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Comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet de l’étude sur le projet de loi S-231, la Loi favorisant l’identification de criminels par l’ADN

Le 29 novembre 2023

Ottawa (Ontario)

Déclaration de Gregory Smolynec
Sous-commissaire, Secteur des politiques et de la promotion (Commissariat à la protection de la vie privée du Canada)

(Le texte prononcé fait foi)


Monsieur le Président et distingués membres du Comité, je tiens d’abord à vous remercier de m’avoir invité à prendre la parole au sujet de ce projet de loi.

L’ADN est un renseignement personnel très sensible. Si les profils d’identification génétique peuvent permettre de poursuivre les auteurs de crimes violents, de résoudre des affaires non résolues depuis longtemps et d’aider les victimes et leur famille à tourner la page, la collecte et la conservation de ces profils doivent tenir compte du droit universel à la vie privée.

La Banque nationale de données génétiques joue un rôle précieux au chapitre de l’application de la loi. Depuis la création de celle-ci, c’est le Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques qui conseille la GRC sur le fonctionnement de la banque de données. Le Comité consultatif est formé de représentants du Commissariat, ainsi que de représentants des milieux policiers, juridiques, scientifiques et universitaires.

Lorsque le Comité consultatif a examiné une version préliminaire du projet de loi S-231, il a soulevé un certain nombre de préoccupations. J’en parlerai de manière plus approfondie au cours de la séance.

Le Commissariat est particulièrement préoccupé par l’élargissement des circonstances dans lesquelles des échantillons d’ADN pourraient être prélevés si le projet de loi reçoit la sanction royale.

Selon le libellé actuel du projet de loi, presque toutes les infractions prévues au Code criminel, y compris les infractions non violentes, donneraient lieu à un prélèvement d’échantillons d’ADN sur les individus. Il s’agit là d’un changement important par rapport au modèle mis en place en 1998.

Selon la version originale de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, les échantillons d’ADN n’étaient prélevés que pour les crimes les plus graves. Cette approche respecte davantage l’esprit de la loi, qui comprend une section sur les principes qui reconnaissent explicitement le rôle de la protection de la vie privée et la nécessité de mettre en place des mesures de protection rigoureuses pour protéger les renseignements personnels.

Tout élargissement des circonstances dans lesquelles des échantillons d’ADN pourraient être prélevés et des profils d’identification génétique pourraient être utilisés doit être considéré comme étant nécessaire, proportionnel, susceptible d’être efficace et d’avoir des conséquences minimes sur la vie privée.

Nous n’avons pas encore d’éléments probants qui nous permettraient d’établir que les avantages de l’élargissement proposé relativement aux circonstances dans lesquelles des échantillons d’ADN pourraient être prélevés – en particulier sur des condamnés qui ont commis des crimes non violents et moins graves – seraient proportionnels à la perte du droit à la vie privée.

Nous avons aussi soulevé des préoccupations concernant les nouvelles utilisations possibles des profils d’identification génétique dans le projet de loi S-231, en particulier pour la recherche de liens de parenté.

Essentiellement, les modifications proposées permettraient aux services de police d’utiliser des échantillons d’ADN pour établir des correspondances proches ou partielles dans des bases de données génétiques, plutôt que d’établir des correspondances un à un. L’objectif est de permettre aux services de police de trouver des membres de la famille des suspects grâce à des marqueurs héréditaires, afin de réduire la liste des suspects ou de lancer de nouvelles pistes d’enquête qui n’ont pas encore été envisagées.

Sur le plan de la protection de la vie privée, la recherche de liens de parenté est problématique, car elle transforme des personnes en suspects potentiels non pas en raison de ce qu’elles ont fait, mais simplement en raison de leurs liens biologiques.

Le fait de ne plus recourir aux correspondances un à un de cette manière est aussi une source de préoccupations pour les groupes vulnérables, comme les jeunes, ainsi que pour les communautés qui sont déjà surreprésentées dans les prisons et dans les bases de données des organismes chargés du contrôle d’application de la loi, comme les minorités visibles et les Autochtones.

En raison de l’élargissement proposé en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles il serait permis de prélever et d’utiliser des échantillons biologiques, nous nous attendons à ce que des mesures de protection plus rigoureuses en matière de responsabilité soient mises en place, comme l’obligation de procéder à un examen continu.

Pour terminer, nous avons des préoccupations concernant la transparence. Le projet de loi élimine l’obligation actuelle qu’ont les agents de la paix de déposer un rapport lorsqu’ils effectuent le prélèvement d’un échantillon d’ADN.

Ces préoccupations ont trait à la surveillance et à la responsabilité, 2 principes clés d’une protection rigoureuse de la vie privée.

Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé. Je serais heureux d’apporter des précisions sur l’une ou l’autre de mes observations et je répondrai volontiers à vos questions.

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