumettre les industries à une loi fédérale comparable m'encourage grandement. Mais il ne suffit pas de colmater les fissures.

Les législateurs jouent un rôle de premier plan en poussant la vie privée à titre des droits de la personne. Il s'agit là d'une valeur de laquelle découlent de nombreux autres droits démocratiques.

Il est tout aussi vital d'adapter à notre société un nouveau cadre d'éthique comprenant le respect de la vie privée. Qu'on le veuille ou non, la technologie a modifié nos relations humaines. Quels principes d'éthiques devons-nous transmettre à notre société afin que celle-ci s'adapte à ces changements tout en protégeant le droit à la vie privée ?

Tout citoyen devrait avoir le droit d'exiger que les implications au chapitre de la vie privée de toute technologie potentiellement intrusive soient évaluées avant l'implantation de celle-ci dans notre société.

Tous devraient avoir le droit d'utiliser les technologies visant l'amélioration de la vie privée. Je fais référence ici à ces technologies qui protègent notre vie privée en réduisant ou éliminant les collectes de renseignements identifiables. Certes, la technologie peut s'avérer intrusive mais elle peut aussi nous protéger contre les intrusions. Ainsi, par exemple, nous pouvons profiter de la cryptographie en vue de protéger nos communications personnelles ou encore dépenser de manière anonyme de l'argent numérique. Autant que possible la technologie devrait comprendre des mesures de protection et l'accès à ces mesures devraient être gratuites. Nous ne devrions pas non plus avoir à justifier notre désir d'utiliser ces dernières pour protéger notre vie privée. La responsabilité devrait plutôt en incomber à ceux qui souhaitent limiter l'utilisation de ces technologies préventives.

Nous ne devons pas nous laisser séduire par la logique branlante voulant que la technologie soit synonyme d'une société meilleure et plus sécuritaire. Sauf au Québec, il n'y a pas dans notre pays de loi générale de protection des données applicable au secteur privé, même si nous avons des lois qui protègent les dossiers médicaux et les renseignements sur le crédit. Pourtant, l'évolution technologique et le désir toujours présent d'accroître notre compétitivité suscitent des formes toujours plus intrusives de violation de notre vie privée.L'enjeu ici est notre qualité de vie. Le souvenir des régimes autoritaires qui ont marqué l'histoire de notre siècle, les bulletins de nouvelles d'hier soir et les journaux de ce matin renforceront notre dégoût pour les sociétés de surveillance.

J'espère que nous serons en mesure de faire un retour en arrière sur les dernières années et de les voir comme celles ayant donné naissance à une nouvelle appréciation de la vie privée et non pas comme celles ayant présidé aux derniers soupirs d'une valeur fondamentale pour la société.

Date de modification :