Lettre au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au sujet de la partie 8 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation
PAR COURRIEL
Le 12 mai 2022
L’honorable sénatrice Ratna Omidvar,
Présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie
Sénat du Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0A4
Madame la Sénatrice,
Je vous remercie de votre invitation à commenter la partie 8 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation. Je comprends l’objectif du gouvernement de faciliter la communication de renseignements personnels en matière d’immigration, de réfugié et de citoyenneté, mais j’estime que ces pouvoirs de communication doivent être accompagnés de mesures de protection, dont plusieurs se retrouvent déjà dans ces nouvelles dispositions.
Selon mon interprétation, la partie 8 du projet de loi S-6 introduit deux articles visant à faciliter la communication de renseignements personnels dans le domaine de l’immigration, des réfugiés et de la citoyenneté. L’article 159 du projet de loi modifie la Loi sur le ministère de l’Immigration et de la Citoyenneté afin de permettre la communication de certains renseignements personnels relevant d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada à tout ministère, tout organisme fédéral ou provincial ou toute société d’État, sous réserve de règlements à venir. Je comprends que cet amendement permettra à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, dans l’administration ou l’application d’une loi ou de l’exercice de ses pouvoirs ou fonctions légales, de communiquer des renseignements concernant l’identité et le statut d’une personne ainsi que le contenu ou le statut d’un document délivré à cette personne par le ministre. L’article 160 du projet de loi ajoute un alinéa au paragraphe 150.1(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui permet la prise de règlements à des fins de partage d’information. Un tel règlement permettrait au gouvernement fédéral et à ses agences de partager de l’information à des fins de coopération.
La règle générale veut que l’on obtienne le consentement de la personne concernée en vue de la divulgation de ses renseignements en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais l’article 8 de la Loi précise certaines exemptions particulières qui permettent la divulgation sans consentement, notamment à une fin conforme à une loi ou à un règlement adopté par le Parlement.Note de bas de page 1 Mon Commissariat milite depuis longtemps pour que certaines communications de renseignements personnels en vertu de l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels soient assujetties à des ententes écrites de communication de renseignements personnels. Comme nous l’indiquons dans une lettre sur la réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels présentée au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique en 2016, nous recommandons que ces accords écrits comprennent des éléments bien précis tels qu’une définition des éléments particuliers des renseignements personnels qui seront communiqués et des fins particulières visées par la communication.Note de bas de page 2 Nous recommandons également que ces accords limitent les utilisations secondaires et tout transfert ultérieur, et énoncent les autres mesures qui doivent être prescrites par la réglementation, par exemple des mesures de sécurité, des périodes de conservation et des mesures de reddition de comptes précises.
À nos yeux, les ententes de communication d’information jouent un rôle de premier plan à l’appui de l’échange de renseignements personnels. Des ententes bien conçues aident à clarifier les droits et les obligations des parties, à préciser les questions ayant trait à la garde et au contrôle et à établir des protocoles pour réagir en cas de problème ou d’incident. Elles permettent aussi de sensibiliser les fonctionnaires fédéraux ayant des responsabilités en matière de communication d’information et de les orienter. Plus important encore, les ententes de communication d’information aident à s’assurer que les institutions qui communiquent ou reçoivent l’information se conforment aux exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
En phase avec les recommandations formulées par mon Commissariat, le ministère de la Justice, dans ses récentes suggestions sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnelsNote de bas de page 3, a suggéré que la communication de renseignements personnels sous le régime de l’alinéa 8(2)f) soit assujettie à des accords et ententes écrites avec des exigences précises concernant les types de clauses que ces accords ou ententes devraient contenir au minimum. Bien que nous croyons que la réforme des lois sur la protection des renseignements personnels demeure une priorité pour le gouvernement actuel, de tels accords écrits ne sont présentement pas requis par la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Je constate que la partie 8 du projet de loi S-6 incorpore déjà plusieurs mesures recommandées par mon Commissariat en matière de communication des renseignements personnels. Cela inclut d’identifier les fins autorisées pour la communication de renseignements personnels, de définir les éléments particuliers des renseignements personnels qui seront communiqués, et d’énoncer les autres mesures qui doivent être prescrites par la réglementation, par exemple de plus amples conditions ou limites à la communication de renseignement et la spécification des fins de cette communication. Néanmoins, nous recommandons d’envisager d’incorporer une exigence voulant que la communication de renseignements en vertu des articles 159 et 160 du projet de loi S-6 fasse l’objet d’une entente écrite. En outre, des mesures visant à limiter les utilisations secondaires et tout transfert ultérieur seraient souhaitables.
En terminant, il est important de réitérer qu’il devrait être possible d’améliorer l’efficience réglementaire sans empiéter indûment sur le droit à la vie privée. Je vous remercie de cette opportunité d’exprimer mes commentaires sur ces mesures législatives.
Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments distingués.
Le commissaire,
(Document original signé par)
Daniel Therrien
c.c.: Ericka Dupont
Greffière
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