Comparution devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones
Le 27 février 2024
Ottawa (Ontario)
Déclaration de Philippe Dufresne
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(Le texte prononcé fait foi.)
Monsieur le Président et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître dans le cadre de votre étude sur les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Avant de commencer, je tiens à prendre un moment pour reconnaître que les terres sur lesquelles nous sommes réunis aujourd’hui font partie du territoire traditionnel non cédé de la Nation algonquine Anishinaabe.
Permettez-moi d’abord de vous parler de mon rôle.
Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a le mandat de veiller au respect de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui s’applique aux institutions fédérales, et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (ou LPRPDE), qui est la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé au Canada.
La Loi sur la protection des renseignements personnels énonce les cas dans lesquels des renseignements personnels peuvent être communiqués et à qui ils peuvent l’être.
En général, les institutions fédérales ne peuvent communiquer des renseignements personnels qu’avec le consentement de l’individu concerné. Toutefois, le paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels précise dans quels cas les organismes publics fédéraux peuvent communiquer des renseignements personnels sans le consentement de l’individu qu’ils concernent.
Plusieurs dispositions sont probablement pertinentes pour la communication de renseignements personnels concernant les peuples autochtones, notamment l’alinéa 8(2)k), qui autorise les organismes publics fédéraux à communiquer des renseignements personnels à des fins précises à des entités telles que les gouvernements autochtones, les associations d’autochtones ou les bandes d’Indiens, en vue de l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs.
L’alinéa 8(2)f) autorise une institution fédérale à communiquer des renseignements personnels à des entités précises en vue de l’application des lois ou pour la tenue d’enquêtes licites, à condition qu’il y ait un accord ou une entente en place. Les entités gouvernantes de plusieurs Premières Nations sont définies comme des destinataires potentiels au titre de cette disposition.
D’autres dispositions sont de nature plus large, comme l’alinéa 8(2)j), qui autorise la communication à toute personne ou à tout organisme, pour des travaux de recherche ou de statistique, dans certains cas, ainsi que l’alinéa 8(2)m), qui autorise la communication à toute autre fin dans les cas où, de l’avis du responsable de l’institution, des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée ou l’individu concerné en tirerait un avantage certain.
La Loi sur la protection des renseignements personnels autorise aussi la communication des renseignements personnels d’un individu décédé depuis plus de 20 ans.
En ce qui concerne les documents sur les pensionnats, je tiens à préciser qu’en janvier 2022, le Commissariat a reçu un avis indiquant qu’une communication au titre de l’alinéa 8(2)m) devait être faite par Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) au Centre national pour la vérité et réconciliation (CNVR). Dans ce cas, le Commissariat était convaincu que le ministère avait soigneusement soupesé les facteurs et que l’analyse de la justification que celui‑ci avait faite était complète et rigoureuse.
Je vais maintenant conclure en vous faisant part de quelques observations sur la nécessité de moderniser nos lois en matière de protection des renseignements personnels.
Faisant ressortir le caractère unique des intérêts des Autochtones en ce qui a trait aux renseignements personnels, le ministère de la Justice fédéral a établi un dialogue avec les gouvernements et les organisations pouvant présenter les perspectives des Premières Nations, des Inuits et des Métis sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Dans son Rapport sur la mobilisation des partenaires autochtones publié récemment, qui fait état des observations formulées, le ministère de la Justice souligne que les partenaires autochtones ont fait valoir que les dispositions de communication et les définitions connexes dans la Loi sur la protection des renseignements personnels devraient être élargies. Selon eux, la Loi devrait tenir compte de la diversité des gouvernements autochtones au Canada et des différents régimes juridiques dans lesquels ils s’inscrivent.
Les partenaires autochtones ont aussi fait valoir la nécessité d’assurer la souveraineté des Autochtones sur leurs données. Cela exigerait que les peuples autochtones prennent directement part au processus de décision concernant l’utilisation et la communication de leurs renseignements.
Je trouve encourageantes les activités de mobilisation que le ministère a menées jusqu’à présent auprès des peuples autochtones. Par ailleurs, j’appuie pleinement l’engagement du ministère à poursuivre la mobilisation en ce qui concerne d’éventuelles modifications à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les questions qui touchent les peuples autochtones devront être examinées de près lorsque le gouvernement fédéral procédera à la modernisation tant attendue de la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur public.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
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