Comparution devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique au sujet de son étude sur l’utilisation des plateformes de médias sociaux pour la collecte de données et le partage non éthique ou illicite de renseignements personnels avec des entités étrangères
Le 25 octobre 2023
Ottawa (Ontario)
Déclaration de Philippe Dufresne
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(Le texte prononcé fait foi.)
Merci Monsieur le Président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je suis heureux maintenant d’aborder cette partie de la discussion, et je remercie le Comité de son intérêt envers la façon dont les plateformes de médias sociaux, comme TikTok, recueillent, traitent et communiquent les renseignements personnels.
Le monde en ligne offre de nombreuses possibilités d’innovation et de connexion, mais il comporte aussi un risque de préjudice grave, particulièrement pour les jeunes.
Comme vous le savez, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, de concert avec ses homologues du Québec, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta, a ouvert une enquête sur TikTok en février dernier.
Nous établirons si les pratiques de TikTok sont conformes aux lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels et, plus précisément, si TikTok a obtenu un consentement éclairé pour la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels. Nous examinons également si une personne raisonnable estimerait que les fins pour lesquelles l’entreprise traite les renseignements personnels, en particulier les renseignements des enfants, sont appropriées dans les circonstances.
Il s’agit d’une grande priorité pour le Commissariat, particulièrement en raison de l’importance de protéger le droit fondamental à la vie privée des jeunes, qui représentent une part importante des utilisateurs de TikTok. En raison du fait que cette enquête est en cours, ma capacité à parler publiquement des pratiques de l’entreprise est limitée pour le moment.
C’est pourquoi mes propos d’aujourd’hui porteront principalement sur les principes de protection de la vie privée qui sous-tendent l’approche du Commissariat à l’égard du monde numérique, du point de vue du droit à la vie privée des enfants.
Grandir à l’ère numérique présente de nouveaux défis importants pour la vie privée des jeunes. Alors que les enfants et les jeunes adoptent de nouvelles technologies et vivent une grande partie de leur vie en ligne, nous avons besoin de solides mesures pour protéger leurs renseignements personnels et encadrer la façon dont ces renseignements pourraient être recueillis, utilisés et communiqués. Les renseignements personnels des enfants et des jeunes sont de plus en plus utilisés afin de créer du contenu personnalisé et des profils de publicité visant à influencer leurs comportements.
Les enfants ont le droit d’être des enfants, même dans le monde numérique.
Comme l’indique l’UNICEF dans ses Orientations stratégiques sur l’IA destinée aux enfants, les jeunes sont davantage touchés par les technologies numériques que les adultes. Les jeunes sont aussi moins à même de comprendre et de réaliser les conséquences à long terme d’un consentement à la collecte de leurs données.
Les lois sur la protection des renseignements personnels devraient reconnaître les droits de l’enfant, et le droit d’être un enfant. Cela signifie qu’il faut interpréter les dispositions des lois relatives à la protection des renseignements personnels d’une manière qui est cohérente avec l’intérêt supérieur de l’enfant.
Je trouve encourageantes les déclarations du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. Selon ses indications, des intervenants souhaitent voir la protection de la vie privée des enfants être renforcée dans le projet de loi C-27, la Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique.
Le Commissariat a recommandé qu’il soit reconnu dans le préambule que le traitement des données personnelles doit protéger la vie privée des enfants et l’intérêt supérieur de l’enfant. Je crois que la mise à jour du préambule d’une telle manière encouragerait les organisations à intégrer la protection des renseignements personnels des enfants dans leurs produits et services dès la conception et par défaut.
La loi doit prévoir des mesures de protection solides en vue de protéger les renseignements personnels des enfants contre tout accès non autorisé, et prendre davantage en compte la pertinence de la collecte, de l’utilisation et de la communication de ces renseignements.
Au début du mois, mes collègues provinciaux et territoriaux et moi-même avons adopté une résolution dans laquelle nous avons demandé aux organisations des secteurs privé et public de mettre de l’avant l’intérêt supérieur des jeunes, notamment en :
- fournissant des outils de protection de la vie privée et des mécanismes de consentement adaptés aux jeunes et au degré de maturité de ceux‑ci;
- rejetant les pratiques trompeuses qui influencent négativement les décisions des jeunes en matière de vie privée ou les poussent à adopter des comportements préjudiciables;
- permettant la suppression et la désindexation des données recueillies lorsque les utilisateurs étaient enfants. J’ai été heureux de constater que cette disposition figurait dans le projet de loi C-27.
En terminant, il est essentiel que les gouvernements et les organisations prennent des mesures afin de s’assurer que les enfants puissent bénéficier de la technologie et être actifs en ligne sans crainte d’être ciblés, manipulés ou encore de subir un préjudice.
J’espère que les conclusions de notre enquête sur TikTok seront utiles non seulement pour cette entreprise, mais aussi pour d’autres organisations qui recueillent et traitent des renseignements personnels sensibles concernant des enfants.
J’ai aussi hâte de voir le projet de loi C‑27 progresser dans le processus législatif de manière à offrir aux enfants et aux mineurs les mesures de protection de la vie privée dont ils ont besoin dans ce monde de plus en plus numérique.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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