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Le Commissaire présente ses recommandations concernant les modifications proposées à la Loi électorale du Canada

Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Philippe Dufresne, a présenté ses recommandations pour renforcer davantage le projet de loi C-65, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, afin de mieux protéger les renseignements personnels des électeurs.

Le Commissaire Dufresne a transmis le présent mémoire au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes, qui est chargé d’étudier le projet de loi C-65.


Le 18 novembre 2024

PAR COURRIEL

Monsieur Ben Carr, député
Président, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre
131, rue Queen, 6e étage
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6

Monsieur le Président,

Permettez-moi de vous présenter mon point de vue concernant les répercussions sur la protection des renseignements personnels du projet de loi C-65, Loi sur la participation électorale. Dans sa version actuelle, le projet de loi introduit de nouveaux éléments aux obligations existantes en matière de protection des renseignements personnels pour les partis politiques fédéraux. Par exemple, entre autres ajouts, il prévoit que le directeur général des élections serait tenu d’établir (au moment de l’enregistrement) si les politiques sur la protection des renseignements personnels des partis respectent toutes les exigences énumérées au paragraphe 444.4(1).

Le projet de loi C-65 exige également que le parti enregistré ou le parti admissible de même que toute personne ou entité agissant en son nom se conforment à la politique sur la protection des renseignements personnels du parti (paragraphe 444.3(1)). De plus, selon ce projet de loi, le directeur général des élections doit tenir au moins une réunion par année portant sur la protection des renseignements personnels par les partis enregistrés et les partis admissibles (article 444.5). Le projet de loi prévoit également qu’une personne qui ne se conforme pas à la politique commet une infraction (article 444.3(2)). Je me réjouis de ces ajouts au régime existant et je suis convaincu que les nouvelles dispositions relatives à l’enregistrement, à la conformité à la politique ainsi qu’à la formation peuvent contribuer à renforcer la protection des renseignements personnels.

Résumé des enjeux relatifs à la protection des renseignements personnels

Cela dit, je suis d’avis que le projet de loi pourrait être davantage renforcé afin de mieux protéger les renseignements personnels des électeurs.  

En résumé, contrairement aux dispositions et principes fondamentaux qui sous-tendent la Loi sur la protection des renseignements personnels ou la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) du gouvernement fédéral, les règles proposées pour les partis politiques ne prévoiraient pas d’exigences législatives imposant aux partis de faire ce qui suit :

  • obtenir le consentement individuel;
  • limiter la collecte de renseignements personnels;
  • limiter l’utilisation et la communication de renseignements personnels aux fins auxquelles ces renseignements ont été recueillis;
  • fournir aux particuliers des moyens de demander l’accès à leurs renseignements;
  • accorder aux particuliers le droit de demander la correction de leurs renseignements.

Au Canada et à l’étranger, les éléments fondamentaux que l’on retrouve dans les lois sur la protection des données, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, sont la limitation de la collecte, de l’utilisation et de la communication, l’assurance de l’exactitude, l’accès et l’obtention du consentement.

Recommandation 1 : Le Comité devrait modifier le projet de loi C-65 afin de prévoir l’obligation pour les partis politiques d’obtenir le consentement (sous réserve de l’autorisation expresse de la loi), de limiter la collecte, l’utilisation et la communication et de fournir un mécanisme d’accès et de correction dans le cadre du traitement des renseignements personnels.

Déclaration d’atteinte à la vie privée

La déclaration des incidents est également un aspect important de la protection des renseignements personnels, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Bien que l’obligation proposée dans le projet de loi C-65 (paragraphes 444.4(1) à (3)) selon laquelle les partis politiques doivent aviser les personnes concernées des atteintes dans des circonstances précises soit un élément positif, l’obligation de signaler également les atteintes à un organisme de réglementation indépendant donnerait l’assurance à la population canadienne que les incidents concernant leurs renseignements personnels sont gérés de façon appropriée. La déclaration proactive des atteintes fournit des renseignements essentiels aux autorités de réglementation et aux personnes concernées lorsque des renseignements sensibles sont à risque. À titre de référence, les dispositions actuelles de la LPRPDE relatives aux atteintes se trouvent aux paragraphes 10.1(1) et suivants.

Recommandation 2 : Le Comité devrait modifier le projet de loi C-65 afin d’élargir les dispositions relatives aux avis d’atteinte à la vie privée énoncées aux paragraphes 444.4(1) à (3) pour inclure le signalement à un organisme pertinent et indépendant comme le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Élections Canada ou le Bureau de la commissaire aux élections fédérales.

Amélioration de la surveillance

Une surveillance et une réparation appropriées sont des éléments essentiels pour améliorer la protection des données et assurer une réglementation claire et cohérente dans ce domaine. Par expérience, je sais qu’une collaboration interinstitutions améliore le travail des organismes de réglementation et permet de clarifier des questions complexes qui touchent différents secteurs et diverses juridictions.

À titre de précédent pour cette approche, des dispositions ont été introduites en 2019 pour permettre au Commissaire à la protection de la vie privée du Canada de collaborer avec l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (conformément au paragraphe 37(5) de la Loi sur la protection des renseignements personnels).

De même, les modifications proposées au projet de loi C-27 (Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique) permettraient au Commissariat de travailler avec le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et le Bureau de la concurrence (conformément à l’article 118 de la nouvelle Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs). L’inclusion d’une disposition similaire dans le contexte du projet de loi C-65 permettrait au Commissariat d’interagir avec le Bureau de la commissaire aux élections fédérales dans le cadre d’enquêtes, s’il y a lieu. À titre de référence, l’article 509.21 de la Loi électorale du Canada permet actuellement à la commissaire aux élections fédérales de consulter le directeur général des élections si elle l’estime indiqué.

Recommandation 3 : Le Comité devrait modifier le projet de loi C-65 afin de permettre une collaboration officielle entre le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Élections Canada et le Bureau de la commissaire aux élections fédérales.

Conclusion

En résumé, les partis politiques recueillent et utilisent des quantités considérables de renseignements personnels sensibles dans le cadre de leurs activités. Dans ce contexte, la réglementation des partis politiques devrait faire en sorte d’optimiser la participation des électeurs tout en protégeant le droit fondamental à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. J’espère que les options présentées seront utiles à cet égard.

Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de présenter au Comité mon point de vue sur cet important projet de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes meilleurs sentiments.

Le Commissaire,

(Document original signé par)

Philippe Dufresne

c. c. : Christine Holke, greffière

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