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Comparution devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pour discuter de l’étude du projet de loi C-76, Loi sur la modernisation des élections

Le 5 juin 2018
Ottawa (Ontario)

Déclaration de Daniel Therrien,
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(Le texte prononcé fait foi)


Introduction

Bonjour,

J’aimerais remercier les membres du Comité de m’avoir invité à discuter aujourd’hui de l’incidence du projet de loi C-76, Loi sur la modernisation des élections, sur la protection de la vie privée.

Vous savez qu’à l’échelle internationale, les citoyens ont exprimé leurs préoccupations quant à la façon dont leurs renseignements personnels sont recueillis sur les plateformes en ligne et utilisés dans le processus politique.

Les allégations au sujet d’une utilisation non autorisée des renseignements personnels de 87 millions d’utilisateurs Facebook sonnent l’alarme d’une crise en développement pour le droit à la vie privée.

Non seulement la confiance des consommateurs a été mise à mal, mais aussi celle des citoyens à l’égard des processus démocratiques.

Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays

Comme vous le savez, aucune loi fédérale sur la protection de la vie privée ne s’applique aux partis politiques. La Colombie-Britannique est la seule province qui possède une législation en la matière.

La situation est différente dans de nombreux autres pays. Dans la plupart des régions du monde, les lois prévoient que les partis politiques sont assujettis à la législation sur la protection des renseignements personnels.

Cela comprend des pays comme ceux de l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l’Argentine et Hong Kong, par exemple. Le Canada devient l’exception.

En quoi les normes établies par le projet de loi C-76 sont-elles insuffisantes

Nous avons récemment étudié les politiques sur la protection de la vie privée des partis politiques. Bien que ces politiques aient quelques caractéristiques positives (par exemple, elles prévoient toutes la possibilité pour les personnes de mettre à jour leurs renseignements personnels ou de corriger des détails désuets), elles sont toutes loin de satisfaire aux principes relatifs à la protection des renseignements personnels reconnus mondialement.

De même, les normes suggérées au projet de loi C-76, à l’article 254 (page 150) sont nettement insuffisantes. En fait, le projet de loi C-76 ne prescrit aucune norme.

Il ne fait qu’indiquer que les partis doivent mettre en place des politiques sur un certain nombre de questions, laissant le soin aux partis de définir les normes qu’ils souhaitent appliquer. Sur le plan de la protection de la vie privée, le projet de loi C-76 n’ajoute rien.

Par exemple, le projet de loi n’oblige pas les partis à :

  • obtenir le consentement des personnes;
  • limiter la collecte de renseignements personnels à ceux qui sont requis;
  • limiter la communication de renseignements à d’autres parties;
  • fournir aux personnes un accès à leurs renseignements personnels;
  • faire l’objet d’une surveillance indépendante en matière de protection de la vie privée.

Par comparaison, en Colombie-Britannique, les partis doivent appliquer tous les principes généralement applicables en matière de protection de la vie privée. Le consentement s’applique, mais il est assujetti à d’autres lois, de sorte que ce consentement n’est pas requis pour la transmission des listes d’électeurs en vertu des lois électorales.

Comment le processus politique s’en tire-t-il ailleurs en ce qui concerne la protection de la vie privée

J’ai constaté que l’idée d’assujettir les partis politiques à des lois relatives à la protection de la vie privée est bien accueillie, notamment des politiciens fédéraux.

Toutefois, le gouvernement semble penser que les partis politiques ne sont pas dans la même situation que les entreprises privées à cet égard.

Par exemple, les ministres semblent craindre que l’application de lois relatives à la vie privée nuise aux communications entre les partis et les électeurs.

J’aimerais souligner toutefois qu'en Europe, les partis politiques sont soumis à des lois sur la protection de la vie privée depuis plus de 20 ans, et je comprends que ces protections font maintenant partie de la culture électorale dans cette région du monde.

Ce que l’on sait, c’est que la démocratie semble toujours florissante dans les pays où les partis doivent se soumettre aux lois relatives au respect de la vie privée.

Les partis politiques, leur rôle et la confiance des citoyens

Il importe peu d’identifier la loi précise où trouver les règles en matière de protection de la vie privée. Ce pourrait être dans la Loi électorale, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou une autre loi.

