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Lettre de suivi au Comité permanent de la sécurité publique et nationale concernant le projet de loi C-23, Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien, a envoyé la lettre suivante aux membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi C-23, Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis. Le commissaire a transmis la première lettre dans le cadre de l’examen du projet de loi C-23 le 24 mai 2017.

Le 8 juin 2017

Monsieur Robert Oliphant, député
Président, Comité permanent de la sécurité publique et nationale
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6

Monsieur le Président,

Le 24 mai dernier, je vous ai fait parvenir une lettre concernant le projet de loi C-23, Loi sur le précontrôle (2016). J’y affirmais que le principe d’immunité de l’État rendrait largement inopérantes les mesures de protection prévues à l’article 11 du projet de loi. Je concluais qu’il s’agissait d’une question difficile sans solution évidente. La présente lettre vise à étayer mon point de vue et à proposer une solution partielle.

Le problème fondamental lié aux fouilles sans motif d’appareils électroniques réside dans le fait que l’on ne reconnaît pas leur caractère extrêmement envahissant sur le plan de la vie privée. Pourtant, le projet de loi C-23 reconnaît le caractère sensible d’autres types de fouilles, notamment la fouille de personnes — depuis la fouille par palpation ou sommaire, relativement peu envahissante, jusqu’à la fouille à nu ou à l’examen des cavités corporelles, beaucoup plus envahissants. En vertu de la loi, ces fouilles doivent être faites uniquement si un agent a des motifs raisonnables de soupçonner une infraction à la loi, en particulier la dissimulation de biens. D’après moi, la fouille d’appareils électroniques est manifestement beaucoup plus envahissante en général que la fouille par palpation, car les appareils électroniques peuvent contenir nos renseignements les plus personnels et les plus intimes.

L’idée selon laquelle les appareils électroniques devraient être considérés comme de simples biens et, par conséquent, pouvoir faire l’objet de fouilles sans motif juridique à la frontière est certainement dépassée et elle ne reflète pas les réalités de la technologie moderne. Les contrôles à la frontière sont importants et légitimes pour assurer la souveraineté et la sécurité publique, mais ils ne devraient pas être exercés de façon arbitraire. Je recommande de modifier le projet de loi C-23 pour mettre la fouille d’appareils électroniques sur un pied d’égalité avec la fouille de personnes. De cette façon, un motif raisonnable de soupçonner un acte répréhensible serait obligatoire pour faire ce type de fouille. Une modification consécutive de la Loi sur les douanes y enchâsserait la politique canadienne en vertu de laquelle ces fouilles peuvent être effectuées uniquement s’il y a des motifs de le faire ou des indications que la fouille d’un appareil ou d’un média numérique pourrait permettre de trouver des preuves d’infraction.

L’application de cette règle resterait limitée par le principe d’immunité de l’État, c’est-à-dire qu’elle ne pourrait pas être invoquée devant les tribunaux. Mais, d’après ce que je comprends, le gouvernement estime que les mesures de protection prévues à l’article 11 ne seraient pas inopérantes car en cas d’infraction à la loi canadienne — dans le cas présent, l’obligation éventuelle d’avoir des motifs raisonnables de soupçonner un acte répréhensible avant de procéder à la fouille d’un appareil électronique — l’infraction pourrait être portée à l’attention du Groupe consultatif sur le précontrôle à des fins de discussion entre les États. Ce groupe de travail bilatéral a été créé en vertu de l’article XII de l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien conclu en 2015.

La solution que je propose est très partielle, mais elle reconnaîtrait à tout le moins le principe selon lequel les fouilles effectuées à la frontière en sol canadien devraient respecter les lois et les valeurs du Canada. J’espère que les points soulevés ici seront utiles aux membres du Comité au moment où ils terminent leur examen et étude article par article du projet de loi C-23. Si vous avez d’autres questions sur le sujet ou que vous avez besoin de toute autre information de la part du Commissariat, n’hésitez pas à communiquer directement avec Pierre-Luc Simard, agent des affaires parlementaires, au 819-994-6015, et nous serons heureux de contribuer de notre mieux au travail du Comité.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Le commissaire,

(La version originale a été signée par)

Daniel Therrien

c. c. Jean-Marie David, greffier

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