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Comparution devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications sur le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (Loi sur la diffusion continue en ligne)

Le 14 septembre 2022

Ottawa (Ontario)

Déclaration de Philippe Dufresne
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(Le texte prononcé fait foi.)


Monsieur le Président, Membres du Comité, bonjour.

Avant de commencer et au nom de mon bureau, j’aimerais offrir nos condoléances à l’occasion du décès de Sa Majesté la Reine Élisabeth II.

Merci de votre invitation.

Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour aider le Comité dans son étude du projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne. Je suis accompagné de mon collègue Brent Homan, sous-commissaire du Secteur de la conformité.

Comme vous le savez, en tant que commissaire à la protection de la vie privée du Canada, je suis responsable de la protection et de la promotion du droit à la vie privée des Canadiens dans les secteurs public et privé. Pour ce faire, le Commissariat fait enquête sur les plaintes, fournit des conseils aux institutions fédérales et aux organisations du secteur privé, publie des rapports sur la conformité aux lois sur la protection des renseignements personnels et sensibilise la population aux enjeux touchant la protection de la vie privée.

Lorsque j’ai comparu devant le Sénat en juin pour discuter de ma candidature proposée au poste de commissaire à la protection de la vie privée, j’ai indiqué que ma vision comporterait les trois éléments suivants :

  1. la protection de la vie privée en tant que droit fondamental;
  2. la protection de la vie privée à l’appui de l’intérêt public;
  3. la protection de la vie privée comme un moyen pour accentuer la confiance des Canadiens envers leurs institutions et en tant que citoyens de la société numérique.

C’est sur ces principes que s’appuieront mes observations sur le projet de loi C-11, lequel modifierait la Loi sur la radiodiffusion de façon à ajouter les entreprises en ligne à son champ d’application et à modifier le mandat et les pouvoirs du CRTC dans ce contexte.

Le projet de loi conférerait au CRTC le pouvoir d’imposer des conditions concernant la découvrabilité des émissions canadiennes et des services de programmation canadiens.

Bien que, à cet égard, le projet de loi n’autorise pas le CRTC à exiger l’utilisation d’un algorithme informatique ou d’un code source particulier, il reste néanmoins que pour remplir les conditions de découvrabilité, il pourrait potentiellement être requis d’adapter des algorithmes existants qui se fondent sur des renseignements personnels, ou sur l’analyse de renseignements personnels, afin d’établir si le contenu généré par l’utilisateur est canadien. Les répercussions potentielles sur la vie privée dépendraient alors des circonstances de chaque situation, ainsi que de la manière dont ces pouvoirs sont exercés par le CRTC et de la manière dont les entités réglementées répondent aux nouvelles obligations dans leur collecte et leur analyse des renseignements personnels.

Dans ce contexte, il sera important de pleinement évaluer et atténuer ces répercussions avant l’imposition de ces conditions par le CRTC.

Soulignons que le projet de loi comprend une exigence selon laquelle les exploitants d’entreprises de radiodiffusion et autres intéressés se verront accorder la possibilité de présenter au CRTC leurs observations à l’égard de tout projet d’ordonnance. Le Commissariat voudra s’en prévaloir dans les situations qui s’y prêtent, et demeurera à la disposition des entreprises et du CRTC pour offrir son expertise réglementaire sur des questions concernant la protection de la vie privée dans ce contexte.

Par ailleurs, bien que le projet de loi accorderait au CRTC le pouvoir d’exiger des diffuseurs de fournir des renseignements relatifs à la mesure de l’audience, il y est précisé que les renseignements qui permettraient d’identifier un individu faisant partie de cette audience en seraient exclus. Ici aussi, dans la mise en œuvre du projet de loi, il sera essentiel de s’assurer que les renseignements exigés sont dépersonnalisés ou anonymisés. Le Commissariat est prêt à fournir des conseils et l’orientation nécessaires à ce sujet.

Compte tenu de ce qui précède et de l’importance fondamentale de la protection de la vie privée, le Comité pourrait envisager une modification à l’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, afin d’y ajouter la protection de la vie privée des personnes en tant qu’objectif de la politique à cet égard dans la Loi. Cette approche serait similaire à celle adoptée dans la Loi sur les télécommunications. Elle permettrait de s’assurer que la protection de la vie privée est pleinement prise en compte dans l’interprétation et l’application du projet de loi, tant par le CRTC que par les entités réglementées et les tribunaux.

Je tiens aussi à attirer l’attention du Comité sur la Loi sur les services numériques de l’Union européenne. Cette loi, qui a été adoptée en juillet dernier et qui entrera en vigueur en 2024, exigera que les principales plateformes en ligne offrent aux individus la possibilité de désactiver les recommandations fondées sur le profilage individuel. Une fois en vigueur, elle offrira un autre moyen de réduire la collecte et l’utilisation potentielles de renseignements personnels.

Finalement, je tiens à présenter de nouveau ma recommandation au sujet des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée : la réalisation de ces évaluations en temps opportun par les institutions publiques devrait être une obligation juridique dans la version modernisée de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

J’espère que ces observations seront utiles aux membres du Comité. Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.

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