Ce qui importe, c’est que des principes de protection de la vie privée reconnus à l’échelle internationale (non pas des politiques définies par des partis) soient intégrés dans la législation nationale, et qu’un tiers indépendant, possiblement le Commissariat, puisqu’il possède l’expertise nécessaire, ait l’autorité de vérifier la conformité.

Une surveillance indépendante est nécessaire pour veiller à ce que les politiques ou les principes relatifs à la vie privée ne soient pas seulement des promesses creuses, mais des mesures de protection bien réelles et concrètement appliquées.

Nous avons élaboré avec Élections Canada des amendements qui permettraient d’atteindre ces buts et que nous vous faisons parvenir aujourd’hui. Si vous le voulez, je pourrai vous les expliquer lors de la période de questions.

Conclusion

Pour conclure, l’intégrité de nos processus démocratiques fait clairement face à des risques importants.

À mon avis, il faut agir maintenant.

De nouveau, je vous remercie. C’est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.


Amendements recommandés au projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à d'autres textes législatifs

L’article 2 est modifié par adjonction, après le paragraphe (7), de ce qui suit :

(7.1) Le paragraphe 2(1) de la même loi est modifié par adjonction, selon l’ordre alphabétique, de ce qui suit :

« commissaire à la protection de la vie privée » Commissaire à la protection de la vie privée nommé en vertu de l’article 53 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

« politique sur la protection des renseignements personnels » Politique qui respecte les principes énoncés dans la norme nationale du Canada intitulée Code type sur la protection des renseignements personnels, CAN/CSA-Q830-96 figurant à l’annexe 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Le paragraphe 254(1) est remplacé par ce qui suit :

254(1) Le paragraphe 385(2) de la même loi est modifié par adjonction, après l’alinéa j), de ce qui suit :

k) la politique sur la protection des renseignements personnels du parti;

l) l’adresse de la page—accessible au public—se trouvant sur le site Internet du parti où sa politique sur la protection des renseignements personnels est publiée au titre du paragraphe (4).

L’article suivant est ajouté après l’article 258 :

258.1. La même loi est modifiée par adjonction, après l’article 407, de ce qui suit :

407.1 (1) Un parti enregistré doit respecter sa politique sur la protection des renseignements personnels visée à l’alinéa 385(2)k).

(2) Un parti enregistré ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

(3) Tout intéressé peut déposer auprès du commissaire à la protection de la vie privée une plainte écrite contre un parti enregistré qui contrevient aux paragraphes (1) ou (2).

(4) Le commissaire à la protection de la vie privée peut lui-même prendre l’initiative d’une plainte s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une enquête devrait être menée sur une question relative à l’application des paragraphes (1) ou (2).

(5) Le commissaire à la protection de la vie privée peut, sur préavis suffisant et à toute heure convenable, procéder à la vérification des pratiques d’un parti enregistré en matière de gestion des renseignements personnels s’il a des motifs raisonnables de croire que celui-ci a contrevenu à l’un des paragraphes (1) ou (2).

(6) Aux fins du présent article, les sections 1.1 à 4 de la partie 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, et les règlements pris relativement à ces sections, s’appliquent, avec les adaptations nécessaires.

(7) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, il appartient exclusivement au commissaire à la protection de la vie privée de mener des enquêtes sur les plaintes à l’égard de contraventions aux paragraphes (1) ou (2) et de procéder à la vérification des pratiques d’un parti enregistré en matière de gestion des renseignements personnels.

L’article 350 est remplacé par ce qui suit :

350. La même loi est modifiée par adjonction, après l’article 508, de ce qui suit :

Violations

Violation

508.‍1 Toute contravention aux articles 281.‍3, 281.‍4 ou 281.‍5 ou à une disposition des parties 16, 17 ou 18, à l’exception de l’article 407.1—ou toute omission de se conformer à un ordre du directeur général des élections donné au titre des parties 16, 17 ou 18, à une disposition d’une transaction ou à une disposition d’un engagement accepté par le commissaire constitue une violation pour laquelle l’auteur—personne ou entité—s’expose à une sanction administrative pécuniaire d’un montant fixé conformément aux dispositions de la présente loi.

[Le reste du libellé de l’article 350 demeure inchangé.]

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