Comparution devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique pour discuter du projet de position du Commissariat sur la réputation en ligne
Le 1er février 2018
Ottawa (Ontario)
Déclaration de Daniel Therrien,
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
(Le texte prononcé fait foi)
Mesdames et messieurs, membres du comité, je n'ai pas de déclaration formelle à faire, mais j'ai quelques remarques qui pourraient situer le débat. J'espère que ce sera utile.
La semaine dernière, le Commissariat a publié un projet d’énoncé de position sur la question de la réputation en ligne. Évidemment, la première question que l’on pourrait se poser, c’est pourquoi? Quelle en est la pertinence? Les Canadiennes et Canadiens nous ont fait savoir qu’ils sont préoccupés par les risques croissants liés à leur réputation en ligne. Nous voulons leur donner davantage de moyens de se protéger contre ces risques d’atteinte à la réputation.
Ces risques existent parce qu’il est de plus en plus difficile de protéger sa réputation à l’ère numérique. Les renseignements à notre sujet font l’objet d’un référencement systématique et sont faciles à consulter et à transmettre à autrui. L’information en ligne à notre sujet est simple à altérer ou à citer hors contexte. Elle est souvent extrêmement difficile à effacer.
Notre rapport présente plusieurs recommandations ou décisions importantes.
Premièrement, le rapport souligne que la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) doit être interprétée comme conférant le droit de demander aux moteurs de recherche de déréférencer des pages Web contenant des renseignements inexacts, incomplets ou désuets. Nous estimons que cela se justifie au regard du libellé actuel de la LPRPDE.
Deuxièmement, le rapport spécifie que, dans certaines situations, l’information doit être supprimée ou modifiée à la source.
Troisièmement, et par-dessus tout, nous prônons des actions de sensibilisation beaucoup plus vigoureuses sur cette question, actions auxquelles nous sommes à même de participer en vertu de notre mandat de sensibilisation du public. Sur cette question en particulier, nous croyons qu’il serait important pour les gouvernements provinciaux et territoriaux de donner suite à notre recommandation préconisant de faire de la protection de la vie privée un sujet à aborder dans les écoles de sorte que les enfants apprennent dès leur plus jeune âge 1) à se protéger eux-mêmes, et 2) à agir de façon responsable en tant que citoyens en ligne.
À mon avis, les mesures correctives mises de l’avant dans notre exposé de position se justifient au regard de la LPRPDE. Toutefois, je crois qu’il est également important que vous examiniez cette question vous-mêmes, en tant que représentants élus. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un dossier controversé et que bon nombre de personnes, d’intervenants, sont d’avis que les mesures envisagées porteraient atteinte à la liberté d’expression. Nous le savons. En même temps, je crois qu’il est important que nous agissions, que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada agisse tel qu’établi dans la loi actuelle. Il est tout à fait légitime de considérer où doit se situer le juste équilibre entre, d’une part, la protection de la réputation et de la vie privée, et de l’autre, le respect de la liberté d’expression.
En rédigeant notre projet de position sur la réputation en ligne, en particulier en examinant le rôle du déréférencement, nous ne cherchions pas à établir de nouveaux droits ou de nouvelles capacités. Nous souhaitions plutôt appliquer la LPRPDE sous sa forme actuelle. Cependant, comme je viens de le dire, cela soulève des questions de respect de la liberté d'expression et je pense qu'il est particulièrement important pour les élus, qui représentent la population canadienne, de se pencher sur cette question.
En plus de regarder la question de l'équilibre entre la vie privée et la liberté d'expression, vous voudrez peut-être en profiter pour examiner certaines questions de justice naturelle ou de procédures importantes que les intervenants du secteur privé, entre autres, les représentants des moteurs de recherche, nous ont fait valoir à savoir, en particulier, si une demande est faite par un citoyen à un moteur de recherche pour déréférencer ou effacer certains renseignements, quel droit procédural le moteur de recherche ou l'organisation privée a-t-elle pour faire valoir son point de vue pour la liberté d'expression ou contre le déréférencement ou contre l'effacement?
Il y a une question dont on a déjà parlé à ce comité dans le cadre de votre examen de la LPRPDE. Vous voudrez peut-être examiner aussi les effets de ces droits de différence possible entre les conditions d'exercice de ces droits au Canada et en Europe pour la question de l'examen du caractère adéquat des lois canadiennes par rapport aux lois européennes.
Le dernier point que je veux faire valoir est le suivant. Je reconnais que le déréférencement ne constitue pas nécessairement une solution parfaite pour protéger la réputation des Canadiennes et Canadiens, mais je crois qu’il vaut la peine de se poser la question, parce qu’il est important de protéger leur réputation. De plus, j’estime qu’il importe que j’agisse selon les règles de droit que je dois administrer et faire appliquer. Cependant, il y a lieu de se demander si l’état actuel du droit constitue le meilleur moyen de protéger la réputation de la population canadienne.
Pendant que vous étudiez ce dossier, je vous demanderais de considérer quelles sont les solutions de rechange. La première question à se poser serait : est-ce que cela vaut la peine de protéger les réputations? Si vous répondez par l’affirmative, le déréférencement et l’effacement sont les outils dont je dispose en vertu du libellé actuel de la LPRPDE. Si ces outils sont inadaptés, quelles sont les solutions de remplacement? Elles ne sont pas nombreuses. Toutefois, vous devriez peut-être considérer quelles doivent être les options de rechange et entendre ce que des témoins ont à dire à ce sujet.
Merci.
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